Des Bleus à l'âme ou l'accident littéraire chez

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Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

 Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez
                Françoise Sagan

                                                         Céline Hromadova
                                     Université de Paris 3 (membre associé)
                                                                    France

L'œuvre romanesque de F. Sagan1 est assez homogène dans la peinture
sociale et morale qu’elle propose malgré quelques ouvrages qui se distinguent
– une trilogie guerrière (De Guerre lasse, Un Sang d’aquarelle et Les Faux-
Fuyants), une œuvre dont les héros ne sont pas des bourgeois (Le Chien
couchant) ou encore un texte écrit à la manière du XIXe siècle (Un Orage
immobile). Mais Des Bleus à l’âme, publié en 1972, constitue un hapax car
l’auteure y poursuit l’histoire d’Éléonore et de Sébastien, ses personnages de
Château en Suède joué en 1960, et des réflexions sur la difficulté à écrire le
roman en cours. Sur le modèle de Flaubert ou de Proust, la romancière est une
habituée des cycles mais elle transgresse ici les genres dans ce que Jean-
Marie Schaeffer appelle la « transmodalisation » (Schaeffer 94). Ce cas original
de transgénéricité va à l’encontre des idées reçues qui courent sur la
romancière dont les facilités d’écriture ont présidé au succès mondial de
Bonjour tristesse, qu’elle qualifie d’« accident de la circulation parisienne »
(TLM 35). La finesse de son analyse psychologique se retrouve cette fois-ci
dans l’étude de la dépression associée à la panne d’inspiration. Celle que l’on
qualifie de James Dean des Lettres file la métaphore automobile dans son
roman-confession pour constater que la fêlure existentielle rejoint la fêlure
littéraire. Plus habituée aux accidents de voiture qu'aux tracas littéraires, F.
Sagan s'empare alors d'un stéréotype de la culture populaire, le coup de la
panne, dans un récit pourtant particulièrement sophistiqué. Elle alterne en
réalité deux récits, l’un de type romanesque, l’autre de type autobiographique,
dont le statut est à interroger. Nous verrons d'abord que le coup de la panne se
cristallise autour de l'impuissance d'écrire avant d'analyser les procédés
littéraires de la résilience, reposant notamment sur la métalepse.

L’analogie filée de la panne mécanique et de la panne
d’inspiration
Valérie Mirarchi rappelle les circonstances difficiles dans lesquelles Françoise
Sagan écrivit Des Bleus à l’âme, au moment de la séparation définitive avec
son second mari, et souligne la forme hybride de l’ouvrage : « C’est un roman-
essai très original, […] mélange de réflexions, mixage de personnages
romanesques et d’auto-analyse. » (Mirarchi 137) Si la poétique saganienne se
renouvelle, c’est bien au cliché automobile2 qu’elle a recours afin d’appréhender
la difficulté d’écrire. Douze ans après Château en Suède, le roman s’ouvre en
effet sur l'installation des personnages principaux à Paris puis, après un saut de
ligne, débute une digression dans laquelle la narratrice exprime sa méfiance
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

vis-à-vis de la « douce euphorie » (DBA 657) qui accompagne, chez tout
auteur, l’écriture facile des premières pages :

       « Tiens, tiens, la mécanique s’est remise en marche! » – « Tiens, tiens,
       ça repart! » Phrases modestes de mécanicien, certes, mais parfois
       suivies de : « Tiens, tiens, je ne serai pas obligé de me tuer. » (Phrase
       plus lyrique, mais parfois vraie). (DBA 657)

