Une guerre avec l'Iran, première étape avant la fin du monde ?

 
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Publié le 16 janvier 2020 (Mise à jour le 17/01)
Par Louis Fraysse

Une guerre avec l’Iran, première
étape avant la fin du monde ?
Pour de nombreux chrétiens évangéliques américains, c’est au Moyen-Orient que
se déclenchera la fin des temps.

Hasard du calendrier ? Moins d’un jour après la frappe de drone américain ayant
coûté la vie au général iranien Ghassem Soleimani, Donald Trump s’adressait, le 3
janvier dernier, à des milliers de chrétiens évangéliques réunis dans une
megachurch de Miami. Le président américain, en terrain conquis, y a
officiellement lancé « Les évangéliques pour Trump », une coalition dans l’optique
de l’élection présidentielle de 2020.

Lors de son discours, le locataire de la Maison Blanche n’a pas manqué de
mentionner l’attaque américaine. « Ghassem Soleimani a été tué et son carnage
sanglant est fini pour toujours », a-t-il martelé, martial, sous les applaudissements
de la foule.

Mike Pence et Mike Pompeo
Les chrétiens évangéliques blancs, socle de l’électorat de Trump – en 2016, ils
l’ont plébiscité à plus de 80 % face à son adversaire démocrate Hillary Clinton –
ont dans l’ensemble très bien accueilli la mort du haut gradé iranien. Parmi eux,
certains jouent les premiers rôles dans l’administration Trump actuelle. C’est
notamment le cas de Mike Pence, le vice-président, et du secrétaire d’État Mike
Pompeo (l’équivalent de notre ministre des Affaires étrangères).
Pour ce dernier, l’Iran est une véritable obsession. Selon le Washington Post, c’est
lui qui a fini par convaincre Donald Trump d’éliminer Soleimani. Avide lecteur de
notes diplomatiques sur la République islamique, Pompeo voit en l’Iran la
principale source de menace pour les intérêts américains dans le monde.

Le spectre de la Révolution islamique de
1979
Certes, la défiance de Washington envers Téhéran ne date pas d’hier. La
révolution islamique de 1979, avec l’humiliation de la prise d’otages à
l’ambassade des États-Unis, a laissé des traces dans la psyché américaine.

Mais pour beaucoup d’évangéliques américains, l’hostilité à l’Iran se double de
considérations théologiques. Car le Moyen-Orient, pour ces chrétiens, est une
région à part dans le monde. Une région qui jouera un rôle central lors de la
seconde venue du Christ.

L’enlèvement de l’Église
Se basant sur des versets bibliques comme Luc 21,25-28, ces évangéliques
cherchent dans les événements contemporains des signes annonciateurs de
« l’enlèvement de l’Église ». Lors de ce dernier, les croyants vivants et morts – ces
derniers seront ressuscités – monteront au ciel à la rencontre de Jésus.
L’enlèvement de l’Église constitue la clef de voûte de la théologie eschatologique
de nombreux évangéliques américains. Ces derniers citent deux passages
bibliques pour étayer leur thèse : 1 Thessaloniciens 4,13-18 et 1 Corinthiens
15,50-53.

Or il se trouve que l’un des signes annonciateurs de l’enlèvement de l’Église,
toujours selon cette théologie, sera une bataille finale qui opposera une coalition
mondiale à Israël. Parmi les membres de cette coalition, les chapitres 38 et 39 du
prophète Ézéchiel mentionnent « Gog » et « Magog », des ennemis venus du
Nord. Ennemis que dans certains cercles évangéliques américains, on a souvent
comparé à la Russie, ainsi qu’à… l’Iran.
Un théologien protestant au secours de
Jacques Chirac
En 2003, déjà, George W. Bush, lui-même chrétien born again, avait évoqué Gog
et Magog lors d’une discussion téléphonique avec Jacques Chirac. Le président
américain tentait alors de convaincre son homologue français de participer à
l’invasion de l’Irak. Intrigué, l’Élysée avait demandé à la Fédération protestante
de France un éclairage sur le sujet. Celle-ci avait fait appel au théologien Thomas
Römer, alors professeur à l’université de Lausanne, pour qu’il replace Gog et
Magog dans son contexte biblique.

