ÉVALUER LES AVANCÉES ET. .COMBLER LES LACUNES - RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS

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ÉVALUER LES AVANCÉES ET. .COMBLER LES LACUNES - RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS
ÉVALUER LES AVANCÉES ET.
.COMBLER LES LACUNES
RENFORCER LA RÉPONSE DE L’UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS
DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS
ÉVALUER LES AVANCÉES ET. .COMBLER LES LACUNES - RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS
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https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/legalcode                                           principal sous une sculpture rougeoyante montrant le continent africain au siège de l'Union africaine
Pour plus d’informations, veuillez consulter la page relative aux autorisations sur notre site :      (UA) le 18 mars 2013 à Addis-Abeba, en Éthiopie. © Sean Gallup / Getty Images
www.amnesty.org.
Lorsqu’une entité autre qu’Amnesty International est détentrice du copyright, le matériel n’est pas
sous licence Creative Commons.
Première publication en 2016 par Amnesty
International Ltd Peter Benenson House, 1 Easton
Street Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni

Index: AFR 01/6047/2017
L’édition originale a été publiée en
anglais

amnesty.org
ÉVALUER LES AVANCÉES ET. .COMBLER LES LACUNES - RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS
SOMMAIRE

SOMMAIRE                                                                                        3

GLOSSAIRE                                                                                       5

SYNTHÈSE                                                                                        8

INTRODUCTION                                                                                   14

MÉTHODOLOGIE                                                                                   17

1. L’UNION AFRICAINE ET LE DROIT D’INTERVENIR                                                  19
1.1 LE DROIT ET LA RESPONSABILITÉ D’INTERVENIR                                                 19
1.2 OBLIGATION D’AUTORISATION                                                                  21
1.3 SEUIL ET MOMENT DE DÉCLENCHEMENT DE L’INTERVENTION                                         22

2. LES ORGANES RÉGIONAUX DE SUIVI DES TRAITÉS RELATIFS AUX DROITS HUMAINS : CONFLITS ET
MÉCANISMES DE RÉPONSE                                                                          25
2.1 COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES                                  26
          ADOPTION DE RÉSOLUTIONS THÉMATIQUES ET SUR DES PAYS SPÉCIFIQUES                      27
          MISSIONS D’INFORMATION ET ENQUÊTES SUR SITE                                          32
          PROCÉDURE DES PLAINTES OU DES COMMUNICATIONS                                         34
          RÉFÉRENCE À L’ARTICLE 58                                                             36

2.2 COMITÉ AFRICAIN D’EXPERTS SUR LES DROITS ET LE BIEN-ÊTRE DE L’ENFANT                       37
          VISITES DE PAYS                                                                      37
          ÉTUDE SUR L’IMPACT DES CONFLITS SUR LES ENFANTS                                      38
          PROCÉDURE DE PLAINTES                                                                38
2.3 COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES                                        39
          MANDAT POUR REMÉDIER AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS EN TEMPS DE CONFLIT           39
          UNE COUR ÉLARGIE                                                                     40

3. CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ : MÉCANISMES DE RÉPONSE ET DROITS HUMAINS                    41
3.1 STRUCTURE ET MÉTHODES DE TRAVAIL                                                           42
          QUALITE DE MEMBRE ET EVALUATION                                                      43

ÉVALUER LES AVANCÉES ET COMBLER LES LACUNES
RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS LORS DE CONFLITS
Amnesty International                                                                           3
ÉVALUER LES AVANCÉES ET. .COMBLER LES LACUNES - RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS
PRISE DE DECISIONS                                                                   44
          INTERACTIONS AVEC LA SOCIETE CIVILE                                                  45
3.2 MECANISMES DE REPONSE ET DROITS HUMAINS                                                    46
          ALERTE RAPIDE ET PREVENTION                                                          46
          OPERATIONS DE SOUTIEN A LA PAIX                                                      47
          OBSERVATEURS DES DROITS HUMAINS                                                      60
          MISSIONS D'INFORMATION ET COMMISSIONS D'ENQUETE                                      63

4. SYNERGIE ET COORDINATION ENTRE INSTITUTIONS                                                 65
4.1 CPS ET COMMISSION AFRICAINE                                                                65
4.2 CPS ET COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT AFRICAIN                                              68
4.3 LE CPS ET LE SYSTÈME CONTINENTAL D’ALERTE RAPIDE                                           70
4.4 DÉPARTEMENT DES AFFAIRES POLITIQUES ET DÉPARTEMENT DE LA PAIX ET LA
    SÉCURITÉ                                                                                   72

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS                                                                  74
RECOMMANDATIONS À LA CONFÉRENCE DE L'UNION AFRICAINE                                           75
RECOMMANDATIONS AU CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ                                              76
          SUR LA PRISE DE DECISIONS                                                            76
          SUR LE RECUEIL D’INFORMATIONS RELATIVES AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS            76
          SUR LES OPERATIONS DE SOUTIEN A LA PAIX                                              77
          SUR LA SYNERGIE ET LA COORDINATION                                                   77
          SUR LES INTERACTIONS AVEC LA SOCIETE CIVILE                                          77
RECOMMANDATIONS AU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE                             78
          SUR LA STRATÉGIE INSTITUTIONNELLE                                                    78
          SUR LE RECUEIL D’INFORMATIONS RELATIVES AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS            78
          SUR L'OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES POUR LES VIOLATIONS                           78
          SUR LES OPERATIONS DE SOUTIEN A LA PAIX                                              78
          SUR LA SYNERGIE ET LA COORDINATION                                                   79
RECOMMANDATIONS À LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES
   PEUPLES                                                                                     79
RECOMMANDATIONS AU COMITÉ AFRICAIN D'EXPERTS SUR LES DROITS ET LE BIEN-ÊTRE
   DE L'ENFANT                                                            80
RECOMMANDATIONS AUX PARTENAIRES DU DÉVELOPPEMENT                                               80

