Tour de France des pharmacies historiques - Art & patrimoine ...
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Tour de France des pharmacies historiques Résumé Cet article est extrait de la thèse Quand l’art rencontre la pharmacie : attraits et contraintes des pharmacies historiques / Anne-Lise Salles sous la direction de Brigitte Vennat, Faculté de pharmacie, université de Clermont I, 2010. Depuis 2010, nous supposons que le panorama des « pharmacies historiques » s’est modifié en fonction de l’exercice professionnel. Ainsi la pharmacie Lhopitallier a définitivement fermé ses portes en juin 2012. Grâce à son titulaire et au musée Carnavalet, le mobilier et le préparatoire ont été classés « collection musée de France. Tour de France des pharmacies historiques / Anne-Lise Salles, 15 juin 2011 Au coin d’une rue dans un centre ville ou sur la place centrale d’un village, nous avons parfois la chance de découvrir une pharmacie aux allures d’antan. En effet cent cinquante pharmacies françaises ont conservé une devanture ou un mobilier ancien, datant de la création de l’officine ou au plus des années 1950. Ce chiffre représente moins de un pour cent des officines françaises, autant dire une exception dans le monde pharmaceutique actuel. Exception à découvrir et si possible à protéger puisque leur avenir n’est pas assuré : travailler dans ce genre d’établissement n’est pas aisé et nécessite un réel engouement du titulaire. Ces officines ont un réel intérêt historique : outre leurs richesses architecturales et artistiques, elles sont le reflet d’un mode de travail révolu, témoins de longues dynasties de pharmaciens et de grandes découvertes. Nous allons donc réaliser un tour de France de ces pharmacies en détaillant certaines d’entre elles et en listant toutes celles qui nous sont connues à la fin de cet article. Parce que le soleil se lève à l’Est… Pour commencer, faisons une petite escapade en dehors de nos frontières, afin d’évoquer le cas de quelques pharmacies historiques en Europe. Jusqu’à sa fermeture, en 2000, la pharmacie du Cerf à Strasbourg était considérée comme la plus ancienne pharmacie européenne : ce titre revient aujourd’hui à la pharmacie de la place de la Mairie à Tallinn, Estonie, qui daterait de 1422. Les anciens pays du bloc communiste ont conservé de nombreuses pharmacies jusqu’à l’ouverture au monde libéral. Malheureusement, tel un effet rebond, ces pays développent aujourd’hui des politiques commerciales agressives souvent contradictoires avec la protection du patrimoine. Ainsi, la pharmacie « A l’éléphant d’or » à Cracovie, bien qu’inscrite à un registre polonais semblable à nos monuments historiques, a fermé ses portes il y a moins de deux ans. 1 18/07/2016
Nous vous conseillons d’admirer les officines de l’avenue Nowy Świat dans la vieille ville de Varsovie ou de visiter le très intéressant Musée de la Pharmacie du Collegium Medicum de l’Université Jagiellonski de Cracovie. Dans la même ville, la pharmacie « Pod Orlem », « à l’Aigle » située dans le quartier Podgόrze, ghetto juif durant la seconde guerre mondiale, fut un haut lieu de résistance et est aujourd’hui transformée en musée. Monsieur Tadeusz Pankiewicz, titulaire de l’officine, n’appartenait pas à la religion juive mais ne quitta pas le ghetto pour autant. Il resta, ainsi que ses collaborateurs, dans la pharmacie qui devint non seulement un lieu d’approvisionnement en médicaments, calmants, teinture camouflante pour les cheveux mais aussi un lieu où les juifs pouvaient obtenir des informations provenant de l’extérieur du ghetto, des documents et au besoin se cacher. Monsieur Pankiewicz lutta jusqu’à la liquidation du ghetto en 1942. Amateur d’art, il protégea d’anciennes torahs durant la guerre et accueillit des artistes polonais. Il reçut en 1983 le titre de « Juste parmi les Nations » attribué par l’institut israélien Yad Yashem. Tadeusz Pankiewicz mourut en 1993. L’Italie possède de nombreuses pharmacies « à l’ancienne » dont la célèbre pharmacie Santa Maria Novella à Florence. La Belgique, l’Espagne ont encore quelques pharmacies de style « Art nouveau ». Nous pouvons découvrir également l’art pharmaceutique dans quelques musées : à Bâle en Suisse, Heidelberg en Allemagne ou Barcelone en Espagne, sans oublier Lisbonne au Portugal. Carte de France des pharmacies historiques Lire la suite ….. 1 18/07/2016
A) L’Alsace et la Lorraine Les pharmacies contemporaines aux importants évènements historiques propres à ces deux régions sont de bons reflets de ces périodes. 1) La pharmacie du Cerf à Strasbourg La pharmacie du Cerf située, jusqu’à sa fermeture en l’an 2000, rue Mercière à Strasbourg (figure n°1) fut le témoin des aléas de l’histoire. En 1268, l’Alsace était sous l’autorité du Saint- Empire romain germanique et l’apothicairerie était tenue par un « Apothecarius Heinrich Philippi ». Il semblerait qu’elle fut fermée de 1315 à 1537 et son matériel transféré dans l’hôpital de la ville. Durant cette période le futur pape Pie II séjourna dans l’immeuble situé face à la cathédrale Notre- Dame de Strasbourg. A partir de 1648 l’Alsace est progressivement annexée à la France. Au XVIIIème siècle, Jacques-Reinbold Spielmann, apothicaire et professeur de renom, exerça dans la pharmacie du Cerf et Goethe fut l’un de ses élèves. L’apothicaire participa activement à la réorganisation de la formation des apothicaires en proposant un cursus universitaire en alternative au Figure n°1 compagnonnage. La qualité de cette formation, associée aux raisons stratégiques du Premier Consul Napoléon Bonaparte explique en partie la création d’une Ecole de pharmacie à Strasbourg