Tour de France des pharmacies historiques - Art & patrimoine ...

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Tour de France des pharmacies historiques

Résumé
Cet article est extrait de la thèse Quand l’art rencontre la pharmacie : attraits et contraintes
des pharmacies historiques / Anne-Lise Salles sous la direction de Brigitte Vennat, Faculté
de pharmacie, université de Clermont I, 2010.
Depuis 2010, nous supposons que le panorama des « pharmacies historiques » s’est modifié
en fonction de l’exercice professionnel. Ainsi la pharmacie Lhopitallier a définitivement
fermé ses portes en juin 2012. Grâce à son titulaire et au musée Carnavalet, le mobilier et le
préparatoire ont été classés « collection musée de France.

Tour de France des pharmacies historiques / Anne-Lise Salles, 15 juin 2011

Au coin d’une rue dans un centre ville ou sur la place centrale d’un village, nous avons
parfois la chance de découvrir une pharmacie aux allures d’antan. En effet cent cinquante
pharmacies françaises ont conservé une devanture ou un mobilier ancien, datant de la création
de l’officine ou au plus des années 1950. Ce chiffre représente moins de un pour cent des
officines françaises, autant dire une exception dans le monde pharmaceutique actuel.
Exception à découvrir et si possible à protéger puisque leur avenir n’est pas assuré : travailler
dans ce genre d’établissement n’est pas aisé et nécessite un réel engouement du titulaire.
Ces officines ont un réel intérêt historique : outre leurs richesses architecturales et artistiques,
elles sont le reflet d’un mode de travail révolu, témoins de longues dynasties de pharmaciens
et de grandes découvertes.
Nous allons donc réaliser un tour de France de ces pharmacies en détaillant certaines d’entre
elles et en listant toutes celles qui nous sont connues à la fin de cet article.

Parce que le soleil se lève à l’Est…
Pour commencer, faisons une petite escapade en dehors de nos frontières, afin d’évoquer le
cas de quelques pharmacies historiques en Europe.
Jusqu’à sa fermeture, en 2000, la pharmacie du Cerf à Strasbourg était considérée comme la
plus ancienne pharmacie européenne : ce titre revient aujourd’hui à la pharmacie de la place
de la Mairie à Tallinn, Estonie, qui daterait de 1422.
Les anciens pays du bloc communiste ont conservé de nombreuses pharmacies jusqu’à
l’ouverture au monde libéral. Malheureusement, tel un effet rebond, ces pays développent
aujourd’hui des politiques commerciales agressives souvent contradictoires avec la protection
du patrimoine. Ainsi, la pharmacie « A l’éléphant d’or » à Cracovie, bien qu’inscrite à un
registre polonais semblable à nos monuments historiques, a fermé ses portes il y a moins de
deux ans.

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Nous vous conseillons d’admirer les officines de l’avenue Nowy Świat dans la vieille ville de
Varsovie ou de visiter le très intéressant Musée de la Pharmacie du Collegium Medicum de
l’Université Jagiellonski de Cracovie.
Dans la même ville, la pharmacie « Pod Orlem », « à l’Aigle » située dans le quartier
Podgόrze, ghetto juif durant la seconde guerre mondiale, fut un haut lieu de résistance et est
aujourd’hui transformée en musée. Monsieur Tadeusz Pankiewicz, titulaire de l’officine,
n’appartenait pas à la religion juive mais ne quitta pas le ghetto pour autant. Il resta, ainsi que
ses collaborateurs, dans la pharmacie qui devint non seulement un lieu d’approvisionnement
en médicaments, calmants, teinture camouflante pour les cheveux mais aussi un lieu où les
juifs pouvaient obtenir des informations provenant de l’extérieur du ghetto, des documents et
au besoin se cacher. Monsieur Pankiewicz lutta jusqu’à la liquidation du ghetto en 1942.
Amateur d’art, il protégea d’anciennes torahs durant la guerre et accueillit des artistes
polonais. Il reçut en 1983 le titre de « Juste parmi les Nations » attribué par l’institut israélien
Yad Yashem. Tadeusz Pankiewicz mourut en 1993.
L’Italie possède de nombreuses pharmacies « à l’ancienne » dont la célèbre pharmacie Santa
Maria Novella à Florence. La Belgique, l’Espagne ont encore quelques pharmacies de style
« Art nouveau ». Nous pouvons découvrir également l’art pharmaceutique dans quelques
musées : à Bâle en Suisse, Heidelberg en Allemagne ou Barcelone en Espagne, sans oublier
Lisbonne au Portugal.

Carte de France des pharmacies historiques

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A) L’Alsace et la Lorraine
Les pharmacies contemporaines aux importants évènements historiques propres à ces deux
régions sont de bons reflets de ces périodes.

       1) La pharmacie du Cerf à Strasbourg
                                            La pharmacie du Cerf située, jusqu’à sa fermeture
                                            en l’an 2000, rue Mercière à Strasbourg (figure n°1)
                                            fut le témoin des aléas de l’histoire.
                                            En 1268, l’Alsace était sous l’autorité du Saint-
                                            Empire romain germanique et l’apothicairerie était
                                            tenue par un « Apothecarius Heinrich Philippi ».
                                            Il semblerait qu’elle fut fermée de 1315 à 1537 et
                                            son matériel transféré dans l’hôpital de la ville.
                                            Durant cette période le futur pape Pie II séjourna
                                            dans l’immeuble situé face à la cathédrale Notre-
                                            Dame de Strasbourg.
                                            A partir de 1648 l’Alsace est progressivement
                                            annexée à la France.
                                            Au XVIIIème siècle, Jacques-Reinbold Spielmann,
                                            apothicaire et professeur de renom, exerça dans la
                                            pharmacie du Cerf et Goethe fut l’un de ses élèves.
                                            L’apothicaire     participa    activement   à     la
                                            réorganisation de la formation des apothicaires en
                                            proposant un cursus universitaire en alternative au
               Figure n°1                   compagnonnage.

