3 L'Etat et les courses de chevaux

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           L’Etat et les courses de chevaux

_____________________ PRÉSENTATION_____________________

       De 1990 à 2000, les paris sur les courses de chevaux ont stagné et
même décliné. Face à cette situation, les sociétés de courses se sont
tournées vers l’Etat, qui les a soutenues au moyen de subventions et en
accroissant le montant des prélèvements dont elles bénéficient sur le
montant des paris. Ces aides avaient pour contrepartie une remise en
ordre de la gestion de ces sociétés, et notamment des avantages accordés
à leur personnel. Mais ces réformes n’ont pas toutes été mises en œuvre
et demeurent d’actualité, alors que les subventions de l’Etat, temporaires
à l’origine, se sont renouvelées chaque année jusqu’à maintenant.

       Les courses de chevaux sont organisées depuis 1891 par des
sociétés de courses constituées maintenant en associations de la loi de
1901. Par dérogation à l’interdiction des jeux d’argent, ces sociétés sont
autorisées à organiser des paris sur le résultats des courses et elles ont
même le monopole de cette organisation.
       Aujourd’hui, à l’issue de longues et difficiles évolutions dont les
dernières ont été hâtées par les pouvoirs publics, « l’institution des
courses », qui n’a pas d’existence juridique en tant que telle, réunit
principalement cinq organismes soumis à la tutelle des ministères chargés
de l’agriculture et des finances.
      Il s’agit, en premier lieu, de deux sociétés de courses. La société
mère du trot, la Société d’encouragement à l’élevage du cheval français
(SECF), organise les courses de trot et gère directement plusieurs
hippodromes (Vincennes, Enghien et Cabourg). Quant à la société mère
du galop, France Galop, elle gère l’hippodrome d’Auteuil pour les
courses d’obstacles et, pour les courses de plat, les hippodromes de
Longchamp, Saint-Cloud, Chantilly, Maisons-Laffitte et Deauville.
      Ces deux sociétés remplissent une triple mission. Elles élaborent
d’abord la réglementation interne des courses et délivrent aux
professionnels les autorisations d’entraîner, de faire courir et de monter
ou de « driver ». Elles établissent ensuite le programme des courses et
fixent les conditions imposées à ceux qui y participent. Enfin, elles
attribuent les « encouragements » aux vainqueurs et répartissent les
allocations et primes aux propriétaires et aux éleveurs. Administrées par
des conseils d’administration, elles soumettent leurs décisions
importantes à une assemblée générale (le comité) où sont aussi
représentées les sociétés de courses de province et les professionnels du
monde des courses.
       Ces deux sociétés-mères ont constitué deux groupements d’intérêt
économique pour recueillir les paris et distribuer les gains. Le pari mutuel
urbain (PMU) rassemble les sociétés de courses autorisées à organiser
durant trois années consécutives au moins des paris en dehors des
hippodromes. Il est administré par un conseil de dix membres dont quatre
représentants de l’Etat. Son président et son directeur général, présentés
par les professions, doivent être agréés par l’Etat. Un second groupement
d’intérêt économique, le pari mutuel sur hippodrome (PMH) est chargé de
prendre les paris sur les hippodromes parisiens et sur celui de Deauville
sans qu’on aperçoive bien la raison de cette structure distincte du PMU à
l’heure de l’installation de bornes enregistrant instantanément les paris
sur les hippodromes.
       Enfin, l’institution des courses inclut la fédération nationale des
courses françaises (FNCF), qui réunit les représentants des deux sociétés
mères et les représentants des sociétés de courses de province. Cette
fédération gère le fonds commun de l’élevage et des courses et le fonds
des gains non réclamés.
       L’institution des courses constitue, en outre, un réseau
financièrement solidaire avec, notamment, les 247 sociétés de courses de
province, leurs fédérations régionales et divers autres organismes,
techniques ou sociaux.
       Cette institution trouve sa principale raison d’être dans la gestion
des enjeux considérables que suscitent les courses de chevaux : plus de
6 Md€ pour le PMU et plus de 150 M€ pour le PMH. Dans cette gestion,
les sociétés mères, la SECF et France Galop, jouent un rôle prépondérant.
       En effet, les sommes engagées sur les courses de chevaux
reçoivent trois destinations. Si la plus grande part, environ 70 %, est
reversée aux parieurs gagnants, une deuxième part, d’environ 15 %,
revient au monde des courses et, presque totalement, aux sociétés de
courses, qui l’utilisent pour organiser les courses et pour améliorer la race
chevaline. La troisième part, constituée essentiellement de recettes
fiscales, abonde le budget de l’Etat.
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       Compte tenu de ces enjeux, la Cour s’est particulièrement
intéressée aux relations existant entre l’Etat et l’institution des courses,
d’une part, et aux circuits financiers qui alimentent cette institution,
d’autre part.

 I – L’Etat et l’institution des courses depuis 1990

       Après avoir connu une croissance variable mais néanmoins
remarquable pendant près de quarante ans, fondée sur la réussite initiale
du tiercé, créé en 1954, relayé par d’autres formes de paris comme le
quinté + (1989), puis sur la multiplication des « événements » (jours avec
tiercé) passés de 65 en 1968 à 156 en 1985 et sur l’essor des points de
vente (960 en 1954, plus de 6 000 en 1980), le montant des paris sur les
courses de chevaux, qu’on appelle les enjeux, a connu une stagnation qui
a mis l’institution des courses en déséquilibre.
       De 1990 à 1999, les enjeux n’ont pratiquement pas progressé, en
liaison, semble-t-il, avec la concurrence accrue des autres jeux de hasard.
Alors que les enjeux avaient atteint 5,7 Md€ en 1990, ils étaient encore
inférieurs à ce montant dix ans plus tard, après avoir connu un minimum
de 5,2 Md€ en 1993.
       Parallèlement à cette évolution défavorable, les charges de
fonctionnement de l’institution des courses n’ont cessé de progresser,
parfois spectaculairement comme à l’occasion de l’informatisation du
PMU, et les encouragements distribués à la profession sont loin d’avoir
diminué.
        A partir de 1992, et pour la première fois depuis un siècle, l’Etat
s’est engagé à subventionner les sociétés de courses sur son budget. En
contrepartie, il a demandé à celles-ci de se réformer pour mettre fin à leur
déficit croissant.

