Comprendre la planification axée sur les capacités - Center ...

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Comprendre la planification axée sur les capacités - Center ...
Politique de sécurité: analyses du CSS
No 298, Février 2022

Comprendre la planification
axée sur les capacités
L’armée suisse s’engage dans une approche de planification axée sur
les capacités pour assurer son développement. Déjà adoptée par
plusieurs forces armées dans le monde, cette démarche a soulevé de
nombreux problèmes. Pour éviter de subir des revers similaires,
l’armée suisse doit maîtriser les mécanismes de cette méthode et
assurer son application rigoureuse.

Par Constant Despont

L’environnement stratégique actuel met les
forces armées à travers le monde à rude
épreuve. Outre les agissements de grandes
puissances comme la Chine et la Russie, des
menaces telles que le terrorisme internatio-
nal ressurgissent. Les forces armées doivent
faire face à ces menaces non convention-
nelles, tout en restant à même de contrer les
menaces plus traditionnelles. Par ailleurs, le
développement rapide des nouvelles tech-
nologies au sein du secteur privé présente
de nouvelles opportunités mais aussi de
nouveaux défis, ces nouvelles technologies
renforçant la dangerosité de certaines me-
naces. Les forces armées se trouvent donc
en situation de concurrence avec leurs ad-
versaires potentiels. L’armée suisse se trouve
dans une situation similaire.

En tant que pays neutre, la Suisse n’est                Formation dans la salle de théorie du centre de formation de l’armée à Lucerne. Nique Nager / VBS/DDPS
membre d’aucune alliance militaire défen-
sive telle que l’OTAN. Par conséquent, ses
forces armées sont seules responsables de la
défense du territoire national contre les
menaces de tous types. Selon la doctrine                nouvelles capacités apportées par la der-           visant à abandonner le remplacement d’an-
militaire suisse, l’armée suisse doit être en           nière révolution dans les affaires militaires       ciens systèmes d’arme par de plus mo-
mesure de faire face au pire scénario,                  (RAM), notamment l’intelligence artifi-             dernes. Cette méthode formait la base de
comme le serait un conflit de haute inten-              cielle (IA) et les véhicules sans pilote. Ces       son développement. Pour ce faire, elle a
sité contre un acteur étatique. Comme la                technologies sont en train de modifier la           décidé d’adopter la «planification axée sur
plupart des forces armées, l’armée suisse               manière d’aborder les conflits futurs et sur-       les capacités» (PAC, capability-based plan-
peine à atteindre ses objectifs avec des res-           tout comment les mener.                             ning en anglais).
sources limitées. Continuant de s’appuyer
massivement sur des systèmes hérités de la              Pour combler cette lacune, l’armée suisse –         Cette méthode a vu le jour au sein de l’ar-
guerre froide, tels que des véhicules blindés           comme beaucoup d’autres forces armées               mée américaine à la fin de la guerre froide.
lourds, elle accuse un certain retard sur les           dans le monde – a entamé une transition             La course aux armements avec l’Union so-

© 2022 Center for Security Studies (CSS), ETH Zürich                                                                                                       1
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Politique de sécurité: analyses du CSS                                                                                             No 298, Février 2022

viétique avait mis en péril les finances des
                                                          Schéma de base de la planification axé sur les capacités
États-Unis. À la lumière du nouvel envi-
ronnement stratégique, le département de
la Défense des États-Unis a choisi de baser
son approche de développement sur les ca-
pacités que ses forces armées devraient être
en mesure de fournir, ceci sans se concen-
trer sur un adversaire spécifique. L’objectif
de cette approche était de créer une force
polyvalente faisant un usage plus efficace
de ses ressources. Les pays alliés des États-
Unis ont ensuite adopté et adapté la PAC
de façon à établir des normes communes.