le 11 avril 1803. Durant la seconde guerre mondiale, la pharmacie du Cerf fut l’une des rares pharmacies de Strasbourg à avoir été fermée : la plupart ont été exploitées par des allemands. Ces derniers voulaient transformer la pharmacie du Cerf en musée ; lors d’un congrès de la profession, les noms de tous les anciens titulaires furent inscrits sur la devanture principale sauf le dernier qui fut remplacé par une étoile de David. Ré-ouverte à la fin de la guerre, elle sera transformée en boutique de la culture en 2000. Son cadre architectural qui date de 1567 est classé monument historique. Nous découvrons une magnifique façade à colombages dont les ouvertures sont entourées de pierres sculptées de dragons et de salamandres. A l’angle du bâtiment, une colonne de grès, Büchmesser ou « mesureur de ventre » permettait aux notables de la ville de mesurer leur embonpoint : elle est toujours présente. L’intérieur comporte une très belle voûte ogivale décorée de petits motifs pharmaceutiques, plantes, chauves-souris, moine réalisant une distillation peints par l’artiste alsacien Léo Schnug au début du vingtième siècle. La salle de cours du Professeur Spielmann existe toujours au premier étage. L’escalier y menant est sculpté d’une tête de cerf. 2) La pharmacie aux Lys à Mulhouse La pharmacie aux Lys est remarquable tant sur le plan architectural qu’historique. La pharmacie de Monsieur Henri Risler, bourgmestre de la cité, est située dans une demeure Renaissance : son décor actuel date de 1634. 1 18/07/2016
En 1649 son neveu, Monsieur Jean-Henri Engelmann transfère son apothicairerie qui existe toujours trois cent cinquante ans plus tard. Si les volets à ouverture horizontale permettant l’exposition des marchandises ont disparu, le plafond peint datant du XVIIème siècle existe toujours (figure n °2). Il a été redécouvert en 1946 et magnifiquement restauré en 1989. Figure n°2 Figure n°3 Figure n°4 C’est la totalité de l’officine qui a été rénovée en 1987 de façon à l’adapter aux exigences du monde pharmaceutique tout en conservant et restaurant le mobilier des XVIIIè et XIXème siècles (figures n°3) : d’époque empire il conserve quelques éléments Louis XVI. C’est un très bel ensemble en merisier présentant des incrustations en palissandre aux motifs floraux, et des frises géométriques (figure n°4). Certains meubles ont été fabriqués à l’identique pour harmoniser l’agrandissement de la boutique, d’autres ont été modifiés afin d’intégrer l’équipement l’informatique. L’escalier en bois du XVIIe siècle est intégré dans l’angle de la pièce derrière les comptoirs et le carrelage en terre cuite, de style XVIIe siècle, a été réalisé à l’identique dans toute l’officine. 3) Sur la route des vins… Si vous sillonnez la campagne alsacienne, reliant ses villages typiques par la traversée de vignobles réputés, prenez le temps de découvrir les quelques pharmacies qui n’ont pas succombé à la Déesse Standardisation… A Rouffach, la pharmacie du Soleil est aujourd’hui fermée. Mais peut-être aurez-vous la chance de rencontrer l’ancienne titulaire, toujours propriétaire du lieu et qui conserve en l’état l’ancienne officine. Celle-ci est née de la réunification en 1922 de la « Sonnen apotecke » et de la « Löewen apotecke » : deux officines datant du XVIIIème siècle et ayant appartenu à des pharmaciens allemands durant le rattachement à l’Allemagne de 1870 à 1918. A la fin de la première guerre mondiale, les citoyens allemands furent rapatriés et le grand- père de l’actuelle propriétaire, Monsieur Ringensein créa la pharmacie du Soleil. A l’intérieur (figure n°5), nous admirons deux séries de pots en bois peint du XIXème siècle, l’une rouge cuivrée et l’autre vert sapin provenant de chacune des deux pharmacies. Ces pots sont typiques de la vallée alsacienne et de la Forêt-Noire en Allemagne. Moderniser l’officine tout en conservant son esprit représentait un travail considérable : il fallait modifier des murs porteurs dans un bâtiment qui datait du XVème siècle. La pharmacie a donc été transférée en 2007 dans un bâtiment familial, lui-même inscrit au titre des monuments historiques. 1 18/07/2016
Figure n°5 Figure n°6 A Obernai, vous pourrez être servis sur un comptoir d’époque empire, conservé et mis en valeur au centre d’un agencement contemporain (figure n°6). En effet, la pharmacie Sainte- Odile aurait été créée en 1760 et l’origine du bâtiment remonterait à 1746. Monsieur Grégoire Schmutz, grand-oncle de l’actuel titulaire fit réaliser le tableau (figure n°7) surplombant l’entrée de l’officine. Celui-ci représente Odile de Honenbourg, patronne de l’Alsace, donnant à boire à un aveugle. Née à Obernai au VIIème, elle recouvra elle-même la vue lors de son baptême. Sainte Odile (qui veut dire « fille de lumière ») fut donc invoquée par les fidèles pour guérir les maladies oculaires et fit construire un hospice au pied du mont qui prendra son nom. Figure n°7 A Barr, la pharmacie Stahl a été transférée il y a quelques années. Son mobilier est aujourd’hui conservé au siège du conseil de l’Ordre des Pharmaciens à Paris (figure n°8). Le soubassement date de la création de l’apothicairerie en 1705 et est composé de tiroirs à plantes à décor polychrome. La partie supérieure date de 1832 et supporte une importante collection de pots en porcelaine, verre ou bois peint. Figure n°8 4) L’influence allemande dans la construction des pharmacies De 1870 à 1918 l’Alsace et la Moselle furent rattachées à l’Allemagne. Les pharmaciens allemands soumis au numerus clausus d’une pharmacie pour cinq mille habitants vinrent s’installer en masse dans les anciennes régions françaises où cette barrière à l’installation n’existait pas. Pour les pharmacies comme pour l’architecture de ces régions, nous retrouvons une influence allemande. C’est le cas de la pharmacie du Relais à Ittenheim (figure n°9) près de Strasbourg qui conserve un mobilier en chêne rappelant le style Biedermeier en vogue en Autriche au début du XIXème siècle. 1 18/07/2016
