Introduction d'une langue vivante à un âge précoce. l'exemple français
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i n t r o d u c t i o n d'une l a n g u e vivante à un â g e précoce. l'exemple français Sacra COMORERA Université de la Sorbonne 1. UN PEU D'HISTOIRE L'introduction d'une langue vivante dans l'enseignement général, n'est pas récen- te. Lorsqu'en 1829 une ordonnance de Charles X fit entrer dans le système scolaire fran- çais l'enseignement des langues vivantes étrangères, celui-ci fut instauré au niveau des lycées et des universités. Plus tard, précisément cent soixante ans après, un élargissement considérable du champ d'action de cet enseignement est envisagé par les plus hautes autorités. Celles- ci décident d'introduire l'apprentissage des langues le plus en amont possible dans le système éducatif français, c'est-à-dire, dès l'école primaire. Il s'agissait d'une évolution très importante, car cette introduction des langues au niveau élémentaire allait engen- drer une restructuration de l'ensemble du cursus linguistique. Le texte fondateur de l'introduction d'une langue étrangère à l'école primaire date de 1989. Il s'agit de la circulaire n° 89-065 du 6 mars 1989 publiée au B.O.E.N. n° 11 du 16 mars 1989. Cette réforme s'est appliquée à l'enseignement primaire en 1989-90 pour la première année. Elle va toucher dans l'année scolaire 1991-92 le quart des élèves de cours moyen (neuf, dix et onze ans). Mais l'enseignement précoce des langues vivantes et plus précisément de l'anglais dans le cas de la France, s'inscrit dans un mouvement mondial qui a commencé dans les années cinquante et a fait l'objet de nombreuses études et colloques internationaux. Les expériences d'E.P.L.V. (Enseignement précoce de langue vivante) d'anglais, étaient nombreuses à cette époque-là. En réalité, la première expérience française a commencé en 1954 à Arles à la faveur d'un jumelage avec la ville américaine de York. L'enseignement, donné par des assistants américains et britanniques, fut bientôt relayé par des institutrices itinérantes. Après deux ou trois ans de tâtonnements, l'Inspecteur Général J. Lonjaret intervint et mit au point une brochure éditée par l'Institut National de la Recherche Pédagogique donnant des indications de contenu (on y attachait beau- coup d'importance à l'acquisition phonologique). Mais celle-ci ne proposait pas une véritable méthode. P. Féraud, Inspecteur des langues vivantes de la Seine, organisa en 1956 un ensei- gnement de l'anglais pour les enfants de huit à onze ans, d'abord à Vincennes, puis dans un certain nombre d'écoles de Paris. Les cours étaient également assurés par des assis- tants britanniques. A la même époque, S. Grillot, directrice d'école maternelle, démar- rait une expérience d'enseignement de l'anglais en moyenne et en grande section, d'abord à Levallois-Perret, puis dans le 16 e arrondissement de Paris. S. Grillot faisait une adaptation en anglais des activités habituelles de l'école maternelle et recommandait María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
l'utilisation de planches illustrées. Par ailleurs, l'école active bilingue, Ecole interna- tionale de Paris, mettait au point un ensemble pédagogique (R.E.M.I., publié en 1966). Destiné aux enfants de trois ans et plus, le but de ce document était d'instaurer un cer- tain bilinguisme (pour nous, le vrai bilinguisme se produit lorsque l'enfant est en con- tact avec deux langues et qu'il commence à les acquérir en même temps aux niveaux écrit et oral). A partir des années soixante, la situation évolue aussi bien en maternelle qu'en pri- maire. L'école maternelle française est issue des garderies d'enfants. Elle a été l'une des premières à être organisée en tant que véritable lieu d'éducation des enfants. Ceux-ci sont répartis en trois niveaux: 1 -les petits (deux, trois ans); 2-les moyens (quatre ans); 3-les grands (cinq ans). Le but des activités éducatives de l'école maternelle est d'adapter l'enfant au monde qui l'entoure et de permettre sa socialisation aussi bien que la structuration des données auxquelles il peut être confronté. Il ne faut pas oublier qu'en France, l'école maternelle est connue pour être la seule où l'on peut appliquer des techniques nouvelles d'éducation. