Un bulldozer nommé PKP - Pierre Karl Péladeau
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en couverture Pierre Karl Péladeau un bulldozer nommé PKP Ses adversaires prédisaient son échec. Dix ans après l’achat de Vidéotron, Pierre Karl Péladeau a plutôt transformé Quebecor en l’une des plus puissantes entreprises culturelles et médiatiques au pays. Mais son style de gestion en fait l’un des hommes d’affaires les plus craints. Qui est donc PKP ? par J onathan Trudel P ierre Karl Péladeau est rentré épuisé. ses imprimeries, l’un des fleurons de Quebecor. Vêtu d’un cuissard et d’un maillot, Au lendemain de l’acquisition de Vidéotron, il venait d’avaler des dizaines de il y a 10 ans, des analystes financiers, inquiets kilomètres à vélo face aux vents de la lourde dette de Quebecor, se demandaient violents qui soufflaient par rafales ce jour-là même si Pierre Karl Péladeau n’allait pas sur les îles de la Madeleine. démolir l’empire que son père avait mis des « Les gens du coin me disaient que Pierre décennies à bâtir… Karl ne reviendrait jamais du bout de l’île et « On a dit que nous allions péter au frette, que je devrais aller le chercher en voiture », mais moi, je n’ai jamais douté, dit le PDG de raconte sa conjointe, l’animatrice et produc- 49 ans sur un ton de défi. Si on devait prêter trice Julie Snyder, restée avec leurs deux attention à tous les commentaires publiés dans jeunes enfants et la fille aînée de Péladeau au la presse, on ne serait pas capables de diriger motel qu’ils avaient loué dans l’archipel l’été notre entreprise... » dernier. Bien calé dans son fauteuil, dans une salle Mais le patron de Quebecor a l’habitude de conférences du 19e étage du siège social, d’affronter les vents contraires. Et il est entêté... dans le Vieux-Montréal, il prend un plaisir Alors Julie Snyder l’a laissé pédaler. Il est évident à remettre à leur place ceux qui pré- rentré en soirée. disaient son échec. « Il veut prouver qu’ils ont Depuis qu’il a pris la barre de l’entreprise eu tort », dit Luc Lavoie, son ancien bras droit, fondée par son père, il y a 11 ans, le fils de Pierre revenu lui prêter main-forte pour mettre sur Péladeau a traversé bien des tempêtes — des pied Sun TV News, une chaîne d’information débâcles boursières, de longs et durs conflits continue de droite. de travail (dont un qui perdure au Journal de Et Péladeau parie un milliard de dollars qu’il Montréal), la faillite puis la vente au rabais de les fera de nouveau mentir. ‚ photo de Jean-François Bérubé 36 l’actualité 15 novembre 2010
Pierre Karl Péladeau sur le toit d’une des deux tours du siège social de Quebecor, dans le Vieux-Montréal.
en couverture un bulldozer nommé PKP Cinq ans après avoir attaqué Bell Quebecor n’aurait jamais pu acquérir publie entre autres Le Journal de Mont dans son fief de la téléphonie résiden- Vidéotron sans l’aide de la Caisse de dépôt réal et Le Journal de Québec, le Toronto tielle et avoir gagné un million de clients, et placement du Québec, laquelle a investi Sun et le Vancouver Sun), le plus grand Quebecor vient de se lancer à l’assaut 3,2 milliards de dollars dans l’aventure. câblodistributeur au Québec (Vidéotron) du convoité marché de la téléphonie « Avec le système de convergence qu’il a et le réseau de télé le plus regardé (TVA), sans fil. Un pari colossal, qui permettra mis en place, il a un pouvoir de vie ou de des centaines d’hebdomadaires, de maga- à Pierre Karl Péladeau, s’il le gagne, mort sur des artistes et une grande zines et de sites Web, une agence de d’accentuer son emprise sur le monde influence sur les politiciens et le monde presse (QMI), des chaînes spécialisées, des télécommunications au Québec. Et des affaires. » des maisons de production et une myriade causera des montées de tension chez ses La nébuleuse Quebecor compte la plus d’autres entreprises. détracteurs. importante chaîne de tabloïds et de jour- Pierre Karl Péladeau forme avec Julie Contrairement à beaucoup de fils naux locaux au pays (Sun Media, qui Snyder l’un des couples les plus média- d’entrepreneurs célèbres, Péladeau n’a tisés — et puissants — du Québec. Il mul- pas eu de mal à se forger un prénom, et tiplie les apparitions aux émissions Le même des initiales (PKP). Selon un son- dage CROP mené pour L’actualité, 87 % Quebecor est partout banquier et aux galas de Star Académie (qu’elle anime), devant des millions de des Québécois — et 96 % des franco Quebecor a une emprise sans pareille sur la téléspectateurs de TVA. On l’aperçoit, phones — le connaissent, un taux de consommation médiatique des Québécois. épaules carrées et petites lunettes rondes, notoriété comparable à celui des vedettes Par ses différentes propriétés, dans divers lancements et réunions mon- du petit écran. Mais peu de personna Quebecor accapare… daines. Mais PKP fuit les entrevues. Dans lités au Québec divisent autant le milieu les rares conférences de presse aux 42 % du temps consacré des affaires, de la politique et de la culture, quelles il participe, il écarte d’un ton sec par les Québécois où le géant des médias suscite à la fois les questions qui ne portent pas stricte- à lire un quotidien méfiance et admiration. ment sur le sujet du jour. Tout le contraire 45 % « J’ai des détracteurs, moi ? » lance-t-il, du temps qu’ils de son père, qui se laissait volontiers l’air moqueur. passent à lire un aller aux confidences sous les feux des Ses partisans le disent combatif, déter- magazine projecteurs. 