« Comme de nombreux chrétiens américains, décryptait en 2007 Thomas Römer
dans un article du magazine de l’université de Lausanne, George W. Bush croit
que Dieu sera auprès d’Israël lors de la confrontation finale, donc que les ennemis
de ce pays seront dans le camp de l’Antéchrist. Il soutiendra donc Israël sans
faiblir, parce qu’il est intimement persuadé que, quand la fin des temps arrivera,
il faudra être du côté d’Israël. »

L’ambassade américaine à Jérusalem
« Cette lecture américaine échappe effectivement aux Européens, qui ont perdu
ce rapport aux textes bibliques, précisait le théologien protestant. […] Pour un
Américain, ces questions sont centrales. Si on oublie le religieux dans l’analyse du
soutien des États-Unis à Israël, on se trompe. »

La décision de Donald Trump, fin 2018, de déplacer l’ambassade américaine de
Tel-Aviv à Jérusalem s’inscrit précisément dans ce contexte. Le président
américain sait que pour être réélu, il doit faire le plein de voix parmi les
évangéliques.

Pour André Gagné, professeur agrégé à l’université Concordia au Canada et
spécialiste du fondamentalisme évangélique, ce discours n’est pas nouveau aux
États-Unis. Ce qui l’est, c’est qu’aujourd’hui « les évangéliques sont sans doute
plus proches des cercles du pouvoir que jamais : ils ont totalement l’oreille de
Trump. Et la mort de Soleimani va encore solidifier leur soutien au président
américain. »
En quelques versets

L’enlèvement de l’Église :
1 Thessaloniciens 4,13-18

13 Nous ne voulons pas, frères, vous laisser dans l’ignorance au sujet des
morts, afin que vous ne soyez pas dans la tristesse comme les autres, qui n’ont
pas d’espérance.

14 Si en effet nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, de même
aussi ceux qui sont morts, Dieu, à cause de ce Jésus, à Jésus les réunira.

15 Voici ce que nous vous disons, d’après une parole du Seigneur : nous, les
vivants, qui serons restés jusqu’à la venue du Seigneur, nous ne devancerons
pas du tout ceux qui sont morts.

16 Car lui-même, le Seigneur, au signal donné, à la voix de l’archange et au son
de la trompette de Dieu, descendra du ciel : alors les morts en Christ
ressusciteront d’abord ;

17 ensuite nous, les vivants, qui serons restés, nous serons enlevés avec eux
sur les nuées, à la rencontre du Seigneur, dans les airs, et ainsi nous serons
toujours avec le Seigneur.

18 Réconfortez-vous donc les uns les autres par cet enseignement.

1 Corinthiens 15,50-53

50 Voici ce que j’affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du
Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’incorruptibilité.

51 Je vais vous faire connaître un mystère. Nous ne mourrons pas tous, mais
tous, nous serons transformés,
52 en un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale. Car la
trompette sonnera, les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons
transformés.

53 Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, et que cet
être mortel revête l’immortalité.

Les signes annonciateurs :
Luc 21-25-29

25 « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les
nations seront dans l’angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son
agitation,

26 tandis que les hommes défailliront de frayeur dans la crainte des malheurs
arrivant sur le monde ; car les puissances des cieux seront ébranlées.

27 Alors, ils verront le Fils de l’homme venir entouré d’une nuée dans la
plénitude de la puissance et de la gloire.

28 « Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et
relevez la tête, car votre délivrance est proche. »

Gog et Magog
Ézéchiel 38,14-16

14 C’est pourquoi, prononce un oracle, fils d’homme ; tu diras à Gog : Ainsi
parle le Seigneur DIEU : Le jour où mon peuple d’Israël résidera en sécurité,
n’auras-tu pas la connaissance ?

15 Tu viendras de ton pays, de l’extrême nord, toi et de nombreux peuples avec
toi ; tous montés sur des chevaux, vous formerez une grande assemblée, une
immense armée.
16 Tu monteras contre mon peuple d’Israël, au point de recouvrir le pays
comme une nuée. Cela se passera à la fin des temps ; je te ferai venir contre
mon pays, afin que les nations me connaissent quand, sous leurs yeux, ô Gog,
j’aurai montré ma sainteté à tes dépens.
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