17 mars 1560 : l'échec de la Conjuration d'Amboise
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Publié le 23 février 2021(Mise à jour le 23/02) Par Louis Fraysse 17 mars 1560 : l’échec de la Conjuration d’Amboise L’échec de cette conspiration et la brutalité de sa répression préfigure les guerres de Religion dans le royaume de France. Lorsque le jeune François II monte sur le trône de France, en juillet 1559, après la mort accidentelle de son père Henri II, la ferveur réformée s’est emparée du royaume. Les missionnaires envoyés de Suisse par Calvin, à partir de 1555, “dressent” partout des Églises : on en compte bientôt 2000 pour quelque deux millions de fidèles. La fièvre gagne les plus hautes sphères de l’État : un prince du sang, Louis de Condé, se convertit, tout comme l’amiral de Coligny. Pour l’historien Denis Crouzet, cette percée du protestantisme se déroule dans une sorte de “frénésie du désangoissement”, après des décennies marquées par une très forte angoisse eschatologique. Causée par la conviction de l’imminence de la fin des temps, cette dernière est accentuée par le pressentiment de la colère de Dieu vis-à-vis d’une humanité “plus pécheresse que jamais”. La diffusion rapide du protestantisme, dans cette optique, se déroule dès lors dans un climat de “desserrement des peurs”. Car les convertis ont une certitude, note encore le chercheur : après le temps des ténèbres, “celui de la lumière de l’Évangile
accessible à tous et à toutes est venu”. Un signe de la Providence Alors que les assemblées clandestines et provocations iconoclastes se multiplient, la mort de Henri II apparaît aux réformés les plus exaltés comme un signe de la Providence, expliquent les historiens Hugues Daussy et Didier Boisson : “Dieu a manifesté sa colère contre un prince déterminé à s’opposer au triomphe inéluctable de la “vraie religion”.” L’avènement de François II semble alors inaugurer une nouvelle ère… mais cet enthousiasme s’éteint rapidement. Le pouvoir effectif est en effet aux mains du duc François de Guise et de son frère, le cardinal Charles de Lorraine. Deux ultracatholiques qui ont acquis une réputation de persécuteurs en Lorraine. Confrontés à l’hostilité du pouvoir royal, les protestants s’interrogent. Doivent-ils continuer d’obéir à un prince qui les opprime, et qui, ce faisant, va contre la volonté de Dieu ? “Pour les réformés, il ne peut être question de se révolter ouvertement contre le roi, surtout pour un motif confessionnel qui leur aliènerait même les catholiques les plus modérés, notent Hugues Daussy et Didier Boisson. Ce qu’il leur faut, c’est travestir leur opposition religieuse en une opposition politique.” L’influence des ducs de Guise Dans le viseur du “parti huguenot” se trouvent les ducs de Guise, dont le lignage n’a été naturalisé français qu’en 1506. Pour les réformés, il n’est pas normal que ces “étrangers” disposent d’une telle influence à la tête de l’État ; le jeune roi devrait plutôt s’appuyer sur les princes du sang pour gouverner. “Les Guise sont de surcroît accusés d’exercer, au nom du roi qu’ils manipulent, un pouvoir tyrannique et arbitraire, relatent les historiens. En se fondant sur ces arguments, les réformés peuvent affirmer qu’ils ne luttent pas contre le roi, mais contre ceux qui ont usurpé sa puissance, que le motif de leur révolte n’est pas religieux, mais politique et donc qu’il peut être partagé par tous, catholiques comme protestants.” Reste que les princes du sang sur lesquels les réformés portent leurs espoirs, Louis de Condé et son frère Antoine de Bourbon, roi de Navarre, ne semblent pas
prêts à conduire une action militaire. Afin de faire bouger les lignes, et malgré les appels à la prudence lancés de Genève par Calvin et Théodore de Bèze, plusieurs gentilshommes protestants décident alors de passer à l’action. Le château royal d’Amboise Le 17 mars 1560, sous la conduite de Jean du Barry, seigneur de La Renaudie, un groupe de nobles réformés tente de prendre d’assaut une porte d’Amboise, où la cour est installée. Le commando souhaite parvenir jusqu’au roi afin de lui remettre un texte dénonçant la tyrannie des Guise, intitulé Les Estats de France opprimez par la tyrannie de ceux de Guise, au Roy leur souverain seigneur. Par ce coup de force, rapporte Denis Crouzet, l’objectif des nobles protestants était de s’emparer par surprise de la personne du roi et simultanément de retirer toute autorité au duc de Guise et à son frère le cardinal de Lorraine “assimilés à des tyrans”. Mais la “Conjuration d’Amboise”, ou “tumulte d’Amboise” est un fiasco, suivi d’une répression particulièrement brutale. Certains conjurés sont noyés dans la Loire, d’autres pendus ou décapités, leurs cadavres exposés aux créneaux de la terrasse du château royal. Cette cruauté sera exploitée dans une campagne contre les Guise, orchestrée notamment par le pamphlétaire réformé François Hotman. Reste que pour l’historienne Arlette Jouanna, la Conjuration d’Amboise a surtout eu pour effet de ternir l’image des protestants aux yeux des catholiques et de rendre encore plus ardue la tâche des partisans de la paix dans le royaume. Quant au thème du roi manipulé par ses favoris et prisonnier de ses mauvais conseillers, il sera promis à une grande postérité, retracent Hugues Daussy et Didier Boisson : “les réformés français ne cesseront de l’employer comme bouclier jusqu’à la fin du siècle.” Sources : Les protestants dans la France moderne Didier Boisson et Hugues Daussy, Belin, 2006. Humanisme, Réformes et conflits religieux Denis Crouzet, La Documentation photographique, 2020.