Figure n°9 Figure n°10 De même la pharmacie des Roches à Rombas (figure n°10) en Moselle a été créée par un pharmacien allemand au début du XXème siècle. La bâtisse est de style néogothique en brique rouge. L’entrée de l’officine se fait par la petite tour menant à une porte comportant de magnifiques vitraux à motifs floraux. 1 18/07/2016
5) Nancy capitale de l’Est de la France Nancy, située dans la Lorraine restée française se développa considérablement entre 1870 et 1918. L’exode rural associé à l’arrivée de troupes de garnison et à l’immigration de nombreux intellectuels et artistes de Metz et Strasbourg firent de Nancy la capitale de l’Est de la France. Ainsi l’Ecole supérieure de Pharmacie de Strasbourg, fut transférée à Nancy à partir d’octobre 1872. Les pharmaciens formés à Nancy devinrent donc des pharmaciens de première classe. A la fin du XIXème siècle des artistes lorrains de diverses disciplines s’associèrent spontanément en appliquant le principe « de l’unité dans l’art » et regroupèrent « tout un ensemble de métiers de manière à pouvoir réaliser totalement l’œuvre prévue ». Ce mouvement s’inscrivit dans l’Art nouveau européen ou Modern’s style et est aujourd’hui appelé « Ecole de Nancy ». Il fait triompher les lignes courbes, les représentations du monde végétal voire du monde animal. Certains pharmaciens s’associèrent à ce mouvement. En effet ce style mettait naturellement en valeur les matières premières utilisées en pharmacie et éblouissait la clientèle. Par ailleurs, les pharmaciens faisaient partie de la bourgeoisie de l’époque qui se devait de soutenir le mouvement artistique local. Nous pouvons toujours voir à Nancy six pharmacies, ou ce qu’elles sont devenues, de style Ecole de Nancy. La pharmacie Mouzin (figure n°11) ne fut ouverte qu’une quinzaine d’années, jusqu’en 1923. Réalisée par l’architecte Léon Cayotte, elle était reliée à la maison du pharmacien. Nous pouvons toujours remarquer le caducée entouré de fleurs sculpté sur le gable ainsi que les digitales de chaque côté de ce qui fut l’entrée de l’officine. Figure n°11 La pharmacie Fandre fut fermée dans les années quatre vingt dix et le décor qui bénéficia d’une mesure de protection est maintenant conservé au musée de l’Ecole de Nancy. Il fut réalisé dans les ateliers de Jules Cayette en ce qui concerne les boiseries en chêne et les éléments en laiton. Les luminaires de forme tulipe proviennent des établissements Daum et les vitraux sont signés Jacques Gruber. La belladone se devine dans les boiseries, les corniches, les ferronneries du cache radiateur. Les poignées de porte figurent des coccinelles et des capricornes. L’officine dut sa rénovation Art nouveau tardif en 1919 aux bombardements de la première guerre mondiale. L’architecte Paul Charbonnier eut pour consigne d’intégrer la porte du XVIIIème siècle, seul vestige de l’ancienne pharmacie, dans un harmonieux décor de façade. 1 18/07/2016
La pharmacie centrale Rosfelder fut la première à afficher une décoration « nancéienne ». En effet le titulaire, Monsieur Antoine Rosfelder était lui-même artiste. Deux « belles portes ogivales » sont toujours visibles, elles présentent des ferronneries en plume de paon, des poignées en plein bois « en effort de traction » ainsi que des caissons inférieurs représentant des jarres (figure n°12). Ces portes sont entourées d’un carrelage redécouvert il y a quelques années. La devanture se termine par une frise de fleurs. Figure n°12 La pharmacie du « Point central » possède une devanture qui date de 1922 est de style Art déco, réalisée par le céramiste parisien Ebel. Ce style, à son apogée entre 1920 et 1939 se caractérise par des formes géométriques, épurées, à la différence des courbes de l’Art nouveau. La forme doit exprimer la fonction du bâtiment, ici une mosaïque dorée encadre l’inscription « PHARMACIE » soulignée de gerbes de fleurs (figure n°13). Le décor intérieur Art nouveau de Jules Cayette a disparu hormis quelques lambris muraux décorés d’amanites phalloïdes et de coprins. Figure n°13 La pharmacie Jacques est située dans un immeuble construit en 1903 par l’architecte Lucien Vautrin. Son caractère Art nouveau est dû au pan coupé de l’angle de la façade, aux vitraux de Gruber ainsi qu’aux sculptures de Vautrin. Il a en effet représenté les plantes médicinales locales. Certains adeptes de l’Ecole de Nancy, tel Emile Nicolas, auraient aimé exporter ce style dans la France entière. Chaque région aurait alors fait figurer sa propre flore. La porte d’entrée symbolisée par un papillon (figure n°14) est surmontée d’une coupe d’Hygie entourée de rameaux de chêne abritant deux serpents et encadrée par des inflorescences de glycine. Figure n°14 La pharmacie Monal ou du Ginkgo est située à proximité de la célèbre place Stanislas. La devanture fut conçue par l’architecte Paul Charbonnier qui associa des fougères sur la façade et des ginkgos biloba sur les grilles des portes (figure n°15). L’intérieur est dû à Louis Majorelle, dans un style Art nouveau assagi. Les boiseries en acajou et les chapiteaux des colonnes de soutien sont agrémentés de bryone tandis que les corniches représentent de la douce-amère. Au début du XXème siècle, la pharmacie Monal, très dynamique, était connue pour faire de l’opothérapie. Figure n°15 En 1906, c’était le seul établissement de la région autorisé à fabriquer des médicaments à base de tissus animaux dans le but de pallier une insuffisance hormonale. 1 18/07/2016
