Tahar Ben Jelloun " La fiction est dangereuse "

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Nuit blanche

Tahar Ben Jelloun
« La fiction est dangereuse »
Claire Côté

Number 57, September–October–November 1994

URI: https://id.erudit.org/iderudit/19635ac

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Publisher(s)
Nuit blanche, le magazine du livre

ISSN
0823-2490 (print)
1923-3191 (digital)

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Côté, C. (1994). Tahar Ben Jelloun : « La fiction est dangereuse ». Nuit blanche,
(57), 20–23.

Tous droits réservés © Nuit blanche, le magazine du livre, 1994                     This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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Tahar Ben Jelloun " La fiction est dangereuse "
Tahar Ben Jelloun
               « La fiction est dangereuse »
Tahar Ben Jelloun, romancier, poète, dramaturge, auteur d'essais et de nou-
velles, est aussi l'homme d'un pays, le Maroc, de ses origines. À travers l'écri-
ture, il fait connaître un lieu de civilisation, des populations riches de traditions
et d'expériences, des gens simples, niés parfois par ceux qui les utilisent, tra-
vailleurs maghrébins exploités, morts de la guerre du Golfe. Son œuvre, déjà
importante, est traduite en vingt-six langues. La nuit sacrée qui marquait en 1987,
avec le Prix Goncourt, sa consécration a été, comme son roman précédent,
L'enfant de sable, porté à l'écran.

  Ë U f È oha le fou Moha le sage se           avec des livres, surtout dans un pays où       L'écriture
 Ë W È refermait sur celle citation* de        l'écrasante majorité des gens ne sait ni
 Ê W Ê Nietzsche :                             lire ni écrire. » Il rétorquera d'une cer-     contre la répression
« Je ne suis qu'un faiseur de mots             taine manière, plus tard, dans À l'insu du     L'écrivain lève les voiles. Il rompt le
quelle importance ont donc les mots ?          souvenir, car il connaît bien leur pou-        pacte du silence. À propos de « Entretien
Et moi, quelle importance ai-je donc ?' »      voir : « Si un livre ne pèse pas lourd face    avec ma mère », la deuxième partie de
          Définissant son métier, Tahar        à la décrépitude imposée par l'humilia-        Harrouda, Tahar Ben Jelloun écrit à la
Ben Jelloun dira en toute humilité             tion institutionnelle, si un livre n'est       fin du volume : « Il fallait dire la parole à
« qu'un écrivain, c'est quelqu'un qui          qu'un pavé de papier dans un bidonville,       une société qui ne veut pas l'entendre, nie
lutte, qui n'a pas de certitude, qui n'a pas   l'écrivain s'entête à dire. Il s'entête mais   son existence quand il s'agit d'une
de message très sûr à donner. Moi, je suis     ne doit pas oublier les limites de l'écrit.    femme qui ose la prendre.
méfiant. J'hésite. Je ne sais pas, je me       Le danger aussi. Car même les mots sont                  « Cette prise de la parole est
pose des questions ». Parlant des livres, il   dangereux. Surtout dans un bidonville.2 »      peut-être illusoire puisqu'elle s'énonce
avouera très simplement : « C'est peu de                 Près de quinze ans après la paru-    dans le langage de l'Autre. Mais le plus
chose et, en même temps, on y croit. »         tion de ce livre, Tahar Ben Jelloun con-       important dans ce texte n'est pas ce que
          Né au Maroc où l'écrivain pu-        firme : « La fiction est dangereuse. Si        la mère dit, mais qu'elle ait parlé. La
blic, profession qui lui a fourni le titre     Salman Rushdie avait fait un texte socio-      parole est déjà une prise de position dans
d'un de ses récits, exerce encore son          logique sur l'Islam pour dire ce qu'il a       une société qui la refuse à la femme.
métier, Tahar Ben Jelloun poursuit au fil      dit, autrement, personne n'aurait fait                   « La prise de parole, l'initiative
de son œuvre sa réflexion sur l'écriture.      attention. Mais le fait de pénétrer la reli-   du discours (même si elle est provoquée)
M. Milliard, dans Moha le fou Moha le          gion par l'imaginaire et la fiction, c'est     est un manifeste politique, une réelle
sage questionne l'écrivain : « Que peux-tu     insupportable. »                               contestation de l'immuable.3 »                •