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'expérience la plus connue d'ensei- gnement d'une langue étrangère à l'école maternelle fut celle de l'enseignement de l'al- lemand et non de l'anglais. C'est A. Delaunay, Inspectrice Générale des écoles mater- nelles, qui en eut l'initiative. Son but était d'arriver à un véritable bilinguisme franco- allemand. Parallèlement, et même antérieurement à cette initiative, d'autres expériences eurent lieu un peu partout en France, surtout avec la langue anglaise. Les cours donnés par des assistants d'anglais duraient de vingt à trente minutes. Aujourd'hui, ils sont en général limités à vingt minutes par semaine. Les méthodes utilisées étaient au début très variées et non réglementées. L'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud fut une des premières à adapter pour les enfants, en 1961, une méthode audiovisuelle pour adultes (Lend Me Your Ears). Puis elle mit au point un matériel spécifique pour enfants (Happy Families). Plus tard, en 1963, le B.E.L.C. (Bureau pour l'enseignement de la langue et de la civilisation française à l'étran- ger), qui avait déjà crée la méthode de français pour enfants Frère Jacques, réalisa un matériel appelé Jingle Bells. Il s'agissait de méthodes audiovisuelles (utilisant des enregistrements sonores et un support visuel). La méthodologie employée donnait la primauté à l'acquisition de la langue parlée. Cette méthodologie contrastait avec celle appelée par les Anglais grammar-translation, autrement dit la méthode traditionnelle consistant à apprendre des règles grammaticales et à aborder la pratique de la traduc- tion. L'influence de la linguistique dite structurale sur ce type de méthode audiovi- suelle est bien connue, notamment la primauté donnée à la langue orale et l'insistance sur les distinctions phonologiques propres au code oral. María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
2. LA RÉALITÉ ACTUELLE SELON NOTRE PROPRE EXPÉRIENCE: LA MÉTHODE AUDIO-VISUELLE, LES TECHNIQUES LIÉES À CELLE-CI ET LES MANUELS La méthode audiovisuelle pratiquée en France depuis les années soixante présente certaines caractéristiques importantes à souligner: 1-la priorité donnée à la langue parlée présentée dans des sketches dialogués; 2-1'absence de recours à des explications grammaticales, mais l'utilisation d'exer- cices structuraux; 3-1'utilisation de supports sonores et visuels avec recours à un code visuel plus ou moins élaboré; 4-1'introduction de l'écrit après une période d'imprégnation orale plus ou moins longue. La méthodologie pourrait se résumer ainsi: A-la présentation: le film est passé deux ou trois fois; B-l'explication: la compréhension doit toujours être précédée d'une audition par- faite; le professeur cerne de question en question les structures qui sont mal comprises sans jamais les analyser grammaticalement, ni jamais les traduire; C-la répétition: lorsque les structures sémantiques sont parfaitement entendues et comprises, les élèves doivent les répéter en présence des images; D-l'exploitation de la leçon: on repasse le film sans les dialogues; l'élève doit les retrouver en présence des images; E-l'exploitation de l'image: l'élève doit décrire l'image en utilisant les structures enseignées dans les leçons; F-l'exploitation de la leçon, sans image: les élèves doivent converser avec le pro- fesseur et entre eux. Bien entendu, cette méthodologie audiovisuelle est adaptée à l'âge et aux besoins des petits. Elle est la plus employée actuellement en France dans l'apprentissage de l'anglais en maternelle. Les élèves, au moins une fois par semaine (les séquences sont en général de vingt à trente minutes en maternelle et de quarante minutes en primaire), apprennent l'anglais à l'aide d'une vidéo. A défaut, ils ont un manuel approprié à leur âge. Un des plus utilisés est Way in (niveaux A et B) de M. Iggulden édité chez Longman. Ce livre contient différentes parties présentant différents objectifs: 1-des pages colorées pour la pratique orale; 2-des pages en noir et blanc pour l'initiation à la lecture et à l'écriture; 3-un ensemble de signes indiquant si l'élève doit regarder (look), parler (say), écouter (listen), écrire (write), ou colorer (colour). María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