La qualité de cette formation, associée aux raisons stratégiques du Premier Consul Napoléon
Bonaparte explique en partie la création d’une Ecole de pharmacie à Strasbourg le 11 avril
1803.
Durant la seconde guerre mondiale, la pharmacie du Cerf fut l’une des rares pharmacies de
Strasbourg à avoir été fermée : la plupart ont été exploitées par des allemands. Ces derniers
voulaient transformer la pharmacie du Cerf en musée ; lors d’un congrès de la profession, les
noms de tous les anciens titulaires furent inscrits sur la devanture principale sauf le dernier qui
fut remplacé par une étoile de David.
Ré-ouverte à la fin de la guerre, elle sera transformée en boutique de la culture en 2000. Son
cadre architectural qui date de 1567 est classé monument historique. Nous découvrons une
magnifique façade à colombages dont les ouvertures sont entourées de pierres sculptées de
dragons et de salamandres. A l’angle du bâtiment, une colonne de grès, Büchmesser ou
« mesureur de ventre » permettait aux notables de la ville de mesurer leur embonpoint : elle
est toujours présente. L’intérieur comporte une très belle voûte ogivale décorée de petits
motifs pharmaceutiques, plantes, chauves-souris, moine réalisant une distillation peints par
l’artiste alsacien Léo Schnug au début du vingtième siècle. La salle de cours du Professeur
Spielmann existe toujours au premier étage. L’escalier y menant est sculpté d’une tête de cerf.

       2) La pharmacie aux Lys à Mulhouse

La pharmacie aux Lys est remarquable tant sur le plan architectural qu’historique. La
pharmacie de Monsieur Henri Risler, bourgmestre de la cité, est située dans une demeure
Renaissance : son décor actuel date de 1634.

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En 1649 son neveu, Monsieur Jean-Henri Engelmann transfère son apothicairerie qui existe
toujours trois cent cinquante ans plus tard. Si les volets à ouverture horizontale permettant
l’exposition des marchandises ont disparu, le plafond peint datant du XVIIème siècle existe
toujours (figure n °2). Il a été redécouvert en 1946 et magnifiquement restauré en 1989.

               Figure n°2                            Figure n°3                Figure n°4

C’est la totalité de l’officine qui a été rénovée en 1987 de façon à l’adapter aux exigences du
monde pharmaceutique tout en conservant et restaurant le mobilier des XVIIIè et XIXème
siècles (figures n°3) : d’époque empire il conserve quelques éléments Louis XVI. C’est un très
bel ensemble en merisier présentant des incrustations en palissandre aux motifs floraux, et des
frises géométriques (figure n°4).
Certains meubles ont été fabriqués à l’identique pour harmoniser l’agrandissement de la
boutique, d’autres ont été modifiés afin d’intégrer l’équipement l’informatique.
L’escalier en bois du XVIIe siècle est intégré dans l’angle de la pièce derrière les comptoirs et
le carrelage en terre cuite, de style XVIIe siècle, a été réalisé à l’identique dans toute
l’officine.

       3) Sur la route des vins…

Si vous sillonnez la campagne alsacienne, reliant ses villages typiques par la traversée de
vignobles réputés, prenez le temps de découvrir les quelques pharmacies qui n’ont pas
succombé à la Déesse Standardisation…

A Rouffach, la pharmacie du Soleil est aujourd’hui fermée. Mais peut-être aurez-vous la
chance de rencontrer l’ancienne titulaire, toujours propriétaire du lieu et qui conserve en l’état
l’ancienne officine. Celle-ci est née de la réunification en 1922 de la « Sonnen apotecke » et
de la « Löewen apotecke » : deux officines datant du XVIIIème siècle et ayant appartenu à
des pharmaciens allemands durant le rattachement à l’Allemagne de 1870 à 1918.
A la fin de la première guerre mondiale, les citoyens allemands furent rapatriés et le grand-
père de l’actuelle propriétaire, Monsieur Ringensein créa la pharmacie du Soleil. A l’intérieur
(figure n°5), nous admirons deux séries de pots en bois peint du XIXème siècle, l’une rouge
cuivrée et l’autre vert sapin provenant de chacune des deux pharmacies. Ces pots sont
typiques de la vallée alsacienne et de la Forêt-Noire en Allemagne.
Moderniser l’officine tout en conservant son esprit représentait un travail considérable : il
fallait modifier des murs porteurs dans un bâtiment qui datait du XVème siècle. La pharmacie
a donc été transférée en 2007 dans un bâtiment familial, lui-même inscrit au titre des
monuments historiques.

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Figure n°5                                   Figure n°6

A Obernai, vous pourrez être servis sur un comptoir d’époque empire, conservé et mis en
valeur au centre d’un agencement contemporain (figure n°6). En effet, la pharmacie Sainte-
Odile aurait été créée en 1760 et l’origine du bâtiment remonterait à 1746. Monsieur Grégoire
Schmutz, grand-oncle de l’actuel titulaire fit réaliser le tableau (figure n°7) surplombant l’entrée
de l’officine.

                               Celui-ci représente Odile de Honenbourg, patronne de l’Alsace,
                               donnant à boire à un aveugle. Née à Obernai au VIIème, elle
                               recouvra elle-même la vue lors de son baptême. Sainte Odile (qui
                               veut dire « fille de lumière ») fut donc invoquée par les fidèles
                               pour guérir les maladies oculaires et fit construire un hospice au
                               pied du mont qui prendra son nom.
           Figure n°7

A Barr, la pharmacie Stahl a été transférée il y a quelques
années. Son mobilier est aujourd’hui conservé au siège du
conseil de l’Ordre des Pharmaciens à Paris (figure n°8). Le
soubassement date de la création de l’apothicairerie en 1705
et est composé de tiroirs à plantes à décor polychrome. La
partie supérieure date de 1832 et supporte une importante
collection de pots en porcelaine, verre ou bois peint.
                                                                            Figure n°8

       4) L’influence allemande dans la construction des pharmacies

De 1870 à 1918 l’Alsace et la Moselle furent rattachées à l’Allemagne. Les pharmaciens
allemands soumis au numerus clausus d’une pharmacie pour cinq mille habitants vinrent
s’installer en masse dans les anciennes régions françaises où cette barrière à l’installation
n’existait pas. Pour les pharmacies comme pour l’architecture de ces régions, nous retrouvons
une influence allemande.

C’est le cas de la pharmacie du Relais à Ittenheim (figure n°9) près de Strasbourg qui conserve
un mobilier en chêne rappelant le style Biedermeier en vogue en Autriche au début du
XIXème siècle.