À lire également : Protestantisme : qui était Gaspard de Coligny ? Iconoclasme : quand les protestants renversaient les statues Médecin, astrologue et prophète : qui était Nostradamus ? Publié le 9 avril 2020(Mise à jour le 9/04) Par Rédaction Réforme Pour Jean Calvin, la résurrection rend le corruptible incorruptible Dans la partie de son grand œuvre, “L’Institution chrétienne”, qu’il consacre à la résurrection, le réformateur Jean Clavin réaffirme sa foi en un Dieu capable de restituer un corps à chacun.
“Et même Dieu a confirmé cela aux Pères anciens, sous la Loi, par une cérémonie visible. La façon d’ensevelir a servi, comme nous l’avons vu, à montrer que les corps étaient mis au repos en attendant une vie meilleure. Cela a été signifié par les onguents aromatiques et autres figures d’immortalité ainsi que par les offrandes et autres choses semblables, qui suppléaient à l’obscurité de l’enseignement sous la Loi. La superstition n’a pas suscité cette coutume, puisque nous voyons que le Saint-Esprit insiste aussi nettement sur les sépultures que sur les principaux mystères de la foi. Jésus-Christ apprécie l’humanité de l’ensevelissement et considère celui-ci comme une chose digne d’être grandement recommandée (Matthieu 26,12); et cela, pour la simple raison que, par ce moyen, les yeux sont détournés du tombeau, qui engloutit et anéantit toutes choses et orientés vers le spectacle du renouvellement à venir. L’observation si soigneuse qu’en ont eu les patriarches, et dont on les loue, prouve bien que cela leur a été une aide précieuse pour nourrir leur foi. (…) Je vous le demande, si Jacob avait dû être revêtu d’un nouveau corps au dernier jour, son ordre d’avoir soin d’une masse de poussière destinée à la décomposition n’aurait-il pas été ridicule ? C’est pourquoi, si l’Écriture a envers nous l’autorité qu’elle mérite, il n’y aura aucune doctrine mieux fondée que celle-ci. Sobriété De plus, les mots de “résurrection” et de “ressusciter” l’indiquent, même pour les petits enfants, car nous ne dirons pas que ce qui est créé de nouveau ressuscite. Autrement, la parole de Jésus-Christ n’aurait aucun sens : “Que je ne perde rien de tout ce que le Père m’a donné, mais que je le ressuscite au dernier jour” (Jean 6,39). Le mot “dormir”, qui ne peut s’appliquer qu’aux corps, indique la même chose. De là vient le mot “cimetière”, qui signifie lieu où l’on dort. Je dois encore évoquer la manière de ressusciter. Je me propose de n’en donner que quelques petits éléments, parce que Paul, par le mot “mystère” nous exhorte à la sobriété et freine la liberté de spéculer de façon arrogante ou subtile. Tout d’abord, rappelons ce qui a été dit: nous ressusciterons avec la même chair que celle que nous avons aujourd’hui quant à la substance, mais pas en ce qui concerne la qualité. Cela sera comme pour la chair de Jésus-Christ: elle a été offerte en sacrifice et, ressuscitée, elle a eu une autre dignité et une autre
excellence en elle-même, presque comme si elle avait été changée. Paul le dit à l’aide d’exemples familiers : de même que la chair de l’homme et celle des animaux sont d’une même substance, mais pas d’une même qualité, que la matière des étoiles est une, mais leurs clartés différentes, de même, bien que nous conservions la substance de nos corps, un changement interviendra qui leur conférera une condition autre, plus noble. Ce corps corruptible ne périra donc pas et ne s’évanouira pas, il ressuscitera, mais il sera dépouillé de sa corruption pour recevoir l’incorruptibilité (I Corinthiens 15, 39-54). Seconde vie Comme Dieu a tous les éléments en son pouvoir, rien ne l’empêchera de commander à la terre, à l’eau et au feu de rendre ce qui semble avoir été consumé par eux. C’est ce qu’Ésaïe atteste: “Voici que l’Éternel sort de sa demeure pour châtier la faute des habitants de la terre ; et la terre découvrira le sang, elle ne couvrira plus ceux qui ont été tués” (Ésaïe 26, 21). II faut noter la différence entre ceux qui sont morts autrefois et ceux qui seront trouvés vivants à la parousie. “Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons changés” (1 Corinthiens 15, 51-52), c’est-à-dire qu’il n’y aura pas besoin de temps entre la mort et le début de la seconde vie, car en une minute de temps, et même moins que le temps d’un clignement d’œil, le son de la trompette s’entendra partout pour appeler les morts à revêtir un état d’incorruptibilité et pour reconstituer les vivants en une pareille gloire, par un changement soudain. Voilà comment, dans un autre lieu, Paul console les croyants qui doivent mourir: “Nous les vivants restés pour l’avènement du Seigneur, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis”, mais “les morts en Christ ressusciteront les premiers” (I Thessaloniciens 4.15-16).”