Le hiatus signifiant l'arrêt de l'écriture est clairement signifié par la mise en page
typographique. S’apercevant qu’elle file une métaphore mécanique, la
narratrice s’étonne ensuite de faire « toujours référence à des métiers
concrets » (DBA 657), suivant en cela la tradition du savoir-faire classique qui
va à l’encontre de sa nature profonde : à chaque journée d’écriture perdue, la
narratrice ne peut s’empêcher de penser que c’est aussi une « journée de
sauvée » (DBA 689). Ce combat intérieur est encore une fois figuré par une
métaphore automobile : « [L]es tigres installés dans nos différents moteurs ont
vite fait de se réveiller et de se déchirer entre eux. » (DBA 689) Une telle mise
en scène de l’écriture sert d’abord d’essence au moteur créatif mais on retombe
vite au point mort, et après avoir énuméré des excuses pour justifier son
incapacité à écrire – une représentation dont elle doit s’occuper, un chien à
garder –, la narratrice finit par mettre un terme à ces détours : « Fini ce
chapitre-excuse, ce chapitre-alibi. » (DBA 666). Elle confesse alors une panne
d’inspiration, tandis que l’imagination est la qualité que F. Sagan place au-
dessus de toutes les autres.
On peut attribuer différentes raisons à ce malaise : au début des années 1970,
Sagan déplore la disparition d’amies tendres, comme Paola3, morte d’un cancer
en quelques mois et Elke (Westhoff 134), sa traductrice allemande. L’écrivaine,
qui avait déjà exploré les méandres de l’état dépressif dans Un peu de soleil
dans l’eau froide, revient sur cette maladie dans Des Bleus à l’âme, roman qui
remplit pleinement le programme donné par le titre4, à la différence que le blues
touche l’auteure elle-même. La panne est donc panique aux deux sens du
terme : elle crée une intense angoisse car elle porte sur sa personne tout
entière. Son bulletin de santé dénégatif et régressif, avec la formulation « j’ai
trente-cinq ans, de bonnes dents » (DBA 851), ne fait que confirmer par
contraste sa grande souffrance intérieure. L'impuissance à écrire se traduit par
des procédés de dévalorisation, comme les modalisations péjoratives dans ce
jugement métalittéraire : « Cela ne ressemble guère à un début de roman. […]
Là, évidemment, à me relire : six étages, un fauteuil branlant, des toits (logique,
cela, au sixième), c’est peu. […] » (DBA 656) Sagan intègre ici les reproches
que la critique littéraire lui adresse régulièrement sur son style économique
proche de celui des hussards5.
Pour évoquer sa leucosélophobie, mot savant désignant le syndrome de la
page blanche, Sagan emploie une métaphore fiscale, elle qui a eu tant maille à
partir avec l’administration française : elle parle en effet de l'« énorme TVA
mentale, morale, psychologique, morbide, insupportable, qu’est le silence qui
règne parfois entre quelqu’un qui aime écrire et la page de papier en face de
lui. » (DBA 678) La narratrice met ainsi l’accent sur sa souffrance morale et non
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

sur la matérialité de l’écriture, comme le fait Nathalie Sarraute quelques années
plus tôt dans Entre la vie et la mort :

« Non décidément, ça ne va pas ». Il étend le bras, il le replie… « J’arrache la
page ». Il serre le poing, puis son bras s’abaisse, sa main s’ouvre… « Je jette.
Je prends une autre feuille […] ». Sa tête oscille de côté et d’autre. Ses lèvres
font la moue… « Non et non encore une fois. J’arrache. Je froisse. Je jette.
Ainsi trois, quatre, dix fois je recommence. » (Sarraute 7)

Ces observations vont dans le sens de ce qu’écrit Roustang : « Tandis que le
Nouveau Roman est préoccupé de techniques et de recherches formelles, (ce
sont les termes de Nathalie Sarraute et Robbe-Grillet), Sagan parle de l’écriture
en termes viscéraux et passionnels. » (Roustang 143) L’écriture objective de
l’anti-roman tranche avec l’écriture saganienne subjective et pathétique, style
qui ne correspond pas au cliché de romans qui seraient mondains et
superficiels. Relayée à tort au rang des « frivoles » (Albérès 129) aux côtés des
textes de Catherine Paysan et de René Fallet, l’œuvre saganienne est souvent
réduite à l’image simpliste du roman sentimental. Lectrice attentive de Sagan,
l’écrivaine belge Évelyne Wilwerth a bien perçu, sous un vernis de fête, les
fêlures de la romancière :