ANNEXE                                                                                         81

ÉVALUER LES AVANCÉES ET COMBLER LES LACUNES
RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS LORS DE CONFLITS
Amnesty International                                                                           4
ÉVALUER LES AVANCÉES ET. .COMBLER LES LACUNES - RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES LORS DE CONFLITS
GLOSSAIRE

   AAG                                                                Architecture africaine de la gouvernance

   ACLED                                                              ACLED (Armed Conflict Location and Event Data ;
                                                                      base de données sur les conflits armés et leur
                                                                      localisation)

   AMIS                                                               Mission de l’Union africaine au Soudan

   AMISOM                                                             Mission de l’Union africaine en Somalie

   ANT                                                                Armée nationale tchadienne

   APF                                                                Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique

   APSA                                                               Architecture africaine de paix et de sécurité

   AUCISS                                                             Commission d’enquête de l’Union africaine sur le
                                                                      Soudan du Sud

   BSCI                                                               Bureau des services de contrôle interne

   CADHP                                                              Commission africaine des droits de l’homme et
                                                                      des peuples

   CAEDBE                                                             Comité africain d’experts sur les droits et le bien-
                                                                      être de l’enfant

   CAJDH                                                              Cour africaine de justice et des droits de l’homme

   CCTARC                                                             Cellule de suivi, d’analyse et de réponse
                                                                      concernant les victimes civiles

   CEDEAO                                                             Communauté économique des États de l'Afrique
                                                                      de l'Ouest

   CEEAC                                                              Communauté économique des États de l’Afrique
                                                                      centrale

   CER                                                                Communauté économique régionale

   CMPCRD                                                             Division de gestion des crises et de la
                                                                      reconstruction post-conflit

   CONOPS                                                             Document de concept d’opérations

ÉVALUER LES AVANCÉES ET COMBLER LES LACUNES
RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS LORS DE CONFLITS
Amnesty International                                                                                                        5
CPI                                                                Cour pénale internationale

   CS                                                                 Conseil de sécurité des Nations unies

   CTSAMM                                                             Mécanisme de suivi du cessez-le-feu et des
                                                                      arrangements sécuritaires transitoires

   CUA                                                                Commission de l’Union africaine

   DAP                                                                Département des affaires politiques de l’Union
                                                                      africaine

   DPS                                                                Département paix et sécurité

   ECOSOCC                                                            Conseil économique, social et culturel

   EUFOR-RCA                                                          Opération militaire de l'Union européenne en
                                                                      Centrafrique

   FAA                                                                Force africaine en attente

   HCDH                                                               Haut-Commissariat aux droits de l'homme

   HCSS                                                               Tribunal hybride pour le Soudan du Sud

   HRW                                                                Human Rights Watch

   ICISS                                                              Commission internationale de l'intervention et de
                                                                      la souveraineté des États

   LRA                                                                Armée de résistance du seigneur

   MAES                                                               Mission d'assistance électorale et sécuritaire aux
                                                                      Comores

   MAPROBU                                                            Mission africaine de prévention et de protection au
                                                                      Burundi

   MFDC                                                               Mouvement des forces démocratiques de la
                                                                      Casamance

   MIAB                                                               Mission de l’Union africaine au Burundi

   MICOPAX                                                            Mission de consolidation de la paix en
                                                                      Centrafrique

   MINUAD                                                             Mission conjointe des Nations unies et de l'Union
                                                                      africaine au Darfour

   MINUSCA                                                            Mission multidimensionnelle intégrée des Nations
                                                                      unies pour la stabilisation en République
                                                                      centrafricaine

   MINUSMA                                                            Mission multidimensionnelle intégrée des Nations
                                                                      unies pour la stabilisation au Mali

   MINUSS                                                             Mission des Nations unies au Soudan du Sud

   MIOC                                                               Mission d'observation de l'Union africaine aux
                                                                      Comores

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Amnesty International                                                                                                       6
MISCA                                                              Mission internationale de soutien à la Centrafrique
                                                                      sous conduite africaine

   MISMA                                                              Mission internationale de soutien au Mali sous
                                                                      conduite africaine

   MNJTF                                                              Force multinationale conjointe

   MPGRC                                                              Mécanisme pour la prévention, la gestion et le
                                                                      règlement des conflits

   MSU                                                                Unité d’appui à la médiation

   OSC                                                                Organisation de la société civile

   OUA                                                                Organisation de l’unité africaine

   PDI                                                                Personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
                                                                      pays

   RCA                                                                République centrafricaine

   RDC                                                                République démocratique du Congo

   ROE                                                                Règles d'engagement

   SCAR                                                               Système continental d’alerte rapide

   TPIR                                                               Tribunal pénal international pour le Rwanda

   TPIY                                                               Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

   UA                                                                 Union africaine

   UE                                                                 Union européenne

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Amnesty International                                                                                                       7
SYNTHÈSE

