TERRE DE SPECTACLES ALSACE

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TERRE DE SPECTACLES ALSACE
Création du visuel : Mouvement Etik. Photo : Compagnie Tête allant vers – Guaduas en Vivo. ©David Betzinger / pour l’Agence Culturelle d’Alsace

          Juin 2014
         SYNTHÈSE
                                                                                                                                                                                                                       ALSACE

                                    DU SPECTACLE VIVANT

réalisée par Daniel Chapelle
                                   ÉTUDE SUR LA POLITIQUE
                                                                                                                                                                                                                 TERRE DE SPECTACLES

                               DE LA RÉGION ALSACE EN FAVEUR
Menée de novembre 2014 à avril 2014, l’étude se fonde essentiellement sur un panel d’une
quarantaine d’entretiens réalisés auprès de 21 directeurs de structures de diffusion (11 dans
la Bas-Rhin, 10 dans le Haut-Rhin) et de 20 compagnies artistiques professionnelles (16
dans la Bas-Rhin, 4 dans le Haut-Rhin). Des rencontres avec la DRAC et le SYNAVI ont
enrichi la démarche et des échanges réguliers avec le service culturel de la Région Alsace et
l’ACA ont permis de l’affiner. Conformément au cahier des charges, ces entretiens ont
permis de dresser un large état de lieux, de mesurer les forces et les faiblesses de la
politique régionale en direction du spectacle vivant et de formuler des préconisations au
regard des attentes qui sont nombreuses vis-à-vis de la Région et de l’ACA.

Les opinions présentées dans cette synthèse n’engagent que leur auteur.

I - ELEMENTS D’ETAT DES LIEUX

Les compagnies artistiques : un milieu fragilisé

Beaucoup de compagnies rencontrent des difficultés financières les empêchant de se
structurer convenablement, notamment par l’embauche d’un administrateur et/ou d’un
chargé de diffusion. Par extension, elles ont du mal à promouvoir leurs spectacles et a
fortiori à les diffuser en région et hors région. Cette situation est exacerbée par la multiplicité
des compagnies et une certaine faiblesse de l’offre artistique, pourtant quantitativement
assez fournie. Le développement de leur structuration s’avère nécessaire par la poursuite et
l’amplification des formations et l’incitation à la mutualisation de leurs moyens, afin de faire
émerger des créations plus ambitieuses.

Les structures de diffusion : des équipements en ordre de marche, mais une nécessité
impérieuse de développer l’intercommunalité

La plupart des directeurs rencontrés déclarent vouloir maintenir une offre culturelle et
artistique satisfaisante, mais il conviendrait d’inciter les structures à soutenir la création,
notamment par le biais de résidences de longue durée. Par ailleurs, la forte densification
d’équipements sur certains territoires (Secteur des Trois-Frontières, agglomération
mulhousienne, Reichshoffen/Niederbronn) et de manière générale la nécessité de mutualiser
les moyens devraient conduire la Région à susciter fortement l’intercommunalité culturelle et
en faire un enjeu majeur de sa politique.

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II - SYNTHESE DES PRECONISATIONS

1. Des guichets trop complexes : harmoniser les dispositifs et simplifier les dossiers

   -   Prendre mieux en compte dans l’instruction des dossiers les enjeux culturels et
       artistiques ainsi que de la notion de « prise de risque », ce qui implique une meilleure
       connaissance des compagnies par le service, par des échanges accrus avec leurs
       représentants et par un croisement des expertises de l’ACA, de la DRAC et des
       autres partenaires. En corollaire, cette démarche impliquerait un rééquilibrage
       financier dans la cadre d’une analyse nécessairement plus sélective des projets.
   -   Raccourcir les délais d’instruction des dossiers afin de donner une meilleure visibilité
       aux compagnies entre le moment du dépôt de la demande et la date de notification.
   -   Raccourcir les délais de versement.
   -   Généraliser l’utilisation des documents budgétaires CERFA en vue de simplifier les
       montages de dossier.
   -   Mettre en place de réunions d’échanges et de concertation avec les acteurs culturels
       et les différentes institutions en vue d’améliorer l’harmonisation des différents
       dispositifs existants en Alsace.

2. Des dispositifs à faire évoluer

Aides à l’investissement : de la politique du guichet à la culture du projet

   -   Par souci d’aménagement et d’animation cohérents du territoire, il conviendrait que la
       Région donne une priorité claire aux projets financés et gérés par des
       intercommunalités.
   -   Les demandes d’aides devront comporter un vrai projet culturel et artistique qui
       engagera financièrement le demandeur sur une période de 5 ans. Celui-ci devra
       proposer un projet de territoire en concertation étroite avec les équipements et
       communes ou intercommunalités situés dans un périmètre de 20 km et saisir l’ACA
       dès la phase de conception du programme pour une expertise technique et un avis
       d’opportunité.
   -   Privilégier les aides à l’amélioration des équipements existant, sauf en cas de projets
       destinés à développer les musiques actuelles.

