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EN TOMO H ELV ET ICA 15: 47 – 56, 2022 Un inventaire des Coléoptères saproxyliques du canton de Fribourg révèle 86 espèces emblématiques et 132 premières mentions cantonales Gilles Hauser1, Sophie Giriens2, Yannick Chittaro3 & Gregor Kozlowski2,4 1,2 Musée d’histoire naturelle de Fribourg MHNF, Chemin du Musée 6, 1700 Fribourg Suisse; 1 gilles.hauser@gmail.com; 2 sophie.giriens@fr.ch 3 info fauna – Centre Suisse de Cartographie de la Faune (CSCF), Avenue de Bellevaux 51, 2000 Neuchâtel, Suisse; yannick.chittaro@unine.ch 4 Jardin botanique de l’Université de Fribourg, Chemin du Musée 10, 1700 Fribourg, Suisse; gregor.kozlowski@unifr.ch Abstract: A saproxylic beetles inventory in the canton of Fribourg have revealed 86 emblematic species and 132 first cantonal records. − Between 2018 and 2020, 49 flight interception traps were set from March to September in the forests of the Prealps of the canton of Fribourg, with the aim to increase knowledges about saproxylic beetles in this area. These three years of sampling provided nearly 3500 new data corresponding to 481 species, of which 293 are considered saproxylic. Among those 481 species, 132 are new for the canton and 86 are listed as emblematic of the swiss forests. Saproxylic beetles, being indicators of forests health, deserve a forefront attention when considering conservation of the forests of the canton. Résumé: Entre 2018 et 2020, 49 pièges à interception de vol ont été posés dans les forêts des Préalpes fribourgeoises, de mars à septembre, dans le but de compléter les connaissances sur les Coléoptères saproxyliques du canton. Ces trois années d’échantillonnage ont permis d’obtenir près de 3500 données concernant 481 espèces, dont 293 saproxyliques. Parmi ces 481 espèces, 132 sont nouvelles pour le canton et 86 sont listées comme emblématiques des forêts suisses. En tant qu’indicateurs de la santé des forêts, les Coléoptères saproxyliques méritent une attention de premier plan dans le cadre de la conservation des forêts du canton. Zusammenfassung: Ein Inventar der Totholzkäfer des Kantons Freiburg erbrachte 86 stand- orttypische Arten und 132 kantonale Erstfunde. − Zwischen 2018 und 2020 wurden in Wäldern der Freiburger Voralpen jeweils von März bis September 49 Fensterfallen aufgestellt, um die Kennt- nis über die holzbewohnenden (xylobionten) Käfer des Kantons zu vervollständigen. In diesen drei Untersuchungsjahren konnten von total 481 Arten ungefähr 3500 Datensätze gesammelt werden, 293 davon von holzbewohnenden Arten. Von diesen waren 132 neu für den Kanton Freiburg und 86 gel- ten als standorttypische Arten für die Wälder der Schweiz. Als Indikatorarten für den Gesundheits- zustand unserer Wälder verdienen die xylobionten Käfer grösste Aufmerksamkeit für den Schutz und die Erhaltung unserer Wälder. Keywords: primeval forest relict beetles, faunistics, Switzerland, polytrap, new records 47
GI LLES H AUSER, SOPH I E GI R I ENS, YA N N ICK CH IT TA RO & GR EG OR KOZ LOWSK I I NTRODUCTION Le terme «saproxylique» désigne les espèces particulièrement liées au bois mort à un moment de leur cycle de vie. Plus précisément, selon la définition d’Alexander (2008) : «les espèces impliquées dans le processus de décomposition fongique du bois ou dé- pendantes des produits de celle-ci, de même que les espèces qui sont associées à des arbres tant vivants que morts». Cela comprend également les espèces «associées aux écoulements de sève et à leurs produits de décomposition et les organismes autres que les champignons qui se nourrissent directement du bois». Une partie d’entre elles sont tributaires