En Afrique, les conflits et les crises sont de nature et d’intensité très variables. Toutefois, ces situations sont
généralement caractérisées par des atteintes flagrantes aux droits humains, y compris par des actes qui
constituent des crimes relevantdu droit international. Par exemple, la Commission d’enquête de l’Union
africaine sur le Soudan du Sud (AUCISS), créée à la suite de l’éclatement du conflit dans le pays en
novembre 2013, a constaté que les différentes parties aux conflits avaient commis des crimes contre
l’humanité et des crimes de guerre. En décembre 2016, la Commission des Nations unies sur les droits de
l’homme au Soudan du Sud faisait état d’un processus de nettoyage ethnique en cours dans le pays. Au
Nigeria, plusieurs groupes de défense des droits humains, y compris Amnesty International, ont récemment
réuni des éléments de preuve qui tendent à indiquer que les deux parties au conflit, soit Boko Haram et les
forces gouvernementales, ont commis des crimes de guerre. Enoutre, les crimes perpétrés par Boko Haram
pourraient également constituer des crimes contre l’humanité. Des atteintes systématiques aux droits
humains similaires ont été signalées au Cameroun où les forces gouvernementales combattent également le
groupe armé Boko Haram. Au Soudan, Amnesty International a rassemblé des éléments indiquant que des
armes chimiques auraient été utilisées dans la région du Djebel Marra.
En raison de l’ampleur des atrocités commises lors de conflits récents et actuels, l’Union africaine (UA), (et
notamment)/par le biais de son Conseil de paix et de sécurité (CPS), a reconnu que la paix et la sécurité
sont étroitement liées aux droits humains. Des mesures ont été prises visant à lutter contre les violations des
droits humains, en tant que sources de conflits et/ou perpétrées dans ce cadre. L’UA a déployé, par
exemple, des observateurs des droits humains au Burundi, en République centrafricaine (RCA) et au Mali et
a mis en place une commission chargée d’enquêter sur les violations des droits humains au Soudan du Sud.
Elle a aussi commencé à reconnaître le rôle des institutions de défense des droits humains de l’UA, comme
la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et le Comité africain d’experts sur
les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE), face aux situations de conflit et de crise. Le CPS a par
exemple demandé à la CADHP à maintes reprises d’ouvrir des enquêtes sur les atteintes aux droits humains
perpétrées dans le cadre de conflits ou de crises.
Les institutions de défense des droits humains de l’UA ont également cherché à réagir de diverses façons
face aux violations commises dans les conflits. Ainsi, la CADHP a développé une riche jurisprudence
concernant le droit à la paix. Elle a également conduit des missions pour enquêter dans des pays en proie à
un conflit et a adopté des résolutions sur des pays spécifiques qui condamnent les violations des droits
humains dans le cadre de conflits. Outre des visites au Soudan du Sud et en RCA, le CAEDBE a par ailleurs
récemment publié une étude sur l’impact des conflits sur les enfants, en exhortant les États membres de
l’UA à faire preuve d’un vrai engagement politique pour mettre un terme aux conflits.
Malgré le nombre croissant d’interventions, la reconnaissance des liens entre la gestion des conflits et la
protection des droits humains, les avancées en matière de développement normatif ainsi que les réformes
institutionnelles, de nombreuses lacunes subsistent dans les initiatives prises par l’UA pour intégrer le
respect, la promotion et la protection des droits humains dans ses processus de paix et de sécurité. Ce
rapport a identifié de nombreuses insuffisances que l’on peut classer en six catégories principales.
Tout d’abord, il existe d’importantes failles dans les mécanismes de prévention des conflits. L’UA est
consciente que la réponse à un conflit qui a déjà éclaté est très onéreuse et que par conséquent les
investissements et l’attention doivent se porter sur la prévention des conflits. C’est pourquoi les mandats de
trois des cinq composantes de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) accordent une place
centrale à la prévention des conflits. Celle-ci constitue la vocation première du CPS, du Système continental
d’alerte précoce (SCAR) et du Groupe des Sages. Grâce aux données collectées dans le cadre du SCAR et

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Amnesty International                                                                                                 8
au recours à la diplomatie préventive, l’UA a réussi par le passé à empêcher que certaines crises ne se
transforment en de graves conflits. En 2015, le rapport concernant l’impact de l’APSA a indiqué que les
mesures préventives déployées par l’UA avaient contribué à désamorcer des crises sévissant dans quatre
pays (Burkina Faso, Guinée-Bissau, Guinée et Nigeria). Ces efforts de l’UA n’ont que partiellement réussi
dans deux pays (Tanzanie et Togo), et ont échoué dans un pays (Burundi).
Toutefois beaucoup reste à faire et doit être fait pour renforcer les mesures de l’UA en matière de prévention
des conflits. Il y a notamment un besoin urgent de combler les lacunes relevées dans la collecte des
données sur les violations des droits humains dans le cadre du système d’alerte précoce. Le SCAR est relié
aux mécanismes d’alerte précoce des communautés économiques régionales (CER) qui lui communiquent
régulièrement des informations. Toutefois, il n’existe pas de mécanisme équivalent permettant au SCAR de
recevoir et de traiter des informations issues d’organes de suivi des traités relatifs aux droits humains,
comme notamment la CADHP et le CAEDBE. En tant qu’organisme principal de défense des droits humains
au niveau régional, la CADHP reçoit et détient de façon précise un grand nombre d’informations concernant
les pratiques systématiques de violations des droits humains. Il est indispensable que ces renseignements
importants, qui pourraient contribuer de manière significative à détecter les conflits de manière précoce,
soient fournis au SCAR.
Par ailleurs il existe un autre problème, lié au premier, qui concerne la capacité et la volonté de la CADHP
elle-même de répondre aux situations de conflits avant qu’elles ne s’aggravent. Tout d’abord, lorsque des
problèmes liés aux droits humains surviennent dans les pays touchés par un conflit, elle réagit souvent trop
tardivement en intervenant lorsque le conflit a déjà atteint son /paroxysme. Les déclarations publiques de la
CADHP sur la détérioration de la situation des droits humains dans un pays peuvent servir d’avertissement
pour alerter sur le risque d’un conflit, mais contribuent peu aux dispositifs de prévention des conflits. De
surcroît, la CADHP a d’une manière générale laissé tomber dans l’oubli le mandat prévu à l’article 58 de la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. En effet, aux termes de l’article 58(1), la CADHP a
pour mission de notifier la Conférence de l’UA sur les situations qui montrent l'existence d'une série de
violations graves ou massives des droits humains et doit saisir la Conférence de l’UA, selon l’article 58(3), en
cas de situations d’urgence qu’elle aurait dûment constatées. Or elle a rarement invoqué ces dispositions.
En deuxième lieu, bien que la pratique consistant à déployer des observateurs des droits humains, mener
des missions d’information et mettre en place des commissions d’enquête se soit accrue, il apparaît que de
manière systématique, les recommandations formulées dans les rapports issus de ces processus ne sont
pas examinées, publiées et appliquées. Il est certain que les missions d’enquête de la CADHP déployées sur
instruction du CPS au Darfour (2004), au Mali (2013) et au Burundi (2015) ont contribué aux efforts faits
pour recenser les violations des droits humains commises dans ces pays lors de conflits. De même, le
rapport de la Commission d’enquête de l’Union africaine sur le Soudan du Sud (AUCISS) est l’un des
rapports officiel faisant autorité sur la nature et la gravité des violations perpétrées dans ce pays. Mais dans
les cas où le CPS a autorisé que des enquêtes soient ouvertes sur des violations des droits humains liées à
un conflit, la difficulté réside dans la prise en compte et la publication des résultats de ces missions, ainsi
que dans la mise en œuvre des recommandations. En raison des retards pris à les examiner et à les publier,
les rapports d’enquête ont finalement peu d’utilité concrète et d’incidences politiques.
Ainsi, le rapport de la mission de la CADHP au Darfour en juillet 2004 n’a pas été rendu public pendant près
de trois ans. Fait encore plus inquiétant, il n’existe aucune trace indiquant que le CPS a pris connaissance
du rapport. Le rapport de mission de la CADHP au Mali en 2013 a connu un sort pareil. Celui de la CADHP
au Burundi en 2015 a été examiné par le CPS, mais après que son contenu soit devenu caduc, de l’avis
même du CPS, en raison de l’évolution des événements. Une situation analogue s’est produite dans le cas
du rapport de la Commission d’enquête de l’Union africaine sur le Soudan du Sud qui a été finalisé en
novembre 2014, mais rendu public seulement près d’un an plus tard. De même, les rapports d’enquête
portant sur les violations des droits humains qui auraient été commises par les forces de maintien de la paix
de l’UA ne sont rendus publics, le plus souvent, que partiellement ou pas du tout. L’UA doit chercher à
combler cette lacune et faire en sorte que les rapports qu’elle a commandés soient pris en compte et publiés
sans délai. L’UA doit aussi s’engager à mettre en œuvre les recommandations faites par les missions
d’information ou par les commissions d’enquête. Jusqu’à présent, la plus grande partie, sinon la totalité, des
recommandations issues des missions d’information ou des enquêtes autorisées par le CPS n'ont été ni
appliquées ni prises en compte.
En troisième lieu, il existe des insuffisances systématiques en matière de suivi et d’application des décisions
prises par les organes régionaux de suivi des traités concernant les violations des droits humains liées à des
conflits. Ces organes régionaux ont tous pris plusieurs décisions (sous la forme de recommandation ou
d’ordonnances) concernant les violations des droits humains liées à des conflits. Ces décisions exigent que
les États défendeurs dans ces situations précises prennent des mesures particulières pour remédier aux