Publié le 30 octobre 2019(Mise à jour le 25/06) Par Gabriel de Montmollin Protestantisme : Luther et Calvin sont-ils devenus des saints ? Rompre avec les idolâtries, les vénérations d’images, de reliques ou autres objets chrétiens. Tel était le souhait de la Réforme au XVIe siècle. Qu’en reste-t-il ? La Réforme au XVIe siècle a voulu abolir le culte des saints considéré comme une superstition. Mais cette révolution culturelle a-t-elle été entendue dans toutes les couches des sociétés réformées ? Le regard distancié de Gabriel de Montmollin sur quelques paradoxes. Les Réformateurs n’abolissent pas la sainteté. Ils la démocratisent. Chacun peut être qualifié de saint dans son rapport à Dieu, à condition que sa foi admette la toute-puissance du Père, la seule médiation de Jésus-Christ et son propre statut d’imperfection. La Toussaint ne trouve pas grâce aux yeux de Luther, Zwingli ou Calvin. Pas de canonisation en régime protestant, ni martyrs, ni tous ces saints anonymes auxquels vont les prières de la communauté catholique le 1er novembre de chaque année. La dénonciation du commerce des indulgences par Luther, le 31 octobre 1517, a voulu porter le coup de grâce, si l’on peut dire, à une compréhension du monde où les vivants et les morts entretiennent des relations régulières, où l’on paye pour abréger le temps de purgatoire des défunts et où les saints interviennent pour activer ici-bas l’administration de la providence.
Relation personnelle avec Dieu La Réforme a pensé mettre un terme à ces échanges, non pas en abolissant l’existence de la communauté des morts mais en confessant que sa destinée est exclusivement entre les mains de Dieu. De là, cette lutte au début acharnée de la Réforme contre toutes ces médiations symboliques et rituelles qu’effectuent les images, les portraits, les objets ou les reliques dans l’Église romaine. Une grande majorité concernait les saints locaux. Leur suppression devait permettre l’avènement d’un nouveau régime religieux purifié de toute superstition et privilégiant désormais l’accès direct aux relations personnelles entre Dieu et le fidèle. Sur le papier, tout du moins, car dans les faits, la réalité a pris des libertés paradoxales. De son vivant, par exemple, Martin Luther (1483-1546) a été représenté plus de 500 fois par l’atelier des Cranach, à Wittenberg. Les tableaux le représentant ont pu ainsi essaimer dans l’Allemagne entière, s’accrocher aux murs des palais et des salons privés, mais aussi dans des églises, à la place de précédentes icônes évacuées au cours des premières campagnes iconoclastes.
Vignettes de Réformateurs, regroupées lors d’une exposition au MIR Le bois de lit de Luther Après sa mort, la production de ses portraits a pris des proportions industrielles au point que le Réformateur serait la figure la plus représentée de l’histoire allemande, largement devant… Hitler ! Et cet engouement mémoriel ne s’est pas arrêté là. Dès son décès, s’est intensifié le commerce de ses petits billets manuscrits sur lesquels il notait des versets bibliques. On prêtait à ces dédicaces des vertus spirituelles et médicales. Dans le même ordre d’idée, on a réduit en poudre le bois de son lit de mort pour en faire un médicament utilisé pendant longtemps… contre les rages de dents. Pour l’historienne Marion Deschamp, auteure d’un ouvrage passionnant consacré aux Mythologies luthériennes, si les lettrés protestants rejetaient clairement le culte des saints et la superstition, il n’en était pas de même des simples croyants, quand bien même convertis consciemment et dûment chapitrés. Du côté de Calvin et de la Réforme suisse, on partageait aussi le souci d’abolir les médiations surnuméraires et les risques de nourrir les pratiques religieuses
traditionnelles de l’Église romaine. On connaît l’extraordinaire Traité des reliques du Réformateur de Genève où il déplore qu’“au lieu de chercher le Christ en sa Parole, en ses Sacrements et en sa Grâce, on s’amuse à ses robes, ses cheveux et ses drapeaux”. Pour prévenir des pèlerinages sur sa tombe après sa mort, Calvin insista pour être enterré anonymement dans une fosse commune au cimetière de Plainpalais. À proximité se dressait un saule. Peu après son décès, les Genevois se mirent à concocter des tisanes bienfaisantes à partir du feuillage d’un arbre sanctifié par un tel voisinage. Chassez le surnaturel, il revient au triple galop. Dessin de Mix & Remix, tiré du livre de Chistopher Elwood, Calvin sans trop se fatiguer (Labor et Fides) Les Icones de Théodore de Bèze De son côté, la deuxième génération des Réformateurs comprit, qu’il fallait permettre aux fidèles de méditer la vie et les paroles des pionniers du protestantisme en utilisant, tout en les encadrant, les médiations traditionnelles. Ainsi, Théodore de Bèze publia en 1580 les Icones, 90 petites biographies des figures les plus importantes de la Réforme, dont 36 accompagnées de portraits gravés. On y reconnaît Martin Luther, Jean Calvin, Guillaume Farel et Ulrich