de dendro-microhabitats bien particuliers (vieux arbres creux, gros champignons lignicoles, …) et souvent rares (Bütler et al. 2013). Si les Coléoptères saproxyliques ont fait l’objet de nombreuses études au cours des dernières années, à l’échelle cantonale (p. ex. Braulin et al. 2018 pour le canton de Vaud) ou locale (p. ex. Huber & Büche 2014 ou Breitenmoser 2017) de grandes lacunes subsistent encore quant à nos connaissances sur leur répartition précise en Suisse. Le canton de Fribourg notamment avait encore très peu été étudié, et jusqu’à présent, seuls quelques inventaires avaient été menés dans la Grande Cariçaie sur la rive sud du lac de Neuchâtel (Antoine Gander, comm. pers.). De ce fait, et faute de données dispo- nibles, ce groupe indicateur de la biodiversité dans les forêts et de la valeur conserva- toire de ces dernières (Brustel 2004, Sanchez et al. 2018) n’avait pas pu être utilisé dans le dernier rapport sur la gestion durable des forêts fribourgeoises (SFF 2016). Afin de combler ces lacunes, un inventaire a été lancé en 2018 conjointement par info fauna – CSCF et le Musée d’histoire naturelle de Fribourg – MHNF. Les Préalpes fribourgeoises, particulièrement peu prospectées du point de vue entomologique, ainsi que deux forêts du Plateau ont fait l’objet de notre inventaire. Les données accumulées seront utilisées lors de projets ultérieurs, permettront la mise en place de mesures de pro- tection et la mise en évidence des forêts avec un intérêt patrimonial particulièrement élevé. M ATÉR IEL ET MÉTHODES Zone d’étude Cet inventaire cantonal s’est focalisé sur 25 forêts (Fig. 1) dont 23 sont réparties dans trois districts des Préalpes (Sarine, Gruyère, Veveyse). En plus des forêts préal- pines, deux forêts du Plateau ont été inventoriées dans la vallée de la Broye (districts de la Broye et de la Glâne). Les forêts échantillonnées ont été choisies pour leur in- térêt cantonal, notamment du point de vue floristique, mais également de manière à être représentatives de la diversité des forêts du canton de Fribourg. Grâce aux re- commandations d’un des auteurs (G. Kozlowski) et des collaborateurs du Service des forêts et de la nature (SFN), l’échantillonnage comprend à la fois des secteurs forestiers aux caractéristiques «primaires» et d’autres aux pratiques sylvicoles plus ou moins fortes. Ainsi, l’unique forêt d’arolles (Pinus cembra L.) sur pierrier du canton a été échantillonnée. La majorité des forêts étudiées étaient toutefois des hêtraies de pente ou des pessières plus ou moins exploitées. Les deux forêts de la vallée de la Broye ont été ajoutées car elles font partie des forêts de plaine les mieux 48
I N V EN TA I R E DES COLÉOPT ÈR ES SA PROX Y LIQU ES DU CA N TON DE FR I BOU RG préservées du canton et abritent certaines raretés floristiques régionales comme l’alisier torminal (Sorbus torminalis (L.) Crantz). Les caractéris- tiques des forêts invento- riées sont présentées dans le Tab. 1. Echantillonnage L’échantillonnage a été réalisé à l’aide de pièges à interception de vol PolytrapTM (Brustel 2012). Le flacon collecteur était rempli avec de l’eau salée, à laquelle étaient ajoutées quelques gouttes de savon liquide afin de briser la tension de surface. Les pièges ont été posés au dé- but du printemps (ou aus- sitôt que les conditions d’enneigement le permet- Fig. 1. Localisation des forêts inventoriées dans le canton de taient pour les sites les Fribourg avec indication de l’année de piégeage (2018 en vert, 2019 plus hauts en altitude). Ils en jaune et 2020 en rouge) et mention des districts. La numérotation des forêts se réfère au Tableau 1 et à la Figure 2. ont été