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Tahar Ben Jelloun " La fiction est dangereuse "
« En fait, la politique ne                       Dans cet essai, il nous entretient    [...] Il y a eu, notamment dans le mouve-
m'intéressait pas beaucoup4 », lit-on dans      également de son « envie d'écrire un             ment féministe marocain, une chance for-
La soudure fraternelle. Pourtant, dès ses       roman qui s'appellerait L'Homme qui              midable : soit de pouvoir publier directe-
tout premiers écrits, comme il le raconte       pleure. Un roman qui raconterait notre           ment au Maroc. [...] Maintenant, il y a pas
dans L'écrivain public et en entrevue,          amour pour les femmes, avec nos insuffi-         mal de filles qui ont écrit. Ce qu'on
Tahar Ben Jelloun témoigne pour les             sances, nos doutes ou nos maladresses           espère, c'est qu'elles aillent au-delà du
siens : « Des morceaux de poèmes se sont        dans nos relations avec elles. [...] Au         témoignage. »
imprimés dans ma tête, sur mon front en         Maroc, où les hommes, en général,                           En dépit de ce travail d'éveil des
ce jour de mars 1965 où des gamins, des         réfléchissent peu sur leur façon d'être         consciences, la situation ne semble guère
hommes et des femmes sans travail, sont         avec les femmes, cela prend un sens très        changer, peut-être au nom de l'histoire
descendus dans les rues de Casablanca.          lourd. Les femmes écrivent, débattent, se       qui est très lourde. « Les traditions sont
Un soulèvement spontané, arrêté par la          défendent, luttent. Les hommes les regar-       très présentes et il n'y a pas assez de tra-
mitraille. [...]                                dent passer, se contentant de commen-           vail sur soi parce que les hommes vivent
          «Peut-être que si je n'avais pas      taires sur la forme de leurs seins ou la        à la surface des choses. Il n'y a pas un
vécu les journées de terreur et d'angoisse      hauteur de leurs fesses6 ».                     effort de réflexion, d'analyse. Les gens,
où se révélait à moi le visage banal, ordi-                Cette préoccupation d'établir des    surtout les hommes, ils trouvent une
naire, brutal de l'ordre et de l'injustice,     rapports égalitaires avec les femmes            société toute faite pour eux et ils sont tout
peut-être que je n'aurais jamais écrit.5 »      revient constamment dans l'œuvre de             contents. Quand ils se sentent malmenés
          « Finalement, je suis arrivé à        Tahar Ben Jelloun. Il déplore l'absence         par une femme, ils ne comprennent pas.
écrire à cause de la situation au Maroc,        de tendresse dans le couple, dénonce les        Qu'est-ce qu'elle veut ? Elle a tout. Elle a
situation politique. À l'époque de              rapports de force, la violence à l'égard        une maison, une voiture. Elle a des
Souffles [revue où il a publié ses pre-         des femmes. Sa sympathie va naturelle-          bijoux. Qu'est-ce qu'elle veut ? On
miers poèmes], j'étais avec un autre            ment à la mère, comme le note son père          entend même parfois des femmes tenir ce
poète, Nissaboury, et on mettait toute          dans Jour de silence à Tanger « écrit de        langage. Il y a un manque de réflexion et
notre résistance à ne pas mélanger les          son vivant d'ailleurs » parce que « j'ai eu     je pense que la littérature, c'est un peu
deux (poésie et politique). La vie poli-        beaucoup de remords de ne pas avoir             [...] pousser les gens à réfléchir. »
tique forcément m'intéressait, mais je ne       communiqué avec mon père. Je lui avais                      Tahar Ben Jelloun parle, dans
voulais pas m'y intéresser en tant que          parlé de ce livre parce que c'était une         L'écrivain public, de son arrivée à Paris
militant direct. Comme je n'étais pas           façon pour moi un peu de lui parler ».          « l'après-midi du 11 septembre 19718 ».
militant — je l'étais d'une certaine                       « Ils se sont mis d'emblée du        Là, il tente d'aider les travailleurs
manière : j'étais très sensible à ce qui se     côté de leur mère. Ils la défendent avant       maghrébins : « Je retrouvais ces visages
passait — je voulais exprimer ma solida-        même qu'elle soit attaquée. J'ai pris           tous les dimanches, dans une salle de la
rité avec les gens qui étaient victimes de      l'habitude de voir régner ce favoritisme.       bourse du travail à Gennevilliers. Nous
la répression. Alors, j'ai écrit des poèmes.    Cela me fait mal ; il m'arrive même de          étions quelques-uns à leur apprendre à
J'ai continué et, vraiment petit à petit, je    pleurer. Se rendent-ils compte à quel           lire et à écrire. 9 » Il a souvent pris la
