Séminaire EuroMed Le mouvement de défense des droits de l'homme face aux nouveaux défis

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Séminaire EuroMed Le mouvement de défense des droits de l'homme face aux nouveaux défis
Séminaire EuroMed
          Le mouvement de défense des
          droits de l’homme face aux
          nouveaux défis

                 31 mai - 1er juin 2012
                     Copenhague
RAPPORT
Séminaire EuroMed Le mouvement de défense des droits de l'homme face aux nouveaux défis
Copenhague
                                           Juillet 2012
                        Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme
                                         Vestergade 16
                                     1456 Copenhague K
                                            Danemark
                                 Téléphone: + 45 32 64 17 00
                                     Fax: + 45 32 64 17 02
                               Courriel: info@euromedrights.net
                                 Web: www.euromedrights.net

                 © Copyright 2012 Euro-Mediterranean Human Rights Network

                                      Informations bibliographiques

 Titre: Rapport du séminaire EuroMed – Le mouvement de défense des droits de l’Homme face
                                         aux nouveaux défis
                                Auteur: Isa Gry Lindemann Elowsson
          Auteur collectif: Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH)
              Éditeur: Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH)
                                Date de publication initiale: Août 2012
                                        Nombre de pages: 41
                                      Langue d’origine: Anglais
         Édition, correction, révision, mise en page: Caroline Rey, Marc Schade-Poulsen

Le séminaire EuroMed a été soutenu en partie par une subvention de la Fondation Open Society
                              ainsi que par DANIDA et SIDA.

            Les opinions exprimées par l’auteur n’engagent pas le point de vue des bailleurs de fonds

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Séminaire EuroMed Le mouvement de défense des droits de l'homme face aux nouveaux défis
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION......................................................................................................................... 5
ALLOCUTIONS THÈMES ........................................................................................................... 7
       Bishara Khader - Historique de la répression de la société civile .......................................... 7
       Driss El Yazimi - Les principaux défis du mouvement de défense des droits de l’Homme à
       l’heure actuelle .................................................................................................................... 8
       Mohammed Sghir-Janjar - Droits de l’Homme dans les sociétés de la rive sud de la
       Méditerranée : une universalité en construction ................................................................... 8
       Dorra Mahfoudh-Draoui – Les droits de l’Homme face aux défis que posent la transition
       démocratique : le cas tunisien ............................................................................................ 10
PROMOUVOIR ET PROTÉGER LA CULTURE DES DROITS DE L’HOMME DANS LA RÉGION
EUROMED................................................................................................................................ 11
       Michel Tubiana .................................................................................................................. 11
       Discussion ......................................................................................................................... 12
LA SOCIÉTÉ CIVILE EN TRANSITION ..................................................................................... 14
       Bahey El Din Hassan ......................................................................................................... 14
       Radwan Ziadeh ................................................................................................................. 15
       Discussion ......................................................................................................................... 16
DROITS CIVILS ET POLITIQUES LES DÉFIS, ET LA RÉPONSE QUE DOIVENT Y APPORTER
LES ORGANISATIONS DE DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME ......................................... 18
       Joe Stork ........................................................................................................................... 18
       Gamal Eid ......................................................................................................................... 19
       Discussion ......................................................................................................................... 19
PROMOUVOIR ET SAUVEGARDER LES DROITS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DANS LA
RÉGION EUROMED ................................................................................................................. 20
       Ibrahim Awad - Le droit au travail en Afrique du Nord......................................................... 20
       Ivan Martin - Droits économiques et sociaux dans le cadre du Partenariat euro-
       méditerranéen ................................................................................................................... 21
       Discussion ......................................................................................................................... 22
LES DROITS DES FEMMES AU CENTRE DE LA LUTTE POUR LA DÉMOCRATIE ET LES
DROITS DE L’HOMME ............................................................................................................. 24
       Boriana Jönsson - Cinq recommandations ......................................................................... 24
       Oumnia Alaoui ................................................................................................................... 25
       Discussion ......................................................................................................................... 26

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L’ACTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE RELATIVEMENT AU CONFLIT DU MOYEN-ORIENT ....... 28
PISTES D’ACTION ET MENACES DANS LE CONTEXTE ACTUEL .......................................... 28
       Jesús Núñez et Shawan Jabarin ........................................................................................ 28
       Discussion ......................................................................................................................... 29
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS ......................................................................... 31
ANNEXES ................................................................................................................................. 35

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Séminaire EuroMed Le mouvement de défense des droits de l'homme face aux nouveaux défis
INTRODUCTION

                er                                       e
Les 31 mai et 1 juin 2012, à l’occasion de son 15 anniversaire, le Réseau euro-méditerranéen
des droits de l’Homme (REMDH) a tenu à Copenhague un séminaire EuroMed placé sous le
thème général « Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis ».

Le séminaire, ouvert par Kamel Jendoubi, président du REMDH, réunissait quelque 120
représentants d’organisations de défense des droits de l’Homme en Europe et dans le sud et l’est
méditerranéen, qui ont discuté de la coopération régionale, de la position et du rôle des ONG des
droits de l’Homme à la suite des révolutions dans le Sud, de même que de la crise en Europe et
dans les institutions européennes.

