Marina Tsvétaeva L'épreuve du feu - Patrick Bergeron - Érudit

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Marina Tsvétaeva L'épreuve du feu - Patrick Bergeron - Érudit
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Nuit blanche

Marina Tsvétaeva
L’épreuve du feu
Patrick Bergeron

Number 101, Winter 2005–2006

URI: https://id.erudit.org/iderudit/19130ac

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Publisher(s)
Nuit blanche, le magazine du livre

ISSN
0823-2490 (print)
1923-3191 (digital)

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Bergeron, P. (2005). Marina Tsvétaeva : l’épreuve du feu. Nuit blanche, (101), 12–15.

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Marina Tsvétaeva L'épreuve du feu - Patrick Bergeron - Érudit
arina Tsvétaeva
                                                                   Sa sensibilité exacerbée et les
                                                                   finesses de son écriture lui ont
                                                                   souvent valu de passer pour une
                                                                   poétesse inapprochable. Son destin
                                                                   compte parmi les plus tristes de
                                                                   l'histoire universelle de la littérature.
                                                                   Marina Tsvétaeva (1892-1941 ),
                                                                   figure majeure de la poésie russe
                                                                   du XXe siècle, s'est donnée tout
                                                                   entière à ses deux grandes raisons
                                                                   d'être, la littérature et la maternité,
                                                                   au gré des circonstances tragiques
                                                                   qui ont assombri sa vie : famine,
                                                                   misère, isolement, mort d'une fille,
                                                                   déportation de ses proches, méses-
                                                                   time de ses pairs. Lentement écrasée
                                                                   par la machine communiste, elle a
                                                                   mis fin à ses jours dans une petite
                                                                   ville retirée du Tatarstan, des
                                                Marina Tsvétaeva   années avant de trouver son lectorat.

                   L'épreuve du feu
                   Une jeunesse                                    sœurs et les doux étés passés dans la
                   à Moscou e t ailleurs                           datcha campagnarde. Une ombre plane
                                                                   pourtant sur les Tsvetaev : Maria Meyn
       Par         Marina Tsvétaeva est née à Moscou le
                                                                   souffre de tuberculose. À partir de 1902,
Patrick Bergeron   26 septembre 1892. Son père, Ivan
                                                                   dans l'espoir de la soigner, la famille
                   Tsvetaev, est historien d'art et professeur
                                                                   multiplie les déplacements : Nervi,
                   d'université à Moscou. Il consacre une
                                                                   près de Gênes, Lausanne, Chamonix,
                   grande partie de sa vie à doter la ville
                                                                   Langackern en Forêt-noire, Fribourg,
                   d'un musée des beaux-arts (qui devien-
                                                                   Yalta, Taroussa... La maladie finit par
                   dra le musée Pouchkine en 1937). Sa
                                                                   emporter Maria Meyn en juillet 1906,
                   mère, Maria Meyn, issue de la noblesse
                                                                   peu avant les quatorze ans de Marina.
                   polonaise, joue magnifiquement du
                   piano (elle a été l'élève de Nicolas
                   Rubinstein). Outre Andreï et Valeria,
                   nés du premier mariage d'Ivan Tsvetaev,         Ecrire, a i m e r
                   Marina a une sœur, Anastassia, de deux          L'écriture passionne Marina depuis
                   ans sa cadette. Elle mourra presque             longtemps : à six ans, elle faisait déjà ses
                   centenaire en 1993, laissant des                premières rimes. Fervente lectrice de
                   Souvenirs (publiés en 1974), qui                Pouchkine, Goethe, Heine et Hôlderlin,
                   renseignent sur l'enfance des deux              elle fait paraître ses premiers poèmes