suis entré dans l'univers de la littérature.    point ils sont injustes et partiaux ?           parole publiquement pour rendre compte
Peut-être qu'en écrivant je suis en train de    L'ingénieur travaille bien ; il s'inquiète      de leur condition, de leur misère. La
réaliser le rêve de faire de la politique       plus de la santé de ses enfants que de          réclusion solitaire, roman paru en 1976,
sans en faire. »                                celle de son père. C'est normal. L'autre        illustrera leur détresse affective. De plus,
                                                me fait plus de peine ; il est complète-        il a signé deux essais sur le sujet :
Le livre, l'amitié,                             ment acquis à ce que lui raconte sa mère.       Hospitalité française et La plus haute
                                                Il est injuste avec moi. J'aurais aimé qu'il    des solitudes, textes bouleversants dont la
la solidarité...                                me parle, qu'il discute avec moi, qu'il me      matière lui a été fournie par la préparation
 Sa solidarité avec les gens, Tahar Ben         décrive ses voyages et ses succès. J'en         d'un doctorat en psychiatrie sociale pour
Jelloun la réaffirmera sans cesse. Il           suis réduit à apprendre plus de choses sur      laquelle il s'est mis à l'écoute de la souf-
 s'agira tantôt des amis, notamment ceux à      lui par les journaux et les voisins que par     france de Nord-Africains, immigrés pour
qui il rend hommage dans La soudure             lui-même. J'aurais voulu être son ami,          la plupart.
fraternelle. Ce livre est né d'une              son confident et son conseiller. Il ne me                   Courageusement, il intervient,
 « blessure, un ami qui m'a trahi et dont je    consulte pas. Nous n'arrivons pas à dis-        tant dans ses livres que dans les médias,
 parle dans le livre. Je trouvais que pour      cuter. Je lui pose des questions. Il me         en faveur des peuples opprimés.
 m'en débarrasser, il fallait écrire un jour.   répond par des oui ou des non. Il m'en          Toutefois, d'abord et avant tout poète,
Je ne savais pas comment ça allait arriver      veut. Je le sais.7 »                            c'est à la poésie qu'il recourra quand la
et puis un ami éditeur italien m'a dit :                   La solidité des liens qui s'éta-     douleur se fera trop vive, lorsque la vio-
 « Tu devrais faire un petit livre sur l'ami-   blissent entre les fils et leur mère revient    lence et l'injustice            deviendront
tié. » J'ai relevé le défi. Je me suis mis à    chez nombre d'auteurs maghrébins.               intolérables. « Nous avons tous vécu la
écrire et, plus j'écrivais, plus je me          « Nous avons tous écrit pour notre mère.        guerre du Golfe d'une manière terrible,
rendais compte que je m'engageais dans          [...] Forcément, un enfant qui voit sa mère     quelles que soient les positions politiques.
un processus très dur parce que j'étais en      mal aimée, il se met du côté de sa mère. »      Moi, j'ai beaucoup souffert pendant six
train de raconter ma vie et puis de faire                  Au-delà de l'expression de cet       mois, d'août jusqu'à février-mars. [...] Je
un peu le tri dedans. J'ai refait en quelque    attachement filial, l'écrivain appelle une      me suis exprimé à la télé, à la radio, dans
 sorte mon carnet d'adresses des amis et        transformation en profondeur des rela-          des articles ; mais c'était pas suffisant. Il
ça a été, en même temps, une volonté            tions entre les hommes et les femmes, qui       n'y avait que la poésie pour me délivrer
d'aller au-delà de mon expérience person-       ne sont, « pour le moment, que des rap-         de ça. Alors j'ai écrit un long poème à
nelle, tout en étant extrêmement bio-           ports de force ». Le regard qu'il porte sur     partir des images de la guerre où l'on
graphique. J'ai voulu presque suggérer          l'homme méditerranéen déborde large-            voyait la débâcle irakienne et où l'on
aux autres de faire la même chose. Je           ment le cadre de cette société.                 voyait des corps calcinés qui étaient
trouve que les gens ne réfléchissent pas                   Présentes dans le monde de           accrochés à des chars. Je me suis dit : ce
assez sur l'amitié. Ils parlent beaucoup        l'édition, les femmes marocaines                corps calciné, cette espèce de morceau de
d'amour, à tort et à travers, mais ils négli-   écrivent, publient. « Maintenant, il y a        cendres, ça a été un homme, ça a été une
gent un peu ce sentiment qui est même           des éditeurs marocains qui font vraiment        personne humaine. [...] Il avait une mai-
beaucoup plus beau, plus intéressant ».         du livre au Maroc, en arabe et en français.     son. Il avait un espoir. Il avait des rêves.