6) La pharmacie de l’Art nouveau à Commercy La pharmacie de l’Art nouveau à Commercy, considérée comme la plus belle des pharmacies nancéiennes est celle qui a le mieux conservé son décor d’origine. Monsieur Malard, pharmacien à Saint Mihiel, installa en 1907 son fils Georges à Commercy. Cette création se devait d’être remarquable afin d’asseoir la renommée de cette famille de pharmaciens. Pour cela il fit appel à la plus prestigieuse association d’artisans de l’époque, l’Ecole de Nancy. La devanture (figure n°16) est en bois de corail ou padouk. Nous retrouvons les stipules d’ombelles, signe distinctif de Vallin. Le fond de la vitrine est constitué par quatre panneaux de bois en forme de trapèze et contenant chacun en leur centre un vitrail. Ceux-ci, signés Joseph Janin, représentent des arums. Chaque panneau peut pivoter pour permettre de placer des objets en devanture : trois consoles supportent des pots de pharmacie. Les poignées de porte sont des arums symbolisés. Figure n°16 L’intérieur (figures n°17) est le fruit de la collaboration de trois artisans : Eugène Vallin pour le mobilier et coordinateur des travaux, Joseph Janin pour les vitraux et Charles Fridich pour les papiers peints. Ceux-ci, sur les espaces laissés libres par les lambris, présentaient un motif de fuchsias. Supprimés lors d’une rénovation, ils n’ont pas étéremplacés. Joseph Janin a réalisé les vitraux situés dans la vitrine et l’habillement des deux portes desservant Figure n°17 l’ancien préparatoire. Le pavot (figure n°18) et la digitale sont donc en vis-à-vis. Le mobilier est en bois de padouk ciré et acajou blond. Les parties non visibles sont en sapin. Les corniches ornées de fleurs et de cartouches comportent le nom de douze scientifiques. Chaque cartouche en forme de trapèze est délimité sur les côtés par des stipules d’ombelle et une anse de panier à la partie inférieure. Le célèbre arc de Vallin se retrouve au niveau des consoles faisant office de Figure n°18 comptoir ainsi qu’au niveau du remarquable Figure n°19 meuble de caisse (figure n°19). 1 18/07/2016
La majorité des pots de pharmacie en verre bleu et en porcelaine ont été conservés. Certains flacons en verre sont munis d’un bouchon surmonté d’un verre-doseur, ceux au col étroit servaient aux liquides (figure n°20), ceux au col plus large aux poudres (figure n°21). Les bocaux à large ouverture contenaient des plantes (figure n°22) et les pots en porcelaine de Rouen étaient destinés aux onguents (figure n°23). Figure n°20 Figure n°21 Figure n°22 Figure n°23 La pharmacie est restée dans la même famille depuis sa création. Georges Malard céda l’officine à son fils Pierre, qui lui-même confia l’affaire à son gendre Philippe Flesch en 1987. A l’approche du centenaire de L’Ecole de Nancy en 1999, Monsieur Flesch obtint le classement total de son officine aux monuments historiques. Ainsi, les grilles, la devanture, le décor intérieur sont protégés depuis le seize juin 1998. B) Le Nord de la France 1) Reims La Grande Pharmacie Dieu Lumière est installée dans le quartier Saint-Rémi, dans une bâtisse (figure n°24) construite après la seconde guerre mondiale. La pharmacie date de la même époque et appartient toujours à la famille Levaux-Crombée. Les vitrines ont été habillées d’une signalétique qui a le mérite d’interpeller. Un serpent entourant une croix verte, variante du caducée, entourée d’une multitude de petites croix telles les bulles de champagne chères à cette région. Figure n°24 1 18/07/2016
2) Découverte dans le Nord-Pas-de-Calais A Hautmont, près de la frontière belge, deux pharmacies méritent le détour. La pharmacie de la gare a conservé les boiseries anciennes, adaptées sur des étagères contemporaines (figure n°25). Les attributs de la pharmacie, caducée, serpent, palmier, digitale sont représentés grâce à des sculptures et des verres gravés. Place de la Libération une pharmacie conserve son mobilier Art déco ainsi que les vitraux indiquant les champs d’activité de la pharmacie : Spécialités, Ordonnances, Orthopédie, Analyses. Dans l’arrière- Figure n°25 boutique, se trouve un très beau carrelage en carreaux de ciment peint. A Lille, le mobilier et l’équipement de l’ancienne pharmacie Lotar sont maintenant conservés dans le musée de la Faculté de pharmacie de Lille. Monsieur Henri Lotar, pharmacien à la fin du XIXe siècle fut le premier titulaire de la chaire de pharmacie créée à la Faculté de médecine et pharmacie en 1881. La pharmacie Denis est une jolie officine de quartier, proche du centre ville de Lille qui a conservé ses boiseries d’inspiration italienne. D’un bleu gris souligné d’ocre et de doré, ces boiseries en chêne sont sculptées d’angelots et de cornes d’abondance, peut-être en honneur des célèbres scientifiques dont les noms figurent sur la corniche. Outre Hippocrate et Galien, figurent trois chimistes et pharmaciens du XVIIIème siècle, Baumé inventeur de l’aéromètre et du degré éponyme, Scheele, d’origine suédoise, découvreur du chlore et de l’oxygène et Vauquelin découvreur entre autres du chrome et du béryllium. 3) La pharmacie Roye-Caenevet à Wambrechies A Wambrechies, près de Lille vous pourrez vous balader sur les chemins de halage le long de la Deûle mais aussi visiter la distillerie de genièvre ou la pharmacie Caenevet, inscrite aux monuments historiques et qui participe aux journées européennes du patrimoine. La pharmacie (figure n°26) n’a appartenu qu’à deux familles différentes. Monsieur Lelong, la transféra à l’emplacement actuel en 1906. Son fils vendit la pharmacie en 1961 à Monsieur Caenevet qui la céda à sa fille. La devanture en chêne est d’origine et la porte vitrée de l’officine est gravée des emblèmes de la pharmacie, le palmier ou le serpent. Figure n°26 1 18/07/2016