    A – Le protocole d’accord du 10 décembre 1992
       Le protocole d’accord du 10 décembre 1992, valable pour cinq ans
à condition que les sociétés de courses respectent leurs engagements,
instituait un double mécanisme de financement des sociétés.
      D’une part, l’Etat augmentait de 22,87 M€ par an le prélèvement
dont bénéficiaient les sociétés de courses sur les enjeux des parieurs.
D’autre part, il s’engageait, pour la première fois depuis un siècle que les
courses étaient autorisées, à subventionner annuellement ces sociétés, de
22,87 M€ pour 1993 et de 19,82 M€ pour les quatre années suivantes.
      De plus, l’Etat prenait en charge, à hauteur de 35,06 M€, le coût
des plans sociaux du pari mutuel urbain (PMU) et de pari mutuel sur
hippodromes (PMH), destinés à alléger les charges salariales des sociétés
de courses.
       En effet, en contrepartie de ces aides, les sociétés de courses
s’engageaient à mettre en œuvre des mesures de « restructuration » pour
mettre fin à leur déficit. Les sociétés du galop devaient se regrouper en
région parisienne et fermer un des hippodromes existants. Les sociétés du
trot réduiraient les naissances de chevaux de course. Dans le domaine
directement financier, il était prévu, en plus des plans sociaux, des
économies de gestion de 11,28 M€ sur cinq ans et la maîtrise des
« encouragements », c’est-à-dire des primes versées aux éleveurs et aux
propriétaires des chevaux gagnants.
       Si ces engagements n’étaient pas respectés, l’Etat devait suspendre
ses subventions.
       Le plan de réduction des trotteurs fut mis en œuvre et, après bien
des difficultés, l’hippodrome d’Evry fut fermé en décembre 1996. En
revanche les sociétés de courses continuèrent à distribuer des
« encouragements » excédant leurs facultés financières et se révélèrent
incapables de réduire leurs effectifs et leurs charges de gestion comme
elles s’étaient engagées à le faire. Il est vrai qu’elles rencontraient une
vive opposition de leur personnel qui, comme on pouvait le présumer, ne
voulait pas renoncer à des avantages exorbitants hérités d’une époque
plus favorable.
        Par exemple, un guichetier du PMH percevait en 1994, en
moyenne, 23,31 mois de salaire de base, soit 46 004,69 € au total, toutes
primes comprises. Ces rémunérations étaient d’autant plus injustifiées
qu’elles ne trouvaient nulle contrepartie dans des sujétions particulières,
chaque employé étant seulement tenu d’effectuer 210 réunions hippiques
dans l’année, soit 111 heures forfaitaires par mois. En 2000, la situation
restait inchangée, sauf à noter l’augmentation du nombre de cadres et de
la rémunération moyenne des salariés, qui atteignait en moyenne
56 005,81 €. La situation particulière des employés du PMH au sein de
l’institution des courses reflète le pouvoir de négociation de ces
personnels, les seuls à pouvoir bloquer les courses par l’occupation des
pistes.
       Mais les rémunérations avantageuses ne se limitent pas au PMH.
Par exemple, en 1994, le décile des rémunérations les plus élevées de la
société mère du galop atteignait 66 442,31 € en moyenne, sans tenir
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compte des cartes bancaires nominatives, des cartes de carburant et des
véhicules de fonction dont bénéficiaient les titulaires de ces
rémunérations.
      Aussi, malgré les aides de l’Etat, le déficit des sociétés de courses
a continué à se dégrader, atteignant 28,20 M€ en 1993 et 50,31 M€ en
1994.
    Il est vrai que la baisse persistante des enjeux, d’ailleurs prévue au
moment de la signature du protocole, contribuait aussi à ces résultats.

             B – L’avenant du 28 décembre 1995
       En 1995, de nouvelles aides furent sollicitées et obtenues de l’Etat
et consignées dans un nouveau protocole d’accord, daté du 28 décembre.
       Le financement des sociétés de courses par le budget de l’Etat était
prolongé d’une année, jusqu’en 1998, et le montant de l’aide annuelle
porté de 19,82 M€ à 42,69 M€.
       Cette mesure était financée par une diminution de 2 % de la part
des enjeux revenant aux parieurs gagnants et par un abandon de 0,3 % de
la part revenant à l’Etat. Les sommes attribuées aux sociétés de courses
sur les enjeux s’en trouvaient augmentées d’autant.
      Les sociétés de courses, de leur côté, réitéraient leur engagement
de modérer leurs dépenses et s’engageaient à ne pas se mettre en déficit
pendant trois ans.
       Les pouvoirs publics mirent à profit l’accroissement de leurs
subventions pour imposer certaines mesures de restructuration, qui firent
l’objet d’un décret du 5 mai 1997. Encore convient-il de noter que ces
réformes, d’ailleurs étonnamment prudentes, s’accompagnaient de
nouvelles aides financières.