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Amnesty International                                                                                             9
violations identifiées par les organes de suivi des traités, notamment en accordant des réparations aux
victimes de ces actes. Toutes ces décisions ont été accueillies par un silence assourdissant par les États
défendeurs. Bien que la CADHP et la Cour africaine des droits de l’homme aient porté à de nombreuses
reprises des affaires de non-respect des décisions à l’attention du Conseil exécutif de l’UA, les États
défendeurs n’ont pas eu à y répondre. La Conférence de l’UA devrait pour le moins exiger que les États
défendeurs lui soumettent des rapports lui indiquant les mesures qu’ils ont prises pour mettre en œuvre ces
recommandations ou ces ordonnances.
En quatrième lieu, l’obligation de rendre des comptes pour les auteurs de graves violations des droits
humains commises en temps de conflit pose encore de sérieux problèmes. Le manque manifeste de volonté
politique de l’UA de traduire en justice les responsables de violations survenues lors de conflits n’est pas
sans rapport avec les retards constatés dans l’examen et la publication des rapports en matière de droits
humains. En prenant simplement acte du rapport de la mission d’information du CADHP au Burundi, le CPS
n’a donc ni pris en compte ni pris des mesures pour appliquer une recommandation importante énoncée
dans le document, à savoir mettre en place un mécanisme veillant à ce que les responsables de violations
flagrantes des droits humains rendent des comptes. Dans le cas du Soudan du Sud, la création du Tribunal
hybride de l’UA pour le Soudan du Sud (HCSS) n’est pas encore une réalité, plus d’un an après la
publication du rapport de la Commission d’enquête de l’UA sur le Soudan du Sud et de la signature de
l’accord de paix.
Il existe des manquements manifestes des opérations de maintien de la paix à leurs obligations de rendre
des comptes. À plusieurs reprises, des soldats du maintien de la paix ont été accusés d’atteintes graves aux
droits des populations civiles pour la protection desquelles ils ont été déployés. Les troupes de l’AMISOM ont
par exemple été impliquées dans des homicides de civils, ainsi que dans des actes d’exploitation et de
sévices sexuels. De même, les troupes de la MISCA ont été citées dans des allégations d’homicides, de
disparitions forcées, de torture et de violence sexuelle. Dans de nombreux cas, la réaction de l’UA face aux
allégations de violations commises par ses soldats a été entachée de graves irrégularités. Ainsi, l’UA n’a pas
ouvert d’enquêtes indépendantes sur les allégations selon lesquelles les soldats du contingent tchadien de la
MISCA avaient tué des civils lors des événements du 29 mars 2014 en République centrafricaine (RCA). De
surcroît, les mécanismes permettant de faire en sorte que les troupes de l’AU répondent de leurs actes et de
leurs pratiques répréhensibles ne sont généralement pas suffisants. L’application de l’obligation de rendre
des comptes pour les soldats chargés du maintien de la paix est sous la responsabilité des pays
contributeurs de troupes, l’UA et la mission de maintien de la paix ne jouant donc aucun rôle important dans
le processus. De plus, l’UA ne dispose pas de mécanisme assurant le suivi des issues des procédures
pénales ou disciplinaires engagées par les pays contributeurs. Dans les cas où l’UA a indiqué que des
enquêtes avaient été ouvertes pour déterminer si des soldats de maintien de la paix avaient commis des
violations, les conclusions de ces procédures n’ont que rarement été rendues publiques. Dans d’autres cas,
les mesures prises par les missions de maintien de la paix face aux atteintes aux droits humains perpétrées
par leurs soldats ont été inadéquates.
Ensuite, les efforts déployés par l’UA pour veiller à la protection des populations civiles et remédier aux
violations commises en temps de conflit se heurtent à de sérieux obstacles en termes de logistique et de
ressources. L’UA a fortement progressé en faisant en sorte que les missions de maintien de la paix disposent
de mandats spécifiques de protection des populations civiles, mais ces missions ne disposent pas, le plus
souvent, des ressources suffisantes leur permettant d’exécuter leur mandat. De même, le déploiement
d’observateurs des droits humains a été retardé dans certains cas (par exemple au Burundi) en partie par
manque du financement nécessaire à sa mise en œuvre.
L’absence d’appui logistique et le manque de ressources sont constitutifs d’un problème plus large et plus
complexe de capacité auquel est confronté l’UA : celui de la forte dépendance des opérations de paix et de
sécurité vis-à-vis des pays donateurs. Les partenaires pour le développement et d’autres acteurs
internationaux financent la quasi-totalité du budget de l’UA en matière de paix et de sécurité. En effet, l’UA
ne couvre que 2 % de son budget en matière de paix et de sécurité alors que les 98 % restants dépendent
des contributions des partenaires de développement et d’autres acteurs internationaux, comme l’ONU. En
juillet 2016 lors de la 27e session ordinaire de la Conférence de l’UA, les États membres se sont engagés à
verser à l’UA les fonds collectés dans le cadre d’une taxe de 0,2 % qui s’appliquerait sur les importations
dans leurs pays respectifs de produits éligibles. Cette décision a été prise dans le but de garantir que l’UA
sera dans la capacité d’ici 2020 de prendre en charge au moins 25 % de ses activités dans le domaine de la
paix et de la sécurité. À la connaissance d’Amnesty International, seul le Rwanda a démarré le processus de
collecte au niveau national de la taxe de 0,2 % sur les importations éligibles à la fin mars 2017. Afin de
résoudre ce problème de financement, il est impératif que tous les États membres de l’UA tiennent leurs
engagements financiers afin de garantir une protection efficace des civils et de réagir aux violations des
droits humains lors des opérations de paix et de sécurité de l’UA.