Cependant, même après 30 ans de déve-
loppement et de mise en œuvre par diffé-
rents États, la PAC reste une tâche ardue
pour beaucoup de forces armées à travers le
monde. Ce phénomène s’explique par l’en-
vironnement stratégique de plus en plus
complexe et concurrentiel dans lequel elles
évoluent. Ceci les oblige parfois à adopter
une planification de leur développement
semblable à celle des entreprises privées.
Les difficultés rencontrées sont également
dues à un manque de compréhension de la                 200 personnes doivent être transportées de        Chaque environnement stratégique a ses
méthode, de ses principes de base et de ses             Zurich à Genève. La capacité recherchée           spécificités, mais dans tous les cas, les en-
limites. Les échecs auxquels se heurtent les            est donc leur transport. Les moyens choisis       treprises et les forces armées doivent adap-
forces armées comme les entreprises pri-                à cette fin dépendent de divers aspects tels      ter rapidement leur planification du déve-
vées dans la planification de leur dévelop-             que les ressources financières disponibles ou     loppement aux défis actuels (réaction) et
pement ont les mêmes causes: une stratégie              l’importance de la capacité souhaitée. En         anticiper les évolutions futures (anticipa-
de développement qui ne répond pas aux                  substance, la PAC consiste à déterminer ce        tion). Cet impératif d’anticipation requiert
besoins réels et l’incapacité à exécuter plei-          qu’il faut faire (capacité) et la façon la plus   une planification à long terme du dévelop-
nement cette stratégie. Pour ces deux enti-             efficace d’y parvenir.                            pement. L’itération de tout exercice de pla-
tés, la PAC peut éliminer ces causes d’échec.                                                             nification est dictée par les besoins spéci-
Dans le même temps, son modèle de base         La PAC fonctionne selon une approche                       fiques du domaine technique concerné et
(voir schéma) fournit un canevas adaptable     descendante. Dans une entreprise privée,                   l’environnement dans lequel le processus se
à la situation particulière de chaque force    cela signifie que le conseil d’administration              déroule. Pour une société active dans l’in-
armée.                                         définit une stratégie de développement                     formatique, par exemple, cet horizon peut
                                               avec des lignes directrices sur lesquelles le              être très court (un à deux ans). Une entre-
Principes de base                              personnel s’appuie pour ensuite fournir un                 prise active dans l’aéronautique, en re-
L’émergence de nouvelles technologies et produit ou un service à la clientèle. Dans le                    vanche, a un cycle de planification bien
l’intensification de la concurrence placent contexte des forces armées, l’état-major ou                   plus long. Les forces armées sont tiraillées
les forces armées et les entreprises privées le conseil des généraux responsable de la                    de la même manière entre les impératifs de
dans une situation difficile. Obligées de se planification du développement se trouvent                   réaction et d’anticipation. Pour résoudre ce
réinventer sans cesse pour rester compéti- au sommet de la pyramide hiérarchique, la                      dilemme, il faut mettre en place des proces-
tives, elles doivent renforcer leur efficacité base étant formée par les soldats qui exé-                 sus de soutien qui soulagent le processus
en intégrant les nouvelles technologies et cutent la mission. Cette approche descen-                      principal de certaines missions chrono-
                                                            dante requiert une planification              phages comme la recherche et le dévelop-
                                                            verticale du développement                    pement de nouvelles technologies.
La PAC reste une tâche ardue pour partant du haut de la pyramide
beaucoup de forces arrmées.                                 hiérarchique pour aller jusqu’à               Un autre objectif de ces processus de sou-
                                                            sa base. Le développement en                  tien est de fournir les informations néces-
                                                            lui-même doit être organisé de                saires au bon déroulement du processus
anticiper les actions de leurs concurrents manière à assurer la cohérence sur l’inté-                     principal. Ces informations peuvent être
afin de les contrer et de les doubler. En gralité du processus, de la stratégie formu-                    internes ou externes aux forces armées. Les
axant la planification du développement sur lée au sommet à son exécution par la base.                    informations externes portent, par exemple,
la notion de capacités, la PAC aide ces enti- Pour cela, la PAC doit s’inscrire dans un                   sur l’environnement stratégique dans lequel
tés dans ce processus. Les capacités, aussi système de développement cohérent (voir                       l’acteur opère, les progrès réalisés par la
appelées «capacités opérationnelles» dans schéma) afin de garantir que la stratégie                       concurrence ou l’évolution de la législation
l’armée suisse, désignent ce qu’il faut faire préalablement définie soit efficacement                     nationale et internationale. Les informa-
pour atteindre un objectif donné, mais sans mise en œuvre et fournisse les résultats es-                  tions internes concernent l’état des forces
préciser de quelle manière. Par exemple: comptés.                                                         armées, ses capacités actuelles ou les possi-