                  C – Le décret du 5 mai 1997
       Si la participation de l’Etat au sein du conseil d’administration du
PMU était affirmée, la présidence et la majorité en revenaient aux
professionnels des courses, contrairement à la situation antérieure. Sans
exiger la constitution d’une institution des courses unitaire, l’Etat obtenait
aussi que les sociétés du galop et les sociétés du trot se fédèrent au sein de
la Fédération nationale des courses françaises. Enfin, le fonctionnement
interne des sociétés de courses était amélioré par l’élection d’un conseil
d’administration restreint et aux compétences élargies.
Mais le décret du 5 mai 1997 transférait aux sociétés de courses
0,176 % des enjeux affectés jusqu’alors à l’Etat, à travers le Fonds
national des haras et des activités hippiques. En outre, l’Etat s’engageait à
financer 50 % de la nouvelle informatisation du PMU, estimée à
91,47 M€.
        Trois ans plus tard, alors que s’achevaient les protocoles d’accord,
que les mesures de restructuration tardaient à se concrétiser et que la
situation financière de l’institution des courses demeurait préoccupante,
de nouvelles mesures transitoires favorables aux sociétés de courses
furent à nouveau décidées par l’Etat.

      D – La période intermédiaire de 1999 et 2000
       En 1999, le protocole de 1992, prolongé d’une année et amendé,
cessait de s’appliquer. Mais, sur l’instance des professionnels, il fut
décidé d’accorder 42,69 M€ de subvention aux sociétés de courses et
d’octroyer 10,67 M€ au PMU pour revaloriser les commissions payées
aux buralistes en augmentant une nouvelle fois la part des enjeux
revenant aux sociétés de courses. En contrepartie, la société mère du
galop s’engageait à présenter un plan stratégique intégrant des mesures
d’économie et la société mère du trot devait relancer le plan de réduction
des naissances qui n’avait pas été complètement réalisé.
       En 2000, les mêmes avantages financiers ont été reconduits au
bénéfice des sociétés de courses (42,69 M€) et le PMU a reçu 25,92 M€,
soit 15,24 M€ de plus qu’en 1999.
       Ces faits démontrent l’incapacité de l’Etat à résister aux demandes
des professionnels des courses pour diverses raisons, dont la moindre
n’est pas le recul continuel devant les menaces de grève du personnel des
courses, soucieux de préserver ses avantages. Il en résulte que les
prélèvements sur les enjeux dont bénéficient les sociétés de courses ont
été accrus au détriment des parieurs et que les subventions de l’Etat,
présentées comme transitoires, se sont pérennisées.

                E – L’accord du 4 février 2001
       Un nouvel accord de partenariat financier, conclu le 4 février 2001,
traduit cette situation défavorable à l’Etat. D’une part, étaient supprimées
les clauses de résiliation suspendant l’aide publique en cas de non-respect
des engagements pris par l’institution des courses, il est vrai jamais
appliquées. D’autre part, il était envisagé de renouveler l’aide annuelle de
l’Etat puisque de nouvelles discussions devaient s’engager « en vue de
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définir les modalités de la prolongation éventuelle (du nouvel accord)
pour une nouvelle période pluriannuelle ».
      Les sociétés de courses, une fois de plus, renouvelaient leurs
engagements de réduire leurs charges et d’équilibrer leurs comptes.
       Au delà, elles prenaient des engagements apparemment plus précis.
       Alors que les plans sociaux de 1992, imparfaitement exécutés,
n’avaient pas produit les effets escomptés, les sociétés de courses
s’accordaient « pour estimer que l’institution des courses ne peut
durablement supporter le coût induit par la baisse régulière du chiffre
d’affaire du PMH et l’augmentation parallèle de ses charges », ce qui les
conduisait à lancer « une étude en vue de proposer les mesures
susceptibles de mettre un terme à cette dégradation ».
       Compte tenu, sans doute, des progrès ainsi annoncés, l’Etat prenait
en charge le coût du plan social concernant 37 employés du PMH dans la
limite de 6,10 M€.
       Enfin, l’institution des courses semblait s’attaquer à l’une des
causes principales de la dégradation persistante de sa situation financière :
elle chargeait le PMU de proposer avant le second semestre 2001 une
réforme du régime de retraite « surcomplémentaire » des personnels des
courses, régime déficitaire, mais d’autant plus avantageux qu’il ne fait
appel à aucune cotisation des salariés.
       Mais cet accord, qui commençait à s'attaquer aux racines du déficit
des sociétés de courses, était destiné à ne pas « être diffusé en dehors du
cercle de ses signataires » - c’est-à-dire les sociétés de courses et les
ministères de tutelle.
       De plus, il prévoyait de nouvelles aides de l’Etat, 42,69 M€ en
2001, 39,64 M€ en 2002 et 35,06 M€ en 2003. Ces aides étaient
accordées sans être liées à une remise en cause des avantages acquis par
les salariés de l’institution des courses d’autant plus difficile à effectuer
qu’entre-temps le montant des enjeux avait recommencé à augmenter.
       Deux ans après, les engagements de réforme ne sont toujours pas
passés dans les faits.

            F – Le bilan de la décennie 1990-2000
        L’Etat s’était durablement engagé dans une aide budgétaire à
l’institution des courses alors que ces dernières avaient, pendant un siècle,
financé leurs activités sur les sommes prélevées sur les enjeux.
Malgré cette aide, les prélèvements sur les enjeux destinés à
l’institution des courses avaient sensiblement augmenté, diminuant
d’autant la part redistribuée aux parieurs gagnants. Alors qu’en 1992
72,3 % des enjeux étaient redistribués aux parieurs, en 1999 la part leur
revenant n’était plus que de 69,7 % (voir tableau, p …). En effet, malgré
la stagnation des enjeux, les prélèvements étaient passés de 1,49 à
1,74 Md€, soit une augmentation de 16,7 %. En 2000, la différence
d’évolution s’est accentuée : si les enjeux sont repartis à la hausse,
dépassant les 6 Md€ (+ 9,9 % par rapport à 1995), les prélèvements ont
atteint 1,82 Md€, soit une augmentation de 22 % sur la même période.