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RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS LORS DE CONFLITS
Amnesty International                                                                                       10
En dernier lieu, la coordination et la synergie institutionnelle continuent de poser des problèmes
profondément enracinés. L’absence de réponse coordonnée empêche l’UA de prendre les mesures
efficaces pour la protection et la promotion des droits humains dans le cadre de ses processus de paix et de
sécurité. Ainsi, bien que le Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l'Union
africaine (Protocole du CPS) impose en particulier au CPS de collaborer étroitement avec la CADHP, ces
deux institutions n’ont eu que peu d’interactions jusqu’à présent. L’article 19 du Protocole du CPS prévoit
une relation à double sens entre le CPS et la CADHP, mais cette disposition n’a pas encore été appliquée.
De même, il semble y avoir des lacunes dans les interactions entre le CPS et le SCAR, en raison notamment
de l’absence de voies officielles permettant au SCAR de transmettre directement des informations dans le
processus de prise de décisions du CPS. Les appels se multiplient pour que le SCAR relaye ses informations
reçues directement auprès du CPS. Le CPS s’achemine progressivement vers l’institutionnalisation de sa
session annuelle avec le CAEDBE, bien qu’il n’ait pas toujours donné au CAEDBE l’occasion de s’exprimer
lors de sessions ad hoc pertinentes, comme lors de la dernière session intitulée « Protéger les enfants des
conflits : le cas des enfants soldats en Afrique », qui s’est tenue en février 2017.
Les défis évoqués ci-dessus ne sont ni insurmontables ni spécifiques à l’UA. Ce rapport se termine par un
ensemble de recommandations destinées à compléter les mesures déjà adoptées ou en cours d’examen par
l’UA. Amnesty International estime que la mise en œuvre de ces recommandations devrait contribuer à
renforcer l’intégration des droits humains dans les processus de paix et de sécurité déployés par l’UA.

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS AU CONSEIL DE PAIX ET DE SÉCURITÉ

            Créer au sein de sa structure, conformément à l’article 8(5) du Protocole du CPS, un comité des
             droits humains chargé de garantir que le respect, la protection et la promotion des droits humains
             soient incorporés ou intégrés dans toutes les politiques et les actions du CPS ;
            Veiller à ce que les rapports issus des missions d’information ou des commissions d’enquête
             établies en application de ses décisions soient examinés et publiés sans délai ;
            Garantir le suivi et l’application des recommandations issues des missions d’information et des
             commissions d’enquête. À cet égard, le CPS doit notamment prendre des mesures adéquates pour
             appliquer les recommandations émanant du rapport de la mission d’information de la CADHP au
             Burundi ;
            Institutionnaliser la nouvelle pratique de déploiement d’observateurs des droits humains dans les
             pays touchés par des conflits et engager la Commission de l’Union africaine à élaborer des
             directives pour leur déploiement ;
            Veiller à ce que les missions de maintien de la paix de l’UA soient dotées d’un mandat clair,
             explicite et ferme en matière de protection des civils. Ces mandats doivent être assortis de
             ressources suffisantes et d’un appui logistique susceptibles de garantir leur mise en œuvre
             efficace ;
             Institutionnaliser, rendre claires et opérationnelles les modalités pour la mise en place
             d’interactions et de rencontres régulières entre la CADHP et le CAEDBE, comme prévu par
             l’article 19 du Protocole du CPS ;
            Encourager la CADHP à faire usage à nouveau de son mandat prévu dans l’article 58 de la Charte
             africaine, notamment en formulant des directives pour recevoir et examiner des requêtes en vertu
             de l’article 58 ;
            Institutionnaliser la nouvelle pratique consistant à recevoir régulièrement des notes du SCAR et
             instaurer, en consultation avec le Président de la Commission de l’UA, un moyen de transmettre
             directement les informations du SCAR au CPS.