Zwingli, mais également Jan Hus, Savonarole et Érasme, ou encore François Ier et Michel de l’Hospital… Pour faire partie de cette dream team de la Réforme, une condition impérative : ne plus être de ce monde. Et afin de prévenir toute prière adressée à de telles icônes, le successeur de Calvin à Genève insista pour qu’aucun visage représenté ne regardât le spectateur dans les yeux. Il ne fallait pas que ce dernier eût d’autre bénéfice de sa contemplation que celui de méditer la modestie des Pères fondateurs et leurs combats contre la superstition. Luther en Playmobil En 2017, 750.000 exemplaires de la figurine à l’effigie de Martin Luther avaient été vendus par l’entreprise de jouet Playmobil®. Au Musée international de la Réforme (MIR) qui finance une partie de ses charges par les ventes de sa boutique, cet article a été providentiel cette année-là. Il suffit de se promener quelques heures à Wittenberg, ville emblématique de Luther au sud de Berlin, pour observer la fortune dégagée par la “mémorialisation” du “Grand” homme : bières, articles de sport, parapluies, eau-de-vie… Rien n’échappe à la créativité des marketers du lieu. Qu’aurait dit le Réformateur de cette sanctification, lui qui fut représenté par son ami Lucas Cranach en 13e participant de la sainte cène sur son magnifique retable dans l’église Sainte-Marie de Wittenberg ? “On peut se demander, s’interroge Marion Deschamp, ce qu’est devenu son message qui s’attaquait à l’ancienne économie de la foi et à la marchandisation des biens du salut, notamment à travers le trafic des indulgences, dans la réification de son image en article, non de foi, mais de vente…” Gabriel de Montmollin est directeur du Musée international de la Réforme à Genève La Toussaint, une fête catholique Le 1er novembre correspond à la Toussaint. Ce jour fait partie des principales fêtes du calendrier liturgique catholique avec Noël, Pâques, l’Ascension, la
Pentecôte et L’Assomption. C’est la fête de tous les saints, qu’ils figurent ou non dans le calendrier. La Conférence des évêques de France précise que c’est aussi « l’occasion de rappeler que tous les hommes sont appelés à la sainteté, par des chemins différents, parfois surprenants ou inattendus, mais tous accessibles ». Depuis qu’il est pape, François a autorisé la béatification de plus de 1 200 personnes à travers le monde. Le jour des morts, le 2 novembre, est dédié au souvenir des morts de la famille. Dans la tradition catholique, c’est l’occasion de faire un tour au cimetière pour fleurir les tombes. Tout comme la Toussaint, ce jour des morts n’est pas un concept protestant même si certaines familles se rendent au cimetière. Pour autant, des protestants ont gardé l’idée de commémorer leurs chers disparus. C’est le dernier dimanche de l’année liturgique, celui qui précède le 1er dimanche de l’Avent. Il est consacré à la mémoire des défunts autour du thème de la “Cité éternelle”. Ce jour-là, lors du culte, on fait mention des personnes décédées durant l’année écoulée, en proclamant l’espérance de la Résurrection. Quant au 31 octobre, c’est le jour de la Réformation. Nathalie Leenhardt Publié le 24 septembre 2019(Mise à jour le 26/09) Par Lauriane Vofo Kana
Jean Calvin honoré à Strasbourg Vendredi 20 septembre, le maire de Strasbourg, Roland Ries, et le président de l’EPRAL Christian Krieger, ont dévoilé des plaques en mémoire de Jean Calvin. Les rues de la Petite France, quartier historique de Strasbourg, arborent désormais des plaques commémorant les séjours strasbourgeois de l’une des plus grandes figures du protestantisme. Au niveau du presbytère du Bouclier, du presbytère de Saint-Thomas et d’une maison dans la ville, les passants pourront suivre les traces de Calvin. « Le projet n’est pas neuf, la Ville y travaille depuis plusieurs mois déjà », raconte Christian Krieger. Le réformateur picard a résidé dans ces trois lieux à quelques années d’intervalle. De 1538 à 1540, le pasteur Martin Bucer a accueilli Calvin dans sa maison rue de Salzmann. En visite en mai 1545, le réformateur installé à Genève, loge chez le doyen du chapitre Saint-Thomas. À quelques pas, située face à l’église du Bouclier, se trouve la maison où Calvin et son épouse Idelette de Bure auraient vécu de 1540 à 1541. Une figure européenne “La Ville, et notamment Jean-François Kovar en charge du patrimoine, était à l’initiative du projet. Elle nous a associé dans un second temps”, précise Christian Krieger. Le conseil synodal de l’Église protestante réformée d’Alsace et de Lorraine (EPRAL) a de ce fait rédigé le texte des plaques. “La mairie voulait valoriser la mémoire de Calvin. Durant les trois années de son séjour, il était acteur de l’histoire de la cité, estime le président de l’EPRAL. Chacun peut reconnaître le caractère décisif de ce séjour dans le devenir du réformateur français.” Autre motif de fierté pour lui, “Dans sa charge pastorale auprès de la communauté des réfugiés de langue française, Calvin a découvert et expérimenté bien des choses. Il a vécu sa première expérience comme chef de communauté ici à Strasbourg, il s’y est marié. Il a versifié des psaumes pour le chant de l’assemblée, rédigé des prières, prêché… Historiquement, la première paroisse calviniste de France se trouve à Strasbourg.” Les trois années strasbourgeoises de Calvin sont en effet fécondes. Enseignant de