Le séminaire EuroMed – qui s’est tenu sous la présidence danoise de l’UE – s’est déroulé à un
moment charnière pour l’Europe et la région méditerranéenne. D’une part, les poussées
révolutionnaires au sein du monde arabe ont bouleversé l’environnement politique et social
entourant l’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie à un degré inimaginable il
y a 15 ans, lorsque le REMDH a été fondé. C’est donc dire que des défis de taille attendent les
organisations des droits de l’homme et la société civile dans son ensemble. D’autre part, la plus
grave récession depuis longtemps qui frappe de plein fouet les pays de l’UE et nombre de ses
habitants menace la cohésion des sociétés et des institutions européennes.

Parallèlement, l’environnement politique au sein duquel évolue la coopération EuroMed s’est
transformé en profondeur. Le Processus de Barcelone, qui a inspiré la création du Réseau et sur
lequel celui-ci a forgé son identité, est maintenant moribond. L’Union pour la Méditerranée, qui
devait prendre sa suite, se résume essentiellement à un bureau de projet à Barcelone, et
manifeste d’ailleurs peu d’intérêt pour la société civile et les droits de l’Homme. En toile de fond,
les institutions de l’UE peinent à conjuguer leurs efforts pour entreprendre des initiatives de
politique étrangères communes.

Par ailleurs, la région sud-méditerranéenne ne présente plus ces traits communs qui la
caractérisaient il y a encore peu de temps : régimes oppressifs et appareils sécuritaires, absence
de libertés fondamentales et de systèmes judiciaires indépendants, etc.

En raison des changements survenus dans la foulée des poussées révolutionnaires, la situation
varie substantiellement d’un pays à l’autre, ce qui, ajouté à l'étiolement du processus EuroMed,
ne manque pas de présenter de nouveaux défis à la coopération en matière des droits de
l'Homme à l’échelle régionale.

Le REMDH est convaincu que, malgré les bouleversements que vient de connaître la région, il
importe plus que jamais que l’Europe poursuive son étroite collaboration avec les pays sud-
méditerranéens, cela en raison des liens historiques, économiques, sociaux et culturels qui
unissent leurs sociétés. En outre, les ONG européennes et celles du sud et de l’est
méditerranéen ont un intérêt commun et continu à travailler ensemble, à apprendre l’un de l’autre
et à s’entraider en vue de protéger et promouvoir les droits de l’Homme dans le bassin
méditerranéen et au sein de l’UE.

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Séminaire EuroMed Le mouvement de défense des droits de l'homme face aux nouveaux défis
Les objectifs du séminaire EuroMed étaient de se pencher sur l’impact de la nouvelle donne
régionale sur le travail des organisations des droits de l’Homme sur le terrain, et sur les moyens
que la coopération EuroMed doit prendre pour appuyer ce travail.

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Le rapport du séminaire EuroMed contient un sommaire des présentations des intervenants
données lors des sessions du séminaire ainsi qu’un résumé des discussions qui ont suivi ces
présentations.

Le rapport fait ressortir les questions et enjeux que les participants du séminaire ont tenu à
aborder.

La première partie porte sur quelques-uns des thèmes et défis d’ordre général sur lesquels porte
l’action des organisations de défense des droits de l’Homme : la promotion et la protection d’une
culture des droits de l’Homme, l’universalité des droits de l’Homme, les opportunités d’action
qu’offrent les processus de transition, et les défis que ces processus font naître. La deuxième
partie se penche sur trois champs d’action : les droits économiques et sociaux, les droits des
femmes et l’action de la société civile au regard du conflit du Moyen-Orient.

Dans le rapport, une flèche indique les suggestions et recommandations sur l’action future du
REMDH. La dernière partie contient un résumé des principales tendances qui ont marqué les
diverses étapes du séminaire, ainsi que les recommandations des participants.

Les annexes contiennent de courtes biographies des intervenants ainsi que le programme du
séminaire.

                                                   *****

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ALLOCUTIONS THÈMATIQUES

Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme a été fondé en 1997 à la suite du
lancement du Partenariat Euro-Méditerranéen (PEM) dans le but de promouvoir les droits de
l’Homme et de favoriser la coopération entre les acteurs de la société civile de la région EuroMed
à une époque où l’on plaçait beaucoup d’espoirs sur les bienfaits que pourrait apporter à la
région cette nouvelle entité géopolitique qu’était le PEM. Quinze ans après sa fondation, le
REMDH s’accorde un moment de réflexion pour faire le point sur l’évolution des sociétés et de la
situation des droits de l’Homme dans la région, ainsi que sur les défis pour l’avenir.

Bishara Khader - Historique de la répression de la société civile

Dans sa présentation, Bishara Khader brosse un tableau des phases successives de la
répression exercée par les régimes autoritaires dans la partie sud de la région EuroMed au cours
des soixante dernières années.