relevés toutes les trois semaines environ, jusqu’à la fin de l’été de la même année. Entre un et six pièges ont été posés par forêt en fonction de la variété des situations et de la diversité des dendro-microhabitats présents dans les sites (Tab. 1). L’échantillonnage a été réalisé sur trois saison (2018– 2020) à raison de 16 à 17 pièges par année, pour un total de 49 pièges. Tous les orga- nismes capturés ont été stockés dans un liquide conservateur composé de 70 % d’étha- nol, de 25 % d’eau et de 5 % d’acide acétique. Identification Les Coléoptères ont été triés en laboratoire et identifiés au niveau spécifique par les auteurs avec l’aide de plusieurs spécialistes (voir remerciements). Faute d’experts dis- ponibles, quelques familles (Mordellidae, Staphylinidae, Cryptophagidae, Latridiidae, Leiodidae et Nitidulidae) n’ont cependant pas pu être valorisées pour le moment et les spécimens sont conservés dans l’attente d’une future identification. Les abondances spécifiques n’ont pas été évaluées. Une collection de référence pour chaque site est conservée au Musée d’histoire naturelle de Fribourg et l’ensemble des observations est intégré à la base de données nationale info fauna. 49
GI LLES H AUSER, SOPH I E GI R I ENS, YA N N ICK CH IT TA RO & GR EG OR KOZ LOWSK I R ÉSU LTATS Les trois saisons d’échantillonnage ont permis de récolter 3499 donnés concernant 481 espèces de Coléoptères. Au total, 132 espèces ont été reportées pour la première fois dans le canton de Fribourg. De plus, 293 concernent des Coléoptères saproxyliques, par- mi lesquels 86 sont listés comme «emblématiques des forêts suisses» par Sanchez et al. (2016). Le détail des espèces capturées par forêt est présenté dans le Matériel supplémen- taire, de même que les espèces nouvelles pour le canton (marquées par un astérisque). Une synthèse de la diversité spécifique par forêt est fournie en Fig. 2. Les six captures les plus remarquables comprennent Aesalus scarabaeoides (Panzer, 1793), Bius thoracicus (Fabricius, 1792), Orchesia fasciata (Illiger, 1798), Hallomenus axillaris (Illiger, 1807), Prostomis mandibularis (Fabricius, 1801) et Ampedus auripes (Reitter, 1895) (Fig. 3). DISCUSSION Ce travail contribue à améliorer de manière conséquente les connaissances sur la ré- partition des Coléoptères saproxyliques dans le canton de Fribourg. Dans de nom- breuses forêts échantillonnées, il n’existait pour ainsi dire aucune donnée les concer- nant, même pour les espèces banales. Certaines espèces capturées se sont révélées être particulièrement remarquables, que ce soit par leur rareté à l’échelle suisse voire euro- péenne, et/ou par leurs exigences écologiques élevées. Elles soulignent la valeur patri- moniale des forêts dans lesquels elles ont été trouvées. Les six espèces listées ci-des- sus figurent toutes sur la liste des espèces emblématiques de Suisse (Sanchez et al. 2016) avec des valeurs Is (indice de spécificité, compris entre 2 et 7) très élevées (> 4), voire maximale. Quatre d’entre elles (Aesalus scarabaeoides, Bius thoracicus, Prostomis mandibularis, Ampedus auripes) figurent même sur la liste des espèces reliques de forêts primaires d’Europe centrale (Eckelt et al. 2017). Aesalus scarabaeoides : ce petit Lucanidae, très rare en Europe centrale, a été retrou- vé en Suisse en 2019, notamment dans la forêt des Côtes de Baumes (site 10) (Hauser et al. 2021). Seule une donnée ancienne, plus ou moins incertaine, était auparavant connue pour notre pays. Cette espèce est liée à la présence de bois mort de gros dia- mètre (35–60 cm) dans les forêts mésophiles (Sanchez et al. 2018). Bius thoracicus : il s’agit de la troisième donnée