28 % miné et doté d’une intelligence supé- du temps qu’ils Quand Pierre Karl Péladeau a finalement rieure. Ses critiques le décrivent plutôt passent devant accepté notre demande d’entretien, il y a comme un homme caractériel, arrogant la télé quelques semaines, après deux refus — « Et 27 % et allergique à la critique (le milieu cultu- du temps qu’ils Paul Desmarais, lui, il accorde de longues rel se rappelle encore le congédiement passent à lire un entrevues ? » demande Luc Lavoie —, je de Louis Morissette de TVA, en 2004, hebdo m’attendais à un accueil glacial. C’est un après la diffusion à Radio-Canada d’un homme pressé mais courtois, et très en sketch comparant PKP à Séraphin Pou- (Source : Infopresse communication) verve, qui s’est présenté à moi. drier). Ses détracteurs sont nombreux à Dans son entourage, on m’avait trouver que Péladeau jouit d’une conseillé d’éviter les sujets trop person- influence démesurée sur le monde des nels (il a déjà enguirlandé un journaliste affaires et des médias (voir « L’État sous qui avait « osé » lui poser des questions la loupe de PKP », p. 39). pourtant anodines sur sa relation avec « On a donné beaucoup trop de pouvoir Julie Snyder). Le PDG s’est pourtant lui- à cet homme-là », dit Raynald Leblanc, même aventuré sur un terrain longtemps président du syndicat des journalistes considéré comme miné par ses proches : du Journal de Montréal, qui rappelle que celui des comparaisons avec son père. ‚ L’empire Quebecor, c’est... Journaux Magazines Télédiffusion Internet Loisirs et 219 Une vingtaine de Une douzaine de Des dizaines de sites, divertissements journaux locaux et magazines, dont chaînes, dont dont le réseau Groupe Archambault 31 7 jours, TVA, LCN, Vox, Canoë, (musique et livres) ; quotidiens, dont Clin d’œil, Canal Argent reseaucontact.com, Groupe Livre Le Journal de Le Lundi, et Sun TV. zik.ca, Quebecor Media, Montréal, Échos Vedettes, micasa.ca, regroupant une Le Journal de TV Hebdo. toile.com. quinzaine de maisons Québec, d’édition, dont 24h, Libre Expression et Toronto Sun, Technologies Les Éditions de Ottawa Sun, Nurun. l’Homme ; Edmonton Sun. Le SuperClub Vidéotron. 38 l’actualité 15 novembre 2010
L’État sous la loupe de PKP Le patron de Quebecor se sert-il de son empire médiatique pour étaler ses opinions personnelles ? C et été, le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a écrit personnellement à Pierre Karl Péladeau pour se plaindre du traitement réservé à son dernier budget, taillé en pièces dans les pages du Journal de Montréal. La présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, soutient qu’il y a dans les médias de Quebecor une « campagne de conditionnement de l’opinion publique » sur les finances de l’État. « Pierre Karl Péladeau veut régler ses comptes et imposer ses vues sur JACQUES BOISSINOT / LA PRESSE CANADIENNE la société, mais là le jupon dépasse, il pourrait s’enfarger dedans. » Le patron de Quebecor se sert-il de son empire médiatique pour étaler ses opinions personnelles ? « Pas du tout ! répond Pierre Karl Péladeau. La série “Le Québec dans le rouge” [dont se plaint Claudette Carbonneau] illustre la situation précaire des finances publiques. Si les médias n’en parlent pas, je ne sais pas qui va en parler. » Des journalistes du groupe sont encouragés à scruter à Le ministre la loupe les finances de l’État. Mais en privé, certains des Finances le téléphone, on s’en rappelle. d’entre eux confient que des dépenses publiques du Québec, Il donne le ton. » échappent à cette directive non écrite. C’est le cas, par Raymond Lors de l’achat de Vidéotron exemple, du nouveau programme gratuit de procréation Bachand, par Quebecor, il y a 10 ans, la assistée — créé après un long lobbying de Julie Snyder — s’est plaint Fédération professionnelle des et des millions promis par Jean Charest pour construire du traitement journalistes du Québec (FPJQ) avait un nouveau Colisée à Québec. réservé à son exigé et obtenu une commission Depuis qu’il a publiquement appuyé les travailleurs en budget dans parlementaire sur la concentration lockout du Journal de Montréal, Thomas Mulcair, chef Le Journal de la presse. Bernard Landry, alors adjoint du NPD, se dit moins souvent cité ou invité au de Montréal. premier ministre, avait minimisé les réseau TVA, propriété de Quebecor. « Deux et deux font craintes des journalistes. « J’avais quatre », dit Mulcair. confiance en l’éthique des entreprises, « PKP n’intervient pas directement chaque fois pour dit-il. Mais si l’éthique ne suffit pas, orienter la couverture journalistique, dit un journaliste peut-être que le temps est venu qui préfère conserver l’anonymat. Mais quand il prend d’établir une réglementation. » Pierre Karl Péladeau a profondément changé l’entreprise qu’il a héritée de son père. Télécommunications En 1998 Aujourd’hui Vidéotron. (après la mort de Pierre Péladeau) (chiffres au 31 décembre 2009) Câblodistribution Téléphonie filaire Chiffre d’affaires : Chiffre d’affaires : 1,8 million Plus de 8,4 milliards, 3,8 milliards, de clients. 