La première phase prenait sa source dans le patriarcat, fondé sur la relation père-fils transposée
au dirigeant et à son peuple. Alors que les dirigeants s’employaient à construire la nation – en
particulier dans le contexte des indépendances nationales fraîchement acquises – la population
de son côté acceptait sans se plaindre le recours à des mesures autoritaires. Au cours de la
deuxième phase, ce système s’est mué en régime prédateur alors que s’instaure un état
policier. Cette phase est marquée par de graves problèmes économiques et sociaux qui
contribuent à l’augmentation de la pauvreté et de la corruption. Au cours de la période, on
procède à des privatisations au profit de l’élite en place. Finalement, au cours de la dernière
phase, les régimes en place deviennent dynastiques; on exploite le pays comme une entreprise
familiale susceptible d’être transmise à la prochaine génération.

Durant toutes ces années, ces régimes font reposer leur légitimité sur l’une ou l’autre des trois
bases suivantes : la relation père-fils, où le dirigeant s’impose comme le père de la nation; la
légitimité religieuse, où le dirigeant se présente comme le descendant du prophète et le gardien
des lieux saints; et la légitimité distributive, où le dirigeant achète la loyauté par la distribution des
ressources et des richesses nationales à certains secteurs de la population. Les deux premières
formes de légitimité ont perdu de leur importance aux yeux des jeunes générations alors que la
dernière, l’attribution ciblée des richesses, est devenue insoutenable face à la très forte
croissance démographique des 30 dernières années.

Ces divers systèmes répressifs, bien qu’ils aient marginalisé la société civile, n’ont pas réussi à la
neutraliser complètement comme en témoignent les récentes insurrections populaires où l’on voit
resurgir une société civile dynamique en réaction à la répression des décennies précédentes
mais aussi aux ambitions dynastiques des hommes forts de la région.

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Driss El Yazimi - Les principaux défis du mouvement de défense des droits de l’Homme à
l’heure actuelle

Driss El Yazimi a cerné quatre défis clés auxquels le mouvement de défense des droits de
l’homme doit s’attaquer:

Durant cette période de transition que traverse le Sud de la région euro-méditerranéenne, le
mouvement des droits de l’Homme doit faire plus que défendre les droits de l’Homme et
dénoncer les violations des droits, il doit également s’efforcer de favoriser le processus de
démocratisation et le respect des droits de l’Homme en faisant porter son action sur certains
aspects cruciaux, comme l’élaboration des nouvelles constitutions, la réforme de la justice, la
mise au point de politiques économiques et sociales à la fois ambitieuses et réalisables, et la
réforme de régimes trop préoccupés par la question sécuritaire. Ce type de travail exige des
compétences et des expertises nouvelles bien spécifiques, que le mouvement des droits de
l’Homme ne maîtrise peut-être pas et qu’il n’est peut-être pas en mesure d’acquérir à l’heure
actuelle.

L’apparition de l’Islam politique dans plusieurs pays a mis en place de nouvelles majorités
politiques. En réponse à cette nouvelle donne, il est impératif pour les défenseurs des droits de
l’Homme de repenser la façon de promouvoir et d’expliquer l’universalité des droits de
l’Homme tels que la liberté de conscience et d’expression. Le pluralisme dans le sud et est de la
Méditerranée, autrefois réprimé, peut maintenant se manifester librement. Le mouvement des
droits de l’Homme se doit de défendre cette diversité nouvelle et de s’employer à protéger les
droits des minorités tant religieuses que linguistiques.

Un troisième défi consiste à s’attaquer à la problématique de la mobilité et des diasporas, alors
que partout l’on observe des citoyens appartenant à plusieurs endroits et, en pratique, rejetant la
dichotomie nord-sud. Le mouvement des droits de l’Homme doit prendre en compte cette forme
de pluralité et se pencher sur l’interaction économique entre individus de diverses origines
nationales, ainsi que sur la dynamique des diasporas et sur façon de mobiliser les ressources de
celles-ci.

L’égalité hommes-femmes est un défi de taille qui doit être intégré à tous les niveaux de l’action
du mouvement des droits de l’Homme. À cet égard, il convient de souligner l’intensification du
processus d’’individuation dan monde arabe. La présence des femmes se fait de plus en plus
sentir dans l’espace public. De plus en plus instruites, elles prennent part au débat public en tant
d’individu.

Mohammed Sghir-Janjar - Droits de l’Homme dans les sociétés de la rive sud de la
Méditerranée : une universalité en construction

Mohammed Sghir Janjar a axé sa présentation sur une critique du paradigme essentialiste qui
domine encore le débat sur l’universalité des droits de l’Homme dans le sud méditerranéen. En
vertu de l’approche essentialiste qui prédomine toujours chez les penseurs et dans les médias,
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les sociétés de la rive sud n’ont pas encore réuni toutes les conditions culturelles d’accès à une
vision universaliste des droits de l’Homme. Ces sociétés sont perçues comme étant
surdéterminées par la religion et réfractaires à la culture des droits de l’Homme, de la citoyenneté
et de la démocratie, et cette situation persistera tant qu’elles n’auront pas intégré au plus profond
de leur culture et de leurs pratiques sociopolitiques et institutionnelles les processus
d’individuation et de sécularisation. L’hétérogénéité du Sud et la diversité de sa dynamique sont
donc minorées ou réduites à une essence « islamique ».