Pour les élèves de primaire, les livres commencent à changer: leur format est plus petit et ils contiennent plus d'informations sur les structures grammaticales ainsi que des exercices d'expression personnelle. L'un des plus utilisés est Now for English niveau 1, de K. Johnson, édité chez Nelson. Ce manuel est aussi accompagné de cassettes pour les élèves. Il est vrai que certains manuels, conçus pour les plus jeunes, semblent exploiter un goût pour la collection à travers des séries lexicales finies telles que couleurs, noms de parties du corps, des vêtements, etc. Ils renforcent ainsi la conviction que les différences entre les langues relèvent exclusivement du domaine lexical. Il est impor- tant que les élèves se rendent compte du fait que les structures syntaxiques sont celles qui font la vraie différence entre les langues. Il faudrait, à notre avis, mettre face à face certains caractères syntaxiques communs des langues (par exemple entre l'an- glais et l'allemand ou entre l'espagnol et le français), car ceux-ci seraient rapidement acquis. Comme nous pouvons le voir, les changements méthodologiques ont été fort nombreux en pédagogie des langues depuis la mise en cause de la méthode tradition- nelle (grammar-translation pour les Anglais, comme nous l'avons déjà dit). Les méthodes de type audiovisuel, audio-oral ou structuro-global, les plus utilisées dans les années soixante, et au début des années soixante-dix, ont été critiquées à leur tour, car, bien que mettant la langue parlée au premier plan, elles n'atteignaient pas leur objectif communicatif. Ces premières méthodes avaient comme objectif l'accumula- tion successive des structures grammaticales d'une langue, tandis que les questions lexicales, phonologiques, sémantiques ou culturelles, étaient considérées comme secondaires. Par ailleurs, l'évolution des sciences du langage a mis en évidence le fait que ces méthodes offraient une vision trop restrictive de ce qu'il faut entendre par "maîtriser une langue". Les langues ne sont plus considérées par beaucoup de linguistes comme des objets d'étude examinés indépendamment de l'usage qui en est fait. L'orientation est "fonctionnelle": la langue est comme elle est, en raison des fonctions qu'elle est amenée à remplir. Un courant important a toujours existé parmi les anglicistes français. Ce courant prend en compte la linguistique de l'énonciation et la psycholinguistique, entendue au sens de l'étude des opérations cognitives qui permettent l'apprentissage. Cette démar- che s'appuie sur la comparaison entre la langue maternelle et la langue étrangère et sur une présentation explicite et raisonnée des phénomènes linguistiques. Elle participe en cela au développement conceptuel des apprenants et son application requiert des pro- fesseurs ayant une très bonne formation en linguistique théorique. Depuis quelques années, on assiste à l'émergence d'une attitude méfiante vis-à-vis des prises de position dogmatiques, quelles qu'elles soient, et à une absence de certitu- de généralisée quant aux meilleures façons de procéder. On remarque l'émergence de pratiques qu'on pourrait appeler "éclectiques": on a tendance à privilégier "ce qui mar- María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
che" au dépens des approches fondées sur les théories d'une école ou d'une autre. En France, on voit, selon C. Puren 1 différents types d'éclectisme: 1-éclectisme de strates historiques (modèles divers dans les pratiques des ensei- gnants); 2-éclectisme d'adaptation (l'acteur du cours ou le praticien adapte un cours donné à une situation d'enseignement particulière); 3-éclectisme de principe (on n'utilise pas une méthodologie unique, mais on com- bine des apports de différents ordres). On assiste également à une réévaluation des positions respectives de l'écrit et de l'oral dans le processus d'apprentissage. Un autre facteur important dans ce mouvement de remise en cause généralisé vient de ce que l'on s'efforce davantage de tenir