1 million dont 7,9 milliards dont 2 milliards dans de clients. dans les secteurs des le secteur des Internet haute vitesse imprimeries télécommunications 1,2 million Sans-fil et des pâtes et (câble, téléphonie, de clients. 82 000 papiers. sans-fil, Internet). clients avant le lancement, en Employés : Employés : septembre, du nouveau réseau cellulaire 3G de Vidéotron. 43 450 15 700 15 novembre 2010 l’actualité 39
en couverture un bulldozer nommé PKP de presse écrite, d’imprimerie et de pâtes et papiers — notamment grâce à son ancienne filiale Donohue, vendue en 2000. Aujourd’hui, l’essentiel des profits proviennent de la câblodistribution, du service d’accès à Internet, de la télépho- nie. « C’est devenu d’abord et avant tout une entreprise de communication », dit Michel Nadeau, président de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques et numéro deux de la Caisse de dépôt au moment de l’achat de Vidéotron. Lorsque PKP prend la tête de Quebe- cor, en 1999, deux ans après la mort de son père, les imprimeries génèrent encore le gros des revenus et des profits. Les magazines Time, Paris Match, Forbes et les publicités imprimées de Sears sortent JACQUES NADEAU tous des presses de Quebecor, qui s’est hissée au premier rang mondial des imprimeurs commerciaux après l’achat L’ex-premier ministre Brian Mulroney de World Color Press — une transaction « Je suis redevable à mon père », dit-il en est président du conseil de Quebecor pilotée par Pierre Karl Péladeau, alors levant ses yeux bleu vif vers l’une des et parrain du fils de Péladeau. chef de l’exploitation des Imprimeries larges fenêtres de la salle Pierre-Péladeau Quebecor. Aujourd’hui, il ne reste plus — dans l’antichambre trône un buste à travailler en vélo, il a installé un laminage que des souvenirs de ce fleuron de l’empire, l’effigie de « Monsieur P. ». « Je ne me de la page couverture d’un des tabloïds vendu en début d’année à des intérêts fais pas d’illusions : je ne serais pas là si de la chaîne Sun, qui titrait en grosses américains après une longue descente je n’étais pas son fils. En même temps, lettres « French Kiss » au lendemain de aux enfers. « C’est une aventure triste », ça demande un peu de compétence, son rachat par Quebecor, en 1998. dit Pierre Karl Péladeau, qui attribue ce d’énergie et de détermination pour diri- Péladeau père reconnaîtrait à peine cuisant échec à un « concours de circons- ger l’entreprise. » l’entreprise qu’il dirigeait à son décès. À tances » et à la crise financière. Est-ce un Pierre Karl Péladeau n’a que 36 ans l’époque, il s’agissait surtout d’un empire deuil ? « C’est un grand mot. Il faut savoir lorsque son père rend l’âme, la veille de Noël 1997, après une crise cardiaque qui l’a plongé dans un coma de plusieurs PKP sur… semaines. « Pierre Karl m’a souvent L’offre d’achat ratée raconté qu’il n’était pas préparé à ça, du Canadien relate Julie Snyder. Il ne voulait pas le « On n’a pas eu accès à toute la docu- débrancher. Il avait apporté un lecteur mentation…», dit-il, en refusant d’entrer de CD à l’hôpital et faisait jouer du dans les détails. Selon des proches, Beethoven [compositeur fétiche de Pierre Karl Péladeau fulminait contre Pierre Péladeau]. Quand son père est Jean Charest, qu’il accusait d’avoir mort, ç’a été comme un deuxième favorisé l’offre des frères Molson. « Il coup. » ne voulait même plus parler au Le deuxième des sept enfants de Pierre premier ministre, dit une source. Le F. Lacasse / NHLI / Getty Péladeau a mis beaucoup de temps avant maire de Québec, Régis Labeaume, d’occuper le vaste bureau de son père, l’a supplié de changer d’idée, pour au 13e et dernier étage de la plus vieille convaincre Jean Charest de financer des deux tours du siège social. Sur les un nouveau Colisée à Québec. » murs se trouvent encore plusieurs tableaux (dont un Borduas et un Rio- pelle) accrochés par son père ainsi qu’une caricature du paternel publiée PKP sur… dans Le Journal de Montréal. Le retour des Nordiques J. BOISSINOT / LA PRESSE CANADIENNE « Quebecor Media est bien placée Pierre Karl Péladeau a néanmoins pour multiplier les audiences. On imprimé sa touche personnelle en tapis- aimerait rétablir La soirée du hockey, sant les murs de photos de ses enfants le samedi soir, à TVA. On a présenté et de sa conjointe et en ajoutant une large un dossier étoffé au commissaire télé à écran plat. Dans la salle de bains Bettman, de la LNH. Mais il nous faut attenante à son bureau, où une douche un nouveau Colisée… » lui permet de se rafraîchir quand il vient 40 l’actualité 15 novembre 2010