© 2022 Center for Security Studies (CSS), ETH Zürich                                                                                                 2
Politique de sécurité: analyses du CSS                                                                                            No 298, Février 2022

bilités d’améliorer son fonctionnement. Par             jectifs et une doctrine pour les forces ar-     gnement militaire et le Service de rensei-
rapport aux autres entités, les forces armées           mées. Ensuite, l’organe de planification        gnement de la Confédération sur une base
nécessitent un troisième type de processus              détermine dans chaque document plusieurs        annuelle. Le deuxième processus de sou-
de soutien. Celui-ci doit permettre de ré-              axes de développement prioritaires par rap-     tien, la gestion des informations internes,
pondre rapidement à une menace surve-                   port aux risques identifiés et aux missions à   pourrait s’appuyer sur le travail réalisé au
nant sur un théâtre d’opérations. Ce type               accomplir. Cette étape doit permettre de        sein de l’EM A par les services de Planifi-
de processus est particulièrement impor-                déterminer la façon dont les forces armées      cation de l’armée et de Développement de
tant pour les forces armées engagées dans               entendent remplir les différentes missions,     l’entreprise Défense. Le troisième, sciences,
des opérations de combat, à l’image de la               les capacités requises, le niveau d’ambition    technologies et gestion de l’innovation, peut
France au Mali. En revanche, pour des pays              du développement des forces armées et les       être pris en charge par le domaine Sciences
comme la Suisse qui ne participe pas à de               tendances de ce développement. Ce dernier       et technologies de l’Office fédéral de l’ar-
telles opérations, ce type de processus ne              aspect fait référence aux domaines de re-       mement, armasuisse. Le quatrième proces-
relève pas d’une importance cruciale.                   cherche tels que l’IA et les véhicules sans     sus de soutien, le développement rapide, n’est
Chaque processus d’appui ayant sa propre                pilote, qui jouent un rôle particulièrement     pas crucial pour l’armée suisse car celle-ci
itération, ils doivent être coordonnés avec             important pour les forces armées.               n’est activement engagée sur aucun théâtre
le processus principal pour être efficaces.                                                             d’opération.
                                                        La troisième étape est le développement des
PAC dans les forces armées                              capacités. Au cours de cette étape, l’organe Obstacles à la PAC
Il est possible de représenter la PAC sous la           de planification, avec le soutien de l’organe Si la PAC a été mise en œuvre avec succès
forme d’un schéma de base décrivant le                  responsable des opérations militaires, défi- dans de nombreuses entreprises privées,
système de développement des forces ar-                 nit les capacités à développer
mées (voir schéma). Le système de déve-                 pour atteindre les objectifs fixés.
loppement se compose d’un processus                     Pour ce faire, on établit la diffé-
                                                                                              Toutes les forces armées peuvent
principal et de processus de soutien. Le                rence entre les capacités néces- utiliser la PAC pour plani­fier leur
premier couvre les différentes étapes d’une             saires et celles que les forces ar-
approche descendante cohérente. Les se-                 mées possèdent déjà afin de
                                                                                              développement.
conds garantissent l’exécution des missions             déterminer le «déficit de capaci-
correspondantes. En règle générale, le pro-             tés». Les capacités déficitaires sont classées plusieurs pays rencontrent toujours des dif-
cessus principal est conduit par l’organe de            en fonction de leur importance pour la ficultés à l’appliquer correctement, ceci
planification des forces armées. Dans l’ar-             réussite de la mission concernée ou du pour diverses raisons. En effet, la PAC
mée suisse, cette mission incombe à l’État-             risque que représente leur absence.             exige une forte coordination et une organi-