compte des caractéristiques individuelles des apprenants, et de leurs stratégies personnelles pour apprendre. Actuellement, on peut constater une évolution dans les pratiques pédagogiques. L'évolution de l'école élémentaire ne se fait pas seulement sentir au niveau des conte- nus mais dans les pratiques pédagogiques. D'une pratique basée essentiellement sur le travail individuel, l'école élémentaire tend vers la coopération et l'éducation mutuelle. L'enfant est toujours au coeur des processus d'apprentissage. Cela signifie que le maître a recours à des pratiques pédagogiques différenciées, adaptées aux rythmes et aux difficultés des enfants. Le maître s'adapte donc à l'élève et n'impose aucune démarche de l'extérieur. Depuis les premières expériences d'E.P.L.V., le travail en groupe ou en équipe est devenu une pratique très courante à l'école élémentaire. Ce type de tra- vail implique évidemment un haut degré de discipline pour que les activités se dé- roulent dans des conditions acceptables. Le travail en groupe permet par ailleurs de mettre en place des relations de type horizontal, d'élève à élève, qui remplacent ainsi les rela- tions de type vertical élève-maître les plus fréquentes dans la salle de classe. Il est évi- dent que le travail par paires ou en groupe multiplie les possibilités d'échange et accroît le temps de parole des élèves. Le maître peut ainsi circuler de groupe en groupe pour assurer la correction et le bon déroulement des opérations. Une des pratiques utilisées liée à la méthodologie audiovisuelle, consiste à propo- ser à l'enfant un dialogue, à l'aider à en comprendre le sens, puis à le mémoriser, enfin à le jouer (rôle-playing). Cette pratique est très commune dans l'enseignement des lan- gues étrangères en général et elle peut être utilisée à partir de la lecture d'un dialogue. Le sens est compris à l'aide d'images que l'élève voit à l'écran ou sur le livre. A partir de là, le professeur peut proposer un jeu de questions et de réponses sur le texte. La simulation est présente dans cette activité: elle consiste essentiellement pour l'élève à s'identifier à l'un des personnages du dialogue étudié pour, postérieurement, apprendre par coeur les structures linguistiques et jouer son rôle. L'élève doit faire ainsi un travail d'acteur. Il s'agit donc d'une activité de répétition, très effective si l'élève y accède, et 1 O'Neill, C., L'enseignement de l'anglais aux jeunes enfants (8 à 11 ans). Problèmes d'élaboration d'un matériel pédagogique, Université de Paris IV, Sorbonne, 1982 (Thèse de III e cycle), p. 112. María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
non pas d'une activité de construction d'énoncés. C'est un travail d'appropriation des formes phonologiques de la langue étrangère qui ne se réduit pas aux simples appren- tissages par coeur mais qui commence par là. Ces apprentissages se font, comme on l'a déjà dit, à partir de jeux et d'exercices dans le cadre de la pratique du pair-work. 3 LES AVANTAGES DE L'E.P.L.V. Il n'y a pas d'homogénéité entre les diverses expériences concernant l'E.P.L.V. En général, les élèves ayant reçu une initiation à 1 'anglais ou à l'allemand à l'école élé- mentaire ont postérieurement plus d'intérêt pour la langue et le pays, mais surtout, une meilleure maîtrise de celle-ci. Ainsi, la compréhension orale est jugée meilleure par 88,5% des professeurs, la prononciation par 79,5% d'entre eux, l'expression orale par 76,9% et le vocabulaire est jugé plus riche par 71,8%. Le problème de toutes ces expériences réside dans leur manque d'homogénéité. Toutes les écoles ne font pas d'initiation à la L.V. et la pratique de celle-ci change en fonction de l'année: au fur et à mesure que le temps passe, on voit s'accroître le nom- bre d'élèves de l'E.P.L.V., et concrètement, de ceux qui font l'anglais. Il faut souligner, que l'hégémonie de l'anglais dans ces expériences n'est qu'apparente. En effet, si l'on tient compte du public scolarisé, il y avait en 1974 environ cent mille enfants qui étu- diaient une langue étrangère d'une manière ou d'une autre. Seuls un peu plus de la moi- tié d'entre eux apprenaient l'anglais, l'allemand étant fortement majoritaire dans les régions de l'est de la France, mais aussi dans quelques autres départements. Ce manque de régularité dans l'apprentissage de L.V. à un âge précoce est direc- tement en rapport avec le fait qu'actuellement les I.U.F.M. (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres) n'ont pas encore prévu dans leur programme l'apparition d'une spécialisation pour les instituteurs en langue vivante, même si celle-ci est prévue pour les nouveaux enseignants. 