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dans des revues dès 1908. La même              bloquée à Moscou. Les conditions de vie
année, elle rencontre Valeri Brioussov,        matérielle se détériorent rapidement :
le chef de file du symbolisme russe. Sa        dans la tourmente de la guerre civile,
vie durant, malgré sa farouche indépen-        Marina a perdu la fortune familiale
dance, Marina aime établir le contact          (environ 100 000 roubles). Elle continue
avec ses confrères et consœurs russes :        d'écrire, autant que le lui permettent
Maximilien Volochine, Boris Pasternak,         son rôle de mère, ses harassantes tâches
Ossip Mandelstam, Nina Berberova,              domestiques et son emploi de quelques
Vladimir Maïakovski, parmi d'autres.           mois au Narkomnats (« commissariat
Éprise de la figure de Napoléon II,            du peuple aux Nationalités »). Elle
l'adolescente traduit L'aiglon d'Edmond        compose le poème épique « Sur mon
Rostand et décide en 1909 de se rendre         cheval rouge » en 1921 ; elle publie en
seule à Paris afin de voir Sarah                1922 Averse de lumière, article consacré      Je suis exclue de naissance du
Bernhardt tenir ce rôle. Pour l'occasion,      au recueil de Pasternak, Ma sœur la vie ;      cercle des humains, de la
elle trouve à se loger rue... Bonaparte !      elle fait paraître quelques recueils :         société. II n'y a pas derrière m o i
En 1910 paraît Album du soir, son              Séparation, Psyché et Le métier en 1923,       de mur vivant, - il y a un roc :
premier volume de poèmes, remarqué             et elle entreprend l'écriture du Poème de      le Destin. )e vis, observant ma
par la critique. Suivront notamment La         la fin, de Tentative de chambre, du            vie - toute la vie - la Vie ! - Je
lanterne magique en 1912 et Verstes en         Poème de la montagne (qu'elle achèvera         suis sans âge et sans visage.
 1922. Dans l'intervalle, plusieurs textes     en 1939). Elle touche aussi au théâtre,        Peut-être suis-je la Vie même.
sont en préparation : Insomnie (1916),         avec des pièces d'inspiration antique :        Je ne crains pas la vieillesse,
Indices terrestres (1918-1919), Le tsar-       Ariane (1924), Phèdre (1927). L'épreuve        je ne crains pas le ridicule,
demoiselle (1920). En 1912, Marina             la plus dure de cette époque survient le       je ne crains pas la misère -
épouse Serguei Efron, un étudiant              20 février 1920. Sa fille Irina, qui n'a pas   l'hostilité - la médisance.
rencontré l'année précédente en                encore trois ans, meurt de malnutrition        Sous m o n enveloppe de gaîté
Crimée. Tuberculeux, il vient de perdre        dans un hospice de Kountsevo, près de          et de feu, je suis pierre,
sa mère et son frère. Marina dira plus         Moscou. Redoublant dès lors de préve-          c'est-à-dire invulnérable.
tard qu'elle a pris mari « pour faire          nance envers Alia, qu'elle traite depuis       - Mais il y a Alia. Serioja.
écran à la mort ». Un fort sentiment de        toujours comme sa préférée, Marina             - Que je me réveille demain
solidarité l'unit à Serguei ; elle lui reste   mène une vie de misère à Moscou                avec des rides et des cheveux
attachée toute sa vie, même si elle            jusqu'au printemps de 1922. Isolée,            t o u t blancs - q u ' i m p o r t e
multiplie les aventures sentimentales :        affamée, elle « défend son âme » contre        - je créerai ma Vieillesse - on
amours passagères, déclarations de             le régime totalitaire en train de se mettre    m'aura de toute façon si peu
flamme (parfois à des femmes) et               en place, jusqu'à ce que l'exil s'impose.      aimée ! Je vivrai - les Vies - des
« idylles cérébrales », selon l'expression                                                    autres.
de Tzvetan Todorov. L'année 1912 est
                                                                                              Vivre dans le feu, p. 112.
aussi celle où naît sa première fille,         Partir
Ariadna, surnommée Alia, avec qui
                                               Après trente années passées en Russie,
Marina nourrit une relation d'une
                                               dont au moins le tiers dans des condi-         [...] je pense à la m o r t .
extrême intensité jusqu'aux années
                                               tions désespérées, dix-sept ans d'exil         La blessure : un t o u t petit t r o u
1932-1934. Son autre fille, Irina, naît
                                               s'annoncent. Marina et Alia gagnent            par lequel s'en va - la Vie.
cinq ans plus tard. Un garçon, Gueorgui,
                                               Berlin en mai 1922, retrouvant Serguei         La m o r t sera pour m o i la
surnommé Mour (en hommage au
                                               après une longue séparation. La jeune          libération d'un trop-plein, il y a
« chat Murr » de Hoffmann), verra le
                                               famille passe quelques mois dans la            peu de chances que je réussisse
jour en 1925.
                                               capitale allemande, avant de s'installer       à mourir t o u t à fait. M o i qui,
                                               en Tchécoslovaquie. Inscrit à l'univer-        plus que personne, mérite de
                                               sité, Serguei reçoit une bourse d'études.      mourir par le sang (ein
1917                                           À cette époque, l'ancien Blanc se              Blutstrahl !), je pense, avec

Les révolutions russes de février et           détache de ses premières convictions et        tristesse, qu'inévitablement

d'octobre 1917 séparent les époux              milite dans les rangs des Eurasiens, qui       je mourrai dans un nœud

Efron. Serguei s'engage dans l'Armée           clament que la Russie n'est pas assi-          coulant.

blanche, pendant que Marina reste              milable à l'Europe. Pendant ce temps,          Vivre dans le feu, p. 456.