tourner la page. Mais ce n’est pas un fait d’armes. » Sujet clos. Le PDG est plus bavard au sujet de l’achat de Vidéotron, qu’il qualifie de « transaction transformationnelle ». Conclue dans la controverse, le 23 octo- bre 2000, après un feuilleton politico- financier et juridique de plusieurs mois, cette affaire a pourtant failli mal tourner elle aussi. Avant même que le CRTC donne son ADRIAN WYLD / LA PRESSE CANADIENNE feu vert à la transaction de 5,4 milliards de dollars, en mai 2001, les titres tech- nologiques à la Bourse se sont effondrés. En pleine tourmente, Pierre Karl Péla- deau a dû se rendre à New York pour négocier un emprunt de 1,3 milliard de dollars sur le marché des junk bonds (obli- gations de pacotille). Péladeau, Harper et la Les modèles de convergence cités par Péladeau pour justifier l’acquisition de Vidéotron commençaient déjà à s’étioler : la fusion d’AOL-Time Warner, aux États- Unis, virait au désastre. Dans la presse financière torontoise, on évoquait un « Fox News du Nord » « facteur PKP » pour expliquer la faiblesse du titre de Quebecor. Des rumeurs de « H ard news and straight talk » — des nouvelles brutes et du franc-parler. C’est le slogan de Sun TV News, la nouvelle chaîne d’information continue de droite que faillite commençaient à circuler... lancera Quebecor Media en mars prochain au Canada « Il y avait une tension et une nervosité anglais. Qualifiée de « Fox News du Nord » (Fox News est incroyables au siège social », dit Luc une station américaine ultraconservatrice), la future chaîne Lavoie, alors vice-président aux affaires a soulevé la controverse dès l’annonce officielle de sa générales. création, en juin dernier. « Il y avait des mauvaises nouvelles Quebecor a alors nommé Kory Teneycke, ancien directeur presque tous les jours dans La Presse, le des communications du premier ministre Stephen Harper, Globe and Mail, Le Devoir », se souvient pour la diriger. Le jeune loup de 36 ans a aussi été fait chef Julie Snyder, qui fréquentait alors Pierre du bureau d’Ottawa des journaux de Sun Media. Cette Karl Péladeau depuis peu. « Quand j’allais proximité avec le parti au pouvoir a fait sourciller d’un bout chercher le journal, le matin, je me disais : à l’autre du pays. Le patron d’une chaîne d’information ne bon, qu’est-ce qu’il va y avoir en dessous devrait-il pas garder une saine distance avec un de la porte ? Moi, j’aurais pleuré toutes gouvernement qu’il aura pour mission de « couvrir » et de les larmes de mon corps ! Pierre Karl, lui, critiquer ? En septembre, Kory Teneycke a annoncé son était imperturbable. » départ dans des circonstances troubles, expliquant ne pas « La tempête aurait eu de quoi briser vouloir nuire à Sun TV News, qui cherche encore à obtenir la carrière de bien des hommes d’affaires », une licence de diffusion du CRTC. se rappelle le président du conseil de Stephen Harper n’est pas insensible aux projets du grand Quebecor, l’ancien premier ministre du patron de Quebecor, qu’il a rencontré à plusieurs reprises. Canada Brian Mulroney. Selon nos renseignements, le premier ministre a même Au même moment, en 2001, les nou- invité le couple Péladeau-Snyder à souper au 24 Sussex, veaux patrons de Vidéotron entamaient sa résidence officielle, en septembre 2009. Lors du dernier une série de purges au sein de la direction G20, à Toronto, Julie Snyder était au nombre des « femmes et du personnel. « Vidéotron fonctionnait d’exception » invitées par Laureen Harper (l’épouse du encore comme un monopole, il fallait premier ministre) à prendre un brunch avec les conjointes complètement changer la culture d’entre Stephen des dirigeants du G20 — dont Michelle Obama — au prise, dit Pierre Karl Péladeau. On avait Harper sommet de la tour CN. devant nous une entreprise très agressive, n’est pas Luc Lavoie, ancien porte-parole de Brian Mulroney et Bell, qui venait de se lancer dans la télé insensible lui-même journaliste à Ottawa pendant des années, pilote satellite, nous volait des milliers d’abonnés aux projets maintenant, à titre de consultant, le dossier Sun TV News. et faisait sept milliards de bénéfices avant de PKP, Il a aussi une mission plus vaste : repositionner — plus à impôts et amortissements. » qu’il a reçu droite — la chaîne de tabloïds Sun. « Traditionnellement, Le grand patron, qui était selon des à souper les journaux Sun ont toujours été de droite et populistes, proches un « technoplouc » (personne au 24 dit Lavoie. Ils ont perdu de vue leur marché. C’est une pas très férue de technologie), est sorti de sa tour pour apprendre les rudi- ‚ Sussex. niche, et on veut l’occuper. » 15 novembre 2010 l’actualité 41