   Elle a l’art d’évoquer les sentiments informes, les doux naufrages. Et surtout,
   elle cerne à merveille le milieu bourgeois, amolli par l’alcool et le luxe. Mais
   son œuvre ne se limite pas à cela. Car Françoise Sagan s’arrête parfois et
   fouille en elle-même, fouille le noyau de la vie. Par exemple, dans Les Bleus
   à l’âme. Ici, l’étiquette qu’on lui a apposée devrait être sérieusement revue…
   On s’aperçoit alors que le véritable charme s’enracine toujours dans une
   sorte de gravité. (Wilwerth 219)

Les personnages féminins chez Sagan donnent souvent une impression
d’inauthenticité6 comme la séductrice Elsa (Bonjour tristesse), l’ambitieuse
Béatrice (Dans un mois, dans un an) ou l’amorale Éléonore (Des Bleus à
l’âme). Or le sentiment laissé dans ce dernier est inverse, mais peut-on se fier à
cette « autopathographie » (Morello 68)? Il nous semble déceler derrière des
phrases comme « Toujours pas de solution pour les Van Milhem. Pas moyen
de trouver de l’argent gai, à Paris, en ce moment, même pour eux » (DBA 659)
le procédé rhétorique du chleuasme, stratégie consistant à se déprécier soi-
même pour recevoir des éloges. De fait, si le livre est au point mort, on avance
quand même, et cette prétendue modestie, cette pudeur saganienne souvent
qualifiée de classique n'est peut-être qu’une posture, qu'un nouveau procédé
romanesque, comme le huis clos de la villa méditerranéenne pour Bonjour
tristesse. En d’autres termes, on peut se demander si F. Sagan nous fait ici le
coup de la panne.
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
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Écrire sur le fait qu’on ne peut pas écrire
Le coup de la panne nécessite une forme de stratégie. Or la manipulation est
un topos saganien, et ce depuis son œuvre fondatrice, Bonjour tristesse. Cécile
y incite son amant et l’ancienne maîtresse de son père à mentir afin de chasser
Anne, sa future belle-mère trop envahissante. L’honnêteté n’est pas non plus
de mise dans Château en Suède, pièce dans laquelle Sébastien fait du
mensonge une éthique paradoxale, quand il dit à Ophélie : « Je vais
t’apprendre un jeu où il faut tricher. Tu entends? ‘Il faut.’ Comme dans la vie, en
somme. » (CES 216) Dans Des Bleus à l’âme qui prolonge directement la
pièce, la ruse repose sur une prétérition puisque F. Sagan écrit sur le fait qu’elle
ne parvient plus à écrire :

   Ce n’est pas de la littérature, ce n’est pas une vraie confession, c’est
   quelqu’un qui tape à la machine parce qu’elle a peur d’elle-même et de la
   machine et des matins et des soirs etc. Et des autres. Ce n’est pas beau, la
   peur, c’est même assez honteux et je ne la connaissais pas. Voilà tout. Mais
   ce « tout » est terrifiant. (DBA 651)

F. Sagan fait coexister en un même ouvrage une trame narrative – l’histoire de
ses héros suédois –, et une trame métanarrative sur la difficulté à écrire le
roman. Cette méthode du déni ressemble à celle de Francis Scott Fitzgerald qui
a écrit lui aussi à partir de ce qui le ronge et sur ce qui le ronge. Après le
succès, les excentricités, les dépenses en voitures de luxe et les fêtes
orgiaques, l’auteur de Gatsby le magnifique (1925), devenu alcoolique, est
ruiné au début des années 30 ; sa femme Zelda est internée ; il ne parvient plus
à écrire. Il tombe en dépression, et ce n’est que sur l’insistance du rédacteur en
chef d’Esquire, dernière revue à encore vouloir des nouvelles de l’auteur
américain, que ce dernier finit par céder : « Je vais écrire tout ce que je peux
écrire sur le fait que je ne peux pas écrire. » (Fitzgerald 474) C’est tout le sujet
de La Fêlure. C’est ce genre de rapprochement intertextuel qui permet de dire
que si « Françoise Sagan a très souvent évoqué L’Âge de raison de Sartre ou
L’Invitée de Simone de Beauvoir comme les romans qui ont eu le plus
d’influence sur elle, ses meilleures pages rappelleraient plutôt Scott
Fitzgerald. » (Lecarme, Vercier 307)
Chez Sagan, la panne d'inspiration crée ainsi un effet de sérendipité 7 : au lieu
de renoncer à son projet narratif qui n’avance pas, la romancière trouve la
solution de superposer deux projets dans une approche génétique et
exégétique. Il ne s'agit pas comme chez André Gide – auteur que F. Sagan
apprécie par ailleurs – de faire paraître séparément un roman, Les Faux-
monnayeurs et son journal d'écriture, Le Journal des Faux-Monnayeurs –
même si, dans une vertigineuse mise en abyme, le personnage d'Édouard lui-
même tient « une sorte de journal » pour l'écriture de son roman qu'il compte
intituler Les Faux-monnayeurs. L’intérêt réside bien dans la concomitance de la
fiction et de son analyse critique, qui se distingue de l’analyse rétrospective des
Bleus à l’âme qu’on peut trouver près de trente ans plus tard dans Derrière
l’épaule, avec toute la distance ironique que cela suppose de la part de
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