Aides aux résidences

   -   De la résidence d’auteur à la résidence de création
       Pour continuer à encourager l’écriture de textes de théâtre ou de compositions
       musicales, il est préconisé de créer un dispositif d’aide à la création de manière à ce
       que le texte ou la musique créé puisse être joué et monté dans une structure.

   -   Soutien aux résidences de création
       Peu sollicité dans sa forme actuelle, il est proposé de donner un nouveau
       dimensionnement à ce dispositif, afin de favoriser la permanence artistique, faire
       émerger des créations plus ambitieuses, favoriser la structuration des compagnies et
       contribuer au développement des structures les plus entreprenantes. Il est proposé
       de porter la durée de la résidence de 4 mois à 3 ans et le plafond des dépenses
       éligibles de 15 à 25 000€.

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En contrepartie, la compagnie accueillie et la structure hôte devront respecter des
       engagements fermes concernant les modalités de la résidence et l’animation du
       territoire. Il est également proposé que la Région missionne l’ACA pour porter ce
       dispositif et lui confier l’intégralité de la gestion des résidences dans un souci de
       coordination et d’efficacité.

3. Des dispositifs à conforter

Soutien à la création artistique en Alsace
Souvent sollicité, ce dispositif gagnerait à évoluer en faisant apparaître dans le dossier le
budget d’exploitation du spectacle et en raccourcissant les délais de versement.

Encourager la diffusion des spectacles hors de la région :
   - dans le grand Est, en valorisant mieux le dispositif,
   - sur le plan national, en permettant aux compagnies de le solliciter 2 ans de suite, en
       déplafonnant l’aide de 6000 à 8000€ et en envisageant une aide spécifique en cas de
       séries de représentations à Paris,
   - sur le plan international, en raccourcissant le délai de la demande de 3 à 2 mois
       avant le départ et en permettant de solliciter le dispositif 2 ans de suite.
   La question de la fusion de ces 3 dispositifs en en un seul et même dispositif différencié
   est posée.

Soutenir les festivals d’envergure
   - en prenant mieux en compte leur dimension artistique et leur ambition,
   - en étudiant la possibilité de mutualiser un ou plusieurs festivals afin de renforcer leurs
      moyens.

Le festival d’Avignon
    - nécessité pour la Région de posséder un lieu identifié, opérer une sélection
       rigoureuse des compagnies, élargir la coopération à Mulhouse et à Colmar. Faire
       évoluer le dispositif existant vers une aide au projet ?

Aides à l’emploi – le dispositif AREA
Si le dispositif est « simple, utile et efficace », il gagnerait à être accompagné par des
conseils personnalisés de la part du service instructeur.

Coopération transfrontalière et internationale
Devant le peu d’initiatives relevées, il est préconisé de rappeler aux partenaires l’existence
des dispositifs proposés par PAMINA et INTERREG, d’identifier des partenaires potentiels et
diffuser leurs coordonnées, étudier l’élargissement du dispositif « Pass-Musées » au
spectacle vivant.

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4. Un dispositif à créer : le conventionnement avec les compagnies

Devant la fragilité d’une grande partie des compagnies, leur manque de vision à court terme
et leur difficulté à se structurer, il est proposé de mettre en place un dispositif de
conventionnement, largement souhaité par les compagnies et défendu par la DRAC. Il
pourra être mis en en lien avec le nouveau dispositif d’aide à la résidence. D’une durée de
3 ans, il pourra se traduire par une aide financière significative de l’ordre de 40 à 60 000€ par
an, somme qui pourrait globaliser les aides à la création et à la diffusion. En contrepartie, la
compagnie bénéficiaire devra faire preuve d’une ambition certaine, créer au -moins un
spectacle lors de la résidence, le diffuser un minimum de 20 fois, se structurer
administrativement et proposer un volet d’action culturelle. Un examen rigoureux et une
appréciation sélective devront être appliqués.

5. Les aides au spectacle vivant portées par l’ACA

Arts vivants en Alsace : un dispositif à muscler
Bien perçu par les compagnies, ce dispositif pourrait gagner en efficacité en favorisant le
couplage avec une subvention d’aide à la création de la Région, en le prolongeant avec une
aide à la diffusion et en déplafonnant l’aide financière actuelle de 2500€ selon le projet. En
corollaire, l’instruction des dossiers devrait appliquer une plus grande sélectivité.