récente de cette espèce pour la Suisse (Chittaro & Sanchez 2016, Braulin et al. 2018), alors qu’elle n’avait plus été signalée dans notre pays pendant plus de 120 ans. Sa larve se développe sous l’écorce déhis- cente de vieilles souches de conifères morts sur pied, se nourrissant de cadavres de divers cérambicidés (van Meer 2019) et de leurs déjections (Sanchez et al. 2018). Ehnström (2001) considère d’ailleurs ce Tenebrionidae comme «indicateur des forêts d’épicéas à croissance lente avec des lichens pendants». Comme pour Aesalus scarabaeoides (Hauser et al. 2021), le canton de Fribourg porte donc une responsabi- lité certaine quant à la conservation de cette espèce très rare et localisée en Suisse comme en Europe (Chittaro & Sanchez 2016; Soldati & van Meer 2016). 50
I N V EN TA I R E DES COLÉOPT ÈR ES SA PROX Y LIQU ES DU CA N TON DE FR I BOU RG Fig. 2. Nombre d’espèces de Coléoptères recensées par forêt. Les espèces saproxyliques ont été catégorisées selon les indices définis par Sanchez et al. (2016). Tab. 1. Caractéristiques des 25 forêts inventoriées avec coordonnées, altitude, type d’association végétale selon le serveur cartographique du canton de Fribourg (état janvier 2022), indications du nombre de pièges, année d’échantillonnage. N° de No Forêt Coordonnées Altitude Type de forêt pièges Année 1 Les Recardets 574597/158419 1000 m Hêtraie à Tilleul typique 2 2018 2 Bois des Combes 571512/155260 1000 m Erablaie à Langue-de-cerf typique 2 2018 3 Grandvillard 571582/153830 730 m Aulnaie à Prèle 2 2018 4 Creux des Tines 575391/161975 770 m Hêtraie à Dentaire typique 2 2018 5 L’Herbausa 575779/163439 1080 m Hêtraie à Carex 1 2018 6 Bonaudon-L’Hongrin 566584/144191 1240 m Hêtraie à Sapin typique 3 2018 7 Chenau-Ferrée 571674/149599 990 m Hêtraie à Dentaire typique 1 2018 8 Les Auges 581286/162237 990 m Pessière à Asplenium typique 2 2018 9 Les Reposoirs 581587/165679 1240 m Hêtraie à Sapin typique 1 2018 10 Les Côtes de Baumes 555761/176666 600 m Hêtraie 3 2019 11 Montet 551213/166339 590 m Hêtraie 1 2019 12 Les Planeys 581158/158068 1080 m Erablaie à Orme 1 2019 13 La Rochua 580910/159804 1210 m Hêtraie à Sapin typique 1 2019 14 Dürry 584208/161826 1430 m Pessière-Sapinière à Adénostyle typique 2 2019 15 Chaux de la Hochmatt 581737/156983 1250 m Erablaie à Orme 2 2019 16 Le Lapé 584319/156473 1650 m Arolière des Alpes du Nord 6 2019 17 Plaffeien 589225/176432 810 m Frênaie à Orme, forêt riveraine en transition 2 2020 18 Seeschlund 588988/171206 1060 m Hêtraie à Sapin typique 1 2020 19 Schwarzsee 586795/167505 1200 m Hêtraie à Sapin typique 1 2020 20 Plasselb 585276/176105 800 m Frênaie à Orme, forêt riveraine en transition 1 2020 21 Muscherenschlund 593179/169556 1230 m Sapinière à Prêle typique 1 2020 22 Torryboden 583843/169091 1350 m Sapinière à Prêle typique 3 2020 23 La Trème 566205/157686 1080 m Sapinière à Prêle typique 4 2020 24 Modzounaire 564455/151581 1260 m Hêtraie à Sapin avec Adénostyle glabre 1 2020 25 Veveyse de Fégire 562770/150702 1220 m Hêtraie à Sapin typique 3 2020 51
GI LLES H AUSER, SOPH I E GI R I ENS, YA N N ICK CH IT TA RO & GR EG OR KOZ LOWSK I Fig. 3. Habitus de six espèces remarquables collectées au cours du projet, de gauche à droite et de haut en bas : Aesalus scarabaeoides, Bius thoracicus, Orchesia fasciata, Hallomenus axillaris, Prostomis mandibularis et Ampedus auripes. Barre d’échelle = 1 mm. (Photos Gilles Hauser – MHNF) Orchesia fasciata : connue seulement de quelques localités en Suisse (Serveur carto- graphique d’info fauna 2022), cette espèce rare colonise la carie blanche des branches de conifères des forêts mésophiles (Sanchez et al. 2018, Krasutsky 2021). 52