                    Affectation des enjeux de 1990 à 2000
            (avant transferts de l’Etat vers les sociétés de courses)
                                                                                           en %
                    1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
                                                                       (1)
Part revenant aux    72     72,2   73,3   72,6   72,4   72,4   70,4   69,7   69,3   69,6    69,7
parieurs gagnants
Prélèvement pour les 10,4   10,4   10,4   10,8   10,9   10,9   13,1   13,1   13,3   13,5    13,9
sociétés de courses
Prélèvements pour    17,6   17,4   16,3   17,6   16,7   16,7   16,5   17,2   17,4   16,9    15,9
l’Etat
(1) 0,5 % pour les paris pris à l’étranger s’ajoutent à ces pourcentages.
Source : Cour des comptes d’après la répartition des prélèvements sur les enjeux
établis par le ministère de l’agriculture, de la pêche, de l’alimentation et des affaires
rurales.

       Or, l’augmentation des prélèvements sur les enjeux a profité
presque exclusivement à l’institution des courses. Les prélèvements
revenant à l’Etat ont augmenté de 10,8 % entre 1995 et 2000, c’est-à-dire
un peu plus que les enjeux (+ 9,9 %) mais les prélèvements destinés aux
sociétés de courses ont augmenté de 32,3 %, soit trois fois plus (de 0,68 à
0,90 Md€ entre 1995 et 2000).
        Enfin, on constate que les sommes supplémentaires affectées à
l’institution des courses ont financé en priorité les charges de
fonctionnement des sociétés de courses. Sur la même période 1995-2000,
les encouragements ont augmenté de 10,1 %, les frais de gestion du PMU
de 36 % et les charges de fonctionnement des sociétés de 105,8 %.
        Il est vrai que les dépenses de modernisation du PMU ont pesé sur
l’institution des courses sans que le bénéfice de cette modernisation ait pu
se faire sentir dans le niveau des enjeux au cours de la même période. Le
projet PEGASE, destiné à faciliter l’enregistrement des paris en temps
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réel sur tout le territoire, a entraîné des dépenses supérieures à 300 M€,
alors qu’il avait été estimé à 91,47 M€ en 1997. Cette dérive a pesé sur
les comptes des sociétés de courses responsables de la mise en œuvre de
ce projet à travers le PMU.
       Tout se passe néanmoins comme si les efforts de l’Etat et les
sacrifices imposés aux parieurs avaient permis le maintien des avantages,
notamment salariaux dont bénéficient les salariés de l’institution.
        A ces considérations, s’ajoute le fait que la distribution des
encouragements bénéficie, dans une certaine mesure, à quelques grandes
écuries, parfois étrangères : selon des statistiques, il est vrai assez
anciennes, sur les 5 000 écuries qui entretenaient en 1995 un compte dit
d’« intervenant » auprès des sociétés du galop, une centaine seulement se
partageait la moitié des encouragements. De plus, les allocations versées
en France semblent de beaucoup supérieures à celles qui sont attribuées
dans les pays voisins. Pour le trot, en revanche, les encouragements sont
mieux répartis et bénéficient à un plus grand nombre de professionnels
français. Mais, faute d’indicateurs pertinents, il est difficile d’évaluer
l’effet des encouragements distribués.
       Toutefois, ces constatations doivent être complétées dans la
mesure où les mécanismes financiers de l’institution des courses,
particulièrement compliqués, organisent d’autres transferts des parieurs
vers l’Etat et de l’Etat vers l’institution des courses qui contribuent à
l’opacité des circuits financiers en provenance des enjeux.

         II – Les circuits financiers des courses

       Les fonds publics distribués à l’institution des courses emprunte
des circuits inutilement compliqués tant au sein de l’Etat qu’au sein des
sociétés de courses.

       A – Les prélèvements étrangers aux courses

       Au sein de l’Etat, les prélèvements non fiscaux sur les enjeux
(environ 190 M€) sont destinés à quatre comptes spéciaux du Trésor : le
fonds national pour le développement du sport et le fonds national pour le
développement de la vie associative qui sont rattachés au ministère
chargé de la jeunesse et de sports, le fonds national pour le
développement des adductions d'eau et le fonds national des haras et des
activités hippiques (FNHAH) qui sont gérés par le ministère chargé de
l’agriculture.

       Sans s’attarder sur l’opportunité d’affecter une partie des enjeux du
pari mutuel à des activités aussi diverses et éloignées des courses de
chevaux que le sport, la vie associative et l’adduction d’eau, on peut
estimer qu’il serait plus simple de supprimer ces prélèvement sans lien
avec les courses, et qui représentent moins de 1,5 % des paris, et plus
conforme aux principes budgétaires que l’ensemble des prélèvements
destinés à l’Etat soit versé au budget général.
        Au demeurant, ces prélèvements sont en contradiction avec
l’article 21 de la loi organique du 1er août 2001 qui dispose que les
recettes affectées à un compte d’affectation spéciale doivent être en
relation directe avec les dépenses qu’elles financent.