Une fois la porte passée, nous nous retrouvons dans un cocon aussi chaleureux qu’exigu (figure n°27). La petite pièce qui compose l’officine est meublée sur trois côtés de boiseries en chêne clair de Hongrie, sans nœud. L’espace est complété par deux comptoirs en « L » qui ont gardé leur partie supérieure avec la vitrine et la petite balustrade. Figure n°27 Le décor est une alliance de styles Henri II et Art nouveau : nous retrouvons ce type de décor dans d’autres pharmacies françaises. Les portes de verre qui ferment certaines étagères sont coulissantes pour éviter une perte de place. La pharmacie conserve une très belle collection de pots en verre blanc et teinté ainsi que des pots en porcelaine de Paris provenant de la maison Mourier. Des vases à thériaque monumentaux, d’anciens instruments de travail, un alambic en partie détruit complètent l’ensemble. C) En longeant les côtes françaises 1) Quelques préfectures du Nord-Ouest Dans les stations balnéaires ou un peu plus loin dans les terres les régions côtières conservent quelques pharmacies remarquables. En découvrant quelques préfectures du Nord-Ouest de la France, vous pourrez passer devant de belles devantures de pharmacie comme la Grande pharmacie du centre à Rouen et ses vitraux et ferronneries 1920 (figure n°29). A Rennes plusieurs façades sont à remarquer dont celle de la pharmacie-herboristerie Saint Michel de style Art nouveau qui s’apparente au travail du mosaïste Isidore Odorico (figure n°30). Dans le même style, à Nantes la pharmacie Dalby se trouve dans un immeuble qui, selon la titulaire actuelle a été décoré par l’architecte céramiste nantais Emile Libaudière au début du XXe siècle (figure n°28). Figure n°28 1 18/07/2016
Figure n°29 Figure n°30 2) La Bretagne La Bretagne recèle quelques officines comme la Grande pharmacie de l’Etoile à Saint- Brieuc qui fut l’une des plus importantes de la ville au début du XXème siècle. A l’orée de la légendaire forêt de Brocéliande, à Plélan-le-Grand, la pharmacie Perchais fut créée à la toute fin du XIXème siècle et conserve toujours son mobilier et son espace réduit d’origine pour la plus grande convivialité de l’endroit. A contrario, la pharmacie Saint Jacques à Perros-Guirec a été totalement rénovée à l’occasion de ses cent ans. Le but recherché était d’allier le passé et l’avenir et cela est plutôt réussi puisque la pharmacie a obtenu le premier prix national du réagencement réussi en 2009. Ainsi les comptoirs modernes sont venus se marier aux plus belles parties de l’ancien mobilier, l’utilisation d’un automate n’empêche pas de continuer la pratique des préparations magistrales. Paimpol, village de pêcheur de la Côte Nord de la Bretagne conserve en son centre historique et protégé la charmante pharmacie Rougier. Dans une maison de granit rose au toit d’ardoise se campe une officine à la devanture couleur locale. Chaleureuse, elle incite les touristes à venir découvrir son intérieur peu modifié depuis sa création (figure n°31). Figure n°31 Avant de quitter la Bretagne pour la Normandie nous vous conseillons de déambuler les yeux « au ciel » dans le Saint- Malo fortifié. En observant la ville reconstruite après la seconde guerre mondiale vous remarquerez les enseignes de pharmacies particulièrement travaillées (figure n°32). Figure n°32 1 18/07/2016
3) La Normandie Outre la Grande pharmacie du centre à Rouen plusieurs sont à noter en Normandie. Ainsi la pharmacie Soussan à Fécamp a gardé sa devanture qui date de la création de l’apothicairerie à l’époque de la Révolution. Cette façade a une histoire peu banale puisque le premier titulaire Monsieur Pierre Trocque a profité du démantèlement et de la vente des éléments religieux pour acquérir quatre colonnes ayant appartenu à la paroisse Saint Fromond. Malheureusement l’intérieur de l’officine d’époque Premier Empire a été supprimé en 1999. De passage par Honfleur ne manquez pas de visiter le plus petit musée de France. Situé dans l’ancien préparatoire de la pharmacie du Passocéan (figure n°33) il recèle des inventions d’Alphonse Allais, qui fit ses premiers exploits dans la pharmacie paternelle. L’officine certainement touchée par un curieux sort fut exploitée à partir de 1920 par Monsieur Desmarai inventeur du Passocéan remède contre le mal de mer. Cet original ne trouva rien de mieux que de se présenter à la présidence de la République française en 1935 puis de s’autoproclamer Président d’honneur de la Marine Suisse avant de finir interné. Figure n°33 Aujourd’hui l’équipe officinale perpétue la tradition dans des limites beaucoup plus raisonnable et n’hésite pas à revêtir les costumes d’époque lorsque l’occasion se présente. Pour terminer votre escapade normande, un passage à Douvres-la-Délivrande s’impose. La pharmacie Lesage a été construite en 1901 dans le pur style Art nouveau par l’architecte caennais Rouvray, émule d’Hector Guimard (figure n°34). Figure n°34 Figure n°35 Figure n°36 L’intérieur d’origine (figure n°35) a été conservé et agrandi en faisant appel aux services des Beaux Arts puisque la pharmacie est inscrite au titre des monuments historiques. Les caves voûtées ont été aménagées. (figure n°36). Celle-ci est l’exemple typique et particulièrement rare d’une pharmacie qui a su s’adapter au monde pharmaceutique actuel tout en conservant et valorisant son patrimoine artistique et historique. 1 18/07/2016