Pourtant, les faits socioculturels observables témoignent de changements fondamentaux qui
s’opèrent dans les pratiques religieuses, les mœurs et les structures sociales, contredisant ainsi
la thèse essentialiste. Bref, le processus de modernisation et de sécularisation s’intensifie et
travaille ces sociétés en profondeur.
À cet égard, les défenseurs des droits de l’Homme doivent être attentifs à quelques faits saillants:
    •   Le recul du patriarcat et de l’autoritarisme qui préside aux rapports sociaux et politiques
        s’intensifie sous l’effet combiné de la baisse de la natalité, la scolarisation massive des
        filles et l’accès des femmes au marché du travail. Au cours des dernières décennies, le
        mode d’organisation des relations d’autorité et de soumission entre les individus au sein
        du clan s’est diversifié et l’individu a gagné en mobilité.

    •   La montée en puissance des femmes s’intensifie. La subordination des femmes, qui a
        été le pilier du système patriarcal, est durement ébranlée sous les effets de l’avènement
        de la famille restreinte, du mariage tardif, du prolongement de leurs études, du recul de
        l’endogamie grâce à la mobilité des individus, de l’entrée des femmes, via le marché du
        travail, dans le monde des hommes.

    •   La mondialisation et le développement de l’enseignement de masse ont changé en
        profondeur les rapports des individus à la famille, à la société et au système de pouvoir
        et d’autorité, et a permis à la jeunesse d’expérimenter une plus grande liberté individuelle
        et de s’engager dans des formes d’organisation horizontale qu’offre la société civile.

En règle générale, ces changements fondamentaux qui s’opèrent ne retiennent pas suffisamment
l’attention et les sociétés du Sud ne font pas l’objet d’une étude suffisamment poussée de la part
des sciences sociales. En outre, on constate un écart entre les faits sociaux observables et le
discours, qui ne reflète pas les changements profonds esquissés ci-dessus. Ceci peut s’expliquer
par l’absence d’une révolution culturelle grâce à laquelle les sociétés du Sud auraient pu s’ouvrir
à la pensée critique dans la sphère publique et prendre conscience de leur historicité.

Si l’on tient compte de la pratique des gens et des faits sociaux plutôt que du discours et de
l’expression des idéologies, il apparaît qu’en dépit des arguments de la thèse essentialiste, les
sociétés du sud méditerranéen réunissent les conditions voulues pour développer une culture
des droits de l’Homme.

Dans la lutte pour la défense des droits de l’Homme dans les pays de la rive sud, l’égalité
hommes-femmes et la garantie des droits des femmes sont la pierre angulaire. Si le principe de
l’universalité des droits de l’Homme a tant de mal à s’étendre aux femmes – au sud de la
Méditerranée comme ailleurs – c’est moins en raison d’une loi religieuse transcendante (shari’a)
qu’en fonction d’une réalité archaïque construite universellement et présentée à tous et partout

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comme naturelle. L’inégalité entre les sexes est mère de toutes les inégalités et en cela, elle
doit être une cible stratégique pour les défenseurs des droits de l’Homme.

Dans la lutte pour le respect des droits de l’Homme, il convient de mettre l’accent sur le
potentiel insurrectionnel des droits de l’Homme pour protester et dire non à l’inacceptable
plutôt que d’essayer d’accoler aux droits de l’Homme un contenu positif, comme une manière de
vivre qui serait supérieure aux autres. Par exemple, mettre en question les modalités d’une forme
d’héritage islamique par des témoignages vidéo qui sont des cris contre l’injustice exercerait un
impact plus étendu et plus durable qu’un discours raisonné critiquant la position de l’Islam en
matière d’héritage, contraire aux normes internationales.

Dorra Mahfoudh-Draoui – Les droits de l’Homme face aux défis que posent la transition
démocratique : le cas tunisien

Dorra Mahfoudh-Draoui a présenté une vue d’ensemble du contexte social diversifié en Tunisie
qui se présente au mouvement de défense des droits de l’Homme aujourd’hui.

L’application universelle des droits de l’Homme est entravée par l’exclusion sociale et les
disparités économiques qui maintiennent les divisions au sein de la population tunisienne entre
élites et classes populaires, milieux urbains et ruraux, éléments avant-gardistes et conservateurs
ou laïques et religieux, entre vieilles et jeunes générations, entre sentiments d’appartenance
nationale, régionale ou religieuse.

Le vide politique qui a fait suite à la révolution et la place plus grande accordée à la diversité
d’opinion ont accentué les visions identitaires, comme le sentiment d’appartenance au clan, ainsi
que la méfiance face à la modernité. Cela dit, de nouvelles perspectives s’ouvrent dans cet
environnement transitionnel, de nouveaux acteurs de la société civile émergent et de nouvelles
associations interpellent les femmes et les jeunes comme jamais auparavant. Des formules de
mobilisation inédites et des technologies de communication nouvelles font maintenant partie du
paysage. Par ailleurs, on observe un intérêt accru pour la politique parmi les citoyens. Citant Iyad
Ben Achour, Dorra Mahfoudh-Draoui fait remarquer que ce qui fait que la révolution tunisienne
est une révolution est ce changement constaté dans la notion d’association.

Une des principales tâches du mouvement des droits de l’Homme est de favoriser la
pérennisation de ce dynamisme participatif de la société civile dans la sphère publique
tunisienne, ainsi que dans les autres pays des deux rives de la Méditerranée.