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Figure n°9                                    Figure n°10

De même la pharmacie des Roches à Rombas (figure n°10) en Moselle a été créée par un
pharmacien allemand au début du XXème siècle. La bâtisse est de style néogothique en brique
rouge. L’entrée de l’officine se fait par la petite tour menant à une porte comportant de
magnifiques vitraux à motifs floraux.

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5) Nancy capitale de l’Est de la France

Nancy, située dans la Lorraine restée française se développa considérablement entre 1870 et
1918. L’exode rural associé à l’arrivée de troupes de garnison et à l’immigration de nombreux
intellectuels et artistes de Metz et Strasbourg firent de Nancy la capitale de l’Est de la France.
Ainsi l’Ecole supérieure de Pharmacie de Strasbourg, fut transférée à Nancy à partir d’octobre
1872. Les pharmaciens formés à Nancy devinrent donc des pharmaciens de première classe.
A la fin du XIXème siècle des artistes lorrains de diverses disciplines s’associèrent
spontanément en appliquant le principe « de l’unité dans l’art » et regroupèrent « tout un
ensemble de métiers de manière à pouvoir réaliser totalement l’œuvre prévue ».
Ce mouvement s’inscrivit dans l’Art nouveau européen ou Modern’s style et est aujourd’hui
appelé « Ecole de Nancy ». Il fait triompher les lignes courbes, les représentations du monde
végétal voire du monde animal.
Certains pharmaciens s’associèrent à ce mouvement. En effet ce style mettait naturellement en
valeur les matières premières utilisées en pharmacie et éblouissait la clientèle. Par ailleurs, les
pharmaciens faisaient partie de la bourgeoisie de l’époque qui se devait de soutenir le
mouvement artistique local.

Nous pouvons toujours voir à Nancy six pharmacies, ou ce qu’elles sont devenues, de style
Ecole de Nancy.

                                      La pharmacie Mouzin (figure n°11) ne fut ouverte qu’une
                                      quinzaine d’années, jusqu’en 1923. Réalisée par
                                      l’architecte Léon Cayotte, elle était reliée à la maison du
                                      pharmacien.
                                      Nous pouvons toujours remarquer le caducée entouré de
                                      fleurs sculpté sur le gable ainsi que les digitales de
                                      chaque côté de ce qui fut l’entrée de l’officine.

               Figure n°11

La pharmacie Fandre fut fermée dans les années quatre vingt dix et le décor qui bénéficia
d’une mesure de protection est maintenant conservé au musée de l’Ecole de Nancy. Il fut
réalisé dans les ateliers de Jules Cayette en ce qui concerne les boiseries en chêne et les
éléments en laiton. Les luminaires de forme tulipe proviennent des établissements Daum et les
vitraux sont signés Jacques Gruber. La belladone se devine dans les boiseries, les corniches,
les ferronneries du cache radiateur. Les poignées de porte figurent des coccinelles et des
capricornes.
L’officine dut sa rénovation Art nouveau tardif en 1919 aux bombardements de la première
guerre mondiale. L’architecte Paul Charbonnier eut pour consigne d’intégrer la porte du
XVIIIème siècle, seul vestige de l’ancienne pharmacie, dans un harmonieux décor de façade.

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La pharmacie centrale Rosfelder fut la première à afficher une
                        décoration « nancéienne ». En effet le titulaire, Monsieur Antoine
                        Rosfelder était lui-même artiste.
                        Deux « belles portes ogivales » sont toujours visibles, elles présentent
                        des ferronneries en plume de paon, des poignées en plein bois « en
                        effort de traction » ainsi que des caissons inférieurs représentant des
                        jarres (figure n°12).
                        Ces portes sont entourées d’un carrelage redécouvert il y a quelques
                        années. La devanture se termine par une frise de fleurs.

         Figure n°12

La pharmacie du « Point central » possède une devanture qui date
de 1922 est de style Art déco, réalisée par le céramiste parisien
Ebel. Ce style, à son apogée entre 1920 et 1939 se caractérise par
des formes géométriques, épurées, à la différence des courbes de
l’Art nouveau.
La forme doit exprimer la fonction du bâtiment, ici une mosaïque
dorée encadre l’inscription « PHARMACIE » soulignée de gerbes
de fleurs (figure n°13).
Le décor intérieur Art nouveau de Jules Cayette a disparu hormis
quelques lambris muraux décorés d’amanites phalloïdes et de
coprins.
                                                                              Figure n°13
                        La pharmacie Jacques est située dans un immeuble construit en
                        1903 par l’architecte Lucien Vautrin. Son caractère Art nouveau est
                        dû au pan coupé de l’angle de la façade, aux vitraux de Gruber ainsi
                        qu’aux sculptures de Vautrin.
                        Il a en effet représenté les plantes médicinales locales. Certains
                        adeptes de l’Ecole de Nancy, tel Emile Nicolas, auraient aimé
                        exporter ce style dans la France entière. Chaque région aurait alors
                        fait figurer sa propre flore.
                        La porte d’entrée symbolisée par un papillon (figure n°14) est
                        surmontée d’une coupe d’Hygie entourée de rameaux de chêne
                        abritant deux serpents et encadrée par des inflorescences de glycine.
         Figure n°14

La pharmacie Monal ou du Ginkgo est située à proximité de la célèbre
place Stanislas.
La devanture fut conçue par l’architecte Paul Charbonnier qui associa
des fougères sur la façade et des ginkgos biloba sur les grilles des
portes (figure n°15).
L’intérieur est dû à Louis Majorelle, dans un style Art nouveau assagi.
Les boiseries en acajou et les chapiteaux des colonnes de soutien sont
agrémentés de bryone tandis que les corniches représentent de la
douce-amère. Au début du XXème siècle, la pharmacie Monal, très
dynamique, était connue pour faire de l’opothérapie.
                                                                              Figure n°15

En 1906, c’était le seul établissement de la région autorisé à fabriquer des médicaments à base
de tissus animaux dans le but de pallier une insuffisance hormonale.