théologie et de droit à la Haute-école, il partage son temps entre sa mission pastorale, ses étudiants et la rédaction de nombreux ouvrages. On peut citer la deuxième édition latine de l’Institution de la religion Chrétienne (1539) et la première édition française (1541). L’installation de plaques commémoratives rappelle l’horizon européen de la réforme strasbourgeoise ainsi que le caractère hospitalier de la cité alsacienne, alors considérée comme ville refuge. Une relation privilégiée La démarche portée par la mairie témoigne également d’une relation apaisée avec l’EPRAL. “Les Églises n’ont pas porté l’initiative à la mairie, elle en était l’instigatrice. Cela montre combien le culte et la Ville peuvent se parler pour valoriser l’histoire religieuse, “ souligne Christian Krieger. Il reconnaît volontiers un lien privilégié : “La démarche en surprendrait plus d’un ailleurs en France. Pour nous c’est une réalité auquel le régime concordataire n’est pas étranger.” Pèlerins et touristes pourront découvrir les nouvelles plaques pour s’élancer sur les pas de Jean Calvin. Avant de rejoindre un autre lieu symbolique qui n’a pas été retenu, le Gymnase Jean Strum où se trouve la chaire de Calvin. Publié le 4 septembre 2019(Mise à jour le 4/09) Par Caroline Bauer
Série “La Bible et l’argent” (2/6) : Jean Calvin et l’argent La lecture de la Bible a donné lieu à différentes éthiques chrétiennes concernant l’argent. Cette semaine, voyons la manière dont Jean Calvin envisageait la question. “Celui qui aura reçu plus de dons de Dieu, s’il n’en rapporte un plus grand revenu au Seigneur, aura commis un abus en profanant la grâce de Dieu […] ; cela lui sera bien cher vendu.” Jean Calvin, Commentaires du Nouveau Testament sur Luc 12,48 Nous avons évoqué la semaine dernière la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche, et la façon dont ce texte a pu être interprété comme une invitation à se dépouiller radicalement de ses biens. Rappelons le passage, relaté par Matthieu, Marc et Luc. Jésus rencontre un jeune homme cossu qui l’interroge sur ce qui lui manque pour avoir la vie éternelle. À l’issue de la rencontre, Jésus répond : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi ! » (Mt 19, 21) Dans ses commentaires sur le Nouveau Testament, Jean Calvin (1509-1564) se démarque de tout appel à renoncer aux richesses : « De laisser les richesses, ce n’est pas une vertu en soi, mais plutôt une vaine ambition. » Il prend pour l’exemple Cratès de Thèbes, philosophe cynique né au IVe siècle avant J.-C. Ce dernier, dit-il, était respecté pour avoir jeté à la mer ses richesses et tout son argent, et avoir choisi la pauvreté. Mais Calvin répond qu’il aurait mieux fait de donner aux pauvres ce qu’il pensait lui être superflu : « Celui qui se prive, et les autres aussi, de l’usage de quelque argent, ne mérite aucune louange. »
Pas de pauvreté radicale Pourquoi le laboureur, qui vit de son travail et en nourrit sa famille, devrait-il vendre tout ce qu’il possède alors qu’aucune nécessité ne l’exige ? « Quand donc nous garderons ce que le Seigneur nous a mis entre les mains, pourvu que nous [nous] en nourrissions ainsi que notre famille sobrement et honnêtement, [et que] nous en élargissions quelques portions aux pauvres, voilà une plus grande vertu que de dissiper et abandonner tout. » La critique de Calvin contre ceux qui choisissent une vie de pauvreté radicale est double. D’abord il s’oppose à l’idée, courante à l’époque, que le moine, en renonçant à l’insertion ordinaire dans la vie sociale, atteint un état de perfection supérieur. Mais, plus pertinent encore pour notre propos, il s’attaque à une attitude qui consiste à renoncer à toute responsabilité personnelle de participer à la production des biens et des services nécessaires à tous : « Ils s’engraissent aux dépens des autres sans travailler. » Tout nous vient de Dieu Lorsqu’il commente la parabole des talents (Mt 25 ou Lc 19), Calvin pose, comme fondement, que tout nous vient de Dieu, les grâces spirituelles comme les biens, les capacités, les moyens d’agir : « Il n’y a ni puissance, ni industrie ou dextérité, qu’on ne doive reconnaître venir de Dieu. » Mais ces dons engagent l’être humain à travailler pour qu’ils portent du fruit : « (…) quelques dons que le Seigneur nous ait octroyés, sachons que cela nous est confié en garde comme de l’argent, afin qu’il en revienne quelque gain et profit. » Dieu donne ainsi à chacun le moyen de le servir en servant la société. « Il n’y a pas état plus louable devant Dieu que celui qui apporte quelque profit à la société commune des hommes. » L’être humain n’a aucune raison de se détourner de l’argent, mais il doit en tirer le meilleur parti pour tous. Certes la cupidité est dénoncée sans appel, comme une « peste mortelle » par laquelle l’homme se soustrait à la souveraineté divine, car « l’avarice nous rend toujours esclaves du diable », écrit-il en commentant Matthieu 6,24 : « Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’Argent. »