Il importe que les défenseurs des droits de l’Homme s’emploient au rétablissement des liens
entre les organisations des droits de l’Homme et les populations locales, y compris dans les
régions reculées disposant de maigres ressources. Ils doivent s’employer à favoriser la
concrétisation des principes démocratiques de la révolution en projets sociaux tangibles, et le
débat citoyen sur la forme que doivent prendre la démocratie, la justice et le développement des
régions marginalisées.

À cet égard, il est essentiel que le mouvement de défense des droits de l’Homme conserve son
caractère non partisan et son identification à la société civile.

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   10
PROMOUVOIR ET PROTÉGER LA CULTURE DES DROITS DE
         L’HOMME DANS LA RÉGION EUROMED

Aujourd’hui comme hier, les militants des droits de l’Homme des pays de l’UE et du sud et est
méditerranéen n’utilisent pas tous les mêmes méthodes pour promouvoir et protéger la culture
des droits de l’Homme dans le cadre de leur travail quotidien. Quelles ont été et quelles sont les
préoccupations communes dans le contexte actuel?

Michel Tubiana

La promotion et la protection de la culture des droits de l’Homme sont intimement liées à
l’éducation des droits de l’Homme, un enjeu qui fait l’objet d’une attention particulière de la part
du REMDH. Toutefois, la promotion d’une culture des droits de l’Homme n’est pas seulement
affaire de méthodologie. Lorsqu’on parle de culture des droits de l’Homme, on doit tout d’abord
s’interroger sur le sens de cette expression. Définir une culture des droits de l’Homme commune
à toute la région euro-méditerranéenne, c’est davantage que faire consensus sur des points de
référence communs comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) et les
pactes internationaux, c’est également faire le lien entre les acteurs de la société civile et les
méthodes et pratiques communes dans leur démarche visant à adopter et promouvoir une culture
des droits de l’Homme.

Bien que les valeurs des droits de l'Homme soient universelles, les mécanismes et méthodes
visant à concrétiser ces valeurs diffèrent en fonction des situations. De plus, les enjeux en
matière des droits de l'Homme évoluent avec le temps et de nouveaux enjeux surgissent, comme
par exemple la sécurisation des données personnelles ou le clonage, qui ne retenaient pas
l’attention des mouvements de défense des droits de l'Homme lorsque la Ligue des droits de
l'Homme a été créée en 1898.

Il y a beaucoup d’exemples d’objectifs communs qui peuvent être atteints en utilisant des moyens
différents selon les situations. Ainsi, on peut se demander s’il est nécessaire de décréter la
séparation de l’Église et de l’État, comme cela a été fait en France, pour garantir la liberté de
conscience. En ce qui concerne les droits de la femme, il existe des différences dans l’application
concrète de la norme commune d’égalité. Dans certains pays, il n’y a pas de loi qui garantit la
parité alors que dans d’autres, comme en France, une loi a été adoptée, mais en raison d’une
certaine réticence de la société face à l’égalité, l’inégalité dans les salaires persiste.

En tant qu’organisations des droits de l’Homme, il nous faut être réceptifs à ces
différences dans la mise en œuvre de nos valeurs communes; nous devons nous
employer à cerner les méthodes et pratiques communes dans notre démarche de
promotion d’une culture des droits de l'Homme.

L’écart nord-sud en matière de mise en œuvre des droits de l’Homme et d’une culture des droits
de l'Homme s’amenuise, et nous devrions cesser de toujours donner au sud le nord comme
exemple à suivre et jamais l’inverse. L’utilisation des nouveaux outils de communication par la

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   11
société civile va sérieusement entraver toute tentative d’instauration de nouveaux régimes
autoritaires. Il est maintenant plus facile de contourner la censure, ce qui a facilité l’adoption de
pratiques communes. Par ailleurs, l’apport du sud peut aider le nord à surmonter ses difficultés,
comme par exemple le rôle joué par l’Islam en politique.

Afin d’accroître l’impact de notre démarche, il nous faut mettre au point non seulement des
objectifs communs mais également des méthodes communes dans l’implantation d’une culture
des droits de l'Homme.

Discussion

La discussion sur la manière de protéger et promouvoir la culture des droits de l'Homme a porté
sur les thèmes suivants :

Comment enraciner les valeurs des droits de l'Homme dans les normes et pratiques de la
vie quotidienne

Au cours du débat, l’on a mentionné le risque que pourrait poser à la culture des droits de
l'Homme la montée en puissance des forces islamistes dans le sud.

       Dans le but de promouvoir les valeurs des droits de l'Homme et de les enraciner dans les
        normes et pratiques de la vie quotidienne, le mouvement des droits de l'Homme ne
        devrait pas collaborer seulement avec les défenseurs des droits de l'Homme attitrés; il
        devrait également élargir sa collaboration avec d’autres acteurs de la société civile, par
        exemple les organisations de jeunesse en fournissant une formation sur l’éducation aux
        droits de l'Homme à leurs membres.

       On a également suggéré de faire plus pour venir en aide aux nombreuses organisations
        émergentes, notamment sur le plan de la création de réseaux et du renforcement des
        capacités.