3) Bordeaux Bordeaux, ville d’art et d’histoire, appartenant au patrimoine mondial de l’Unesco, a une réelle volonté de protéger son patrimoine historique. Ainsi dans cette cité ayant la plupart de ses quartiers historiques protégés, l’office de tourisme propose des visites à thèmes dont la visite des décors des anciennes pharmacies de Bordeaux. Cette visite permet la découverte de la pharmacie de la Bourse située à proximité de la célèbre place du même nom sur le quai Richelieu. L’officine est située dans une maison d’époque classique du XVIIIème siècle et conserve son mobilier Louis XVI. Plus jeune de quelques années, la pharmacie des Carmes a été fondée à la Révolution, en 1792, par le moine carmélite Pierre Catinot suite à l’obtention d’une dérogation exceptionnelle pour pouvoir exercer son art en dehors du couvent. De cette époque subsistent toujours les deux vases monumentaux sculptés de part et d’autre de la porte d’entrée de l’officine. A l’origine ils étaient polychromes, ocre orangé avec un ornement vert bronze foncé avec l’inscription « Eau de mélisse » (figure n°37). En effet, la pharmacie est surtout connue pour sa célèbre « Eau de mélisse des Carmes », fabriquée depuis le XVIIème siècle dans les divers couvents carmélites. A l’intérieur, les boiseries en acajou blond empire subsistent et favorisent Figure n°37 une ambiance réconfortante. La toute petite pharmacie du Mirail (figure n°38), dans le quartier Saint Michel doit son nom au miroir, mirail en gascon, qui aurait permis de tuer un serpent qui terrorisait le quartier. Elle a gardé ses meubles d’époque empire en acajou et ses jolies colonnes de marbre qui allongent et agrandissent l’espace client. L’existence de la pharmacie remonte à 1830. Figure n°38 La pharmacie François est à notre connaissance l’une des plus grandes pharmacies historiques toujours en activité. Créée en 1729, elle appartint à la famille Fosse pendant deux cent cinquante ans. Lors de la percée du cours en 1865, la pharmacie est agrandie pour atteindre 200m2. Il faut préciser qu’à la fin du XIXème siècle, trente cinq personnes travaillaient dans le bâtiment. Pharmaciens, préparateurs mais aussi quelques médecins qui avaient leur bureau dans l’enceinte. 1 18/07/2016
L’aspect actuel de la pharmacie date de 1905. Charles Fosse, dont les initiales sont présentes sur les appliques fit agencer la pharmacie dans le style des grands magasins parisiens (figure n°39). Verrière à structure en fer boulonné, éclairage au gaz, carrelage en pavés de ciment peint, meubles en acajou, coursives constituent le décor intérieur. Celui-ci est complété par une horloge en bronze doré réalisée par Gaston Guignan. Le pharmacien titulaire qui s’applique à entretenir l’identité et la mémoire de la pharmacie a créé un Figure n°39 « musée » dans l’un des anciens bureaux de médecins (figure n°40). Il conserve des documents relatifs à l’officine mais aussi de nombreux instruments collectionnés au fil des années. La pharmacie François a découvert le procédé de fabrication des suppositoires à base de beurre de cacao, cette matière ayant l’avantage de fondre à température corporelle :le système de moulage à froid des suppositoires est mis en valeur. L’histoire de la pharmacie François avec le chocolat ne s’arrête pas là puisqu‘elle commercialisa des bonbons puis des tablettes de chocolat. Elle serait à l’origine de la naissance du célèbre Toblerone lors de son association avec l’entreprise suisse Tobler. Grand créateur, Roger Fosse commercialisa en 1932 l’Hépascol François, dépuratif et précieuse aide à la digestion, obtenu à partir de feuilles fraîches d’artichauts de Macau, dans la banlieue bordelaise. Figure n°40 4) La région de Montpellier A notre connaissance, il n’y a pas de pharmacies anciennes à Montpellier. Cependant, la ville possède d’autres attraits pharmaceutiques comme le musée Albert Ciurana, musée dédié à l’histoire et l’art pharmaceutiques situé dans les locaux de la faculté de pharmacie. A Marsillargues, la pharmacie centrale conserve un mobilier (figure n°41) qui aurait appartenu à Antoine Balard, brillant chimiste et pharmacien montpelliérain du XIXème siècle. Ce mobilier met en valeur une collection de plus de soixante pots de pharmacie et abrite les patrons de la pharmacie, Saint Côme avec son pot à onguent et Saint Damien mirant les urines. Figure n°41 1 18/07/2016
Dans le centre ville d’Alès les boiseries d’époque Napoléon III de la pharmacie Sarrus accueille toujours les patients. La famille Sarrus, grand-père, père et fils, officie dans un décor particulièrement soigné composé de boiseries en noyer et pin formant des colonnes cannelées peintes en trompe l’œil imitant le marbre et surmontées de chapiteaux. Le comptoir central est sculpté du bâton d’Esculape entouré d’un serpent buvant dans la coupe d’Hygie. Les deux lampes à gaz en verre ont été électrifiées et trônent toujours sur le plateau de marbre. (NB : le dernier descendant de la lignée Sarrus a cessé son activité en mars 2011) 5) Le père Blaize, une institution marseillaise L’herboristerie du Père Blaize a été fondée en 1815 par Monsieur Toussaint Blaize. Madame Martine Bonnabel-Blaize appartient à la sixième génération (figure n°42) de la lignée familiale. Son grand-père Paul Bonnabel-Blaize fut le premier à obtenir le diplôme de pharmacien en 1930. La place de l’allopathie reste aujourd’hui très restreinte. L’herboristerie a conservé et utilise toujours les casiers à plantes, les balances et comptoirs d’origine. Le sol en terre cuite rappelle les origines provençales du fondateur qui apprit les vertus des plantes dans le massif des Ecrins. Le préparatoire