major de l’armée (EM A). Le processus                                                                   sation très spécifique des processus afin de
principal commence au sein des institu-                 Les capacités considérées comme priori- produire un développement cohérent. Si
tions politiques. La plupart du temps, le               taires sont ensuite traitées dans le cadre de l’organe de planification considère la PAC
gouvernement publie une stratégie natio-                la quatrième étape, la gestion des projets. comme une simple méthode, sans l’associer
nale de défense qui précise les objectifs à             L’équipe de développement est chargée de à un système de développement adéquat,
atteindre par les forces armées.                        trouver des solutions matérielles ou non c’est là que des problèmes apparaissent. La
                                                        matérielles pour combler le déficit de capa- PAC nécessite une connaissance approfon-
Le processus principal comprend six étapes.             cités. Celles-ci sont présentées à l’organe de die de la méthode de développement et un
La première est l’analyse de l’environnement            planification, qui choisit la plus appropriée. système de développement fonctionnel. Il
stratégique. Cette analyse permet de déter-             Il peut s’agir de l’acquisition d’un nouveau faut également que l’ensemble du système
miner les menaces auxquelles les forces ar-             système d’arme ou d’un simple change- soit transparent et que les données utilisées
mées peuvent se trouver confrontées. Elle               ment de doctrine afin d’obtenir de meil- dans les différents domaines répondent à
cerne des aspects tels que l’environnement              leurs résultats avec les mêmes ressources. des normes communes afin d’assurer leur
géographique, la météorologie, le contexte              La méthode d’évaluation utilisée par le dé- interopérabilité. Or, il est particulièrement
socioculturel, le contexte politique ou les             partement de la Défense des États-Unis difficile de garantir cette cohérence à
nouvelles technologies que les forces armées            pour étudier la faisabilité des solutions pro- l’échelle d’une force armée car ses diffé-
devront intégrer dans leurs opérations.                 posées est une analyse à la lumière des as- rentes branches (air, terre, mer, espace, cy-
                                                        pects suivants: la doctrine, l’organisation, la ber) ont tendance à élaborer leurs propres
La deuxième étape est l’adaptation des                  formation, le matériel, le leadership, le per- normes et à défendre farouchement leurs
plans. Lors de cette étape, l’organe de plani-          sonnel, les installations et les politiques prérogatives.
fication s’appuie sur l’organe responsable              (DOTMLPF-P). Les solutions choisies
des opérations militaires. Dans l’armée                 sont ensuite budgétisées et programmées lors Par ailleurs, la PAC oblige souvent les
suisse, il s’agit du Commandement des                   d’une cinquième étape, puis sont mises en forces armées à planifier leur développe-
Opérations (Cdmnt Op). Sur la base de                   dotation par les forces armées au cours de la ment comme une entreprise privée. Cette
l’analyse de l’environnement stratégique,               sixième étape.                                  approche n’est pas particulièrement adaptée
l’organe compétent opérationnalise les ob-                                                              à une administration telle que le départe-
jectifs fixés par le gouvernement et les tra-           Dans le cas de l’armée suisse, quatre ment de la Défense des États-Unis, qui
duit en langage militaire. Cette démarche               exemples de processus d’appui selon le mo- préfère généralement la stabilité à l’innova-
débouche sur plusieurs documents: un scé-               dèle de base de la PAC peuvent jouer un tion et la sécurité à la gestion des risques.
nario de guerre, des concepts opérationnels,            rôle essentiel pour l’avenir. Le premier est Un autre problème potentiel est la gestion
une stratégie globale pour les forces armées,           la gestion des informations externes, qui peut des ressources financières. Les contraintes
des stratégies spécifiques pour certains ob-            être assurée conjointement par le Rensei- financières sont souvent prises en compte