4. BILINGUISME ET LANGUE MATERNELLE Il y a diverses modalités pour découvrir une langue étrangère: 1-le contact peut s'opérer en milieu naturel (l'enfant vit dans un environnement linguistique autre que celui de la langue maternelle) 2-le contact avec la langue étrangère se produit presque exclusivement en classe. C. Luc 2 se pose la question de la nécessité d'un environnement bilingue pour l'ac- quisition d'une langue étrangère. Cette acquisition présente trois types de raisonne- ments ou points de vue. 2 Luc, C., Approche d'une langue étrangère à l'école, Paris, I.N.R.P., 1992, pp. 24-25. María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
Tout d'abord, Luc se demande si ce n'est pas bien avant l'âge scolaire qu'il fau- drait fournir à l'enfant un environnement bilingue harmonieux dans lequel il pourrait développer spontanément une double compétence linguistique. Ensuite, d'un point de vue épistémologique ou même strictement scolaire, Luc écrit que nul ne contestera que vivre dans un environnement monolingue n'est pas fait pour faciliter l'accès à une langue étrangère. Il faut préciser à cet égard que c'est sans doute en cela que réside une grande partie de la supériorité tant vantée des Scandinaves en matière d'apprentissage des langues: à la parenté des trois langues, danois, norvé- gien, suédois, s'ajoute une forte présence de l'anglais, notamment par la télévision (films en V.O. et dessins animés en anglais sans doublage, entre autres). Cette présence coutumière et diversifiée d'autres langues va de pair chez les Scandinaves avec une conscience vive de la portée économique très restreinte de leur langue maternelle. Selon une enquête locale conduite en Suède en 1990, les connaissances des enfants en anglais, préalablement à tout enseignement, seraient de l'ordre de deux cents mots en moyenne. Finalement, selon Luc, la disposition naturelle à acquérir simultanément et spon- tanément une ou plusieurs langues ne se développe que de façon limitée dans le temps: une fois dépassée la période de développement spontané qui aboutit à l'acquisition de la langue maternelle, l'apprentissage d'une langue étrangère repose sur des procédures qui diffèrent de celles qui ont suscité le premier développement langagier. La décou- verte représentative et un long processus d'appropriation commencent. Celui-ci, mettra en place, à côté des premières représentations liées à la langue maternelle, d'autres représentations déterminées par la langue apprise jusqu'à ce que ces dernières ac- quièrent le caractère d'automaticité et de non-conscience qui caractérisait les premières. Nous voudrions expliciter l'importance décisive qu'il y a à prendre en considéra- tion les procédures par lesquelles l'apprenant fragmente le système de la langue. La relation entre l'apprenant et la langue cible passe par d'innombrables microsystèmes. 5. CONCLUSION En guise de conclusion nous pouvons dire que l'apprentissage d'une langue étran- gère en France dans les écoles maternelle et primaire date déjà de quelques années. Le texte fondateur de l'introduction d'une langue étrangère à l'école primaire date de 1989. Mais c'est à partir des années soixante que les premières expériences d'apprentissage de langue étrangère ont commencé en France, aussi bien qu'en Allemagne et en Angleterre. Contrairement à ce que l'on peut penser, l'expérience la plus connue d'en- seignement d'une langue étrangère à l'école maternelle a été faite en France, en langue allemande et non en langue anglaise. En ce qui concerne les méthodes utilisées, nous avons vu qu'une des premières était la méthode audiovisuelle qui sera par la suite assez critiquée et mise en question. Malgré cela, elle reste actuellement la plus utilisée dans l'enseignement des langues étrangères à la maternelle et une des plus efficaces, selon les enseignants. Cette métho- de est née par opposition à la méthode traditionnelle appelée par les Anglais grammar- María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