se situe au premier étage et le second est toujours utilisé pour le stockage des plantes. Figure n°42 6) Nice Quelques pharmacies de la cité balnéaire ont gardé des traces du développement de la ville et de l’important engouement des étrangers, en particulier anglais et russes qui venaient passer l’hiver sous le ciel clément de la Côté d’Azur. Ainsi la pharmacie Dubouchage qui date du premier quart du XXème siècle s’appelait à l’origine la pharmacie des Hivernants. De même, la pharmacie Victor Hugo située sur le boulevard du même nom était célèbre dans la colonie étrangère. Créée lors de la construction du palais Meyerbeer qui l’héberge, elle s’était spécialisée afin de pouvoir délivrer les médicaments prescrits par des médecins anglais, russes ou allemands. A cette époque, un laboratoire d’analyses médicales était adjoint à la pharmacie. La pharmacie a conservé ses boiseries raffinées, lasurées de blanc (figure n°43). Figure n°43 Difficile de parler de Nice sans évoquer le palais Lascaris. Celui-ci abrite depuis 1969 les boiseries et les pots de pharmacie de la remarquable pharmacie Jacques. Cette apothicairerie fut créée en 1738 par l’apothicaire Joseph Baratte à Besançon qui la transféra en 1754 au 140, grand rue dans l’immeuble qui devint la maison natale de Victor Hugo. L’immeuble du XVIème siècle fut rénové en 1761 par l’architecte Jean-Charles Colombot et la pharmacie passa pour être la plus belle de Besançon. 1 18/07/2016
Celle-ci est aussi reconnue pour la longévité de ses titulaires, Monsieur Maire succéda à Monsieur Baratte en l’an 1800 et laissa sa place à Monsieur Jacques en 1859. A cette date la pharmacie ferma définitivement, le mobilier avec son équipement fut acheté par un antiquaire parisien qui le vendit à l’inventeur Paris Singer pour son château « des rochers » à Saint-Jean-Cap-Ferrat. A sa mort, le mobilier fut vendu et l’acquéreur l’offrit immédiatement à la ville de Nice qui l’installa au palais Lascaris. Nous pouvions admirer cette magnifique officine de ville qui représente l’un des rares témoignages de ce qu’était une apothicairerie au XVIIIème siècle (figure n°43’). Les boiseries en forme de U comportent un soubassement composé de tiroirs surmontés de placards dans le style de l’époque. Au dessus, les parties latérales sont composées de tiroirs à décor polychrome destinés au stockage des plantes. La partie centrale est reliée aux côtés par deux étroits placards sculptés des portraits d’Hippocrate et de Galien. Ce panneau est composé de lambrequins destinés à accueillir les chevrettes, pots canons, piluliers en faïence. Figure n°43’ Ceux-ci seraient pour la plupart du XVIIIème siècle, issus de divers grands centres de fabrication, Rouen, Moustier, Lyon… La porte vitrée centrale menait au préparatoire et le comptoir central où trônait le vase à thériaque servait à la délivrance. (NB : La pharmacie Jacques a quitté le Palais Lascaris, en 2013, pour retrouver la maison natale de Victor Hugo). 7) La Corse De même que la Martinique conserve une pharmacie ancienne à Sainte Anne, Saint Martin de Ré une ancienne apothicairerie d’hôpital, l’île de Beauté conserve quelques pharmacies sympathiques. En effet, l’insularité et la volonté des habitants de protéger leur patrimoine a peut être permis une plus meilleure conservation des pharmacies anciennes. La pharmacie du diamant, dans la vieille ville d’Ajaccio (figure n°44) a conservé son agencement d’origine de la fin du XIXème siècle. En hémicycle, elle a gardé ses boiseries en chêne et son comptoir en pin recouvert de marbre. Le carrelage en carreaux de ciment est celui d’origine, tout comme le plafond à corniche. Beaucoup plus récente, la pharmacie Balesi à Casamozza au Sud de Bastia a conservé le mobilier de sa création en 1953, tout comme la Figure n°44 pharmacie Jorio à Bastia. 1 18/07/2016
La pharmacie Dussol est une institution familiale à Bastia. Créée par le grand-père à l’emplacement actuel à la fin du XIXème siècle, elle est aujourd’hui exploitée par trois de ses petits-enfants. Malgré un agrandissement, les très belles boiseries en acajou ont été conservées. Outre les arabesques et autres décorations florales, chaque porte est sculptée d’un visage dont la signification s’est perdue avec le temps. Nous pouvons toujours voir la tête de Maure, emblème de la Corse (figure n°45). Les boiseries et l’agencement original (sas d’entrée, meuble vitrine) Figure n°45 font faire penser à une influence italienne, ou d’Europe Centrale. D) En remontant la vallée du Rhône 1) Montélimar Le patrimoine des officines montiliennes est particulièrement riche. Mis à part la pharmacie du Marché qui a fait refaire sa devanture et son intérieur dans un style ancien, deux pharmacies méritent d’être découvertes. La pharmacie Roux, dans son cadre 1900, a hébergé et héberge une dynastie de pharmaciens unique en France et peut-être en Europe. La pharmacie existe à Montélimar depuis 1749. Cependant, l’histoire de la famille commence bien avant avec Monsieur Léonard Roux, chirurgien-barbier vers 1550 à Mornas, dans le Vaucluse. La transmission s’est faite de père en fils, chirurgiens-barbiers, maîtres-chirurgiens, apothicaires puis pharmaciens. Monsieur Joseph-Antoine Roux, huitième génération, fut le premier à être pharmacien. Figure n°46 Figure n°47 Figure n°48 La devanture et une partie de l’intérieur de l’officine sont de style Art nouveau, en noyer sculpté, avec ses courbes et ses décors empruntés à la nature (figures n°46, 47 et 48). Une collection de pots de porcelaine Napoléon III et des bustes de plâtre d’Hippocrate et de Galien agrémentent l’ensemble. 1 18/07/2016