en couverture un bulldozer nommé PKP Le coup de poker Vidéotron Il y a 10 ans, Quebecor mettait la main sur Vidéotron avec l’aide de la Caisse de dépôt et placement. Pour le meilleur… et pour le pire ? M ichel Nadeau a, dans son bureau du centre-ville de Montréal, une copie d’un chèque de 2 495 917 245 dol- lars (oui, un chèque de deux milliards et demi de dollars), signé de sa main à l’époque où il était numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Sans ce chèque, le plus important de l’histoire de la Caisse, Quebecor n’aurait jamais pu acheter Vidéotron et TVA. « Un jour de janvier 2000, André Chagnon [alors président de Vidéotron] est venu me dire : “J’ai un deal avec Ted Rogers” , se souvient Michel Nadeau. Pour lui, c’était une formalité, et je n’étais pas content. La Caisse avait beaucoup aidé les The Gazette / R. Arless Jr. / PC Chagnon à bâtir Vidéotron, mais on s’était toujours gardés un droit de premier refus. Et là je me disais : le Québec n’est pas gagnant. » Il n’était pas le seul. L’annonce de la vente au groupe Rogers avait créé une onde de choc jusqu’à Québec. « J’aurais trouvé catastrophique que TVA soit contrôlée par Toronto et Rogers, dit Bernard Landry, qui était alors ministre des Finances. Ma Michel Nadeau, réaction n’avait rien d’anormal. Le Québec est une nation, et alors numéro convaincu qu’il est souverainiste. Brian aucune nation au monde n’aurait accepté que sa télé soit deux de la Mulroney, président du conseil de Que- contrôlée par une autre nation. » Caisse de becor, le décrit comme un « conservateur Encore échaudés par la vente de Provigo à des intérêts dépôt, s’était avec petit “c” » et un « Québécois très canadiens-anglais et par le déménagement du cœur de la opposé à la fier, qui voit un rôle pour le Québec au Bourse de Montréal à Toronto, les patrons de la Caisse ont vente de Canada et en Amérique du Nord ». décidé de « tout faire » pour trouver un acheteur québécois, Vidéotron à « C’est un nationaliste de fond, sans raconte Michel Nadeau. « On voulait garder un centre déci- Rogers. « On teinte politique, dit Françoise Bertrand, sionnel d’une importance incroyable au Québec. Dans le voulait garder présidente de la Fédération des cham- temps, à la Caisse de dépôt, on y croyait encore ! On regardait ce centre de bres de commerce du Québec. Certains toutes les options, toutes les entreprises, et on revenait toujours décision au vont se définir selon leur ville, leur quar- vers Quebecor et Pierre Karl. » Québec. » tier ou même leur continent. Lui, son C’est ainsi que la Caisse et Quebecor se sont unies, en identité, c’est le Québec. » février 2000, pour proposer une contre-offre supérieure (5,4 mil- Longtemps décrié par les analystes liards de dollars), finalement acceptée par Vidéotron en financiers, l’achat de Vidéotron paraît, octobre de la même année. La presse financière torontoise 10 ans plus tard, comme une transaction s’est déchaînée contre l’intervention de la Caisse, qualifiée bénéfique pour Quebecor. « Vidéotron de « tribale » par certains chroniqueurs. est devenue la locomotive de Quebecor, Pierre Karl Péladeau était-il lui aussi motivé par le nationa- elle lui fournit 70 % de ses bénéfices, dit lisme économique ? « Oui et non, répond-il. C’était avant tout Maher Yaghi, analyste financier à Valeurs une décision d’affaires pour nous. Mais on peut se demander mobilières Desjardins. Pour la Caisse combien d’employés de Vidéotron seraient restés au Québec de dépôt, c’est une autre histoire. Au si Rogers l’avait achetée. » 31 décembre 2009, l’investissement de Difficile de savoir au juste où se situe Pierre Karl Péladeau 3,2 milliards de dollars n’en valait plus relativement à la question nationale. Bernard Landry se dit que 1,7 milliard. ments du métier de câblodistributeur. creusait, plus on se rendait compte qu’il valeurs, suivis des clients et des action- Des clients de Vidéotron ont même eu la fallait faire un virage clients si on voulait naires. « Pour Pierre Karl, ce sont les surprise de le voir débarquer chez eux survivre. » Ce « virage clients » se tradui- actionnaires d’abord, les clients ensuite avec un technicien pour installer le sait, aux yeux de la nouvelle direction, et les employés en dernier. » câble ! par une augmentation de la journée de Tout un choc culturel… En 2002, les « Quand il m’a embauché, Pierre Karl travail et du nombre de jours ouvrés, et syndicats ont déclenché la grève, suivie m’a dit dès le début : “Tu vas être en par la mutation de centaines de techni- immédiatement d’un lockout. Le conflit, conflit syndical” », se souvient Robert ciens chez un sous-traitant. long (un an) et douloureux, n’a été réglé Dépatie, PDG de Vidéotron, embauché Selon Michel Nadeau, de l’Institut sur qu’après des négociations intensives entre à la fin de 2001 à titre de vice-président la gouvernance, les Chagnon (anciens l’ancien premier ministre du Québec aux ventes, marketing et service à la clien- propriétaires de Vidéotron) plaçaient les Lucien Bouchard et Henri Massé, alors tèle. « On n’avait pas le choix. Plus on employés au sommet de leur échelle de président de la FTQ. 42 l’actualité 15 novembre 2010