    B – Le fonds national des haras et des activités
  hippiques devenu le fonds national des courses et de
                       l’élevage
        Le fonds national des haras et des activités hippiques, qui a reçu
122 M€ en 2001 prélevés sur les enjeux, apparaît très largement comme
un simple lieu de passage à destination de l’institution des courses. En
effet, ses ressources ont reçu, jusqu’à cette année, trois destinations.
        Un tiers (42 M€ en 2001) constitue les subventions d’équilibre
versées depuis 1992 aux sociétés de courses en application des protocoles
et des accords entre l’Etat et ces sociétés. Ces sommes n’ont aucune
raison de transiter par le FNHAH qui n’a comme seule liberté que celle
de les transférer à l’institution des courses.
       Un autre tiers constitue le prélèvement de 0,7 % opéré sur les
enjeux au profit de l’Etat en faveur de l’élevage mais il est directement
versé aux sociétés de courses qui l’affectent, pour la plus grande part, au
paiement des primes aux éleveurs.
       Le dernier tiers est destiné à financer des activités hippiques au
sens large, en dehors du secteur des courses. On pouvait légitimement se
demander si ces interventions, qui relèvent directement de la sous-
direction du cheval du ministère chargé de l’agriculture, ne devaient pas
être financées sur le budget de ce ministère. D’ailleurs, à la suite des
interventions de la Cour, un décret du 12 novembre 2002 a inscrit ces
ressources au budget de l’Etat et le FNHAH, ainsi réformé et privé du
L’ETAT ET LES COURSES DE CHEVAUX                                      545

tiers de ses ressources, est devenu le fonds national des courses et de
l’élevage (FNCE).
        Globalement, si l’on tient compte de ces financements indirects en
provenance de l’Etat, l’institution des courses recevait donc notablement
plus que le prélèvement apparent qui lui revenait sur les enjeux. En 2000,
ce prélèvement s’est élevé à 840 M€, soit 13,94 % des enjeux. Mais si on
y ajoute les versements en provenance directe ou indirecte du FNHAH,
l’institution des courses a bénéficié de 84 M€ supplémentaires, soit près
de 15 % des enjeux.
      Les circuits financiers de l’institution des courses ne sont pas
moins compliqués et difficiles à justifier que ceux de l’Etat.

    C – Le fonds commun de l’élevage et des courses
       La fédération nationale des courses françaises, qui regroupe les
deux sociétés mères, gère un autre fonds, intitulé le fonds commun de
l’élevage et des courses (FCEC).
       Jusqu’en 1996, ce fonds était surtout chargé de répartir les
« encouragements » aux propriétaires de chevaux. Mais, depuis la
réforme introduite par le décret du 5 mai 1997, ces encouragements sont
directement attribués par les sociétés de courses. En conséquence, les
ressources du fonds, qui ont diminué de 70 %, représentent maintenant
moins de 45 M€.
       Or, 80 à 90 % de ces ressources maintenant affectées au FCEC, qui
proviennent de l’Etat à travers le FNHAH, sont destinées à payer les
primes aux éleveurs. Dans les faits, ces primes sont attribuées par les
sociétés de courses qui se font mensuellement rembourser par le FCEC.
On n’aperçoit donc pas l’intérêt de faire transiter ces sommes prélevées
sur les enjeux d’abord par le FNHAH, puis par le FCEC et, enfin, par les
sociétés de courses. Un rattachement direct à ces dernières serait plus
clair.
       Mises à part les sommes destinées aux primes aux éleveurs, sur
lesquelles les gestionnaires du FCEC ne disposent d’aucune liberté, il ne
reste au fonds que moins de huit millions d’Euros, qui sont attribués sous
forme de subventions aux sociétés de courses de province. Dans ces
conditions, la question se pose naturellement de la suppression du FCEC
au sein de la fédération.
      Il est vrai que ce fonds a une autre fonction : il reçoit les
subventions de l’Etat destinées aux sociétés de courses et les reverse aux
bénéficiaires, par des opérations de trésorerie non retracées dans son
compte de résultat. De tels mouvements, difficiles à justifier, ne font
qu’accroître encore l’opacité de l’ensemble.

            D – Le fonds des gains non réclamés
       Une autre particularité est la gestion par la fédération nationale des
sociétés de courses des gains que les parieurs ont omis de réclamer et qui
représentent environ 30 M€ par an.
       On peut s’interroger sur la propriété de ces sommes. Dans la
mesure où elles constituent des biens sans maître, elles devraient revenir à
l’Etat en application de l’article 539 du code civil (« tous les biens
vacants et sans maître… appartiennent au domaine public ») et de l’article
713 du même code (« les biens qui n’ont pas de maître appartiennent à
l’Etat »). C’est d’ailleurs sur ce fondement que 53,36 M€ ont été versés à
l’agent comptable central du Trésor en 1991.
        Cependant, le décret du 5 mai 1997, sans remettre en cause la
propriété de ces fonds, réduit considérablement le montant versé à l’Etat.
En effet, l’article 36 précise que « la fraction des gains non réclamés…
qui n’est pas affectée à l’allocation de secours, de prestations
d’assistance, de crédits de formation professionnelle ou d’avantage de
prévoyance ou de retraites complémentaires en faveur du personnel des
sociétés et des écuries de courses ainsi que des jockeys et drivers… est
versée au budget général de l’Etat ». Si ces fonds sont bien propriété de
l’Etat, le décret organise une compensation entre recettes et dépenses de
l’Etat qui constitue une nouvelle aide à l’institution des courses et qui
n’apparaît pas dans les comptes de l’Etat.
       En pratique, les gains non réclamés sont affectés à un fonds spécial
qui fonctionne selon des règles remontant à un décret du 18 juillet 1941.
Ces sommes financent principalement deux organismes relevant de la
fédération nationale des courses françaises, l’organisme de retraite et de
prévoyance des employés des sociétés de courses (ORPESC) et
l’association de formation et d’action sociale des écuries de courses
(AFASEC) créés par les deux sociétés mères du trot et du galop.
       L’existence du fonds des gains non réclamés pose aussi problème.
En effet, ce fonds mobilise un conseil de surveillance et un commissaire
aux comptes. Il donne lieu à l’établissement d’un compte de résultat
annuel et d’un bilan. Mais il ne comprend qu’une seule recette et qu’une
seule dépense, correspondant aux subventions aux deux organismes
précités.
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      De plus, le reliquat non affecté à l’ORPESC et à l’AFASEC
(2,30 M€ environ) est chaque année reporté et bénéficie donc aux
organismes subventionnés, au lieu d’être versé à l’Etat, comme le prévoit
cependant le décret de 1997.
       Il faut ajouter que le fonds des gains non réclamés sert
inexplicablement de réceptacle aux subventions de l’institution des
courses destinées à couvrir le déficit de l’ORPESC et de l’AFASEC. Ces
subventions transitent dans des comptes de trésorerie du fonds des gains
non réclamés sans apparaître dans le compte de résultats, ce qui nuit à la
transparence des mouvements financiers.
        Enfin, il faut relever que les subventions d’investissement de l’Etat
à l’institution des courses pour le système informatique du PMU ont été
elles aussi versées à la fédération nationale, qui les a reversées à parts
égales aux deux sociétés mères, à charge pour celles-ci de les apporter au
PMU.