La pharmacie Bonnefond est elle aussi tout à fait intéressante. Le bâtiment appartient à la famille Brun depuis la création dans la première moitié du XIXème siècle. Adrien Brun, le second titulaire de l’officine fut l’inventeur du « caille-lait Brun » qui existe encore aujourd’hui. La plus grande partie de la pharmacie, à savoir la devanture, les boiseries, le plafond et les pots de pharmacie sont classés au titre des monuments historiques. La devanture (figure n°49) date de 1880, elle présente de fines ferronneries néo-gothiques. D’originales sculptures représentent deux rats escaladant un vase couvert. Figure n°49 L’intérieur (figure n°50) est décoré de boiseries Second Empire, fabriquées entre 1853 et 1855 en noyer et merisier. Les comptoirs ont été légèrement adaptés afin d’installer le système informatique et des spots ont été rajoutés il y a quelques années. Le plafond est une toile peinte par l’artiste Marantier en 1910. Seul le carrelage a été refait en 1960. Figure n°50 La pharmacie possède une belle collection de pots de pharmacie du XVIIème au XIXème siècles. Il s’agit de pots en faïence ou en porcelaine, de bocaux en verre et d’un vase à Thériaque. Le vase couvert avec la mention « DIASCORUM » (figure n°51) est en porcelaine de Sèvres du XVIIIème. Figure n°51 1 18/07/2016
2) Saint-Etienne La pharmacie Jacob, fut l’une des plus importantes pharmacies de la ville au milieu du XXème siècle. Elle a été fondée en 1835 par Monsieur Jacob, rue du Grand Moulin, puis transférée, en 1906, par ses deux fils rue Georges Teissier. En 1920, un cousin par alliance, Monsieur Silvestre a repris l’affaire aujourd’hui exploitée par la femme de son petit-fils. Les boiseries, probablement réalisées au temps des Jacob, sont d’une grande qualité (figure n°52). Chaque chapiteau est unique, les attributs de la pharmacie caducée, mortier, balance, serpent, plantes mais aussi livres et alambic sont sculptés. Des colonnes de fonte soutiennent l’édifice, les corniches sont en staff et les vitrines contiennent des panneaux de verre dépoli à l’acide signés B. Jouve, 1882. Les rayons supérieurs accueillent une importante collection de bocaux en verre et de pots en porcelaine de Paris de 1900 signés J. Fontenoing Figure n°52 et L. Peigney. Monsieur Frédéric Silvestre réalisa des préparations, les produits « Tussis ». Une vingtaine de formules furent déposées (sirop, pastilles, terpine, lotion, coricide…) et permirent l’essor de la pharmacie qui exporta jusqu’en Indochine, alors colonie française. En 1946 le fils de Frédéric Silvestre devint titulaire à son tour et créa un laboratoire d’analyses médicales dans la pharmacie. En 1975 la loi oblige à la séparation des pharmacies et des laboratoires d’analyses. La pharmacie conserve de nombreux témoignages des différentes époques : dans l’ancien préparatoire nous trouvons un saccharolyseur, un autoclave… Des objets publicitaires datant de quelques décennies décorent toujours les rayons. Ainsi la Dame à la source côtoie la reine Néfertiti ou la marmotte du célèbre baume à la graisse de marmotte.... (figure n°53). 1 18/07/2016
3) Les pharmacies lyonnaises Le centre de Lyon a conservé quelques pharmacies anciennes, plus ou moins restaurées ou adaptées aux exigences actuelles. De charmantes petites pharmacies ont gardé leur allure d’antan. Par exemple, la pharmacie Saint Jean (figure n°54), située dans le vieux Lyon a conservé sa devanture et son mobilier du XIXème siècle. Dans le même arrondissement, la pharmacie du Change a été rajeunie par la teinte violette du mobilier ancien, mélangé aux comptoirs design. A noter, la très jolie herboristerie place Saint Jean, ancienne maison Joly, fondée en 1849. Figure n°54 La pharmacie d’Aynay dans le second arrondissement a conservé une ambiance toute particulière avec son mobilier cannelé peint en blanc, à l’intérieur tapissé de velours bordeaux installé en arc de cercle autour de l’unique comptoir de la boutique. Cependant, ces toutes petites officines sont les premières victimes de la concurrence, elles n’ont ni la place, ni les moyens de se développer et leur avenir reste bien incertain. D’autres pharmacies, plus modernes et souvent plus grandes se sont développées en insérant dans leur agencement actuel des parties du mobilier ou du décor d’origine. Elles se sont modernisées et se différencient des pharmacies voisines. Ainsi à Tarare, près de Lyon, la pharmacie Vigan a allié quelques meubles de l’ancienne pharmacie avec le mobilier contemporain A Lyon, c’est le cas de la pharmacie des Lumières dans le huitième arrondissement, ou de la pharmacie de la Martinière dans le premier arrondissement qui a conservé certains meubles datant du XIXème siècle. L’un d’entre eux, en noyer, est composé d’une partie inférieure contenant des petits tiroirs destinés à la conservation des plantes. Leur forme est peut-être caractéristique de la région lyonnaise puisque nous les retrouvons dans la pharmacie des Lumières. La pharmacie du palais est connue pour être la plus ancienne de la région lyonnaise. Fondée en 1717, elle a, entre autres, appartenu à André Alexandre Guilliermond, inventeur du cachet en 1835. Sa statue trône toujours à l’arrière du comptoir (figure n°55). Au début du XXème siècle elle appartenait à un dénommé Legendre, « Pharmacien, Officier de l’instruction publique ». La pharmacie devait avoir des accords avec divers organismes et en quelque sorte faire l’avance des frais aux malades puisque elle était le « Fournisseur Figure n°55 des Assurances Sociales, Mutilés, Sociétés de Secours Mutuels, Bureau de Bienfaisance, etc.» 1 18/07/2016
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