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS AU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE

            Mettre en œuvre les recommandations issues du rapport d’août 2016 du Haut Représentant pour
             le Fonds de la paix et notamment celle concernant l'élaboration d'un cadre d'intégration du respect
             des droits humains dans les opérations de l'UA et la finalisation de la politique de l’UA en matière
             de déontologie et de discipline;
            Élaborer des directives sur le mandat, la conception, l’organisation et les méthodes de travail des
             observateurs des droits humains déployés pour surveiller les violations des droits humains dans les
             situations de conflit ou de crise;

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      Publier sans délai les rapports des observateurs des droits humains déployés pour surveiller les
             violations des droits humains commises dans les situations de conflit ou de crise;
            Faciliter l’élaboration d’une base de données exhaustive et transparente d’experts en droits
             humains qui pourraient être déployés à brève échéance comme observateurs de droits humains
             dans les situations de conflit et de crise.
            Prendre des mesures urgentes pour lutter contre l’impunité pour les auteurs de violations
             flagrantes des droits humains perpétrées par les parties au conflit de même que par les forces de
             maintien de la paix de l’UA. À cet égard, le Président de la Commission de l’UA doit :
                   o    mettre en place le Tribunal hybride du Soudan du Sud sans plus attendre ;
                   o    établir un mécanisme de surveillance, indépendant et permanent, chargé d’enquêter sur
                        les violations des droits humains qui auraient été commises par les soldats du maintien
                        de la paix de l’UA, et qui ressorteent des recommandations du Haut Représentant pour le
                        fonds de la paix et de l’équipe responsable d’enquêter en 2014 sur les allégations
                        d’exploitation et d’abus sexuels par les troupes de l’AMISOM.
            Veiller à ce que les missions de maintien de la paix de l’UA soient dotées d’un mandat clair,
             explicite et ferme en matière de protection des civils. Ces mandats devraient figurer dans tous les
             documents de la mission (par exemple dans les règles d'engagement, le concept des opérations et
             la stratégie de la mission) et accompagnés de ressources financières/humaines/matérielles
             suffisantes et d’un soutien logistique capable d’assurer une application efficace;
            Élaborer un cadre de respect des droits humains lors des opérations de maintien de la paix de l’UA
             comme le recommande le rapport d’août 2016 du Haut Représentant pour le fonds de la paix.
             Veiller à ce que la Commission de l’UA, les missions de maintien de la paix et les pays
             contributeurs de troupes mettent en œuvre ce cadre. Ce cadre doit couvrir les domaines suivants :
             la sélection, le filtrage et la formation des contingents du maintien de la paix de même que la mise
             en place de mécanismes efficaces garantissant que les troupes rendent compte de leurs actes.

RECOMMANDATIONS À LA COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

            Rétablir et utiliser efficacement son mandat prévu dans l’article 58 de la Charte africaine afin de
             signaler à la Conférence de l’UA l’existence d’un ensemble de violations massives et graves des
             droits humains de même que les situations d’urgence;
            Encourager vivement les États membres à lui octroyer une invitation permanente et ouverte afin
             qu’elle mène des missions d’information. Veiller à un suivi régulier des demandes en attente par
             l’intermédiaire de la Conférence de l’UA;
            Suivre la mise en œuvre des décisions émanant des procédures de communication et des
             recommandations issues des rapports de missions d’information et des résolutions thématiques ou
             sur les pays. Ce suivi peut être conduit par l’intermédiaire de différents mécanismes, notamment
             lors des missions de promotion et lors des processus d’examen des rapports des États parties;
            Accélérer la préparation de l’étude sur les droits humains dans les situations de conflit en Afrique
             et l’élaboration d’une stratégie et d’un cadre global pour répondre aux violations des droits humains
             commises dans les situations de conflit comme prévu dans la résolution 332. Ce processus doit
             permettre que toutes les parties prenantes concernées, notamment la société civile, soient
             consultées de manière adéquate;
            Veiller à instaurer un dialogue systématique, institutionnalisé et régulier avec le CPS et attirer
             notamment l’attention du CPS sur des informations concernant les violations systématiques de
             droits humains qui pourraient être source de conflits et/ou être perpétrées dans ce cadre. À cet
             égard, élaborer en priorité les modalités d’application de l’article 19 du Protocole du CPS qui
             prévoit la coopération avec le CPS;
            Créer au sein de son secrétariat une unité de recherche destinée à collecter et à analyser les
             informations sur les violations flagrantes de droits humains qui pourraient être sources de conflits
             ou de crises et/ou être perpétrées dans ces contextes. Cette unité de recherche doit être dotée des
             ressources et des capacités nécessaires pour mener à bien des études et des enquêtes sur les
             situations de conflit.

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INTRODUCTION

L’Union africaine (UA) fait preuve d’une volonté croissante de diriger la conception et la mise en place de
politiques et de réponses concrètes face aux situations de conflit et de crise en Afrique. Une évaluation
d’impact menée en 2015 sur les opérations menées par l’UA dans le cadre de conflits indique que
l’organisation est intervenue dans 51 % des conflits violents affectant le continent1. Le rapport décrit l’UA et
les communautés économiques régionales (CER) comme « des acteurs irremplaçables pour garantir la paix
et la sécurité en Afrique2 ».
La volonté de l’UA de piloter les interventions dans le cadre des situations de conflit en Afrique prend ses
racines dans l’idée que l’Afrique doit trouver les solutions aux problèmes qu’elle rencontre ; elle doit prendre
en main le destin et l’avenir de ses populations. Cette ferme intention trouve son expression dans la devise
« des solutions africaines aux problèmes africains ». Avant la création de l’UA en 2000, les Nations unies
(ONU) étaient le principal acteur, voire le seul, sur les questions de paix et de sécurité en Afrique. Dans les
années 1990, les efforts de l’Organisation de l'unité africaine (OUA) pour faire face aux situations de conflit
étaient limités et relégués au second plan par ceux de l’ONU. Ainsi, le déploiement des opérations de
maintien de la paix du temps de l’OUA relevait de la compétence exclusive de l’ONU3. Aujourd’hui, les
opérations de maintien de la paix en Afrique représentent les trois quarts de celles déployées par l’ONU4, et
par conséquent l’ONU joue toujours un rôle important et actif en matière de paix et de sécurité en Afrique.
Toutefois, elle n’assume plus ce rôle de façon exclusive mais en partenariat avec l’UA5.
Depuis sa création, l’UA s’est engagée à débarrasser le continent de ses conflits et à jouer un rôle de
premier plan dans cette tâche. Elle a pris un certain nombre de mesures pour que cet engagement se
concrétise. L’UA a notamment mis en place un cadre normatif et institutionnel global : l’Architecture
africaine de paix et de sécurité (APSA). L’APSA s’appuie sur les structures que l’OUA, l’institution qui a
précédé l’Union africaine, avait commencé à mettre en place à la fin de son existence et les a améliorées.
Face au grand nombre de guerres civiles sévissant dans de nombreuses régions d’Afrique à la fin des
années 1980 et au début des années 1990, l’OUA avait commencé à s’intéresser, avec quelques réticences,
aux conflits violents et à leurs effets dévastateurs. La Déclaration du Caire de 1993 établissait l’approche de
l’OUA en la matière. En vertu de cette déclaration, l’OUA avait mis en place le Mécanisme pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits (MPGRC) en tant que structure permanente chargée de
répondre aux conflits6. Il fut reproché à ce mécanisme un manque de «légitimité empirique et d’opérabilité
fonctionnelle7 ». En bref, le MPGRC et l’OUA de manière générale n’ont pas été en mesure de prévoir avec
précision les situations de conflit et de crise, et d’y répondre efficacement.
La transformation de l’OUA en UA a permis de faire progresser le mécanisme régional normatif et
institutionnel pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits. Cette amélioration s’exprime dans les
normes et les opérations de l’APSA. Le Conseil de paix et de sécurité de l’UA (CPS) est le pilier principal de
l’APSA. Mais l’APSA s’articule également autour d’autres piliers tels que : le Groupe des Sages, le Système