Aujourd’hui, Péladeau dit de ce conflit qu’il était nécessaire, qu’il a permis d’armer Vidéotron pour les durs combats contre les trois géants des télécommunications : Bell, Rogers (propriétaire de L’actualité) et Telus. Cet épisode a aussi fait grandir la réputa tion de « chef despotique » de Péladeau. Réjean Parent, président de la CSQ, le qualifie d’« empereur » et dénonce son attitude « arrogante et méprisante » envers les travailleurs syndiqués. Claudette Carbonneau se montre encore plus incisive. « Sur le plan des relations de travail, il a une vision du 19e siècle, où les pires abus se faisaient au nom de la liberté d’entreprise », JACQUES NADEAU déplore la présidente de la CSN, qui représente les employés du Journal de Montréal, en lockout depuis près de deux ans. « Son plan d’affaires, c’est sa seule Pierre Péladeau en compagnie considération. Les employés, ce ne sont amis ou ex-employés contactés pour ce de son fils, en 1992. « Mon père pourtant pas des étrangers dans les entre- reportage m’ont dit qu’ils réfléchiraient serait fier de moi », dit PKP. prises ! On ne peut pas toujours gérer à avant de m’accorder une entrevue — et coups de pied dans le derrière. » ne m’ont jamais rappelé. « Les gens ont miste à son sujet, rappelle qu’après la La chef syndicale et ses homologues peur, me dit l’un d’eux. Il pourrait te mort du fondateur les hauts dirigeants ne digèrent pas la quinzaine de lockouts mettre à la rue. Le Québec est petit… » s’étaient entendus pour encadrer le fils décrétés depuis l’arrivée de Pierre Karl « Sa colère est vive et ses ramifications pendant quatre ou cinq ans. « Moins de Péladeau à la tête du conglomérat. « Le sont grandes », ajoute un autre. 18 mois plus tard, il a tassé tout le monde Québec est une société moderne où, plu- et pris la tête de l’entreprise. Il a un ins- tôt que d’aiguiser les tensions et les conflits, on se concerte, dit Claudette « Il gère par tinct de tueur, il ne se laisse pas écarter facilement, dit-il. Son père gérait par Carbonneau. La plupart des employeurs le comprennent. Pas lui. » instinct instinct des gens. Lui gère par instinct mathématique. Il est moins habile avec Pierre Karl Péladeau rétorque que son les personnes. » entreprise est l’un des plus grands employeurs privés au Québec et l’un de mathématique. André Gourd, un des premiers patrons de Pierre Karl Péladeau à Quebecor, ceux qui comptent le plus d’employés syndiqués après Hydro-Québec, et qu’il Il est moins décrit son ex-employé comme un être « supérieurement intelligent », mais dont est donc normal qu’il y ait plus de conflits qu’ailleurs. « Dans le cas de Vidéotron, il habile avec les les plus grandes qualités ne se révèlent pas dans les relations humaines. « Il aurait fallait un changement radical des condi- tions de travail, sinon on aurait levé les personnes. » été un grand investment banker [banquier d’affaires] à New York », dit André Gourd, pattes. » Bernard Bujold qui préside aujourd’hui la Régie des ins- L’attitude combative — ou belliqueuse tallations olympiques. « C’est un excellent — de Péladeau a aussi causé des vagues Au sein même de Quebecor, le couron- technicien des finances, et ses succès lui dans le milieu des affaires. « C’est un nement de PKP à la tête de l’entreprise donnent raison. » bulldog, qui avance en pilant sur tout le avait causé des remous. Bernard Bujold, Les proches collaborateurs de PKP monde », dit un ancien cadre, qui préfère ancien proche collaborateur de Pierre admettent volontiers son caractère bouil garder l’anonymat. D’autres gens d’affaires, Péladeau et auteur d’une biographie inti- lant. « Il est soupe au lait, dit Luc Lavoie. Je le dis tout bas, parce que je suis moi- même connu pour mes colères... » PKP sur… Pierre Karl Péladeau est très direct, dit Le conflit au Journal de Montréal le réalisateur Claude Fournier, qui pilote Dans les conditions posées pour mettre fin au lockout qui dure depuis près de Éléphant, entreprise consistant à numé- deux ans, Quebecor a exigé le départ de 80 % des employés du Journal. riser les grands classiques du cinéma Le syndicat a refusé ces offres à la mi-octobre. québécois avec le soutien financier de « La presse écrite vit des changements importants. On a vu l’érosion des Quebecor. « C’est quelqu’un de pressé, tirages, l’émergence de solutions de rechange pour les publicités, la disparition d’intimidant, qui peut parfois être tyran- des petites annonces. Il faut s’adapter. » nique, intransigeant, difficile, entêté. Il « On ne s’en cache pas, on fait de l’argent, mais les médias, c’est notre métier ! veut que ça aille vite et n’a pas beaucoup On n’est pas Power Corporation, qui sont des financiers. La Presse, c’est anec- de pitié pour la médiocrité. » Ça n’empê- dotique pour eux. Nous, c’est notre business. » che pas Fournier d’avoir noué une ‚ 15 novembre 2010 l’actualité 43