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Marina Tsvétaeva L'épreuve du feu - Patrick Bergeron - Érudit
Marina écrit et publie : Heure de l'âme          mier comme un alter ego, et le second,
                                       (1924), Lettre de Nouvel An (à la                comme « la poésie personnifiée ». L'im-
                                       mémoire de Rilke) et Le poème de l'air           pression partagée de parler une langue
                                       (1927). Avec son traité Le poète et la           d'initiés, « d'habitants des cieux »,
                                       critique, en 1926, elle répond à des arti-       entraîne Marina vers d'impétueux élans
                                       cles qui lui semblaient malintentionnés.         du cœur, si bien que l'épistolière se
                                       En 1928, Après la Russie sera son                montre de plus en plus insistante, voire
                                       dernier livre à paraître de son vivant.          accaparante : elle veut être l'« unique
                                       Après les étapes allemande et tchèque, la        Russie » du poète pragois et souhaite le
                                       vie d'émigrée se poursuit en France, où          rencontrer séance tenante. Pasternak se
                                       Marina passera quatorze ans, de 1925 à           voit petit à petit relégué au second plan.
                                       1939 : Bellevue, Meudon, Clamart,                Rilke, d'abord sous le charme de Marina,
                                       Vanves...                                        finit par s'en éloigner, puis par s'en
                                                                                        méfier, prétendant s'élever contre toute
                                                                                        forme d'exclusive. La douleur physique
                                       Le t r i a n g l e épistolaire                   explique certainement, elle aussi, son
                                       avec Pasternak e t Rilke                         retrait progressif. La « correspondance à
                                       L'année 1926 est marquée par la                  trois » s'interrompt en août 1926. Rilke,
                                       fameuse « correspondance à trois », qui          atteint de leucémie, s'éteint le 29 décem-
Je ne parle pas de la vie. Je ne       constitue, à n'en pas douter, l'un des           bre, au sanatorium de Valmont, près de
parle pas du cours des heures.         temps forts de la biographie littéraire de       Montreux.
Je sais que toutes les vies et         Marina Tsvétaeva. Il s'agit également
toutes les heures sont prises, et      d'un phénomène exceptionnel dans
                                                                                        Poésie e t misère
je suis la dernière à vouloir          l'histoire de la littérature : trois écrivains
empiéter sur le droit des              majeurs, dont chacun a créé un univers           Quand Anastassia Tsvétaeva rend visite
propriétaires (droits et               poétique original, s'échangent des lettres       à Marina à Meudon, en 1927, elle reste
propriétaires, deux choses que         passionnées, fondées sur l'admiration            stupéfaite par la misère dans laquelle vit
je méprise également). M o n           réciproque. Débutant en mai 1926, cette          sa sœur, au point d'en alerter Pasternak
amour ne correspond à aucun            correspondance entre Pasternak, Rilke            à son retour en URSS. Le dénuement
temps, à aucun lieu. Ce ne sera        et Tsvétaeva est de courte durée : la            matériel de Marina est en effet extrême.
jamais une entrée dans telle           maladie de Rilke y met un terme. Des             Étranglée par les dettes, elle est forcée de
chambre à telle heure. C'est           trois épistoliers, seuls Pasternak et            déménager souvent. Elle commence à
une sortie de tout, commençant         Tsvétaeva se sont déjà rencontrés (ils           sentir que son travail ne lui permettra
par ma propre peau ! Quand             s'écrivent d'ailleurs régulièrement              pas de rencontrer son lecteur. Paris et
c'est fini, c'est la grande            depuis 1922). Les prémisses du trio              Moscou ne s'intéressent pas à elle. Elle
rentrée en moi-même.                   remontent au 12 avril 1926, lorsque              continue pourtant à écrire : Poèmes à
     Neuf lettres avec une dixième     Pasternak envoie à Rilke une lettre dans         Pouchkine et Ode à la marche à pied en
    retenue et une onzième reçue,      laquelle il lui fait part de l'émotion           1931, Poèmes à mon fils et L'art à la
                              p. 19.   ressentie en apprenant que le poète a lu         lumière de la conscience en 1932. Elle se
                                       — et aimé - ses cinq poèmes figurant             tourne aussi vers la prose autobiogra-
                                       dans l'anthologie d'Ehrenbourg,                  phique et les récits d'enfance : Mon père
Le peuple interprète un songe
                                       Portraits de poètes russes (Berlin, 1922).       et son musée en 1933, Ma mère et la
primitif
                                       Boris en profite pour faire l'éloge de           musique en 1934. À partir de 1932, son
- c'est un conte.
                                       Marina et demander au poète de lui               lien privilégié avec Alia se dégrade au
Le poète interprète un songe
                                       expédier les Élégies de Duino et les             moment où celle-ci demande, à l'instar
populaire
                                       Sonnets à Orphée. Rilke y consent et             de son père, un passeport pour rentrer
- c'est un poème.
                                       adresse une lettre à Marina, accompa-            en URSS (ce qu'elle fera, en mars 1937).
                                       gnée des deux recueils. La réponse de la         Serguei, qui a commencé à se rapprocher
Le critique interprète le songe
                                       poétesse ne se fait pas attendre ; pleine        des Rouges en 1928, caresse le rêve d'un
du poète
                                       de fougue poétique, elle donne lieu à            retour au pays natal. La citoyenneté
- c'est un nouveau poème.
                                       l'échange que l'on sait. Pour lors, Marina       soviétique ne lui est pas accordée, mais
Le critique est la dernière
                                       exulte : Pasternak et Rilke représentent à       il obtient de travailler pour l'État com-
instance dans l'interprétation
                                       ses yeux les deux seuls poètes contem-           muniste depuis Paris. Il entre au service
des songes.
                                       porains dont la puissance lyrique lui            de la police secrète de Moscou. Il se voit
L'avant-dernière.
                                       semble égaler la sienne. Elle voit le pre-       confier différentes missions. Officielle-
  Le poète et la critique, p. 75-76.