I N V EN TA I R E DES COLÉOPT ÈR ES SA PROX Y LIQU ES DU CA N TON DE FR I BOU RG Hallomenus axillaris : trouvée deux fois lors du projet (forêts de Chenau-Ferrée, site 07, et de Plaffeien, site 17), cette espèce discrète a rarement été signalée en Suisse. Elle se développe dans les carpophores de certains champignons saproxyliques (Sanchez et al. 2018). La littérature cite notamment Pycnoporellus fulgens (Fr.) Donk, Laetiporus sulphureus (Bull.) Murrill et Rhodonia placenta (Fr.) Niemelä, K. H. Larss. & Schigel (Schigel 2011, Chachula et al. 2019). Ce coléoptère fait partie de la minorité d’espèces saproxyliques de Suisse qui sont préférentiellement sciaphiles (Sanchez et al. 2018). Prostomis mandibularis : cette espèce, répandue principalement dans les vallées al- pines du pays (Serveur cartographique d’info fauna 2022), est considérée comme po- tentiellement menacée (catégorie NT) par l’IUCN (Nieto & Alexander 2010). Elle est connue pour se développer généralement dans des troncs de gros diamètre (Sanchez et al. 2018), dans les parties attaquées par la carie rouge, dans des forêts mésophiles. Sa découverte dans la vallée de la Jogne (site 08), une première pour le canton de Fribourg, concerne une forêt de ce type. Ampedus auripes : près du tiers des données suisses de cette espèce proviennent de la région des Préalpes fribourgeoises et vaudoises (Serveur cartographique d’info fauna 2022), Ces deux cantons portent donc une responsabilité au niveau national pour sa préservation. Son écologie fine est peu connue, mis à part qu’elle est liée à des pes- sières de montagne (Horak & Pavlicek 2013). Forêts remarquables Parmi les 25 forêts inventoriées, certaines se démarquent, soit par la présence d’espèces très rares (particulièrement celles présentées plus haut), soit par la richesse de la communauté des Coléoptères saproxyliques qu’elles abritent. Ces quelques forêts sont présentées ci-après. Les Côtes de Baumes (site 10): Située à basse altitude, et hors de la zone préalpine, cette forêt s’est révélée d’un grand intérêt faunistique avec 140 espèces recensées à l’aide de trois pièges. Parmi elles, 27 espèces sont considérées comme emblématiques des forêts de Suisse (San- chez et al. 2016). En plus d’abriter Aesalus scarabaeoides (Fig. 3), pour laquelle le canton de Fribourg porte une responsabilité au niveau national (Hauser et al. 2021), sa richesse spécifique élevée lui confère une importance toute particulière. Le ca- ractère plutôt thermophile de cette forêt mixte de pente exposée au sud-est explique probablement sa grande diversité. La présence de quatre Coléoptères xylomycéto- phages à haute valeur emblématique (Is = 6) (Sanchez et al. 2016), Mycetophagus piceus (Fabricius, 1777), Mycetophagus populi Fabricius, 1798, Sphindus dubius (Gyllenhal, 1808) et Synchita variegata Hellwig, 1792, ajoute encore à l’intérêt pa- trimonial de cette forêt. Le Lapé (site 16): Cette forêt, située entre 1600 m et 1800 m, est unique pour le canton de Fribourg, no- tamment de par son essence dominante, l’arolle. Les forêts d’altitude abritent généra- lement un nombre restreint d’espèces de Coléoptères saproxyliques (Sanchez et al. 53