en couverture Un bulldozer nommé Pkp amitié « absolument indéfectible » avec Pierre Karl Péladeau. « Il est timide, Péladeau, on l’aime ! restaurant niché au cœur du village d’Eastman, où Péladeau et elle possèdent même très timide, ce qui explique ses Avez-vous une opinion positive ou négative une vaste maison face au lac Orford. comportements intempestifs. Il est obligé de Pierre Karl Péladeau, le président et chef Les deux se sont rencontrés en 1999 de marcher sur sa nature profonde. » de la direction du groupe Quebecor ? dans les bureaux de TQS, alors propriété Richard Martineau, animateur d’une de Quebecor. Julie Snyder tentait de faire émission quotidienne au réseau LCN et accepter un concept d’émission animée chroniqueur au Journal de Montréal, Très positive 9% par Maman Dion. « Je me souviens d’avoir deux propriétés de Quebecor, soutient que PKP a une grande culture, que les Plutôt positive 63 % pensé : le deal ne marchera pas, mais Pierre Karl est bien beau… » gens ne connaissent pas. « C’est un amou- Plutôt négative 23 % Quelques semaines plus tard, ils se sont reux de philosophie, qui a tripé comme croisés par hasard dans un avion pour un fou quand il a appris que le cinéaste Très négative 5% Paris, où Julie animait une émission sur polonais Andrzej Wajda venait de tour- France 2. L’année suivante, en 2000, ils se ner un film sur le massacre de Katyn, par Les trois quarts des Québécois ont sont revus pour discuter d’un projet de par exemple. » une opinion positive de Pierre Karl tenariat d’affaires... et sont tombés amou- Selon Robert Dépatie, PDG de Vidéo- Péladeau, ce qui n’étonne guère reux. Ils ne se sont pas quittés depuis. tron, la réputation de dur à cuire de son Maïalène Wilkins, de CROP. « C’est « Ce n’est plus le même homme depuis patron est surfaite. « S’il était vraiment une personnalité connue, qu’on voit qu’il la connaît », dit Brian Mulroney, ce qu’on dit qu’il est, ça ferait longtemps entre autres au Banquier, avec Julie parrain du petit Thomas, cinq ans, l’aîné que je serais parti ! » Snyder. Il profite de l’image très forte des deux enfants du couple. (La plus Le personnage est coloré, convient de TVA et des médias de Quebecor jeune, Romy, a deux ans. Pierre Karl Péla- Françoise Bertrand, présidente de la au Québec. On entend aussi beau- deau a aussi une fille de dix ans, Marie.) Fédération des chambres de commerce coup parler de son rôle dans le rapa- « Ceux qui ne comprennent pas l’impor- du Québec et membre du conseil d’admi triement des Nordiques à Québec. tance de Julie dans la vie de Pierre Karl nistration de Quebecor. « Les patrons du Les gens sont au courant des conflits ne connaissent rien de lui, ajoute Mulro- Québec inc. des belles années étaient de travail, mais ce qui colle davantage, ney. Elle ne se gêne pas pour faire passer aussi des êtres colorés, dit-elle. Les gens c’est l’image de la figure publique ses messages à Pierre Karl, qui respecte voient juste le fort en gueule, pas l’aspect qui semble réussir. » énormément son jugement. Elle est humain. C’est un doer, pas un gars Un bémol : seulement 9 % de la devenue sa conseillère principale. » d’image, même s’il travaille dans une population a une image très positive PKP a longtemps eu l’habitude de se business d’image. » de lui. « Quand on fait des évaluations lever à 5 h pour lire les journaux, puis Julie Snyder, très aimée du public, a de satisfaction à l’égard des entre plonger dans la piscine dès 6 h pour nager dû s’habituer, bien malgré elle, à l’image prises, on se fie surtout aux gens ses 100 longueurs avant de partir au contrastée projetée par son amoureux. très satisfaits. Et 9 %, ce n’est pas bureau vers 7 h 15… jusque tard en soirée. « Il n’est pas là pour gagner un concours beaucoup. » Depuis quelques années, il a modifié sa de popularité. Il ne va jamais dire quel- routine pour reconduire son fils Thomas que chose juste pour que ça paraisse à la garderie tous les matins (le plus sou- bien… même si des fois j’aimerais qu’il Sondage CROP-L’actualité mené par vent possible en vélo, avant de poursuivre le fasse ! » lâche-t-elle en riant. l’intermédiaire d’un panel Web auprès son chemin jusqu’au bureau). Il travaille Vêtue d’une élégante robe bleue, elle de 1 000 adultes du 19 au 27 août encore beaucoup, mais tente générale- m’a donné rendez-vous dans un café- 2010. ment d’arriver à temps pour lire une ‚
en couverture un bulldozer nommé PKP histoire aux enfants, dit Julie Snyder. de PKP au Sanctuaire, dans Outremont, il « Il structure sa vie autour de sa famille. n’y avait pas de vaisselle dans les armoires, Il a compris que si tu investis dans ta pas de luminaires au plafond, le papier relation, ce n’est pas comme les cotes peint décollait, les tapis étaient sales… boursières, ça va toujours monter. Il « Quand je l’ai visité la première fois, je donne ce qu’il n’a pas reçu dans son pensais que c’était Surprise sur prise enfance : de la stabilité. » [émission de caméra cachée où l’on ten- Pierre Karl Péladeau était adolescent dait des pièges à des gens connus] ! » quand sa mère, dépressive, s’est enlevé Aujourd’hui, le couple habite une la vie, un épisode dont il n’a jamais parlé grande maison dans Outremont, « mais publiquement. Il avait alors été placé ça a tout pris pour convaincre Pierre dans une famille d’accueil, les Lafram- Karl », dit Julie Snyder. Les Snyder- boise, avec qui il entretient encore des Péladeau roulent en Toyota Highlander, contacts étroits. « Ça l’a sauvé, dit Julie véhicule moyen de gamme, et viennent Snyder. Parce que Pierre Karl est peut- tout juste d’acheter une Sienna. Seul luxe : être né avec une