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6) La pharmacie de l’Art nouveau à Commercy

La pharmacie de l’Art nouveau à Commercy, considérée comme la plus belle des pharmacies
nancéiennes est celle qui a le mieux conservé son décor d’origine.
Monsieur Malard, pharmacien à Saint Mihiel, installa en 1907 son fils Georges à Commercy.
Cette création se devait d’être remarquable afin d’asseoir la renommée de cette famille de
pharmaciens. Pour cela il fit appel à la plus prestigieuse association d’artisans de l’époque,
l’Ecole de Nancy.
                                               La devanture (figure n°16) est en bois de corail ou
                                               padouk. Nous retrouvons les stipules d’ombelles,
                                               signe distinctif de Vallin. Le fond de la vitrine
                                               est constitué par quatre panneaux de bois en
                                               forme de trapèze et contenant chacun en leur
                                               centre un vitrail. Ceux-ci, signés Joseph Janin,
                                               représentent des arums. Chaque panneau peut
                                               pivoter pour permettre de placer des objets en
                                               devanture : trois consoles supportent des pots de
                                               pharmacie. Les poignées de porte sont des arums
                                               symbolisés.
             Figure n°16
                                             L’intérieur (figures n°17) est le fruit de la
                                             collaboration de trois artisans : Eugène Vallin pour
                                             le mobilier et coordinateur des travaux, Joseph
                                             Janin pour les vitraux et Charles Fridich pour les
                                             papiers peints.
                                             Ceux-ci, sur les espaces laissés libres par les
                                             lambris, présentaient un motif de fuchsias.
                                             Supprimés lors d’une rénovation, ils n’ont pas
                                             étéremplacés.
                                             Joseph Janin a réalisé les vitraux situés dans la
                                             vitrine et l’habillement des deux portes desservant
                  Figure n°17                l’ancien préparatoire.

                           Le pavot (figure n°18) et la digitale sont donc en vis-à-vis.
                           Le mobilier est en bois de padouk ciré et acajou blond. Les parties
                           non visibles sont en sapin. Les corniches ornées de fleurs et de
                           cartouches comportent le nom de douze scientifiques.
                           Chaque cartouche en forme de trapèze est
                           délimité sur les côtés par des stipules
                           d’ombelle et une anse de panier à la partie
                           inférieure. Le célèbre arc de Vallin se retrouve
                           au niveau des consoles faisant office de
    Figure n°18            comptoir ainsi qu’au niveau du remarquable           Figure n°19
                           meuble de caisse (figure n°19).

                                                 1                                       18/07/2016
Tour de France des pharmacies historiques - Art & patrimoine ...
La majorité des pots de pharmacie en verre bleu et en porcelaine ont été conservés.
Certains flacons en verre sont munis d’un bouchon surmonté d’un verre-doseur, ceux au col
étroit servaient aux liquides (figure n°20), ceux au col plus large aux poudres (figure n°21). Les
bocaux à large ouverture contenaient des plantes (figure n°22) et les pots en porcelaine de
Rouen étaient destinés aux onguents (figure n°23).

             Figure n°20         Figure n°21        Figure n°22         Figure n°23

La pharmacie est restée dans la même famille depuis sa création. Georges Malard céda
l’officine à son fils Pierre, qui lui-même confia l’affaire à son gendre Philippe Flesch en 1987.
A l’approche du centenaire de L’Ecole de Nancy en 1999, Monsieur Flesch obtint le
classement total de son officine aux monuments historiques. Ainsi, les grilles, la devanture, le
décor intérieur sont protégés depuis le seize juin 1998.

B) Le Nord de la France

       1) Reims

                                          La Grande Pharmacie Dieu Lumière est installée
                                          dans le quartier Saint-Rémi, dans une bâtisse (figure
                                          n°24) construite après la seconde guerre mondiale. La
                                          pharmacie date de la même époque et appartient
                                          toujours à la famille Levaux-Crombée.
                                          Les vitrines ont été habillées d’une signalétique qui a
                                          le mérite d’interpeller. Un serpent entourant une croix
                                          verte, variante du caducée, entourée d’une multitude
                                          de petites croix telles les bulles de champagne chères à
                                          cette région.

                Figure n°24

                                                1                                       18/07/2016
2) Découverte dans le Nord-Pas-de-Calais

A Hautmont, près de la frontière belge, deux pharmacies méritent le détour.

                                        La pharmacie de la gare a conservé les boiseries
                                        anciennes, adaptées sur des étagères contemporaines
                                        (figure n°25). Les attributs de la pharmacie, caducée,
                                        serpent, palmier, digitale sont représentés grâce à des
                                        sculptures et des verres gravés.

                                        Place de la Libération une pharmacie conserve son
                                        mobilier Art déco ainsi que les vitraux indiquant les
                                        champs d’activité de la pharmacie : Spécialités,
                                        Ordonnances, Orthopédie, Analyses. Dans l’arrière-
                Figure n°25             boutique, se trouve un très beau carrelage en carreaux
                                        de ciment peint.

A Lille, le mobilier et l’équipement de l’ancienne pharmacie Lotar sont maintenant conservés
dans le musée de la Faculté de pharmacie de Lille. Monsieur Henri Lotar, pharmacien à la fin
du XIXe siècle fut le premier titulaire de la chaire de pharmacie créée à la Faculté de
médecine et pharmacie en 1881.

La pharmacie Denis est une jolie officine de quartier, proche du centre ville de Lille qui a
conservé ses boiseries d’inspiration italienne.
D’un bleu gris souligné d’ocre et de doré, ces boiseries en chêne sont sculptées d’angelots et
de cornes d’abondance, peut-être en honneur des célèbres scientifiques dont les noms figurent
sur la corniche. Outre Hippocrate et Galien, figurent trois chimistes et pharmaciens du
XVIIIème siècle, Baumé inventeur de l’aéromètre et du degré éponyme, Scheele, d’origine
suédoise, découvreur du chlore et de l’oxygène et Vauquelin découvreur entre autres du
chrome et du béryllium.

       3) La pharmacie Roye-Caenevet à Wambrechies

A Wambrechies, près de Lille vous pourrez vous balader sur les chemins de halage le long de
la Deûle mais aussi visiter la distillerie de genièvre ou la pharmacie Caenevet, inscrite aux
monuments historiques et qui participe aux journées européennes du patrimoine.

                                                   La pharmacie (figure n°26) n’a appartenu qu’à
                                                  deux familles différentes. Monsieur Lelong,
                                                  la transféra à l’emplacement actuel en 1906.
                                                  Son fils vendit la pharmacie en 1961 à
                                                  Monsieur Caenevet qui la céda à sa fille.
                                                  La devanture en chêne est d’origine et la
                                                  porte vitrée de l’officine est gravée des
                                                  emblèmes de la pharmacie, le palmier ou le
                                                  serpent.