GI LLES H AUSER, SOPH I E GI R I ENS, YA N N ICK CH IT TA RO & GR EG OR KOZ LOWSK I 2018) et Le Lapé ne fait pas exception avec 75 espèces recensées malgré un effort de capture important (six pièges). Cependant, cette forêt abrite deux espèces avec la va- leur emblématique maximale selon Sanchez et al. (2016) (Is = 7) : Bius thoracicus et Orchesia fasciata (Fig. 3). La découverte de ces deux Coléoptères sur le même site est exceptionnelle et confirme l’aspect particulier de cette forêt. D’autres espèces exigeantes ont également été trouvées, comme le rare xylomycétophage Tetracoma ancora Fabricius, 1790. A noter également la découverte sur ce site d’un élatéridé non-saproxylique rare en Suisse : Aplotarsus angustulus (Kiesenwetter, 1858). Il s’agit seulement de la quatrième donnée suisse connue (Serveur cartographique d’info fauna 2022). Bonaudon – L’Hongrin (site 06): Les trois pièges installés dans cette forêt ont permis de détecter 105 espèces de Coléoptères, dont 64 saproxyliques. Les 16 espèces emblématiques capturées té- moignent de l’intérêt de ce site localisé à l’extrême sud du canton. Des espèces xy- lomycétophages, comme Sphindus dubius et Mycetophagus atomarius (Fabricius, 1787), ou liées à du bois mort de gros diamètre (35–60 cm) (Sanchez et al. 2018), comme Diacanthous undulatus (DeGeer, 1774), illustrent quelques caractéristiques de cette forêt qui présente également un fort intérêt botanique (Gerber et al. 2010). Les résultats de ces trois années de piégeage apportent des connaissances essentielles et donnent un premier aperçu de la diversité des Coléoptères saproxyliques du canton de Fribourg. Cependant, afin de pouvoir se faire une idée plus représentative de l’état global des communautés de cette guilde dans le canton, il serait nécessaire d’échantil- lonner de manière plus systématique l’ensemble des forêts du territoire pour pouvoir localiser précisément les «hotspots» cantonaux. Cette vision d’ensemble pourrait no- tamment être utile pour définir les nouvelles réserves forestières qui permettraient au canton d’atteindre ses objectifs avec un maximum de bénéfices pour la biodiversité. En effet, près de 3000 hectares de forêts restent à placer en réserve pour atteindre l’objectif de 4300 hectares fixé pour 2030 (SFF 2016, Etat de Fribourg 2020). De plus, la découverte d’espèces très rares au niveau national ou même européen confère au canton une responsabilité quant à leur conservation et devrait encourager, si néces- saire, des mesures pour les maintenir ou les favoriser. Ces mesures varient en fonction des espèces et de leurs écologies respectives mais peuvent souvent être mises en œuvre de manière relativement simple. Conserver les arbres porteurs de dendro-microhabi- tats particuliers, comme des gros champignons lignicoles ou des cavités à terreau (Bütler et al. 2020), en est un exemple. Une telle démarche a notamment été appliquée dans le Parc régional Chasseral (Juillerat et al. 2019). Remerciements Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide de plusieurs personnes que nous tenons à remercier ici : David Giovannini, Etienne Francey, Henri Descombes, Romain Cottet et Yann Rime pour leur aide lors du travail de terrain; Andreas Sanchez, Vivien Cosandey et Werner Marggi pour la détermination spécimens ou la vérification de celle-ci; Nicolas Roth et Romain Angeleri pour la mise à disposition de leur liste d’espèces saproxyliques ; Adrian Aebischer, Yann Fragnière et le Service des Forêts et de la Nature pour la collaboration et leurs conseils tout au long du projet; Nicolas Küffer pour la traduction allemande du résumé. 54
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GI LLES H AUSER, SOPH I E GI R I ENS, YA N N ICK CH IT TA RO & GR EG OR KOZ LOWSK I Annexe : Matériel supplémentaire de détail des captures par forêt, accessible sur le site internet de Entomo Helvetica : https://entomohelvetica.ch/de/uuid/i/cdde563e-ab48-5796-be80-c60c7c3d4735-Entomo_ Helvetica_Band_15_2022 QR-Code donnant accès au tableau annexe sur le site internet de Entomo Helvetica 56
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