       Par ailleurs, on a fait remarquer que les organisations de défense des droits de l'Homme
        devraient être réceptives à des initiatives de collaboration avec des acteurs de la société
        civile non laïcs, compte tenu du fait qu’il existe des différences entre les divers
        mouvements islamistes et que certains groupes modérés appuient le respect des droits
        de l'Homme.

Les relations nord-sud dans l’action du REMDH

Un des volets importants du travail de promotion d’une culture des droits de l'Homme est le
renforcement du dialogue et de la coopération nord-sud au sein du REMDH.

L’implantation d’une culture des droits de l'Homme fait face à de nouveaux défis dans le Nord.
Les libertés démocratiques sont menacées par des nouvelles lois adoptées au nom de la « lutte
contre le terrorisme ». En outre, un certain nombre de droits sociaux sont menacés par la
situation économique et les mesures visant à surmonter la crise de la dette. À cet égard, le
REMDH devrait s’employer à sensibiliser les acteurs dans le Sud à la situation des droits de

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   12
l'Homme dans le nord, ceci afin de faciliter le partage des expériences pertinentes. Ceci
permettrait également de contrer les critiques voulant que seule la situation des droits de
l'Homme dans le sud soit digne d’attention.

Par ailleurs, on s’est penché sur les questions transfrontalières comme les politiques sur les
migrations et les femmes mariées en vertu de la loi islamique, questions qui dépassent le clivage
nord-sud et nécessitent une réponse commune.

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   13
LA SOCIÉTÉ CIVILE EN TRANSITION

Dans plusieurs pays de la région sud méditerranéenne, les organisations de défense des droits
de l'Homme peuvent maintenant œuvrer dans un environnement où prédominent l’ouverture
politique et la diversification du mouvement de démocratisation. Compte tenu de cette nouvelle
donne, les organisations des droits de l'Homme doivent repenser leur action et passer
progressivement de la dénonciation des violations des droits à la promotion de ces droits en
appui au processus de transition démocratique. Quels rôles doivent assumer les organisations
des droits de l'Homme dans de ce nouvel environnement?

Bahey El Din Hassan

Bahey El Din Hassan brosse un tableau des divers facteurs qui ont pu freiner l’ampleur des
avancées démocratiques du printemps arabe et formule quelques recommandations sur des
actions prioritaires des sociétés civiles de la région.

Tout en déplorant le bilan plutôt modeste du printemps arabe, qui est loin d’être à la hauteur des
attentes soulevées par les insurrections, Bahey El Din Hassan fait remarquer que les révolutions
ont malgré tout atteint des résultats très positifs, en particulier le fait que la lutte commune pour la
liberté, la dignité et l’égalité a réussi à abattre le mur de la peur qui paralysait tant de gens.

Compte tenu de la révolution avortée au Bahreïn, la menace de guerre civile en Syrie, le règne
des chefs de guerre et des milices en Libye et le recul que représente l’élection présidentielle en
Égypte, la Tunisie offre la seule note relativement positive dans ce panorama peu encourageant,
même si plusieurs menaces planent sur le processus de démocratisation. Le faible bilan des
avancées démocratiques que l’on observe dans la foulée du printemps arabe peut s’expliquer par
plusieurs facteurs :

    •    Les révolutions ont été des mouvements spontanés, non planifiés et sans véritable
         leadership. Ceci a rendu difficile la réalisation des attentes des populations.

    •     Dans certains pays, le régime en place a mis en œuvre une stratégie qui lui a permis de
         contourner les demandes de changement en profondeur. L’exemple le plus probant est
         le Maroc où l’institution royale a saisi l’initiative et sapé l’élan du Mouvement du
         25 février.

    •    Dans nombre de pays, les organes de sécurité sont enracinés dans les structures
         étatiques ou tribales; ils ont pu ainsi conserver la réalité du pouvoir même après la chute
         du parti unique.

    •    La société civile, les ONG, les syndicats, les organisations de jeunesse, les bloggeurs,
         les médias indépendants, etc. ont commis de nombreuses erreurs, notamment:

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   14
o   La force que représentaient les alliances et intérêts régionaux et locaux n’a pas
                 été suffisamment prise en compte par la société civile en Syrie, au Bahreïn et au
                 Yémen. Dans ce dernier pays, les acteurs de la société civile ont sous-estimé le
                 poids d’Al-Qaïda dans la région et les réactions de la communauté internationale
                 à cette présence.

             o   Les acteurs de la société civile qui ont joué un rôle de premier plan dans les
                 mouvements révolutionnaires manquaient généralement d’une stratégie claire et
                 leur tendance à idéaliser la révolution reflétait un manque de réalisme.

Le printemps arabe a modifié sur bien des aspects les plans d’action et stratégies des
organisations pro-démocratiques et de défense des droits de l'Homme, qui ont dû repenser leur
combat et leurs stratégies. Auparavant, la lutte était dirigée contre les régimes autoritaires et la
complaisance de la communauté internationale à l’égard de ces derniers. Maintenant, ces
organisations doivent ajouter à ce combat la lutte contre l’hégémonisme de mouvements religieux
radicaux. Selon Bahey El Din Hassan, les priorités d’action compte tenu du nouveau contexte
pourraient être les suivantes :

       Réforme de la loi, de la justice et des politiques sécuritaires.