                 Figure n°26

                                              1                                       18/07/2016
Une fois la porte passée, nous nous retrouvons
dans un cocon aussi chaleureux qu’exigu (figure
n°27).
La petite pièce qui compose l’officine est
meublée sur trois côtés de boiseries en chêne
clair de Hongrie, sans nœud. L’espace est
complété par deux comptoirs en « L » qui ont
gardé leur partie supérieure avec la vitrine et la
petite balustrade.

                                                                    Figure n°27

Le décor est une alliance de styles Henri II et Art nouveau : nous retrouvons ce type de décor
dans d’autres pharmacies françaises. Les portes de verre qui ferment certaines étagères sont
coulissantes pour éviter une perte de place.
La pharmacie conserve une très belle collection de pots en verre blanc et teinté ainsi que des
pots en porcelaine de Paris provenant de la maison Mourier. Des vases à thériaque
monumentaux, d’anciens instruments de travail, un alambic en partie détruit complètent
l’ensemble.

C) En longeant les côtes françaises
        1) Quelques préfectures du Nord-Ouest

Dans les stations balnéaires ou un peu plus loin dans les terres les régions côtières conservent
quelques pharmacies remarquables.

                                   En découvrant quelques préfectures du Nord-Ouest de la
                                   France, vous pourrez passer devant de belles devantures de
                                   pharmacie comme la Grande pharmacie du centre à Rouen
                                   et ses vitraux et ferronneries 1920 (figure n°29).

                                   A Rennes plusieurs façades sont à remarquer dont celle de
                                   la pharmacie-herboristerie Saint Michel de style Art
                                   nouveau qui s’apparente au travail du mosaïste Isidore
                                   Odorico (figure n°30).

                                   Dans le même style, à Nantes la pharmacie Dalby se trouve
                                   dans un immeuble qui, selon la titulaire actuelle a été décoré
                                   par l’architecte céramiste nantais Emile Libaudière au début
                                   du XXe siècle (figure n°28).
           Figure n°28

                                                 1                                     18/07/2016
Figure n°29                                       Figure n°30

       2) La Bretagne

La Bretagne recèle quelques officines comme la Grande pharmacie de l’Etoile à Saint-
Brieuc qui fut l’une des plus importantes de la ville au début du XXème siècle.

A l’orée de la légendaire forêt de Brocéliande, à Plélan-le-Grand, la pharmacie Perchais fut
créée à la toute fin du XIXème siècle et conserve toujours son mobilier et son espace réduit
d’origine pour la plus grande convivialité de l’endroit.

A contrario, la pharmacie Saint Jacques à Perros-Guirec a été totalement rénovée à
l’occasion de ses cent ans. Le but recherché était d’allier le passé et l’avenir et cela est plutôt
réussi puisque la pharmacie a obtenu le premier prix national du réagencement réussi en 2009.
Ainsi les comptoirs modernes sont venus se marier aux plus belles parties de l’ancien
mobilier, l’utilisation d’un automate n’empêche pas de continuer la pratique des préparations
magistrales.

                                            Paimpol, village de pêcheur de la Côte Nord de la
                                            Bretagne conserve en son centre historique et
                                            protégé la charmante pharmacie Rougier.
                                            Dans une maison de granit rose au toit d’ardoise se
                                            campe une officine à la devanture couleur locale.
                                            Chaleureuse, elle incite les touristes à venir
                                            découvrir son intérieur peu modifié depuis sa
                                            création (figure n°31).

               Figure n°31

                               Avant de quitter la Bretagne pour la Normandie nous vous
                               conseillons de déambuler les yeux « au ciel » dans le Saint-
                               Malo fortifié. En observant la ville reconstruite après la seconde
                               guerre mondiale vous remarquerez les enseignes de pharmacies
                               particulièrement travaillées (figure n°32).

         Figure n°32

                                                1                                        18/07/2016
3) La Normandie

Outre la Grande pharmacie du centre à Rouen plusieurs sont à noter en Normandie.
Ainsi la pharmacie Soussan à Fécamp a gardé sa devanture qui date de la création de
l’apothicairerie à l’époque de la Révolution. Cette façade a une histoire peu banale puisque le
premier titulaire Monsieur Pierre Trocque a profité du démantèlement et de la vente des
éléments religieux pour acquérir quatre colonnes ayant appartenu à la paroisse Saint Fromond.
Malheureusement l’intérieur de l’officine d’époque Premier Empire a été supprimé en 1999.

                               De passage par Honfleur ne manquez pas de visiter le plus
                               petit musée de France. Situé dans l’ancien préparatoire de la
                               pharmacie du Passocéan (figure n°33) il recèle des inventions
                               d’Alphonse Allais, qui fit ses premiers exploits dans la
                               pharmacie paternelle.

                               L’officine certainement touchée par un curieux sort fut
                               exploitée à partir de 1920 par Monsieur Desmarai inventeur
                               du Passocéan remède contre le mal de mer. Cet original ne
                               trouva rien de mieux que de se présenter à la présidence de la
                               République française en 1935 puis de s’autoproclamer
                               Président d’honneur de la Marine Suisse avant de finir interné.
         Figure n°33

Aujourd’hui l’équipe officinale perpétue la tradition dans des limites beaucoup plus
raisonnable et n’hésite pas à revêtir les costumes d’époque lorsque l’occasion se présente.
Pour terminer votre escapade normande, un passage à Douvres-la-Délivrande s’impose. La
pharmacie Lesage a été construite en 1901 dans le pur style Art nouveau par l’architecte
caennais Rouvray, émule d’Hector Guimard (figure n°34).

           Figure n°34                    Figure n°35                      Figure n°36

L’intérieur d’origine (figure n°35) a été conservé et agrandi en faisant appel aux services des
Beaux Arts puisque la pharmacie est inscrite au titre des monuments historiques. Les caves
voûtées ont été aménagées. (figure n°36).
Celle-ci est l’exemple typique et particulièrement rare d’une pharmacie qui a su s’adapter au
monde pharmaceutique actuel tout en conservant et valorisant son patrimoine artistique et
historique.

                                              1                                      18/07/2016
3) Bordeaux

Bordeaux, ville d’art et d’histoire, appartenant au patrimoine mondial de l’Unesco, a une
réelle volonté de protéger son patrimoine historique. Ainsi dans cette cité ayant la plupart de
ses quartiers historiques protégés, l’office de tourisme propose des visites à thèmes dont la
visite des décors des anciennes pharmacies de Bordeaux.