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Et j'ai imaginé, à partir de là, la vie de       dans les pays qui ne l'intéressent pas,          de stratégie. Je n'ai pas de plan de car-
tous ces hommes, de ces anonymes. J'ai           comme l'Afrique, le monde arabe. Et, en          rière. Je suis un homme très intuitif et très
fait un très long poème qui s'appelle La         même temps, la France a une prétention           simple. Je suis mes intuitions et j'ai des
remontée des cendres. Je pouvais pas             d'avoir une politique de francophonie,           idées un peu fixes.
dire ça autrement qu'en poésie. »                sans les moyens. Or, il n'y a pas de mys-                   « C'est vrai que dans Moha, je
                                                 tère. Pour, comme on dit aujourd'hui,            parlais de la corruption d'une certaine
« Un 'classique'                                 intéresser les gens, il faut financer des        façon. C'est vrai que c'est un thème qui
                                                 études, il faut les nourrir ces études, ils      revient un peu dans tout ce que je fais. Et
de la francophonie »                             faut les développer. Alors, les Français         c'est arrivé à un moment comme ça.
C'est en ces termes qu'on nous le                ont une attitude un peu radine [...] et ils se   Comme je dis au début du livre, le déclic
présente dans le volume Littérature,             font bouffer par les anglophones, ils se         a été donné par la lecture de ce livre en
textes et documents consacré au XXe siè-         font bouffer par les hispanophones, forcé-       Indonésie. C'était très curieux. J'ai lu ce
cle et publié chez Nathan dans la collec-        ment. »                                          livre, j'étais à Djakarta et je me suis dit :
tion « Henri Mitterand » :                                                                        mais enfin, ça se passerait jamais comme
          « Enfin Tahar Ben Jelloun est en       Profil d'une œuvre                               ça au Maroc [...] parce que, dans le livre
train de devenir un 'classique' de la fran-      Imposante et fort diversifiée, l'œuvre de        de l'Indonésien, la femme va sentir un
cophonie internationale, touchant aux            Tahar Ben Jelloun compte déjà une ving-          jour que son mari a touché à l'argent et
angoisses humaines les plus stables à tra-       taine de titres incluant autant des poèmes       elle va lui dire : tu as trahi, tu n'es plus
vers une mythologie subtile."1 »                 que des essais, des nouvelles et des             mon mari. Je ne veux plus de toi, sauf si
          Profondément enracinée dans la         romans. Fidèle à lui-même et à ses con-          tu rends l'argent et si tu fais de la prison
culture maghrébine, l'écriture de Tahar          victions, il a patiemment édifié un univers      pour payer. [...] Au Maroc, c'est pas pos-
Ben Jelloun en porte les traces. On y            que chaque parution renouvelle ou appro-         sible, ça va pas, c'est le contraire qui se
observe, par exemple, peut-être en raison        fondit en l'éclairant différemment. On y         passe. Et ça a démarré comme ça. Et, en
de l'importance de ce personnage dans            note la présence de grandes lignes de            même temps, toutes les femmes ne sont
ses récits, l'influence du conteur, de           force en ce qui concerne l'écriture, mais        pas comme l'épouse de Mourad,
même que celle de la langue arabe,               aussi la récurrence de certains thèmes.          heureusement ! C'est pour ça que j ' a i
langue particulièrement imagée. Ayant            Ainsi en va-t-il de la corruption que M.         tenu à rendre hommage à d'autres
choisi d'écrire en français, Tahar Ben           Milliard dans Moha le fou Moha le sage           femmes dans ce livre qui sont
Jelloun fait partie de ces écrivains qui         qualifiait de « système de récupération" »       courageuses, qui sont honnêtes, qui sont
insufflent une vitalité nouvelle à la langue     et dont il traite dans son dernier roman,        des femmes de qualité. » •
française et dont la contribution littéraire     L'Homme rompu, qui nous parvient
constitue un apport majeur à son rayon-          immédiatement après la parution de                                       Entrevue réalisée p a r
nement actuel.                                   L'Ange aveugle, une suite de quatorze                                              Claire Côté
          « Ils le savent un peu en France       nouvelles sur la mafia.
maintenant. [...] La France ne va pas très                  « Le lien, il est pas rationnel.
                                                                                                      *Les citations suivies d'un chiffre identifient les
bien. Au contraire même. Elle perd un            [...] Je crois que je suis, comment dire, je     œuvres ; les autres propos, entre guillemets, sont
peu d'influence. La langue française perd        suis capricorne [...]. Je vais, je suis mon      extraits de l'entrevue.
un peu d'espace en Amérique, en Europe,          chemin et c'est parfois inconscient même         1. Moha le fou Moha le sage, p. 186.