l’auteure qui déclare : « [P]our me laisser si longuement la parole à moi-même,
je devais être assez déprimée en le commençant (DE 108-109). La narratrice
du roman multiplie ainsi les commentaires, occupant de façon hyperbolique ce
que Gérard Genette a appelé dans Figures III « la fonction de régie » (Genette
261, 1972), comme dans ce passage :

       En tous cas, je signale à mes fidèles lecteurs que c’est la première fois
       en dix-huit ans de littérature que je leur offre un menu, un vrai menu. Des
       huîtres, du poisson, etc. Et les vins. Et même un prix approximatif. Je
       finirai par faire des romans touffus et interminables, je le sais. À moi la
       description d’une maison, l’extérieur, l’intérieur, la couleur des rideaux, le
       style des meubles (help!), le visage du grand-père, la robe de la jeune
       fille, l’odeur du grenier, l’ordre pour passer à table […]. C’est peut-être
       ça, le bonheur pour un écrivain. Finie la petite musique, vive les flonflons!
       (DBA 659-660)

Même si elle manque ponctuellement d’imagination, F. Sagan ne veut pas
s'abaisser à des descriptions réalistes, comme Paul Valéry excluait d'écrire
cinquante ans plus tôt la phrase topique « La marquise sortit à cinq heures ».
Dans le roman Dans un mois, dans un an déjà, son personnage Bernard
refusait les incipits surfaits :

       Il recommença son roman. La première phrase était moraliste est est
       la chose la plus calomniée qui soit », etc. […] Bernard eût voulu
       commencer autrement. « Le petit village de Boissy s’offre aux yeux du
       voyageur comme une paisible bourgade que le soleil » etc. Mais il ne
       pouvait pas. Il voulait en venir aussitôt à l’essentiel. (DUM 137)

L’écriture par rectifications mime le travailde brouillon fondé sur la réécriture,
ainsi que le montre le préfixe de réitération « re-» dans la phrase « Il
recommença son roman. » Toute la frustration de Bernard s’exprime encore à
travers le parallélisme au début de l’extrait :

       Il n’en pouvait plus. Écrire l’humiliait. Ce qu’il écrivait l’humiliait. En
       relisant ses dernières pages, il était saisi d’un sentiment de gratuité
       insupportable. Il n’y avait là rien de ce qu’il voulait dire, rien de ce
       quelque chose d’essentiel qu’il croyait percevoir parfois. (DUM 137)

Le polyptote marquant le passage de l’activité (« écrire ») au résultat (« ce qu’il
écrivait ») inscrit son échec dans la durée à travers le verbe conjugué à
l’imparfait. Dans le chapitre « Dérision et autodérision : les limites de la figure
auctoriale » (Hromadova 176-192) de notre essai sur Sagan, nous avons pu
noter que l’auteure privilégie des personnages d’écrivains ratés, dont
l’impuissance artistique se double d’une impuissance sexuelle. C’est pourquoi
Bernard trouve un substitut à son sentiment d’échec dans la voiture qui le mène
en province, là où il doit travailler sur son manuscrit :
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

     Et puis ce fut la route. Il retrouvait des gestes d’homme seul au volant de
     la voitureque son éditeur lui avait prêtée. La manière d’allumer une
     cigarette en conduisant d’une main, le jeu des phares sur la route et des
     codes, ces signaux de crainte et d’amitié que s’envoient les conducteurs
     de la nuit, et la grande envolée des arbres et de leur feuillage au-devant
     de lui. (DUM 152)

Maîtrisant davantage le code de la route que le code amoureux, Bernard subit à
Poitiers une double sanction, sentimentale avec Josée, et artistique en restant
au stade de la page blanche.