Cette visite permet la découverte de la pharmacie de la Bourse située à proximité de la
célèbre place du même nom sur le quai Richelieu. L’officine est située dans une maison
d’époque classique du XVIIIème siècle et conserve son mobilier Louis XVI.

                     Plus jeune de quelques années, la pharmacie des Carmes a été fondée à la
                     Révolution, en 1792, par le moine carmélite Pierre Catinot suite à
                     l’obtention d’une dérogation exceptionnelle pour pouvoir exercer son art en
                     dehors du couvent.
                     De cette époque subsistent toujours les deux vases monumentaux sculptés
                     de part et d’autre de la porte d’entrée de l’officine. A l’origine ils étaient
                     polychromes, ocre orangé avec un ornement vert bronze foncé avec
                     l’inscription « Eau de mélisse » (figure n°37). En effet, la pharmacie est
                     surtout connue pour sa célèbre « Eau de mélisse des Carmes », fabriquée
                     depuis le XVIIème siècle dans les divers couvents carmélites.
                     A l’intérieur, les boiseries en acajou blond empire subsistent et favorisent
  Figure n°37        une ambiance réconfortante.

                                        La toute petite pharmacie du Mirail (figure n°38), dans
                                        le quartier Saint Michel doit son nom au miroir, mirail
                                        en gascon, qui aurait permis de tuer un serpent qui
                                        terrorisait le quartier. Elle a gardé ses meubles
                                        d’époque empire en acajou et ses jolies colonnes de
                                        marbre qui allongent et agrandissent l’espace client.
                                        L’existence de la pharmacie remonte à 1830.
                Figure n°38

La pharmacie François est à notre connaissance l’une des plus grandes pharmacies
historiques toujours en activité.
Créée en 1729, elle appartint à la famille Fosse pendant deux cent cinquante ans. Lors de la
percée du cours en 1865, la pharmacie est agrandie pour atteindre 200m2. Il faut préciser qu’à
la fin du XIXème siècle, trente cinq personnes travaillaient dans le bâtiment. Pharmaciens,
préparateurs mais aussi quelques médecins qui avaient leur bureau dans l’enceinte.

                                                1                                      18/07/2016
L’aspect actuel de la pharmacie date de 1905.
                                            Charles Fosse, dont les initiales sont présentes sur
                                            les appliques fit agencer la pharmacie dans le style
                                            des grands magasins parisiens (figure n°39).
                                            Verrière à structure en fer boulonné, éclairage au
                                            gaz, carrelage en pavés de ciment peint, meubles en
                                            acajou, coursives constituent le décor intérieur.
                                            Celui-ci est complété par une horloge en bronze doré
                                            réalisée par Gaston Guignan.
                                            Le pharmacien titulaire qui s’applique à entretenir
                                            l’identité et la mémoire de la pharmacie a créé un
                Figure n°39                 « musée » dans l’un des anciens bureaux de
                                            médecins (figure n°40).

Il conserve des documents relatifs à l’officine mais aussi de
nombreux instruments collectionnés au fil des années.
La pharmacie François a découvert le procédé de fabrication
des suppositoires à base de beurre de cacao, cette matière
ayant l’avantage de fondre à température corporelle :le
système de moulage à froid des suppositoires est mis en
valeur. L’histoire de la pharmacie François avec le chocolat
ne s’arrête pas là puisqu‘elle commercialisa des bonbons
puis des tablettes de chocolat. Elle serait à l’origine de la
naissance du célèbre Toblerone lors de son association avec
l’entreprise suisse Tobler.
Grand créateur, Roger Fosse commercialisa en 1932
l’Hépascol François, dépuratif et précieuse aide à la
digestion, obtenu à partir de feuilles fraîches d’artichauts de
Macau, dans la banlieue bordelaise.
                                                                          Figure n°40

        4) La région de Montpellier

A notre connaissance, il n’y a pas de pharmacies anciennes à Montpellier. Cependant, la ville
possède d’autres attraits pharmaceutiques comme le musée Albert Ciurana, musée dédié à
l’histoire et l’art pharmaceutiques situé dans les locaux de la faculté de pharmacie.

                                      A Marsillargues, la pharmacie centrale conserve un
                                      mobilier (figure n°41) qui aurait appartenu à Antoine
                                      Balard, brillant chimiste et pharmacien montpelliérain
                                      du XIXème siècle.
                                      Ce mobilier met en valeur une collection de plus de
                                      soixante pots de pharmacie et abrite les patrons de la
                                      pharmacie, Saint Côme avec son pot à onguent et Saint
                                      Damien mirant les urines.

               Figure n°41

                                                1                                       18/07/2016
Dans le centre ville d’Alès les boiseries d’époque Napoléon III de la pharmacie Sarrus
accueille toujours les patients. La famille Sarrus, grand-père, père et fils, officie dans un décor
particulièrement soigné composé de boiseries en noyer et pin formant des colonnes cannelées
peintes en trompe l’œil imitant le marbre et surmontées de chapiteaux.
Le comptoir central est sculpté du bâton d’Esculape entouré d’un serpent buvant dans la
coupe d’Hygie. Les deux lampes à gaz en verre ont été électrifiées et trônent toujours sur le
plateau de marbre. (NB : le dernier descendant de la lignée Sarrus a cessé son activité en mars
2011)

       5) Le père Blaize, une institution marseillaise

                     L’herboristerie du Père Blaize a été fondée en 1815 par Monsieur
                     Toussaint Blaize. Madame Martine Bonnabel-Blaize appartient à la
                     sixième génération (figure n°42) de la lignée familiale. Son grand-père Paul
                     Bonnabel-Blaize fut le premier à obtenir le diplôme de pharmacien en
                     1930. La place de l’allopathie reste aujourd’hui très restreinte.
                     L’herboristerie a conservé et utilise toujours les casiers à plantes, les
                     balances et comptoirs d’origine. Le sol en terre cuite rappelle les origines
                     provençales du fondateur qui apprit les vertus des plantes dans le massif
                     des Ecrins.
                     Le préparatoire se situe au premier étage et le second est toujours utilisé
                     pour le stockage des plantes.
    Figure n°42
       6) Nice

Quelques pharmacies de la cité balnéaire ont gardé des traces du développement de la ville et
de l’important engouement des étrangers, en particulier anglais et russes qui venaient passer
l’hiver sous le ciel clément de la Côté d’Azur. Ainsi la pharmacie Dubouchage qui date du
premier quart du XXème siècle s’appelait à l’origine la pharmacie des Hivernants.