Optimiser l’Espace Scènes d’Alsace
Unanimement apprécié, cet équipement pourrait être optimisé en aménageant notamment
un coin cuisine pour permettre de prendre les repas sur place et en étudiant la possibilité
d’un hébergement pour les compagnies.

Réorienter la stratégie des Régionales
Pour rendre plus efficient ses objectifs (animer plus particulièrement les territoires les moins
bien structurés), il est proposé d’augmenter l’offre pour les salles B et C, favoriser les séries
de 3 représentations et développer les moyens en faveur de l’action culturelle et la
médiation. En corollaire, il est demandé une vraie implication des lieux d’accueil et un
meilleur engagement des communes et intercommunalités dans des projets culturels et de
territoire afin de sortir de la seule logique de diffusion.

La Carte VitaCulture
Les statistiques prouvent que ce dispositif à l’intention des 15-28 ans est largement connu et
utilisé par le public ciblé. La grande majorité des salles y adhère, les exceptions étant celles
qui ne programment que des têtes d’affiche et pratiquent des tarifs « commerciaux » comme
l’ED&N à Sausheim. La question d’une carte unique en Alsace est régulièrement évoquée.

Adapter et globaliser les formations proposées en développant les rencontres et
échanges sur des thèmes transversaux et en suscitant la création d’un « Plan de formation
du secteur du spectacle vivant ».

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6. Des propositions transversales

   •   Soutenir la diffusion de la danse contemporaine, en complémentarité des scènes
       labellisées, en promouvant sa programmation auprès des structures en lien avec
       l’ADIAM et en proposant la création d’une centre-ressource avec l’ADIAM et le
       CDMC.
   •   Promouvoir la musique classique en encourageant les ensembles à adapter leurs
       concerts aux salles régionales.
   •   Infléchir la politique culturelle en faveur des jeunes et soutenir les musiques
       actuelles en mettant en place une structure de concertation avec les CRMA,
       l’ADIAM, Mission Voix Alsace, les salles spécialisées, la DRAC et les CG, en
       renforçant les partenariats avec les festivals. De manière globale, prendre mieux en
       compte les pratiques culturelles des jeunes.
   •   Inciter les scènes labellisées à développer leurs liens avec la région : suivre les
       propositions qui ont été évoquées lors des entretiens, comme celle du CDE de
       Colmar qui projette de donner un coup de projecteur sur la création régionale à
       l’occasion des Scènes d’Automne en y associant également des structures bas-
       rhinoises.

CONCLUSION : UNE NOUVELLE STRATEGIE POUR DE NOUVEAUX DEFIS

   •   Afficher une plus grande ambition et faire apparaître un projet culturel mieux identifié,
       notamment dans le domaine du spectacle vivant
   •   Mieux prendre en compte les attentes des jeunes
   •   Impulser un nouvel élan en pilotant le développement culturel de la région dans la
       perspective des réformes institutionnelles annoncées
   •   Répondre aux attentes des acteurs culturels et de la population d’un projet global et
       cohérent
   •   « Aider moins, aider mieux ».

Comme cela a été souligné lors de l’atelier culture « Alsace 2030 » et relevé lors des
entretiens dans le cadre de cette étude, « on peut être pauvre d’être trop riche ». S’il existe
une offre culturelle assez florissante dans notre région, y compris dans le secteur du
spectacle vivant, son impact demeure modeste sur le plan national et européen. L’Alsace
peine à se positionner et à faire émerger des créations ayant une certaine envergure, alors
que les prochaines réformes institutionnelles devraient l’inciter à afficher une plus grande
ambition et à faire apparaitre un projet mieux identifié, en dépit des resserrements
budgétaires lié au contexte économique et aux inquiétudes qu’il suscite.

La Région, à travers l’ACA et son potentiel d’expertise et d’animation, a la capacité
d’impulser l’élan nécessaire en pilotant le processus de développement culturel régional.
Dans la perspective de la fusion avec la Lorraine, de la création de l’Eurométropole et de la
disparition des départements, voire des DRAC, le milieu professionnel du spectacle vivant
est en grande attente d’un projet global et cohérent englobant une véritable démarche
d’échange et de coopération entre les acteurs institutionnels et professionnels et contribuant
à harmoniser les différents dispositifs existants ou à venir, tout en faisant évoluer ses
propres aides dans le sens d’une meilleure efficience. Le positionnement de l’Alsace sur le
plan national et international est également un enjeu de taille que ce projet devra prendre en
compte.

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