Au contraire, le frein de l’inspiration permet à Sagan d’établir un rapport de
séduction avec le lecteur, comme dans le scénario du coup de la panne. Avec
coquetterie, la romancière accepte de se dévoiler, sans que l’exhibition de son
travail d’écriture soit préméditée. F. Sagan avait commencé par ouvrir une voie
plus traditionnelle, celle de la fiction, mais elle finit par montrer la génétique de
son œuvre en cours. Ainsi, le lecteur est emmené ailleurs que là où c’était
initialement prévu, dérouté sans cesse par de nombreuses digressions, comme
dans cet exemple pris au milieu du roman : « Après ce petit cours de littérature
française, je vais revenir à mes Suédois, ou plus précisément, à ma Suédoise
[…]. » (DBA 703) Cet égarement est visiblement concerté, si l’on en croit la
narratrice : « De temps en temps, je manque d’écrire : ‘Mais je m’égare’, vieille
politesse pour le lecteur, mais stupide pour le lecteur, ici, puisque mon propos
est de m’égarer. » (BDA 658) Cette dernière déclaration est largement
exagérée puisque la suspension du récit ne s'accompagne jamais de la
suspension du sens. Cette esthétique du composite n'est pas habituelle de la
part d'une auteure qui adopte d’ordinaire des compositions ordonnées en
chapitres avec des effets de symétrie, comme pour Bonjour tristesse. La
romancière qualifie elle-même Des Bleus à l'âme de « bizarroïde » et explique
que « c'est normal puisque c'est [son] propos de « tout mélanger », la vie
d'Éléonore et « [la] sienne ». (DBA 695)

Un ouvrage génériquement transgressif
Le statut particulier des Bleus à l’âme interroge. Dans un article intitulé « Une
grande autofiction? », Nathalie Morello compte ce roman parmi les sept textes
qui relèveraient, selon elle, de l’autofiction, à savoir des ouvrages dans lesquels
Sagan « se place comme sujet et objet de l’écriture ». (Morello 66) Cette
définition de l’autofiction est loin d'être satisfaisante si on la compare à celle
donnée par Serge Doubrovsky comme récit fondé sur le principe de l'identité
entre l’auteur, le narrateur et le personnage principal, mais qui se réclame de la
fiction. Des Bleus à l'âme est-il constitué du récit de la vie de l'auteur? Oui,
quand elle évoque de façon autobiographique ses choix, comme celui de ne
plus se rendre aux galas et aux avant-premières, « tous les endroits où [elle
est] invitée en tant que Sagan, ‘La Sagan’ comme ils disent en Italie » (DBA
674), ou quand elle expose ses opinions sur le conformisme édifiant de la IV e
République, lui donnant envie de fuir en Inde – « (Mais je crains que les routes
hippies ne soient assez carrossables pour la Maserati.) » (DBA 675), ajoute-t-
elle malicieusement. Le ton est assumé : elle écrit qu'elle se tient devant sa
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

« machine à écrire muette comme une comptable épuisée. Avec toujours, en
contrepoint, ce léger fou rire intérieur à son propre égard. Cette dérision ».
(DBA 688) Dans la lignée de Toxique, nous sommes plus proches du journal
intime que de l'autofiction. Pour Des Bleus à l'âme, Ève-Alice Roustang évoque
à juste titre une « partie diariste [qui] décrit à la fois l’état psychologique de
l’écrivain au moment de l’écriture (elle est plutôt déprimée), et ses
interrogations sur le roman qu’elle est en train d’écrire ». (Roustang 41)