              E – L’évolution récente des enjeux
       Si l’évolution des enjeux constatée depuis 2001 se confirme, on
peut espérer une amélioration sensible de la situation financière des
sociétés de courses et, en conséquence, la suppression des aides
budgétaires de l’Etat.
       Cette nouvelle conjoncture a d’ailleurs été mise à profit pour
augmenter la part revenant aux parieurs sur les paris simples, par une
baisse de 4 % des prélèvements dont 3 % à la charge de l’Etat et 1 % à la
charge de l’institution. En conséquence, ces paris se sont développés et,
sans que soit corrigée la répartition des prélèvements sur les
« événements », la part revenant aux parieurs est globalement remontée à
70,5 % en 2001 et 72 % en 2002.
        Le redressement constaté ne devrait cependant pas dispenser les
professionnels des courses de continuer à s’interroger sur le montant des
encouragements distribués et sur les règles d'une saine gestion de
l’institution des courses.
        Les avantages dont bénéficie, en niveau de rémunération, de
retraite et en avantages divers, le personnel des courses devrait être mis
en relation avec les nécessités de l’équilibre de l’institution sans peser sur
les parieurs et les contribuables.
        Ces considérations relatives à la nécessaire remise en ordre de
l’institution des courses, en dépit de l’embellie actuelle, paraissent
d’autant plus d’actualité que l’Etat ne semble pas avoir jusqu’à
maintenant mené une réflexion sur l’interaction entre les différentes
formes de jeux au développement desquels il contribue, souvent pour des
raisons fiscales, et qui sont, hormis les courses, les jeux des casinos et de
la Française des jeux.

_______________
                  CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________________
        Depuis 1992, l’Etat a, de façon continue, accordé aux sociétés de
courses des avantages sans obtenir d’elles le respect des contreparties
auxquelles elles s’étaient engagées. L’amélioration sensible des enjeux
constatée depuis 2001 – ils sont passés de 6 Md€ en 2000 à 6,4 Md€
en 2001 et 6,6 Md€ en 2002 -grâce en partie aux efforts de promotion de
la profession, ne saurait suffire à légitimer sans réserve a posteriori les
efforts renouvelés et la patience de l’Etat

        Des réformes sont nécessaires. En premier lieu, plusieurs fonds,
dont l’utilité se révèle incertaine (le fonds national des haras et des
activités hippiques, le fonds commun de l’élevage et des courses et le
fonds des gains non réclamés), pourraient être supprimés. S’agissant du
fonds national des haras et des activités hippiques, on s’interroge sur les
raisons qui justifient le maintien d’un compte spécial du Trésor, réduit à
88 M€ en 2002 et uniquement destiné à servir de relais entre l’Etat et
l’institution des courses. De même, l’attribution de subventions aux
sociétés de courses de province par le fonds commun de l’élevage et des
courses pourrait être confiée à la fédération nationale des courses
françaises, dans les mêmes conditions de contrôle et de surveillance
destinée à garantir l’impartialité des subventions.

       L’intégration en une seule comptabilité des opérations de la
fédération, de celles du fonds commun de l’élevage et des courses (libéré
de la prime aux éleveurs) et de celles du fonds des gains non réclamés
serait une simplification qui permettrait de faire apparaître clairement le
déficit global et donc le coût réel, pour les sociétés de courses, de la
structure fédérale de l’institution des courses.

       Il serait d’ailleurs logique de consolider ce premier résultat avec
celui de l’ORPESC et celui de l’AFASEC, afin d’identifier le coût total
des activités de l’institution non directement liées à l’organisation des
courses.

       De même, on voit mal ce qui justifie l’existence du PMH,
spécialement chargé d’enregistrer les paris sur les hippodromes, alors
qu’elle pourrait être intégrée au PMU.
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       En second lieu, afin de responsabiliser les acteurs de l’institution
des courses, les prélèvements destinés à l’institution des courses
pourraient être directement versés aux deux sociétés mères du trot et du
galop, à charge pour elles de financer l’intégralité de leur propre
fonctionnement, sans subvention de l’Etat, ainsi que le déficit de
fonctionnement des structures professionnelles : la fédération, l’ORPESC
et l’AFASEC.