© 2022 Center for Security Studies (CSS), ETH Zürich                                                                                                3
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tardivement, ce qui conduit au développe-      sources est plus simple dans les petits pays                développement. Dans un environnement
ment de solutions non viables sur le plan      qu’aux États-Unis, du fait de leur engage-                  stratégique et technologique en constante
économique. La tendance dans certains          ment constant dans des conflits à travers le                évolution, il n’est plus possible de s’appuyer
pays de résoudre tous les problèmes ren-       monde. Le principal objectif des petits                     sur une approche consistant à simplement
contrés sur des théâtres d’opération en se     États est la défense de leur territoire natio-              remplacer les systèmes d’armes. La PAC
dotant de nouvelles technologies hors de       nal. En outre, ils peuvent tirer parti des ex-              assure un développement cohérent de tous
prix renforce la complexité du problème. À     périences acquises par les grandes puis-                    les processus connexes. Le recours à la no-
titre d’exemple, le canon électromagnétique    sances sans mobiliser les mêmes moyens.                     tion de «capacités» permet d’innover en
de la marine américaine devait permettre       L’Autriche par exemple, malgré son budget                   s’écartant du simple remplacement des sys-
                                                            très restreint, planifie son déve-             tèmes d’armes dépassés. Outre l’acquisition
Pour bien appliquer la PAC, il est                          loppement en s’appuyant sur la                 de nouveaux équipements, ce concept in-
impor­tant de mettre en place une PAC.                             En principe, l’adhésion à
                                                            une alliance telle que l’OTAN
                                                                                                           troduit de profonds changements aux ni-
                                                                                                           veaux doctrinal et organisationnel.
structure adé­quate.                                        ne pose pas de problème pour
                                                            l’application de la PAC. En fin                Pour bien appliquer la PAC, il est impor-
d’atteindre des cibles situées à 300 kilo- de compte, toutes les forces armées du                          tant de mettre en place une structure adé-
mètres à une vitesse de Mach 7. Ce projet monde peuvent utiliser la PAC pour plani-                        quate. Les organes participants doivent as-
qui a coûté un demi-milliard de dollars s’est fier leur développement. Les obligations                     surer une coordination suffisante des
révélé un échec du fait de sa complexité et imposées par une alliance constituent, tout                    différents processus afin de permettre un
de son coût. La Russie, de son côté, propose au plus, des règles supplémentaires visant à                  développement régulier et continu. Il est
une meilleure solution en s’appuyant sur renforcer la coopération entre les membres                        également nécessaire d’identifier les obs-
une technologie déjà maîtrisée, au lieu d’en de cette alliance. L’appartenance à une al-                   tacles au bon fonctionnement de la PAC et
développer une totalement nouvelle.            liance permet également de déléguer le dé-                  de les traiter suffisamment tôt pour éviter
                                               veloppement de certaines capacités à des                    de faire dérailler tout le processus de plani-
Ces obstacles sont relativement faciles à membres de cette alliance.                                       fication du développement. La mise en
surmonter par la mise en place d’un sys-                                                                   pratique de cette méthode est compliquée
tème de développement mettant l’accent Comme le montre le cas de l’Autriche, l’ap-                         pour les forces armées, car elle les oblige à
sur la phase d’analyse. Cependant, il arrive plication de la PAC ne pose pas de pro-                       sortir de leur zone de confort pour adopter
aussi que des contraintes externes aux blème en soi pour les petits États. La Suisse                       un état d’esprit plus proche de celui d’une
forces armées entravent le bon fonctionne- possède des organes capables d’assurer la                       entreprise privée. Mais compte tenu de