       Adoption de nouvelles lois permettant de pérenniser des acquis de la révolution,
        notamment des lois consacrant la liberté d’association, la liberté d’expression, la liberté
        de presse et la levée de l’état d’urgence.

Radwan Ziadeh

Dans la première partie de sa présentation, Radwan Ziadeh lance un appel à une plus grande
collaboration des acteurs de la société civile durant cette phase de transition. Il termine sa
présentation en formulant un certain nombre de recommandations concernant la situation en
Syrie.

Soulignant avec force que la société civile doit se structurer et s’organiser davantage, Radwan
Ziadeh met en lumière un certain nombre d’aspects du processus de transition qui devraient
retenir plus particulièrement l’attention de la société civile :

       Le débat public sur la législation régissant les partis politiques, le processus électoral, les
        associations et les fonctions présidentielles et parlementaires, qui sont toutes des
        questions cruciales dans le cadre d’un processus de transition démocratique.

       Dans les pays où le processus de réforme constitutionnelle est déjà amorcé, le mandat
        de rédiger une nouvelle constitution a été confié soit à un groupe d’experts, soit à une
        assemblée constituante. Dans le premier cas, on ne prévoit généralement pas une
        participation de la société civile, et dans le deuxième cas, on ne fait pas assez appel à
        des experts et le processus se limite à un débat entre partis politiques sur les valeurs et
        la répartition des pouvoirs. Il importe que la société civile surmonte ses divisions internes
        pour être en mesure d’intervenir et faire entendre sa voix dans le processus d’élaboration
        d’une constitution, qui ne doit pas être l’apanage des partis politiques.

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   15
S’agissant de la situation en Syrie, Radwan Ziadeh insiste sur le fait qu’il faut soutenir les
initiatives en matière de responsabilisation afin que la culture d’impunité qui prévaut dans ce pays
ne perdure pas. On parle déjà de l’intervention possible de la Cour pénale internationale et il
faudrait étudier d’autres moyens pour traduire en justice les criminels de guerre en collaboration
avec les associations sur le terrain.

Discussion

Justice transitionnelle - une question prioritaire?

L’accent mis par les intervenants sur le rôle de la société civile face au processus de transition et
de démocratisation a permis d’ouvrir un débat sur la place de la justice transitionnelle dans les
priorités d’action des mouvements de défense des droits de l'Homme.

Certains sont d’avis que la justice transitionnelle requiert des institutions démocratiques stables
et un environnement politique serein, faisant valoir que lancer le processus avant que ces
conditions soient réunies risque d’assurer l’impunité des criminels ou de donner la fausse
impression que la justice est la solution à tous les problèmes.

En réponse à cela, d’autres participants soulignent que des initiatives de justice transitionnelle au
cours du processus de transition auraient l’avantage de favoriser l’éclosion d’une culture de la
justice, compte tenu du fait que la justice transitionnelle permettrait de rétablir la légitimité des
institutions de l’État aux yeux des populations.

Une société civile en pleine diversification

Alors que les présentations des intervenants ont porté surtout sur la réponse de la société civile
aux processus de transition politique, la discussion a porté davantage sur l’adaptation et la
réponse des mouvements des droits de l'Homme aux processus de transition et de diversification
que traverse la société civile même.

Le processus de transition dans les pays du sud n’est pas seulement de nature politique, il
concerne l’ensemble de la société, l’économie, la structure familiale, l’identité religieuse, etc. Les
acteurs de la société civile se diversifient, tant sur le plan de l’âge que de leur origine et leur
localisation, et maintes organisations existantes sont touchées par un processus de
restructuration et parfois même de décomposition. Les participants ont discuté de la réponse
possible du mouvement des droits de l'Homme à cette nouvelle diversification tout azimut:

       Il a été noté qu’on manquait de connaissances sociologiques et anthropologiques sur les
        sociétés du sud. Il a été proposé que le REMDH mette sur pied des programmes de
        recherche qui compileraient et diffuseraient des données sur les processus de transition
        qui se déroulent dans les pays du sud.

       Eu égard aux restrictions auxquelles les sociétés du sud ont été soumises sous la férule
        des régimes autoritaires, ces sociétés manquent d’une culture organisationnelle. On a
        proposé de lancer des initiatives de renforcement des capacités afin de mieux
        structurer et de renforce les organisations.
        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   16
   Il a été proposé d’encourager le réseautage et les échanges horizontaux avec les
        pays de l’Europe centrale et orientale afin de tirer profit de l’expérience que ces pays ont
        acquis durant leurs propres phases de transition. Il serait utile de nouer des liens avec
        les organisations de ces pays qui œuvrent dans le domaine des droits des minorités, du
        développement et des droits de l'Homme et de tirer profit de leur expérience en matière
        de renforcement des capacités organisationnelles, de gestion de la diversité et de
        collaboration avec les militants sur le terrain.