       Enfin, une évaluation des résultats obtenus par ces financements
divers au regard des objectifs visés est indispensable.

       De telles mesures seraient de nature à faciliter l’adaptation d’une
organisation qui semble avoir eu pour résultat jusqu’à présent de
maintenir des avantages au bénéfice d’une profession alors que
contribuables et parieurs étaient mis à contribution.
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
                      ET DE L’INDUSTRIE
     ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET À LA RÉFORME
                         BUDGÉTAIRE

       Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (MINEFI)
prend acte des conclusions de la Cour sur l’évolution du secteur des courses
de chevaux et de son financement et souhaite apporter les précisions
suivantes.
        Les enjeux misés par les parieurs sont répartis entre les gagnants, les
sociétés de courses et l’État. La part la plus importante, de l’ordre de 72 %,
revient aux parieurs. Pour les sociétés de courses, associations sans but
lucratif qui bénéficient d’une dérogation légale pour organiser des paris
hippiques mutuels, la part perçue permet le financement de l’ensemble de
l’organisation de la filière hippique, depuis les prix de courses qui reviennent
aux éleveurs, entraîneurs et jockeys, jusqu’aux dépenses de fonctionnement
des GIE (PMU et PMH) chargés de l’organisation des paris. La part
revenant aux pouvoirs publics correspond d’une part à des prélèvements
traditionnels comme la TVA, la CSG ou la CRDS au profit des comptes
sociaux, d’autre part à des prélèvements spécifiques comme le prélèvement
proportionnel sur les mises qui alimente différents comptes d’affectation
spécialement dédiés à certaines actions comme le développement du sport, de
la vie associative, des adductions d’eau ou de l’élevage, et enfin le budget
général de l’Etat. Il existe également un prélèvement progressif sur les gains
lorsqu’ils sont particulièrement élevés.
       Les prélèvements publics spécifiques au secteur des courses
constituent la contrepartie du monopole réservé aux sociétés de courses pour
organiser l’activité de paris. Ils permettent à l’État de réguler la
rémunération qui leur revient dans ce cadre, c’est-à-dire la part de la rente
monopolistique laissée à leur disposition. A travers son action sur le taux de
retour au joueur, cet encadrement limite également la demande effective.
Ainsi, la situation des paris dans le courant des années 1990 et la
modernisation nécessaire du PMU (notamment son informatisation) ont
amené l’Etat à majorer la part des mises revenant à la filière.
       Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie convient que
l’ensemble des objectifs assignés sur la période à l’Institution des courses
n’ont pas été atteints, notamment en ce qui concerne la réforme du régime
des ARS et l’évolution du PMH. Des avancées positives sur la même période
doivent toutefois être rappelées : il s’agit d’abord de la réforme réussie du
PMU, qui porte désormais ses fruits après avoir été pour partie à l’origine
du besoin de financement de la filière dans le milieu des années 1990, compte
tenu des investissements informatiques nécessaires ; ces évolutions ont
permis une croissance régulière et maîtrisée des paris, en progression depuis
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5 ans, qui doit permettre aux sociétés de courses de mettre en œuvre un
assainissement durable de leur situation budgétaire.
        Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie partage
enfin l’analyse de la Cour sur la complexité des circuits financiers de
l’institution et souhaite exploiter ses préconisations dans le cadre d’une
réforme à venir.

             RÉPONSE DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR,
      DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ET DES LIBERTÉS LOCALES

       Les observations formulées par la Cour n’appellent pas de remarques
particulières de ma part. Les faits relevés concernent les relations entre les
sociétés de courses et leurs autorités de tutelle (les ministères chargés de
l’agriculture et des finances), ainsi que les circuits financiers qui alimentent
ces sociétés.
       Ils ne relèvent donc pas directement de la compétence de mon
département telle qu’elle est prévue par le décret interministériel n° 97-456
du 5 mai 1997 relatif aux sociétés de courses de chevaux et au pari mutuel.
        Celui-ci précise dans son article 12, paragraphe 2 que « les sociétés
mères délivrent seules après enquête et avis favorable du service de police
chargé des courses de chevaux au ministère de l’intérieur les autorisations
de faire courir, d’entraîner, de monter et de driver ; l’autorisation peut être
retirée par la société mère ; elle doit l’être si le service de police chargé des
coursess de chevaux en fait la demande ; dans tous les cas, une procédure
contradictoire doit être observée et, dans son article 27 que « lorsque le Pari
Mutuel Urbain autorise des personnes privées à exploiter des postes
d’enregistrement des paris, cette autorisation doit intervenir après enquête et
avis favorable du ministère de l’intérieur ».