un peu partout. Elle gagne de l'espace           chez moi. [...] Je suis sincère. Je n'ai pas     2. À l'insu du souvenir, p. 134.
                                                                                                  3. Harrouda, p. 175.
                                                                                                  4. La soudure fraternelle, p. 29.
                                                                                                  5. L'écrivain public, p. 108.
                                                                                                  6. La soudure fraternelle, p. 83.
                                                                                                  7. Jour de silence à Tanger, p. 116, 117.
                                                                                                  8. L'écrivain public, p. 124.
                                                 fait la connaissance de Nadia, une mys-          9. L'écrivain public, p. 125.
                                                                                                  10. Littérature, textes et documents, p. 870.
Tahar Ben Jelloun                                térieuse jeune femme avec laquelle il a          11. Moha le fou Moha le sage, p. 128.
L'HOMME ROMPU                                    une aventure.
                                                           Quant à la seconde œuvre, elle
Seuil, 1994, 223 p. ; 24,95 $                    est faite des passages où l'auteur verse
                                                 dans l'onirisme. Il évoque, par exemple,
C'est un roman singulier que nous pro-           une histoire d'amour entre une dactylo et
pose Tahar Ben Jelloun. Il pourrait en fait      un dictionnaire. Tahar Ben Jelloun prend
s'agir de deux œuvres distinctes qu'on           d'ailleurs la peine de nous préparer à ce        Tahar Ben Jelloun a publié : Harrouda, « Les
                                                 changement de registre par la bouche de          Lettres Nouvelles », Denoël, 1973 ; La réclusion
aurait fusionnées. L'homme rompu est                                                              solitaire, « Les Lettres Nouvelles », Denoël, 1973 ;
d'abord l'histoire très terre à terre de         son protagoniste : « Je me dis souvent           Les amandiers sont morts de leurs
Mourad, un fonctionnaire honnête, cons-          que, lorsque des choses étranges arrivent,       blessures/Cicatrices du soleil/Le discours du
ciencieux et pauvre qui évolue dans un           il faut les recevoir telles quelles, sans        chameau. Prix de l'Amitié Franco-Arabe 1976,
monde où la corruption est la règle.             chercher à tout expliquer. [...] Quant à         « Voix », Maspéro, 1976 ; La mémoire future,
                                                 ceux qui réclament la clarté absolue, ils        Anthologie de la nouvelle poésie du Maroc,
« Grain de sable », comme on l'appelle,                                                           « Voix », Maspéro, 1976 ; La plus haute des soli-
dérange. Cédant à la pression de son             se trompent ou se font des illusions. »          tudes, « Combats », Seuil, 1977 ; Moha le fou
entourage, Mourad acceptera, à deux                        Malgré tout, je préfère, et de         Moha le sage. Prix Bibliothécaires de France et de
reprises, des « commissions » en échange         loin, la partie plus réaliste du roman. Un       Radio-Monte-Carlo 1979, Seuil, 1978 ; À l'insu du
de son autorisation à des projets de cons-       passage remarquable est sans doute la            souvenir, « Voix », Maspéro, 1980 ; La prière de
                                                                                                  l'absent, Seuil, 1981 ; L'écrivain public, Seuil,
truction. Il croit qu'il sera accueilli à bras   scène d'amour entre Mourad et Nadia,              1983 ; Hospitalité française, « L'Histoire immé-
ouverts dans le clan des corrompus. Mais         que l'auteur réussit à rendre avec beau-         diate », Seuil, 1984 ; IM fiancée de Veau/Entretiens
il ne tarde pas à déchanter quand il se          coup de sensualité et de sensibilité. La         avec M. Said Hammadi, ouvrier algérien. Actes
rend compte qu'on l'a piégé. Il regrette         chute aussi est réussie, savoureuse autant       Sud, 1984 ; L'enfant de sable, Seuil, 1985 ; __a nuit
                                                                                                  sacrée. Prix Goncourt 1987, Seuil, 1987 ; L'homme
déjà son geste d'ailleurs. On enquête sur        qu'inattendue. •                                 rompu. Seuil, 1994.
son compte et on menace de le congédier                                                               Plusieurs titres ont été repris dans des écollec-
pour une peccadille. En parallèle, la vie                                                         tions de poche : « Points », au Seuil et « Folio »,
privée de Mourad est bouleversée. Il a                                    Gaétan Bélanger         chez Gallimard.

                                                                                                                               NUIT BLANCHE 23
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