                                              N ' 101 . NUIT BLANCHE . 14
ment, il s'agit d'activités publiques au         ment ; puis, la poétesse, jugeant la               22 juin et progressent vite. Craignant
sein de l'Union de rapatriement ; en             situation kafkaïenne, n'attend plus que            pour la vie de son fils, que le service de
réalité, Serguei doit surveiller et neutra-      de pouvoir retourner en Russie.                    protection civile antiaérienne a mobilisé
liser les milieux antisoviétiques. Marina                                                           pour surveiller les toits des immeubles,
ignore l'emploi réel de son mari, mais                                                              Marina décide de se réfugier à Elabouga,
                                                 « Ci-gît la Sténographe
profite de l'accalmie provoquée par la                                                              en république tatare. Complètement
                                                 de l'Etre »
stabilisation du revenu familial. En 1937,                                                          démunie, elle sombre dans un pessi-
année du centenaire de la mort de                Marina et Mour rentrent en URSS en                 misme abyssal. Le 31 août 1941, elle se
Pouchkine, alors que la poétesse prépare         juin 1939. À compter de cette date, la             suicide par pendaison. Elle aurait voulu
un essai sur le grand poète russe et             biographie de la poétesse n'est plus               comme épitaphe : « Ci-gît la Sténographe
s'affaire à traduire ses poèmes en               qu'une succession de malheurs. Marina              de l'Être ». La consécration ne viendra
français, les choses se gâtent. Serguei est      apprend que sa sœur a été déportée                 qu'avec la réédition de ses œuvres en
rapatrié d'urgence en URSS, fuyant la            deux ans plus tôt. Bientôt, sa fille subit         prose à New York en 1956 et la publi-
police française qui le soupçonne d'être         le même sort, et son mari est empri-               cation du Camp des cygnes à Munich
mêlé à l'assassinat d'Ignace Reiss, un ex-       sonné (Beria le fera fusiller en 1941).            en 1957. La même année, le troisième
agent du Komintern. Une fois Serguei             Une « tentative de vie » s'installe dès lors,      plénum de l'Union des Écrivains la
(et Alia) en URSS, des révélations com-          entre les taudis, arrière-cours, cagibis et        sacre grand poète national en URSS.
promettantes paraissent dans les jour-           logements temporaires où mère et fils              Marina Tsvétaeva est aujourd'hui l'un
naux. Marina subit perquisitions et              sont transbahutés. Les troupes alleman-            des poètes les plus lus et estimés en
interrogatoires. C'est d'abord l'affole-         des franchissent la frontière russe le             Russie. •*__».