cuillère d’argent dans la vieille Mercedes du père de Pierre Karl la bouche, mais personne ne la tenait, la Péladeau, dont celui-ci ne veut pas se cuillère. » départir. Eric Ryan / Getty Images Les Snyder-Péladeau se sont promis Il pense encore souvent à son père. que leurs enfants auraient la vie « la plus Comment ce dernier percevrait-il l’empire normale possible ». Quand elle animait qu’il a légué ? « Je crois qu’il serait fier, La série Montréal-Québec, son conjoint dit le PDG, pensif. Il a travaillé très fort et leur fils, Thomas, tuques sur la tête, pour construire une entreprise québé- allaient souvent voir les matchs, présentés le dimanche au Colisée de Québec ou à l’Auditorium de Verdun. Julie et lui coise. Il était d’une époque où les diri- geants d’entreprise francophones n’exis- taient pas, ou très peu. Le Québec inc., Julie Snyder a aussi converti son homme au végétarisme (du moins à la U ne certaine tension régnait au 5e étage du siège social de TVA, à Montréal, cet été. On attendait de ça s’est un peu dissous et c’est dommage, parce que mieux vaut être propriétaire maison) et lui a ouvert un vaste réseau que locataire. » savoir si La série Montréal-Québec, de contacts dans le monde culturel, au Malgré le succès de Vidéotron, Que- produite par Julie Snyder, allait grand plaisir de Pierre Karl, grand ama- becor a perdu, avec ses imprimeries, toute revenir en ondes cette année, teur de musique québécoise — en parti- sa dimension internationale — et le pres- malgré des cotes d’écoute en deçà culier de Paul Piché, d’Éric Lapointe et tige qui l’accompagnait. À la fin des des prévisions. France Lauzière, des Trois Accords. années 1990 et au début des années 2000, vice-présidente à la programmation, « Le showbiz, je laisse ça à mon père », le soleil se couchait à peine sur l’empire allait-elle « oser » dire non à la a déjà confié Pierre Karl Péladeau à Ber- et ses usines, dispersées sur plusieurs conjointe du propriétaire de TVA ? nard Bujold, biographe de « Monsieur continents. Péladeau était un véritable Elle a finalement donné le feu vert P. », dans les années 1990. « Aujourd’hui, PDG de l’ère transnationale. Entre New à la série. Une illustration de la il pourrait dire : “Le showbiz, je laisse ça York, Santiago, Paris ou Londres, il passait toute-puissance du « couple royal » à Julie” », rigole sa conjointe. « la moitié de [sa] vie en l’air », comme le du Québec ? Cet été, lors d’un enregistrement du chantait Claude Dubois dans « Le blues L’expression fait bondir Julie Banquier, la populaire émission animée du businessman ». Aujourd’hui, ses voyages Snyder. « Si je n’étais pas la par Julie Snyder, les techniciens de TVA d’affaires le mènent plutôt à Toronto, à conjointe de Pierre Karl, je ont vu débarquer en coulisse un grand Ottawa et dans l’Ouest canadien. Un produirais quand même des shows ! gaillard en cuissard, maillot moulant et deuil ? « Au contraire, répond Pierre Karl Ma compétence, c’est animer et souliers de vélo. « Les gens ont fait un Péladeau. Ce n’est pas agréable, passer produire des shows de variétés. saut quand ils se sont rendu compte que sa vie dans un avion. » France 2, où j’animais une émission, c’était Pierre Karl Péladeau », raconte Pour l’heure, c’est au Québec qu’il ça n’appartenait pas à Pierre Karl ! Stéphane Laporte, collaborateur de lon- consacre toute son énergie. Au lancement Parce que je suis la conjointe de gue date (et ex-conjoint) de Julie Snyder. du réseau sans fil de Vidéotron, en sep- Pierre Karl, je devrais arrêter de Mais le malaise s’est rapidement estompé, tembre, il a soutenu que l’événement était travailler ? Je ne veux surtout pas dit-il. « Quand Pierre Karl vient en cou- aussi important pour son entreprise que avoir l’air prétentieuse, mais lisse, que ce soit au Banquier, à Star Aca l’avait été le lancement du modèle T pour j’existais avant lui, j’avais du succès. » démie ou à La série Montréal-Québec, il Ford et du iPod pour Apple — comparai- À part Star Académie, Occupation est là pour s’amuser, pas pour jouer au son qui a soulevé des railleries à L’Île- double et La série Montréal-Québec, patron. Tout le personnage s’éteint pour des-Sœurs, au siège social de son prin- la bouillante femme d’affaires ne laisser place à un gars ben normal. » cipal concurrent au Québec, Bell. propose « pas grand-chose à TVA » Un « gars ben normal » qui n’a pas du Ces moqueries n’atteignent pas PKP, depuis qu’elle fréquente Pierre Karl tout le rythme de vie d’un homme dont qui promet d’être aussi impitoyable sur Péladeau, dit-elle. « J’anime Le la fortune est évaluée à plus de 500 mil- le champ de bataille du sans-fil qu’il l’a banquier seulement parce que lions de dollars. été ces dernières années sur celui de la Martin Matte a refusé de le faire. Et « Avant de le connaître, je vivais mieux téléphonie résidentielle. « Nos amis de c’est l’émission la plus regardée… » que lui », dit Julie Snyder. Dans le condo Bell peuvent bien s’amuser. » y 46 l’actualité 15 novembre 2010
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