L’argent comme épreuve Pourtant l’argent, parce qu’il représente un danger, est une forme d’épreuve, une école pour apprendre la fidélité. « Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’Argent trompeur, qui vous confiera le bien véritable ? » écrit Calvin au sujet de la parabole de l’intendant habile (Luc 16,11). Celui qui ne sera pas fidèle à Dieu avec les richesses de ce monde ne se montrera pas digne de l’Évangile. Comme les richesses sont dangereuses et peuvent nous perdre, « il nous faut les faire servir à une fin toute contraire », servir le bien, permettre le don et le partage. Pour Calvin, il n’y a pas d’attitude neutre envers l’argent. Dans la manière d’en faire usage, l’homme a une responsabilité propre. Il doit faire en sorte que l’argent serve à une prospérité partagée, à une communion entre les humains, à une reconnaissance commune de Dieu comme source de toute grâce, tout en s’appliquant à rester soi-même sobre et modeste. Il aura à rendre compte de la façon dont il s’est engagé dans cette voie. L’éthique de la responsabilité Nous pouvons retrouver des propositions concordantes dans la position défendue par Jacques Ellul dans son ouvrage L’homme et l’Argent, publié dans les années 1950. L’auteur est marqué par la puissance que l’argent a acquis au XXe siècle et son analyse est orientée par une nécessité d’un combat spirituel face à la toute- puissance de l’argent. Ses préconisations répondent à ce souci d’assumer notre responsabilité individuelle pour que l’argent serve à profaner la puissance de Mamon : refus de l’épargne lorsqu’elle est destinée à assurer notre sécurité et notre confort, engagement fort dans le don par opposition à la logique du donnant-donnant, introduction de la gratuité au cœur de la logique marchande. Cette éthique de la responsabilité personnelle fait de l’argent un signe, un marqueur de notre engagement envers Dieu et envers le prochain. À lire :
Commentaires de Jean Calvin sur le Nouveau Testament (tome 1), Meyrueis, 1854. L’Homme et l’Argent Jacques Ellul Delachaux et Niestlé, 1954. Publié le 10 juillet 2019(Mise à jour le 26/07) Par Roland Meyer Jean Calvin naissait il y a 510 ans Le 10 juillet 1509, il y a tout juste 510 ans, naissait Jean Calvin, père de la Réforme protestante en France. Le 10 juillet 1509, Jean Calvin naît à Noyon, en Picardie. Son père veut orienter le jeune homme vers la prêtrise, mais c’est finalement des études de droit que le jeune Calvin fera à Orléans puis à Bourges. Après la mort de son père, il se tourne résolument vers la théologie. C’est en 1534 qu’il se sépare de l’Église catholique.
Exil en Suisse er En 1534, sous les coups de la persécution de François I à l’égard des protestants, il s’exile en Suisse. Sur la route, il séjourne à Genève, d’où il est aussi chassé avec Guillaume Farel. Les deux hommes s’étaient opposés au gouvernement de la ville pour des raisons liées à l’autorité de l’Église et de l’État. Il s’établit alors à Strasbourg, où il est pasteur et professeur ; c’est là qu’il épouse Idelette de Bure. En 1541 paraît, en français, l’Institution chrétienne publiée jusque là en latin. Pendant ce temps, le gouvernement de la ville de Genève change et Calvin est rappelé afin d’y poursuivre son œuvre réformatrice. L’affaire Michel Servet Le caractère entier de Calvin ne tolère pas l’approche dogmatique non trinitaire de l’espagnol Michel Servet (1511-1553). Ce médecin, théologien et humaniste est recherché pour hérésie par l’Inquisition. Pensant trouver refuge à Genève, il y est arrêté puis condamné. Il sera brûlé vif en 1553 et Calvin ne fera rien pour l’empêcher. Calvin crée l’Académie de Genève en 1559, que le français Théodore de Bèze dirigera. Alors que Jean Calvin s’éteint suite à un travail difficile et épuisant, le 27 mai 1564, la Réforme se poursuit en terre genevoise et bien au-delà de ses frontières. La doctrine de la prédestination À travers son œuvre, Calvin aura insisté sur le fait que le salut de l’humanité dépend de Dieu et non des hommes. Il a développé le concept de la double prédestination : les uns sont prédestinés au salut, les autres à la perdition : « Dieu a une fois décrété par son conseil éternel et immuable, lesquels il voulait prendre à salut, et lesquels il voulait vouer à la perdition » (1). Les autres réformateurs ne suivent pas Calvin sur cette question, pensant plutôt que Dieu prédestine l’homme au salut. L En outre, les intuitions et réflexions de Calvin ont révolutionné l’organisation de