                                              De même, la pharmacie Victor Hugo située sur
                                              le boulevard du même nom était célèbre dans la
                                              colonie étrangère. Créée lors de la construction
                                              du palais Meyerbeer qui l’héberge, elle s’était
                                              spécialisée afin de pouvoir délivrer les
                                              médicaments prescrits par des médecins anglais,
                                              russes ou allemands. A cette époque, un
                                              laboratoire d’analyses médicales était adjoint à la
                                              pharmacie.
                                              La pharmacie a conservé ses boiseries raffinées,
                                              lasurées de blanc (figure n°43).
                  Figure n°43

Difficile de parler de Nice sans évoquer le palais Lascaris. Celui-ci abrite depuis 1969 les
boiseries et les pots de pharmacie de la remarquable pharmacie Jacques.
Cette apothicairerie fut créée en 1738 par l’apothicaire Joseph Baratte à Besançon qui la
transféra en 1754 au 140, grand rue dans l’immeuble qui devint la maison natale de Victor
Hugo. L’immeuble du XVIème siècle fut rénové en 1761 par l’architecte Jean-Charles
Colombot et la pharmacie passa pour être la plus belle de Besançon.

                                                1                                        18/07/2016
Celle-ci est aussi reconnue pour la longévité de ses titulaires, Monsieur Maire succéda à
Monsieur Baratte en l’an 1800 et laissa sa place à Monsieur Jacques en 1859.

A cette date la pharmacie ferma définitivement, le mobilier avec son équipement fut acheté
par un antiquaire parisien qui le vendit à l’inventeur Paris Singer pour son château « des
rochers » à Saint-Jean-Cap-Ferrat. A sa mort, le mobilier fut vendu et l’acquéreur l’offrit
immédiatement à la ville de Nice qui l’installa au palais Lascaris.
Nous pouvions admirer cette magnifique officine de ville qui représente l’un des rares
témoignages de ce qu’était une apothicairerie au XVIIIème siècle (figure n°43’).

                                                  Les boiseries en forme de U comportent un
                                                  soubassement composé de tiroirs surmontés
                                                  de placards dans le style de l’époque.
                                                  Au dessus, les parties latérales sont
                                                  composées de tiroirs à décor polychrome
                                                  destinés au stockage des plantes.
                                                  La partie centrale est reliée aux côtés par
                                                  deux étroits placards sculptés des portraits
                                                  d’Hippocrate et de Galien.
                                                  Ce panneau est composé de lambrequins
                                                  destinés à accueillir les chevrettes, pots
                                                  canons, piluliers en faïence.
                  Figure n°43’

Ceux-ci seraient pour la plupart du XVIIIème siècle, issus de divers grands centres de
fabrication, Rouen, Moustier, Lyon…
La porte vitrée centrale menait au préparatoire et le comptoir central où trônait le vase à
thériaque servait à la délivrance. (NB : La pharmacie Jacques a quitté le Palais Lascaris, en
2013, pour retrouver la maison natale de Victor Hugo).

       7) La Corse

De même que la Martinique conserve une pharmacie ancienne à Sainte Anne, Saint Martin de
Ré une ancienne apothicairerie d’hôpital, l’île de Beauté conserve quelques pharmacies
sympathiques. En effet, l’insularité et la volonté des habitants de protéger leur patrimoine a
peut être permis une plus meilleure conservation des pharmacies anciennes.
                                          La pharmacie du diamant, dans la vieille ville
                                          d’Ajaccio (figure n°44) a conservé son agencement
                                          d’origine de la fin du XIXème siècle.
                                          En hémicycle, elle a gardé ses boiseries en chêne
                                          et son comptoir en pin recouvert de marbre. Le
                                          carrelage en carreaux de ciment est celui d’origine,
                                          tout comme le plafond à corniche.

                                          Beaucoup plus récente, la pharmacie Balesi à
                                          Casamozza au Sud de Bastia a conservé le
                                          mobilier de sa création en 1953, tout comme la
              Figure n°44                 pharmacie Jorio à Bastia.

                                              1                                      18/07/2016
La pharmacie Dussol est une institution familiale à Bastia. Créée par le
grand-père à l’emplacement actuel à la fin du XIXème siècle, elle est
aujourd’hui exploitée par trois de ses petits-enfants.
Malgré un agrandissement, les très belles boiseries en acajou ont été
conservées.
Outre les arabesques et autres décorations florales, chaque porte est
sculptée d’un visage dont la signification s’est perdue avec le temps.
Nous pouvons toujours voir la tête de Maure, emblème de la Corse (figure
n°45). Les boiseries et l’agencement original (sas d’entrée, meuble vitrine)
                                                                                  Figure n°45
font faire penser à une influence italienne, ou d’Europe Centrale.

D) En remontant la vallée du Rhône

       1) Montélimar

Le patrimoine des officines montiliennes est particulièrement riche. Mis à part la pharmacie
du Marché qui a fait refaire sa devanture et son intérieur dans un style ancien, deux
pharmacies méritent d’être découvertes.

La pharmacie Roux, dans son cadre 1900, a hébergé et héberge une dynastie de pharmaciens
unique en France et peut-être en Europe.
La pharmacie existe à Montélimar depuis 1749. Cependant, l’histoire de la famille commence
bien avant avec Monsieur Léonard Roux, chirurgien-barbier vers 1550 à Mornas, dans le
Vaucluse. La transmission s’est faite de père en fils, chirurgiens-barbiers, maîtres-chirurgiens,
apothicaires puis pharmaciens. Monsieur Joseph-Antoine Roux, huitième génération, fut le
premier à être pharmacien.

             Figure n°46                            Figure n°47                 Figure n°48

La devanture et une partie de l’intérieur de l’officine sont de style Art nouveau, en noyer
sculpté, avec ses courbes et ses décors empruntés à la nature (figures n°46, 47 et 48). Une
collection de pots de porcelaine Napoléon III et des bustes de plâtre d’Hippocrate et de Galien
agrémentent l’ensemble.