translation et sous l'influence de la linguistique structurale (primauté de la langue orale et insistance sur les distinctions phonologiques). Elle a été fortement critiquée parce qu'elle ne permet pas d'arriver à un objectif communicatif et à cause de la vision res- trictive qu'elle procure. Actuellement en France, il n'y a pas de certitude quant à la méthode à utiliser. Les enseignants ne croient plus à l'efficacité de l'application d'une méthode unique mais à l'application de plusieurs méthodes (y compris l'audiovisuelle). Les maîtres utilisent les méthodes dont ils savent qu'elles vont donner des résultats positifs. Nous avons pu constater à l'école une réévaluation de l'oral et une orientation donnée au travail en groupe. Un autre facteur à prendre en compte est le bilinguisme. La nécessité d'un envi- ronnement bilingue pour l'acquisition d'une langue étrangère est connue, mais l'enfant ne se trouve que rarement dans cette situation. La présence de l'anglais dans les pays scandinaves n'offre pas une situation de bilinguisme vrai et total, mais l'approche d'un certain bilinguisme 3 . Quand l'enseignement précoce ne répond pas aux attentes, c'est très souvent à cause de l'insuffisante formation des enseignants. Cette insuffisance peut être d'ordre didactique ou bien linguistique. Pour terminer, nous voudrions signaler l'importance décisive de la prise en consi- dération des procédures par lesquelles l'élève fragmente le système de la langue. MOTS-CLÉS 1-E.P.L.V.: enseignement précoce de langue vivante / enseñanza precoz de lengua viva / early teaching ofthe living language. 2-GRAMMAR-TRANSLATION (Grammaire-traduction / Gramática-traduc- ción): méthode traditionnelle de l'enseignement des langues, consistant à apprendre des règles grammaticales et à aborder la pratique de la traduction. 3-L.V.l (Langue vivante 1 / Lengua viva 1 / Living language /): première langue vivante apprise. 4-L.V.2 (Langue vivante 2 / Lengua viva 2 / Living language 2): seconde langue vivante apprise, à partir de l'âge de 10 ans (cours d'initiation à la langue étrangère). 5-PRÉCOCE (Precoz / Early): qui se produit ou se développe plus tôt qu'il n'est d'usage, dans ce cas, l'apprentissage d'une langue étrangère. Il faut préciser que cet adjectif est surtout utilisé pour renvoyer à la "première vague" d'expériences de ce type d'enseignement. Il apparaît rarement dans les textes récents. 5-RôLE-PLAYING OU JEU DE RÔLES (Interpretación de papeles / Role pla- ying): reprise de dialogues par les élèves, étudiés préalablement à l'aide d'images. 3 Comme nous l'avons déjà dit auparavant, à notre avis le vrai bilinguisme se produit lorsque l'enfant est en contact avec deux langues et qu'il commence à les acquérir en même temps aux niveaux écrit et oral. María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BURSTALL, C. ( 1974): Primary French in the balance, Londres, N.F.E.R. Vingt ans dans l'évolution de la didactique des langues (1968-1988), COSTE ( 1 9 9 1 ) : Paris, Hatier / Didier. GARABEDIAN, M . ( 1 9 9 1 ) : "Enseignements / apprentissages précoces des langues.", Le français dans le monde, n° spécial, août-septembre. LUC, C. ( 1992): Approche d'une langue étrangère à l'école, Paris, I.N.R.P. NARCY, J. P. ( 1990): Apprendre une langue étrangère. Didactique des langues: le cas de l'anglais, Paris, Les éditions organisation. O'NEILL, C. ( 1982): L'enseignement de l'anglais aux jeunes enfants (8 à 11 ans). Problèmes d'élaboration d'un matériel pédagogique, Université de Paris IV, Sorbonne, (Thèse de III e cycle). PETIT, J. ( 1985): De l'enseignement d'une langue seconde à l'apprentissage de la lan- gue maternelle, Genève, Champion Slatkine. María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
María Luz Casal Silva et al. (eds.), La lingüística francesa en España camino del siglo XXI, 2000
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