ment de la PAC. Les pressions exercées par plupart des étapes et des processus de sou-                     l’environnement stratégique actuel, il n’y a
certains lobbies peuvent conduire au déve- tien qui composent le schéma de base. Ce-                       pas de meilleure option.
loppement de capacités ou de systèmes pendant, il est important de préciser que
d’armes servant des objectifs plus écono- l’armée suisse – et dans une plus large me-                      Dans le cas de l’armée suisse, les solutions
miques que militaires. De même, les ins- sure le Département fédéral de la défense,                        qui permettraient de répondre aux menaces
tances politiques ont tendance à fixer des de la protection de la population et des                        non conventionnelles pourraient être da-
objectifs qui relèvent davantage de la poli- sports – ne publie pas deux documents                         vantage mises en avant. Certains docu-
tique intérieure ou étrangère que de la dé- constituant le fondement d’une PAC: une                        ments essentiels, tels qu’une stratégie na-
fense. Ces deux situations peuvent avoir stratégie nationale de défense et une straté-                     tionale de défense et son opérationnalisation
des conséquences extrêmement néfastes gie globale pour les forces armées. Le rap-                          sous la forme d’une stratégie globale pour
sur la planification du développement. port sur la politique de sécurité), qui offre                       les forces armées, pourraient s’avérer utiles.
Pour atténuer ces risques, les forces armées une base de réflexion sur la sécurité, n’est pas              Néanmoins, comme précédemment indi-
doivent attirer l’attention des autorités po- une stratégie nationale de défense mais un                   qué, l’armée suisse dispose déjà de la plu-
litiques concernées sur le fait qu’elles ensemble de directives pour la sécurité na-                       part des organes administratifs requis pour
portent préjudice à l’objectif global.         tionale. Depuis la fin de la guerre froide, il              appliquer correctement la PAC.
                                               n’existe plus de stratégie décrivant concrète-
PAC et petits États                            ment la façon dont seront utilisées les forces
Si la PAC est une initiative développée par armées en Suisse. Pour mettre en œuvre effi-
l’armée la plus puissante du monde, celle cacement la PAC, l’armée suisse doit élabo-                       Voir le site thématique du CSS pour en savoir
des États-Unis, elle est aussi accessible à de rer des documents stratégiques de ce type.                   plus sur la doctrine militaire et l’acquisition
plus petits pays. Les défis que ceux-ci ren- Sans eux, la cohérence de tout le système de                   d’armes.
contrent sont d’ailleurs similaires: un be- développement risque d’être compromise.
soin accru de légitimer l’usage qui est fait
de l’argent des contribuables et la com- L’avenir de la PAC                                                Constant Despont est Researcher au sein de
plexité de l’environnement stratégique dans L’armée suisse a commencé en 2018 à uti-                       l’équipe «Global Security» du Center for Security
lequel ils évoluent. L’utilisation des res- liser la PAC pour la planification de son                      Studies (CSS) à l’ETH de Zürich.

Les analyses de politique de sécurité du CSS sont publiées par le Center for    Parus précédemment:
Security Studies (CSS) de l’ETH de Zürich. Le CSS est un centre de compétence
                                                                                Ran ongiciels: approches nationales de protection No 297
en matière de politique de sécurité suisse et internationale. Deux analyses
                                                                                La cybersécurité dans le secteur de la santé No 296
paraissent chaque mois en allemand, français et anglais.
                                                                                Pénurie globale de puces No 295
Editeurs: Julian Kamasa, Benno Zogg                                             Le retour des talibans et les relations sino-russes No 294
Révision linguistique: Constant Despont, Névine Schepers                        L’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie entre Est et Ouest No 293
Layout et graphiques: Miriam Dahinden-Ganzoni                                   Les robots militaires: la réalité rejoint la fiction No 292

Feedback et commentaires: analysen@sipo.gess.ethz.ch                            © 2022 Center for Security Studies (CSS), ETH Zürich
Plus d’éditions et abonnement: www.css.ethz.ch/cssanalysen                      ISSN: 2296-0228; DOI: 10.3929/ethz-b-000530107                                4
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