l’Église, la perception des sacrements, le statut des pasteurs et des laïcs, le rôle des femmes, le mariage, la conception de la famille… (1) Institution, III, XXI, 7. Propos recueillis par Claire Bernole Mieux connaître Calvin Voici quelques uns des très nombreux articles publiés par Réforme sur le grand homme, sur sa vie, ses intuitions, ses réalisations, ses controverses… [cl_row][cl_column width=”1/2″][edgtf_post_layout_four number_of_posts=”4″ category_id=”0″ author_id=”0″ thumb_image_size=”original” display_pagination=”no” post_in=”43710,57132,49441,49057,”][/cl_column][cl_column width=”1/2″][edgtf_post_layout_four number_of_posts=”4″ category_id=”0″ author_id=”0″ thumb_image_size=”original” display_pagination=”no” post_in=”48950,55933,49301,49161″][/cl_column][/cl_row]
Publié le 21 juin 2019(Mise à jour le 3/07) Par Antoine Nouis Luthériens et Calvinistes, quelles différences ? Au début du seizième siècle, nous assistons à un phénomène de synchronicité étonnant. Deux mouvements analogues apparaissent en même temps, dans deux lieux différents, sans aucun lien. Luther en Allemagne et Zwingli en Suisse sont nés à un an de différence et ils ont en commun de plaider pour un retour à l’Evangile en s’élevant contre le commerce des indulgences et en s’opposant au célibat obligatoire des prêtres. Les deux réformes, allemande et suisse, auraient pu se rejoindre. Un colloque est organisé à Marbourg en 1529 auquel participent Luther et Zwingli. Une liste de quinze questions est à l’ordre du jour. Les deux réformateurs se sont mis d’accord sur quatorze d’entre elles, mais ils n’ont pas réussi à s’entendre sur le dernier point qui concerne la cène. Calvin après Zwingli Suite à l’échec du colloque de Marbourg, les Églises luthériennes et réformées se sont développées chacun dans sa tradition. Comme Zwingli meurt quelques mois plus tard (1531), son mouvement est structuré théologiquement par Jean Calvin. On ne parle pas d’Église calviniste, car Calvin n’est pas à l’origine du mouvement, mais d’Église réformée. Aux États-Unis, elle prendra le nom d’Église presbytérienne. La théologie de la grâce Luther d’un côté et Zwingli puis Calvin de l’autre sont proches théologiquement et spirituellement, mais présentent des différences d’accentuation. Luther a été bouleversé par la grâce de Dieu qui est à ses yeux le renversement de l’Évangile. Dieu nous aime et nous voit juste, non parce que nous le méritons, mais parce que Jésus-Christ nous rend justes. C’est à partir de cet a priori que nous pouvons
poser des actes de justice. La vie bonne et droite n’est pas la cause du salut, mais sa conséquence. Luther relit toute la vie chrétienne à partir de ce principe fondateur. L’autorité des Ecritures Le point de départ de Zwingli est un peu différent, c’est l’autorité des Écritures. Il s’est appuyé sur la Bible pour s’opposer à l’Église de son temps. Après lui, Calvin reconstruit toute une théologie qu’il déploie dans son livre principal, L’Institution de la religion chrétienne, à partir de sa lecture de la Bible, Ancien et Nouveau Testament. Les deux approches sont voisines, mais la différence permet d’expliquer des accentuations divergentes. Nous en pointerons trois. Trois différences Sur la cène, Luther est attaché à la présence du Christ dans le pain et le vin comme signe du don de Dieu pour l’humain. Pour Calvin, la présence est plus symbolique. Sur la politique, les réformés sont plus soucieux de changer la société vers plus de justice, selon les exigences de la Bible. Les luthériens insistent plus sur la piété personnelle. Sur la connaissance de Dieu, les réformés affirment que nous pouvons trouver une pré compréhension de Dieu dans la nature et les autres religions. Les luthériens pensent qu’en dehors du Christ, on ne peut rien dire de Dieu. Ces différences d’accentuation relèvent d’une saine diversité qui ne remet pas en cause le centre de la foi, ce qui permet aux luthériens et aux calvinistes de pouvoir se retrouver sans problème dans la même Église. En France, il s’agit de l’Eglise protestante unie de France, née en 2013.
Publié le 21 juin 2019(Mise à jour le 24/06) Par Louis Fraysse Les protestants fêtent–ils les saints ? Luther et Calvin ont tous les deux condamné le culte rendu aux intercesseurs auprès de Dieu, dont les saints. Les protestants refusent le culte des saints et ne souhaitent les fêtes liés aux prénoms. Pour quelles raisons ? Martin Luther, qui se fonde sur l’Épître de Paul aux Romains, affirme que l’Homme est incapable d’œuvrer seul pour son salut, car il reste sous l’emprise du péché originel. La grâce seule Pour le Réformateur protestant, seule la grâce de Dieu (sola gratia) décide du salut des âmes. Luther est également influencé par les écrits de saint Augustin sur l’action toute-puissante de la grâce divine. Pour témoigner de sa confiance envers le dessein de Dieu, le chrétien n’a que la foi (sola fide).