Le mot « roman » qui figure sous le titre porte à notre sens sur la partie
concernant ses Suédois, récit pendant lequel l’auteur feint d’être le narrateur de
façon tout à fait traditionnelle. Selon Coleridge, un auteur fait « comme si » ce
qu’il raconte existait et le lecteur feint d’adhérer à la fiction en suspendant
volontairement son incrédulité, entrant de cette façon dans le jeu du narrateur.
À l'évidence, ses personnages lui ressemblent beaucoup, mais il s'agit d'une
simple projection littéraire et non d’autofiction. Très vite, on apprend
qu'Éléonore partage avec F. Sagan un état dépressif conduisant à des pulsions
suicidaires8 : sous le coup d'une « espèce de tristesse mortelle » (DBA 677), la
belle songe à prendre « des comprimés blancs, faciles et qu’elle savait
faciles ». (DBA 677) Éléonore est aussi un double intellectuel en plus d'être un
avatar moral car elle partage la sensibilité littéraire de l'auteure, confiant sa peur
des « aubes navrantes dont parl[e] Rimbaud9 ». (DBA 695) Cette
fictionnalisation de soi ne saurait relever pour autant du biographique ; l'auteure
défend d'ailleurs explicitement une conception contre sainte-beuvienne de
l’écriture :

       [I]l n’y aura aucun élément autobiographique, aucun souvenir drolatique
       de Saint-Tropez 54, rien sur mon mode de vie, mes amis, etc. Pour deux
       raisons. La plus importante, à mes yeux, c’est que cela ne regarde que
       moi. Et que, deuxièmement, si je me lance dans les faits, mon
       imagination – qui est vraiment la folle du logis – me fera bifurquer,
       infléchir mon récit vers n’importe quoi qui me fasse rire, moi. (DBA 660)

Ainsi, Sébastien et Éléonore ont la particularité de cumuler les trois types de
personnages de fiction répertoriés par Thomas Pavel dans Univers de la fiction,
à savoir les « autochtones », imaginés par l’auteur ; les « immigrants »
provenant d’autres textes; et les « substituts », personnages réels dont certains
traits ont été modifiés. Au final, le roman Des Bleus à l'âme donne une
impression paradoxale d'omniprésence dans l'absence de l'auteure, ce que
confirme l'emploi du procédé de la métalepse.

Gérard Genette définit cette dernière comme une « transgression délibérée du
seuil d’enchâssement » dont il décrit le processus relevant de la substitution :

       [L]orsqu’un auteur (ou son lecteur) s’introduit dans l’action fictive de son
       récit ou lorsqu’un personnage de cette fiction vient s’immiscer dans
       l’existence extradiégétique de l’auteur ou du lecteur, de telles intrusions
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

       jettent pour le moins un trouble dans la distinction des niveaux. (Genette
       58-59, 1983)

John Pier et Jean-Marie Schaeffer emploient une métaphore automobile pour
qualifier la métalepse : ils parlent d'une sorte de « court circuit » (Pier et
Schaeffer 7) dans l’organisation du discours qui, chez F. Sagan, sera
paradoxalement à la fois la marque de la panne littéraire et l'outil qui permettra
sa réparation. En effet, l'incursion des personnages de fiction dans le monde
réel souligne l’incapacité de l'auteure à s'occuper de ses personnages devenus
de ce fait autonomes. C'est ainsi qu'elle se rend compte qu'elle a complètement
occulté le personnage de Jean-Pierre Bouldot qui devait être dans son scénario
mais qu’elle a « oublié […] en route » (DBA 710). Plus tôt dans le roman, elle
s'interroge sur la survie de ses héros suédois : « Mais voyons : voilà deux mois
que je ne me suis pas occupée de Sébastien ou d’Éléonore. Et maintenant se
sont-ils nourris, de quoi ont-ils vécu, mes chers Van Milhem, en mon absence
»? (DBA 664)