                                                                                                    Quelques oeuvres de Marina Tsvétaeva
                                                                                                    traduites en français :
Marina Tsvétaeva                                 la poétesse aux événements qui ont                     Poésie, prose et théâtre : Romantika (Le valet de
VIVRE DANS LE FEU                                assombri et miné les dernières années de sa        cœur, La tempête de neige, La fortune, L'ange de
CONFESSIONS                                      vie. La lecture est profitable à plusieurs         pierre, Une aventure, Le phénix), Gallimard, 1998 ;
                                                 degrés. Vivre dans le feu constitue une            Après la Russie, Rivages, 1993 ; Le diable et autres
Trad, du russe par Nadine Dubourvieux
                                                                                                    récits, « Biblio », Le livre de poche, 1995 ; Le ciel
Robert Laffont, Paris, 2005,                     excellente entrée en matière pour aborder la
                                                                                                    brûle, suivi de Tentative de jalousie, « Poésies »,
476 p. ; 36,95 $                                 poésie « pensante » de Marina. Pour les            Gallimard, 1999 ; L'offense lyrique et autres poèmes,
                                                 lecteurs plus familiers, le livre offre un accès   Farrago et Léo Scheer, 2004.
Depuis la traduction de poèmes par Eisa          privilégié à sa pensée intime, de façon plus
Triolet en 1968 et la publication incessante     complète que les Indices terrestres, inspirés
de ses œuvres chez divers éditeurs français,     par la révolution bolchevique. Des premiers             Écrits intimes, essais et lettres : Indices
surtout Clémence Hiver, Marina Tsvétaeva         pas en Russie tsariste jusqu'aux derniers          terrestres, Clémence Hiver, 1987 ; Le poète et la
                                                 jours dans une URSS menacée par Hitler, ces        critique, Le temps qu'il fait, 1989 ; Neuf lettres avec
n'est plus une inconnue pour le public
                                                                                                    une dixième retenue et une onzième reçue,
francophone. Pourtant, en rassemblant les        confessions nous permettent de suivre
                                                                                                    Clémence Hiver, 1991 ; Correspondance à trois
textes qui composent cet ouvrage, Tzvetan        l'itinéraire poétique et personnel d'une           lavec Rainer Maria Rilke et Boris Pasternak], Été
Todorov s'est attaqué à une lacune consi-        auteure inclassable et impétueuse. L'image         1926, « L'imaginaire », Gallimard, 2003 ; Lettres à
dérable : l'absence d'un volume en français      du feu s'applique parfaitement à son               Anna, Des Syrtes, 2003 ; Lettres du grenier de
rassemblant les confessions de la poétesse.      parcours d'être brûlant et brûlé. Pour             Wilmo, Lettres de Marina Tsvétaeva à Natalia
Toute sa vie, Marina n'a cessé de se confier :   composer le recueil, Todorov a rassemblé le        Hajdukiewicz, Des Syrtes, 2004 ; Vivre dans le feu,
dans des lettres à des amis proches ou à des     dixième des carnets et lettres de Marina           Confessions, Robert Laffont, 2005 ; Cet été-là,
                                                 publiés en russe. L'ampleur de la tâche se         correspondance avec Nicolai Gronski, Des Syrtes,
inconnus, dans ses carnets et journaux...
                                                                                                    2005.
L'ensemble de ses écrits possède un              conçoit facilement. Si l'on tient compte de la
caractère intimiste, et elle-même a dit que      préface (qui fait plus de quarante pages) et
ses poèmes sont un journal intime. Parmi         du commentaire qui s'étend sur tout le texte,          Essais et biographies consacrés à Marina
les écrits personnels réunis ici, plusieurs      il n'est pas injustifié de voir en Todorov le      Tsvétaeva et publiés en français : Véronique Lossky,
sont révélés pour la première fois au grand      co-auteur du volume. Livre événement, Vivre        Marina Tsvétaeva, Un itinéraire poétique, Solin,
jour, la fille de Marina, Ariadna Efron,         dans le feu restera comme une boulever-            1987 ; Dominique Desanti, Le roman de Marina,
n'ayant autorisé leur publication qu'en l'an     sante « œuvre de vie » de la part d'un esprit      Belfond, 1994 ; Claude Delay, Marina Tsvétaeva,
2000. Il en résulte un livre au contenu          qui, comme l'a noté Véronique Lossky, a            Une ferveur tragique, Pion, 1997 ; Henri Troyat,
                                                 « refusé la vie »._»_»                             Marina Tsvétaeva, L'éternelle insurgée, Grasset,
exclusif (il n'existe sous cette forme dans
                                                                                                    2001 ; Linda Le, Marina Tsvétaeva, Comment ça va
aucune autre langue), permettant au lecteur                                                         la vie ?, Jean-Michel Place, 2002 ; Anastassia
d'aujourd'hui de découvrir les réactions de                                   Patrick Bergeron      Tsvétaeva, Souvenirs, Actes Sud/Solin, 2003.

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