                                                1                                      18/07/2016
La pharmacie Bonnefond est elle aussi tout à fait intéressante. Le bâtiment appartient à la
famille Brun depuis la création dans la première moitié du XIXème siècle. Adrien Brun, le
second titulaire de l’officine fut l’inventeur du « caille-lait Brun » qui existe encore
aujourd’hui.

                                            La plus grande partie de la pharmacie, à savoir la
                                            devanture, les boiseries, le plafond et les pots de
                                            pharmacie sont classés au titre des monuments
                                            historiques.
                                            La devanture (figure n°49) date de 1880, elle présente
                                            de fines ferronneries néo-gothiques. D’originales
                                            sculptures représentent deux rats escaladant un vase
                                            couvert.
                Figure n°49

L’intérieur (figure n°50) est décoré de boiseries
Second Empire, fabriquées entre 1853 et
1855 en noyer et merisier.
Les comptoirs ont été légèrement adaptés
afin d’installer le système informatique et des
spots ont été rajoutés il y a quelques années.
Le plafond est une toile peinte par l’artiste
Marantier en 1910.
Seul le carrelage a été refait en 1960.

                                                                     Figure n°50

                          La pharmacie possède une belle collection de pots de pharmacie du
                          XVIIème au XIXème siècles.
                          Il s’agit de pots en faïence ou en porcelaine, de bocaux en verre et
                          d’un vase à Thériaque.
                          Le vase couvert avec la mention « DIASCORUM » (figure n°51) est en
                          porcelaine de Sèvres du XVIIIème.

        Figure n°51

                                                    1                                   18/07/2016
2) Saint-Etienne

La pharmacie Jacob, fut l’une des plus importantes pharmacies de la ville au milieu du
XXème siècle. Elle a été fondée en 1835 par Monsieur Jacob, rue du Grand Moulin, puis
transférée, en 1906, par ses deux fils rue Georges Teissier. En 1920, un cousin par alliance,
Monsieur Silvestre a repris l’affaire aujourd’hui exploitée par la femme de son petit-fils.

                                              Les boiseries, probablement réalisées au temps
                                              des Jacob, sont d’une grande qualité (figure n°52).
                                              Chaque chapiteau est unique, les attributs de la
                                              pharmacie caducée, mortier, balance, serpent,
                                              plantes mais aussi livres et alambic sont sculptés.
                                              Des colonnes de fonte soutiennent l’édifice, les
                                              corniches sont en staff et les vitrines contiennent
                                              des panneaux de verre dépoli à l’acide signés B.
                                              Jouve, 1882.
                                              Les rayons supérieurs accueillent une importante
                                              collection de bocaux en verre et de pots en
                                              porcelaine de Paris de 1900 signés J. Fontenoing
               Figure n°52                    et L. Peigney.

Monsieur Frédéric Silvestre réalisa des préparations, les produits « Tussis ». Une vingtaine de
formules furent déposées (sirop, pastilles, terpine, lotion, coricide…) et permirent l’essor de la
pharmacie qui exporta jusqu’en Indochine, alors colonie française.

En 1946 le fils de Frédéric Silvestre devint titulaire à son tour et créa un laboratoire
d’analyses médicales dans la pharmacie. En 1975 la loi oblige à la séparation des pharmacies
et des laboratoires d’analyses.

                         La pharmacie conserve de nombreux témoignages des différentes
                         époques : dans l’ancien préparatoire nous trouvons un saccharolyseur,
                         un autoclave…

                         Des objets publicitaires datant de quelques décennies décorent
                         toujours les rayons. Ainsi la Dame à la source côtoie la reine Néfertiti
                         ou la marmotte du célèbre baume à la graisse de marmotte.... (figure
                         n°53).

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3) Les pharmacies lyonnaises

Le centre de Lyon a conservé quelques pharmacies anciennes, plus ou moins restaurées ou
adaptées aux exigences actuelles.

                                             De charmantes petites pharmacies ont gardé leur
                                             allure d’antan. Par exemple, la pharmacie Saint
                                             Jean (figure n°54), située dans le vieux Lyon a
                                             conservé sa devanture et son mobilier du
                                             XIXème siècle.
                                             Dans le même arrondissement, la pharmacie du
                                             Change a été rajeunie par la teinte violette du
                                             mobilier ancien, mélangé aux comptoirs design.

                                             A noter, la très jolie herboristerie place Saint
                                             Jean, ancienne maison Joly, fondée en 1849.
              Figure n°54

La pharmacie d’Aynay dans le second arrondissement a conservé une ambiance toute
particulière avec son mobilier cannelé peint en blanc, à l’intérieur tapissé de velours bordeaux
installé en arc de cercle autour de l’unique comptoir de la boutique.
Cependant, ces toutes petites officines sont les premières victimes de la concurrence, elles
n’ont ni la place, ni les moyens de se développer et leur avenir reste bien incertain.

D’autres pharmacies, plus modernes et souvent plus grandes se sont développées en insérant
dans leur agencement actuel des parties du mobilier ou du décor d’origine. Elles se sont
modernisées et se différencient des pharmacies voisines.
Ainsi à Tarare, près de Lyon, la pharmacie Vigan a allié quelques meubles de l’ancienne
pharmacie avec le mobilier contemporain

A Lyon, c’est le cas de la pharmacie des Lumières dans le huitième arrondissement, ou de la
pharmacie de la Martinière dans le premier arrondissement qui a conservé certains meubles
datant du XIXème siècle. L’un d’entre eux, en noyer, est composé d’une partie inférieure
contenant des petits tiroirs destinés à la conservation des plantes. Leur forme est peut-être
caractéristique de la région lyonnaise puisque nous les retrouvons dans la pharmacie des
Lumières.
                                           La pharmacie du palais est connue pour être la plus
                                           ancienne de la région lyonnaise. Fondée en 1717,
                                           elle a, entre autres, appartenu à André Alexandre
                                           Guilliermond, inventeur du cachet en 1835. Sa statue
                                           trône toujours à l’arrière du comptoir (figure n°55).
                                           Au début du XXème siècle elle appartenait à un
                                           dénommé Legendre, « Pharmacien, Officier de
                                           l’instruction publique ».
                                           La pharmacie devait avoir des accords avec divers
                                           organismes et en quelque sorte faire l’avance des
                                           frais aux malades puisque elle était le « Fournisseur
                 Figure n°55               des Assurances Sociales, Mutilés, Sociétés de
                                           Secours Mutuels, Bureau de Bienfaisance, etc.»

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