L'idée est plus originale que l'évasion topique des personnages hors du
manuscrit d'un écrivain comme chez Luigi Pirandello avec Six personnages en
quête d’auteur (1978) ou dans Le Vol d’Icare de Queneau (1968). Peut-être F.
Sagan s'inspire-t-elle des Faux-Monnayeurs d'André Gide dans le chapitre VII
de la Partie II, lorsque l'auteur fait des commentaires sur ses personnages
comme s'il ne les avait pas lui-même inventés. Il se dit déçu par certains d'entre
eux, notamment Lady Griffith qu'il s'apprête d'ailleurs à abandonner. Par
ailleurs, F. Sagan s'adresse souvent au lecteur dans ce que Dorrit Cohn appelle
la métalepse extérieure qui se produit « entre l’univers du narrateur et celui de
son histoire » (Cohn 2). Cela passe par divers commentaires, proches parfois
de l'essai, comme dans cet extrait où l'auteure soutient « que l’avortement
devrait être légal puisqu’il est, sinon, une simple contrariété pour les femmes
aisées et une sinistre boucherie pour les autres. » (DBA 669) Plus singulière est
l'incursion de la narratrice extradiégétique en tant que personnage agissant
dans une histoire qu’elle n’était censée que raconter10. Le glissement entre le
plan narratif et métanarratif s'opère grâce au jeu des temps qui signale le
« court circuit » dont nous parlions précédemment. Alors que la narratrice
s'exprime habituellement au présent, temps « commentatif » selon H. Weinrich,
elle s’introduit cette fois dans son récit aux temps du passé :

       Le soleil rouge de février se couchait derrière les arbres noirs. À la
       fenêtre de sa maison de Normandie, la malheureuse écrivassière
       regardait se terminer le jour. Depuis quarante-huit heures, elle ne
       parvenait plus à écrire le moindre mot. Elle aurait dû en être triste.
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

       Essayer d’écrire sans y parvenir, c’était comme faire l’amour sans plaisir,
       boire sans s’enivrer, voyager sans arriver. (DBA 687)

La métalepse peut être considérée comme une « figure de l’imagination
créatrice » (Genette 58-59, 1983), mais il s'agit ici moins de mobiliser
l'imagination du lecteur que celle de l'auteure : « Je ne suis pas un foudre de
travail et la bonne conscience n’est pas mon fort. Mais maintenant, grâce à la
littérature, je vais aller m’amuser avec mes amis Van Milhem. » (DBA 670)
La violation des niveaux narratifs sert à contrer ce qu'elle nomme le « viol »
(DBA 695) de la mort puisque l'absence d’inspiration est bien une mort à ses
yeux. La narratrice confesse ne s’en être tirée « que grâce à cette bizarre
manie d’aligner des mots les uns après les autres, des mots qui
recommenç[ent] tout à coup à jaillir en fleurs à [s]es yeux et en échos dans [s]a
tête ». (DBA 702) Six mois après que la narratrice a commencé son roman, elle
regarde « avec stupeur une longue égratignure près du cœur se refermer à
toute vitesse, […] [qu’elle] toucher[a] sans doute d’un doigt incrédule plus tard –
celui de la mémoire – comme pour [s]e convaincre de [s]a propre
vulnérabilité ». (DBA 665-666) En racontant l’histoire de Robert Bessy, croisée
avec celle de Sébastien et d’Éléonore, la narratrice parvient à lutter contre le
syndrome de la page blanche qui la paralysait. C’est au prix de sacrifices, d’une
réclusion en province pour rédiger son manuscrit qu’elle est arrivée à surmonter
les obstacles propres à l’écriture. Dans une démarche sublimatoire, la
romancière porte à travers ses personnages le deuil de son propre roman, leur
disant en fin de récit « non, pas au revoir [mais] adieu ». (DBA 724).