        On a souligné que le REMDH devait se pencher davantage sur la manière de gérer la
        diversité. Tout comme au cours des sessions antérieures, on a fait état de l’élitisme
        perçu du mouvement de défense des droits de l'Homme. On a fait remarquer que
        l’efficacité de l’action du mouvement souffre tant de l’écart générationnel que de la
        centralisation excessive. Le mouvement devrait s’efforcer de collaborer davantage avec
        les acteurs locaux dans les régions éloignées ou marginalisées. Il y aurait également lieu
        de collaborer davantage avec les acteurs qui appartiennent à la jeune génération et de
        les intégrer à l’action du mouvement de défense des droits de l'Homme.

       Au cours de plusieurs sessions, le débat sur les transitions et la diversification des
        opinions et des acteurs de la société civile a souvent débouché sur la question de la
        réponse du mouvement des droits de l'Homme à la montée en puissance des partis
        islamistes.

Bahey El Din Hassan a effleuré la question lorsqu’il a défini la lutte pour contrer l’hégémonisme
des groupements religieux radicaux comme devant être un nouveau cheval de bataille du
mouvement des droits de l'Homme. Toutefois, plusieurs voix se sont élevées contre la tentation
de percevoir les acteurs islamistes comme un bloc monolithique, et tous hostile aux droits de
l'Homme. Elles étaient d’avis qu’il fallait rester ouvert à la diversité du discours des islamistes et à
la collaboration avec les islamistes les plus modérés. On a souligné en outre qu’il y aurait lieu de
tenir compte de l’écart possible entre la stratégie des acteurs islamistes dans leurs discours et
leurs actions menées en pratique.

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   17
DROITS CIVILS ET POLITIQUES
        LES DÉFIS, ET LA RÉPONSE QUE DOIVENT Y APPORTER LES
         ORGANISATIONS DE DÉFENSE DES DROITS DE L’HOMME

Les soulèvements et moments révolutionnaires survenus dans le monde arabe ont bouleversé
l’échiquier politique dans nombre de pays du sud et de l’est méditerranéen. De nouvelles forces
politiques détiennent maintenant le pouvoir, de nouveaux mouvements sociaux de même que de
nouveaux acteurs de la société civile ont fait leur apparition. La situation des droits de l'Homme
s’est débloquée et de nouveaux enjeux ont surgi. Quels sont maintenant les principaux défis au
chapitre des droits civils et politiques et comment les organisations des droits de l'Homme
doivent-elles s’y prendre pour tenter de les surmonter?

Joe Stork

Prenant comme point de départ les processus de transition dans le monde arabe, Joe Stork fait
ressortir les facteurs qui doivent être pris en considération pour faire avancer la démocratisation
dans la région.

Minorités

Soulignant que la possibilité pour chacun d’exercer ses droits civils et politiques est un élément
essentiel du jeu démocratique, Joe Stork rappelle que la sauvegarde des droits des minorités doit
être une priorité. À cet égard, la loi de la majorité, principe démocratique légitime, peut créer des
tensions quand vient le temps de faire respecter les droits des minorités.

Le rôle des médias

Les medias sociaux et la télévision par satellite ont battu en brèche le monopole d’État sur
l’information. Cela dit, les réseaux d’information étatiques subsistent et poursuivent parfois leur
travail de désinformation et mésinformation. Il est donc important de trouver la bonne façon de
transformer les médias d’État actuels en authentiques services de radiodiffusion publique.

Les libertés

Une des séquelles des moments révolutionnaires est une plus grande ouverture en matière de
liberté d’association et d’expression.

Toutefois, les espérances déçues risquent d’entraîner une augmentation des manifestations en
Tunisie et en Égypte, ce qui risque de mettre à mal le droit à la liberté de réunion, compte tenu du
fait que le degré de tolérance des nouveaux gouvernements aux mouvements de rue semble être
peu élevé.

        Séminaire EuroMed | Le mouvement de défense des droits de l’Homme face aux nouveaux défis   18
Gamal Eid

Gamal Eid à souligné trois aspects qui, selon lui, sont d’une grande importance:

                Il est important de souligner le lien étroit entre les droits civils et politiques,
                 d’une part, et les droits économiques et sociaux, d’autre part.

                La question de l’islamophobie doit être abordée, de même que les craintes que
                 font naître les partis islamistes tant en Europe que dans les milieux laïques du
                 Sud. Les partis politiques islamistes doivent être autorisés à participer aux
                 élections et à la vie politique.

                Les organisations de défense des droits de l'Homme ne doivent pas seulement
                 promouvoir et défendre les droits de l'Homme, ils doivent en outre travailler
                 activement à l’enracinement de sociétés démocratiques.

Discussion

Les discussions se sont concentrées sur les points soulevés dans les présentations, tout en
empiétant également sur l’atelier sur les sociétés civiles en transition, notamment en discutant
des moyens à prendre pour sauvegarder les droits civils et politiques en période de transition.

Les organisations de défense des droits de l'Homme doivent conserver une approche non
partisane qui garantit le respect des droits de tous, y compris des personnes soupçonnées de
graves violations des droits.

Par ailleurs, une réforme en profondeur de la police et des services de sécurité doit être une
priorité compte tenu des liens qui existent avec d’autres sujets comme la torture, les conditions
de détention, la liberté de réunion, etc. À cet égard, il est indispensable que le pouvoir civil exerce
le contrôle ultime sur les forces armées et les services de sécurité.

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