Pour Luther, celui qui reçoit la foi est donc prédestiné à être sauvé gratuitement ; il lui est donc inutile de se préoccuper du salut de son âme. Il ne peut rien y faire, il n’ a pas à “gagner” son paradis par les œuvres. Cette approche théologique doit venir comme une réponse à l’angoisse des chrétiens, alors obsédés par leur salut, comme le montrent l’augmentation du commerce des indulgences et la crainte du purgatoire. De Luther à Calvin De cette conviction que la volonté de Dieu décide seule du salut des âmes, le culte rendu aux intercesseurs – les saints et la Vierge – est donc inutile. Il en va de même du culte des images, de celui des reliques et aussi des prières pour les morts. Jean Calvin nie lui aussi toute influence humaine dans le salut de l’âme et dénonce le culte des saints. « De toutes telles fariboles, écrit-il dans l’Institution de la religion chrétienne (1536 pour la première édition), on n’en trouvera point une seule syllabe dans l’Écriture. » Louis Fraysse (Source : Les protestants dans la France moderne, Didier Boisson et Hugues Daussy, Belin, 2006)
Publié le 12 juin 2019(Mise à jour le 14/06) Par Louis Fraysse Les protestants fêtent–ils les saints ? Luther et Calvin ont tous les deux condamné le culte rendu aux intercesseurs auprès de Dieu, dont les saints. Les protestants refusent le culte des saints et ne souhaitent les fêtes liés aux prénoms. Pour quelles raisons ? Martin Luther, qui se fonde sur l’Épître de Paul aux Romains, affirme que l’Homme est incapable d’œuvrer seul pour son salut. Il reste en effet sous l’emprise du péché originel. Pour le Réformateur protestant, également influencé par les écrits de saint Augustin sur l’action toute-puissante de la grâce divine, seule cette dernière (sola gratia) décide du salut des âmes. Pour témoigner de sa confiance envers le dessein de Dieu, le chrétien n’a que la foi (sola fide). Selon Luther, celui qui reçoit la foi est donc prédestiné à être sauvé gratuitement. Il lui est donc inutile de se préoccuper du salut de son âme, puisqu’il ne peut rien y faire. Cette approche théologique doit venir comme une réponse à l’angoisse des chrétiens, alors obsédés par leur salut. Preuves de cette très vive inquiétude : l’augmentation du commerce des indulgences et la crainte du purgatoire.
De Luther à Calvin De cette conviction que la volonté de Dieu décide seule du salut des âmes, le culte rendu aux intercesseurs – les saints et la Vierge – est donc inutile. Il en va de même du culte des images, de celui des reliques et aussi des prières pour les morts. Jean Calvin nie lui aussi toute influence humaine dans le salut de l’âme et dénonce le culte des saints. « De toutes telles fariboles, écrit-il dans l’Institution de la religion chrétienne (1536 pour la première édition), on n’en trouvera point une seule syllabe dans l’Écriture. » Louis Fraysse ( sources : Les protestants dans la France moderne Didier Boisson et Hugues Daussy, Belin, 2006) Publié le 4 juin 2019(Mise à jour le 5/06) Par Claire Bernole Qui sont les réformateurs
protestants ? Martin Luther a initié la Réforme. Plusieurs autres grandes figures se sont inscrites dans son prolongement. Martin Luther (1483-1546) est un moine allemand. C’est aussi le plus important des Réformateurs dans la mesure où il déclenche le mouvement. Il publie 95 thèses dans lesquelles il dénonce notamment les Indulgences (permettant d’acheter son salut). Nous sommes alors en 1517. Cet événement amène un esprit de liberté et d’indépendance vis-à-vis de la hiérarchie catholique : l’être humain est seul responsable face à Dieu. Un autre de ses apports qui démontrera son importance est le sacerdoce universel. Luther reprend des passages de Paul affirmant que chaque être humain est prêtre et n’a besoin d’aucun ecclésiastique pour connaître et comprendre la parole de Dieu. Aussi, marié ou non, son état n’empêche pas sa vocation au service de l’Église de s’accomplir. Le Réformateur centre tout sur Jésus, à la fois rédempteur et sauveur. La notion de grâce telle qu’il la conçoit – c’est-à-dire idée que tout homme est à la fois pécheur et sauvé – est en rupture avec la logique catholique de l’époque. Sa position vis-à-vis du judaïsme a malheureusement marqué son parcours. S’il l’a considéré dans un premier temps comme la matrice du christianisme, il était franchement antisémite durant ses dernières années. Ses théories ont été e utilisées par le III Reich. Jean Calvin (1509-1564) est un théologien français. Son ouvrage le plus connu est Institution de la religion chrétienne. C’est une somme qu’il a faite évoluer au fur et à mesure des années. Calvin poursuit la réflexion de Luther en affirmant la primauté de la grâce de Dieu sur toute autre chose. Il affirme aussi la primauté de Dieu sur l’Église en tant qu’institution, sur la Tradition et même sur l’Écriture. La rupture est alors totale avec le catholicisme. Calvin considérait le travail comme une façon de rendre grâce à Dieu. Lui aussi a beaucoup centré son étude sur le Christ sauveur. On parle de christologie. Hélas, le conflit avec Michel Servet jette une ombre sur le portrait du
Réformateur. L’homme, qui était aussi de tradition protestante, affirmait qu’il n’y avait pas de Trinité. Il a été condamné par l’Église catholique en France et s’est réfugié à Genève. Quand il a été condamné à mort et brûlé, Calvin ne s’y est pas opposé. Ulrich Zwingli (1484-1531) est un réformateur protestant suisse. Dieu seul est au centre de son propos. S’il y a un message à recevoir, c’est celui que Dieu donne. Celui qui lit et commente la Bible doit penser que la vérité n’est révélée que par Dieu, par le biais de son Esprit. Ni les prêtres ni les pasteurs n’ont à intervenir. La place accordée à l’Esprit saint est donc grande. De son vivant, ses idées ont connu un certain succès. Martin Bucer (1491-1551), théologien, est d’origine alsacienne. Il rencontrera d’ailleurs Calvin à Strasbourg. Ses réflexions le poussent à privilégier ce qui semble évident : l’amour du prochain. Pour lui, être chrétien c’est avant tout aimer son prochain. Il le dit et le répète. Il insiste également sur le fait que la foi ne s’achète pas. On pourrait citer aussi : Théodore de Bèze, John Knox, John Wyclif, Guillaume Farel et d’autres encore.
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