En conclusion, l'écriture fuyante, dérivante de ce roman repose sur le paradoxe
d'une rupture narrative qui devient norme du récit, sans créer d'incohérence. On
pourra s'étonner que cette œuvre soit autant « l'écriture d'une aventure que
l’aventure d’une écriture » (Ricardou 111), alors que Françoise Sagan a
toujours gardé ses distances avec les courants littéraires, y compris avec le
Nouveau Roman. Dans Des Bleus à l'âme, le coup de la panne n'est pas le
signe d’une crise du roman mais d'une crise personnelle, et le roman lui-même
constitue un acte de résilience. Le lecteur assiste à la fois à une confession, à
un acte de séduction et à une réflexion qui endosse une fonction maïeutique.
Les dysfonctionnements textuels exhibés sont la marque d'une grande liberté
car son roman ne ressemble pas aux précédents et ne ressemble finalement à
aucun autre. « Ce livre a beaucoup de défauts mais une liberté et par moments
une poésie qui appartiennent à un écrivain ou en tous cas à quelqu’un fait pour
écrire3 » (DE 112-113), revendique-t-elle dans Derrière l'épaule. Elle écrit
surtout pour le plaisir du lecteur qui se met à faire avec elle l’école
buissonnière : chez Françoise Sagan la digression « n’est ni un signe, ni une
preuve, ni une provocation, ni un défi, mais un élan de bonheur ». (AMMS 67)
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                         Crossways Journal, N°3.2 (2019)

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Wilwerth, Évelyne. Visages de la littérature féminine. Bruxelles: P. Mardage,
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1
 AMMS : Avec mon meilleur souvenir; CES : Château en Suède; DBA : Des
Bleus à l’âme; DE : Derrière l’épaule; DUM : Dans un mois, dans un an; ETMS :
… Et toute ma sympathie; RPL : Répliques; RPS : Réponses; TLM : Tout le
monde est infidèle

Notes

2 Son fils évoque, par exemple, « la légende de la conduite aux pieds nus »,
fausse selon lui, mais « charmante ». (Westhoff, 18).
3 Dans Françoise Sagan : le tourbillon d’une vie, Bertrand Meyer-Stabley
identifie Paola comme une cousine de la famille Rothschild qui a eu une liaison
avec F. Sagan au moment de son divorce avec Guy Schoeller.
4 La réussite de Sagan dans le choix de ses titres a souvent été soulignée, et
elle-même explique y porter beaucoup d’attention : « Le titre d’un livre me paraît
important. C’est un peu une manière de l’habiller. Je choisis toujours des titres
qui me plaisent. » (RPS, 70).
5On peut penser à la liste des hussards établie par Alain Cresciucci : « Jean-
Louis Curtis, Kléber Haedens, Stephen Hecquet, Félicien Marceau, Michel
Mohrt, François Nourissier, Bernard Pingaud, voire des Hussardes comme
Françoise Sagan et Geneviève Dormann. On imagina des Hussards de gauche:
Roger Vaillant, Claude Roy, on rallia même l’inventeur de la formule, Bernard
Frank. » (Cresciucci, 20-21).

6   Elles sont qualifiées de « narcissistes » par N. Morello (Morello 87, 2002).
Hromadova, Céline. « Des Bleus à l’âme ou l’accident littéraire chez Françoise Sagan. »
                                                           Crossways Journal, N°3.2 (2019)

7 Son cas est inspirant car Anne Berest, à qui le fils de Françoise Sagan avait
fait commande d'une exofiction, un roman qui retracerait la naissance de sa
mère comme écrivain, finit par se raconter dans Sagan 1954 à travers des
passages d'autofiction qui n’étaient pas prévus au départ.

8 Le personnage de Robert Bessy, l’amoureux éconduit de Sébastien, lui,
franchit le pas à la fin du roman.
9 Il s’agit d’une référence à un vers célèbre de Rimbaud : « Mais, vrai, j’ai trop
pleuré! Les Aubes sont navrantes », dans « Le Bateau ivre » (1871). Le poète
est une grande référence pour Sagan : la lecture des Illuminations est pour elle
la « démonstration finale de ce qu’[elle] soupçonnai[t] depuis [s]on premier livre
non illustré, à savoir que la littérature était tout. » (AMMS, 146)
10 Michèle Bokobza Kahan recense un cas du XVIIe siècle où l'auteur se
représente dans son activité d’écrivain en train d’écrire le livre que nous lisons.
Il s’agit de Scarron dans Le Roman comique de 1651 : […] par une générosité
inouïe en une maîtresse de tripot, [elle] permit au charretier de faire manger ses
bêtes tout leur soûl. Il accepta l’offre qu’elle lui fit et, cependant que ses bêtes
mangèrent, l’auteur se reposa quelque temps et se mit à songer à ce qu’il dirait
dans le second chapitre (Kahan 13).
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