1
  Deutsche Gesellschaft fur Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH, APSA impact report: The state and impact of the African Peace and
Security Architecture (APSA) in 2015, 2016, p. 8 (ci-après appelé : GIZ, Rapport d’impact de l’APSA (en anglais), 2015)
2
  GIZ, Rapport d’impact de l’APSA (en anglais), 2015, p. 8.
3
  Commission de l’Union africaine, feuille de route de l’APSA 2016-2020, 2016, p. 12 (ci-après appelé CUA, feuille de route de l’APSA).
4
     Parmi     les     16 opérations   de      maintien    de     la    paix     en    cours,   neuf     sont   situées    en   Afrique.    Voir
http://www.un.org/fr/peacekeeping/operations/current.shtml (consulté le 21 décembre 2016).
5
  Voir, de façon générale, Julian Brett, le rapport (en anglais) The inter-relationship between the African Peace and Security Architecture, the
Global Peace and Security Architecture and Regional Initiatives (2013); Rapport en anglais du Conseil de sécurité Working together for peace
and security in Africa: The Security Council and the AU Peace and Security Council (2011).
6
  Doc OUA AHG/Decl.3/(XXIX).
7
  J. Levitt « Conflict prevention, management, and resolution: Africa – regional strategies for the prevention of displacement and protection of
displaced persons: The cases of the OAU, ECOWAS, SADC, and IGAD », (2001) 11 Duke Journal of Comparative & International Law 39, 56.

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continental d’alerte rapide (SCAR), la Force africaine en attente (FAA) et le Fonds pour la paix. L’évolution
des différentes composantes de l’APSA a été inégale, mais la plupart d’entre elles sont presque totalement
fonctionnelles8.
Les activités de l’APSA sont censées être complétées par l’Architecture africaine de la gouvernance (AAG).
L’AAG correspond au cadre normatif et institutionnel de l’UA destiné à promouvoir, harmoniser et maintenir
un ensemble de trois « valeurs communes » spécifiques : la démocratie, la bonne gouvernance et les droits
humains9. L’AAG vise, entre autres, à accroître la synergie, la coordination et la coopération entre les
organes de l’UA, les institutions et les CER sur les questions de démocratie, de gouvernance, de droits
humains et d’aide humanitaire10. L’AAG cherche également à soutenir les engagements pris de façon
concertée dans le domaine de la prévention des conflits et des processus de reconstruction et de
développement après un conflit11. Au total, 12 institutions sont membres de la plateforme de l’AAG12. Parmi
les membres de cette plateforme figurent trois organes régionaux de suivi des traités relatifs aux droits
humains : la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), le Comité africain
d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant (CAEDBE) et la Cour africaine sur les droits de l’homme et
des peuples (Cour africaine des droits de l’homme). Dans le cadre de leurs mandats respectifs, ces organes
spécifiques réagissent souvent aux atteintes aux droits humains commises lors des conflits.

Figure 1 : Composantes de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA)

8
  Rapport d’impact de l’APSA (en anglais), 2015, p. 17-32
9
  Pour une présentation de l’AAG, voir la Commission de l’Union africaine, le Cadre de l’Architecture africaine de la gouvernance, (non daté),
disponible sur : http://aga-platform.org/AGA%20%20Frame%20work%20%20-%20Online%20FINAL.pdf
10
   Commission de l’Union africaine, Deepening democracy : the African Governance Architecture and Platform - Rapport annuel de 2014,
2015, p. 12 (appelé ci-après : CUA, Rapport annuel 2014 de l’AAG).
11
   CUA, Rapport annuel 2014 de l’AAG, p. 12.
12
   Ces institutions sont les suivantes : le CPS, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), la Commission de
l’Union africaine (CUA), la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine), le Mécanisme africain d'évaluation par les
pairs (MAEP), la Commission de l’Union africaine pour le droit international, le Conseil consultatif de l’Union africaine sur la corruption, le
Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant (CAEDBE), l’Agence de planification et de coordination du Nouveau
partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), le Conseil économique, social et culturel, et les CER.