RÉPONSE DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION,
          DE LA PÊCHE ET DES AFFAIRES RURALES

      Les choix des autorités de tutelle et l'évolution de l'institution des
courses depuis 1990 sont notamment guidés par le contexte économique des
courses et des paris hippiques.
        En France, de par la loi, seules sont autorisées les courses de chevaux
ayant pour but exclusif l'amélioration de la race chevaline et organisées par
des sociétés agréées par le ministre chargé de l'agriculture. Ces sociétés ont
le statut associatif. La prise de paris est interdite, sauf pour les sociétés de
courses, qui en vertu d'une autorisation spéciale du ministre chargé de
l'agriculture, peuvent organiser des paris hippiques exclusivement sous
forme de pari mutuel. Les enjeux misés sont partagés entre les joueurs
gagnants, l'Etat et les sociétés de courses. Ces dernières financent ainsi
l'organisation des courses et l'entretien des 252 hippodromes répartis sur
tout le territoire, les dotations aux encouragements versés aux
professionnels, propriétaires et éleveurs de chevaux, mais aussi les coûts de
gestion du pari mutuel. Il s'agit essentiellement des charges du GIE PMU,
auxquelles les sociétés de courses consacrent la moitié de leurs prélèvements
sur les enjeux. Jusqu'en 2002, l'ensemble de la filière équine était également
intégralement financée par les paris hippiques.
        Comme le souligne la Cour, l'évolution des enjeux a largement
conditionné l'action des pouvoirs publics. Ainsi, au début des années 1990, le
fléchissement des enjeux du pari mutuel (diminution de 4,5 % entre 1990 et
1995) a mis en péril l'ensemble du dispositif, les différents attributaires des
enjeux voyant leurs recettes diminuer. Il était urgent de redresser la
situation, car non seulement la filière des courses, mais aussi l'ensemble du
secteur du cheval (53 000 emplois), risquaient de péricliter. Les autorités de
tutelle et l'institution des courses ont donc décidé, dès 1992, de mettre en
œuvre un plan de redressement avec pour objectif la relance des paris
hippiques, seule source de financement de la filière équine et importante
contribution aux recettes de l'Etat. Ce souci est à l’origine de la conclusion
des protocoles d'accord successifs.
        La Cour considère que les engagements pris par l'institution à travers
ces protocoles n'ont pas été totalement tenus, puisque certaines des réformes
annoncées n'ont pas été menées à terme. En dépit de cet inachèvement, les
dispositifs de régulation mis en place et les efforts consentis pour améliorer
l'efficacité du système ont produit des effets positifs tant pour les parieurs
que pour les sociétés de courses.
       En effet, un rapide bilan financier de la période 1990-2002 montre
que les intérêts des parieurs ont toujours été préservés : sur cette période, les
joueurs ont bénéficié de 67,7 % de la progression des enjeux, soit un retour
de 909 M€. Depuis 1998, année de reprise de la croissance, la part revenant
aux joueurs a été encore renforcée avec 82,4 % des excédents générés.
         Les sociétés de courses sont les autres bénéficiaires de la progression
des enjeux. Dans la logique des accords avec l'Etat, elles ont utilisé ces
ressources supplémentaires pour se restructurer, notamment avec la fusion
des sociétés de galop, et pour moderniser le GIE PMU, centre névralgique de
l'institution. Le PMU est en effet l’outil essentiel du dispositif, puisqu'il
assure pour le compte des sociétés de courses la gestion de 96 % des enjeux
au pari mutuel (6,4Md€ en 2002).
       Le GIE PMU a ainsi subi une profonde réforme de ses structures et de
son fonctionnement depuis 1997. Un ambitieux projet d'entreprise visant au
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recentrage de l’activité sur les métiers de base du PMU que sont l’activité
commerciale et le traitement des paris, a été conduit par la nouvelle équipe
dirigeante. Il s'est accompagné d'un lourd plan social (coût 160 M€ pour une
réduction d’effectifs de 2 043 en 1995 à 1 460 en 2000), d'une modernisation
massive de l'outil informatique (coût 300 M€) et d'une relance vigoureuse de
la politique commerciale.
        Cette politique volontariste est à l'origine de la reprise de la
croissance dès 1998. Certes, les coûts des développements informatiques ont
largement excédé les prévisions budgétaires initiales. Le surcoût de 200 M€
constaté, hautement regrettable, est lié à la complexité du système traité et à
l’obligation de mener à terme le projet pour aboutir à un outil fonctionnel de
très haut niveau technologique. La très forte progression du chiffre d'affaires
enregistrée depuis 3 ans (+ 18 %) est à cet égard éclairante. Cette
croissance a été permise grâce notamment au développement de nouveaux
paris et aux facilités supplémentaires offertes aux joueurs (prise de paris
jusqu'à 3 minutes avant la course ; depuis cet été, possibilité de jouer tout au
long de la journée quel que soit le point de vente ; offre de paris sur la
télévision interactive, sur minitel et bientôt par internet …). Or de tels
développements n'ont été possibles que par la performance accrue d'un
système informatique fiable et apte à intégrer de nouveaux projets.
        La restructuration du GIE PMU doit donc être considérée comme un
investissement rentable à terme, puisque la modernisation de l'outil
informatique cumulée à la réduction des charges de fonctionnement a permis
depuis 3 ans d'abaisser le coût de gestion du PMU sur des enjeux croissants.
Le résultat net pour les sociétés de courses (part disponible pour financer les
charges de fonctionnement, les investissements et les encouragements) a pu
ainsi progresser. Cette tendance devrait se confirmer dans les prochaines
années. En 2001, la situation redevenue favorable a aussi permis une baisse
des taux de prélèvements sur les paris simples au profit des joueurs, leur
assurant un retour de 70,52 % des enjeux, puis de 71,39 % en 2002 (avant
2001 le retour aux parieurs représentaient moins de 70 % des enjeux). La
modernisation du PMU a donc très largement profité aux parieurs depuis
2 ans.
       Ainsi toute analyse de l'institution des courses doit intégrer la
dynamique du PMU pendant la période sous revue. Les années 1995-2000
correspondent à une phase d'intenses investissements à caractère productif
dont les résultats sont tangibles.
       Cette nécessité première d'asseoir les bases du développement futur a
certes contribué à différer les réformes du GIE PMH et du régime des
allocations de retraite surcomplémentaires des salariés (ARS) de l'institution
des courses. Mener concomitamment l'ensemble des réformes et des
restructurations aurait sans doute revêtu un caractère par trop hasardeux
dans un contexte social où le PMU réduisait déjà de 30 % ses effectifs et où
la priorité à l'investissement devait être menée à bien.
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