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Malgré les avancées d’ordre normatif et institutionnel réalisées jusqu’à présent, il reste un grand nombre de
points d’interrogation concernant l’efficacité, la régularité et la cohérence des réponses de l’UA face aux
atteintes aux droits humains qui génèrent des conflits ou qui sont commises lors de conflits. Ce rapport
examine dans quelle mesure le respect, la promotion et la protection des droits humains sont intégrés dans
les processus de paix et de sécurité de l’UA. Quatre questions spécifiques sont traitées ici :
            Le droit de l’UA d’intervenir dans un État partie pour empêcher ou faire cesser la commission des
             crimes spécifiques suivants aux termes du droit international : crimes contre l’humanité, crimes de
             guerre et génocide.
            La réponse des organes de suivi des traités régionaux relatifs aux droits humains face aux violations
             de droits humains commises en temps de conflit. Concernant cette question, le rapport se penche
             sur les pratiques de la CADHP, du CAEDBE et de la Cour africaine des droits de l’homme.
            La réponse du CPS aux violations des droits humains commises dans le cadre de conflits. À cet
             égard, le rapport s’intéresse particulièrement aux mécanismes de réaction du CPS qui sont les
             suivants : l’alerte précoce et la prévention, les opérations de maintien de la paix, le déploiement
             d’observateurs des droits humains, les missions d’information et les commissions d’enquête.
            Le degré de synergie et de coordination entre les organes de l’UA et les institutions qui
             interviennent face aux violations des droits humains commises en période de conflit. En bref, le
             rapport analyse implicitement dans quelle mesure l’APSA se réfère à l’AAG dans le cadre des liens
             existants entre paix, sécurité et droits humains.
Comme indiqué ci-dessus, le mandat de l’UA sur la paix et la sécurité est partagé avec l’ONU qui porte la
responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Ces deux institutions
collaborent généralement dans leurs réponses aux situations de conflit en Afrique. Cette collaboration est
prise en considération dans ce rapport. Mais pour mieux circonscrire cette étude, les liens entre les activités
de l’UA et celles de l’ONU sur les questions de paix et de sécurité en Afrique ne seront pas abordés de
façon approfondie. De même, le rapport n’examine pas en détail la collaboration entre l’UA et les CER en
Afrique. Les CER ont des mandats en matière de paix et de sécurité dans le cadre de leurs sphères de
compétence spécifiques au niveau sous-régional et ont adopté un protocole d’accord sur la coopération
dans le domaine de la paix et de la sécurité avec l’UA.

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MÉTHODOLOGIE

Depuis des décennies, Amnesty International surveille la situation des droits humains et recueille des
informations sur les atteintes aux droits humains commises dans les situations de conflit et de crise en
Afrique. Ce rapport s’appuie sur ce vaste ensemble de travaux. Il repose également sur l’examen et l’analyse
de documents importants, notamment des rapports, des communiqués et des articles de presse issus des
organes et des institutions concernés de l’UA. Cette recherche documentaire a été complétée par des
entretiens avec des questions ouvertes auprès de parties prenantes concernées, notamment des
responsables de l’UA, des représentants des gouvernements, des partenaires de développement et des
représentants de la société civile13.
De surcroît, Amnesty International a organisé deux tables rondes pour recueillir des informations et des
contributions des participants en vue de la rédaction du rapport. En marge de la 55e session ordinaire de la
CADHP organisée en avril 2015 à Luanda en Angola, Amnesty International a organisé une table ronde sur
le thème « Conflits en Afrique et CADHP ». L’objectif principal de cet événement était d’étudier le besoin et
la possibilité de mettre en place un mécanisme spécial pour aider la CADHP à prendre des mesures face
aux situations de conflit et de crise en Afrique. Suite à cette réunion, Amnesty International a organisé une
autre table ronde en marge du 25e Sommet de l’UA tenu en juin 2015 à Johannesburg en Afrique du Sud.
Celle-ci a surtout porté sur le bilan de l’UA dans la prévention et la lutte contre les violations des droits
humains dans le cadre de conflits. Les participants étaient issus des organes et des institutions de l’UA, du
milieu universitaire et des organisations de la société civile.
Le rapport s’appuie également sur une analyse statistique de documents publics provenant du CPS et de la
CADHP, et concernant les situations de conflit. L’objectif de l’analyse statistique est d’évaluer la manière
dont le CPS et la CADHP réagissent aux différents types de conflits. L’analyse a examiné les publications de
ces deux institutions, notamment les communiqués, les articles de presse, les décisions, les déclarations et
les résolutions. Ces documents mis à la disposition du public permettent une assez bonne évaluation de la
réaction institutionnelle dans la mesure où leur contenu rend compte des mandats et des activités de
chaque institution. Ces documents ont été régulièrement publiés par le CPS et la CADHP depuis leur
création et couvrent largement les actions passées et présentes de ces deux institutions. Enfin, l’analyse a
été restreinte aux documents faisant référence aux conflits passés ou en cours en Afrique.
Les documents du CPS et du CADHP étant publiés en ligne, des techniques d’extraction d’informations
(« web-scraping ») ont été utilisées pour télécharger et organiser les données textuelles. Grâce à ces
techniques d’extraction, 575 documents du CPS et 234 documents du CADHP publiés entre 2004 et 2015
ont été récupérés. Ces fichiers ont été fusionnés dans une base de données de synthèse CPS-CADHP où
chaque fichier a été identifié par son titre, sa date de publication, le ou les pays visés, le(s) domaine(s)
thématique(s) et le texte du document dans son intégralité. Cette grande base de données textuelles a été
analysée grâce à des techniques de traitement du langage naturel. À partir d’algorithmes informatiques, des
centaines de textes ont été analysés simultanément, permettant une analyse sémantique d’envergure. Plus
précisément, la base de données de synthèse CPS-CADHP a été utilisée pour établir si et dans quel contexte
des expressions spécifiques apparaissent dans des textes spécifiques. Ces expressions ont ensuite servi à
évaluer l’intensité de la réponse institutionnelle, depuis le commentaire de pure forme jusqu’à de véritables
demandes d’intervention.

13
  Amnesty International a mené des enquêtes avec les différentes parties prenantes concernées à Addis Abeba en Éthiopie du 16 au 20 mai
2016.

ÉVALUER LES AVANCÉES ET COMBLER LES LACUNES
RENFORCER LA RÉPONSE DE L'UNION AFRICAINE AUX VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS LORS DE CONFLITS
Amnesty International                                                                                                               17
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