3 Orienter l'industrie lourde vers un mode de production durable

 
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  3 Orienter l’industrie lourde vers un
                mode de production durable

               Ce chapitre est consacré au secteur de l’industrie lourde, analysé sous
               l’angle du bien-être. La première partie examine plusieurs priorités qui,
               au-delà de la fourniture de produits, relient le secteur à des objectifs de
               bien-être et de durabilité plus généraux. Elle explique ensuite qu’il est
               nécessaire d’opérer une transition vers un mode de production circulaire, à
               émissions nettes nulles et économe en ressources, afin de répondre aux
               priorités en question. La seconde partie propose une série d’indicateurs qui
               permettront aux responsables de l’action publique de suivre cette transition
               tout en évaluant les synergies entre les priorités climatiques et d’autres
               priorités au sein du secteur, ou ce qui les fait diverger.

Les données statistiques relatives à Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes
concernées. L’OCDE utilise ces données sans préjuger du statut du Plateau du Golan, de Jérusalem-Est et des
colonies israéliennes en Cisjordanie, conformément aux dispositions du droit international.

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 En Bref
 Orienter l’industrie lourde vers un mode de production durable

 Au cours du dernier siècle, l’industrie lourde s’est employée à maximiser la production pour
 répondre aux demandes engendrées par l’augmentation de la population mondiale, l’élévation
 des niveaux de vie et la progression de l’urbanisation. En ce sens, elle touche pratiquement tous
 les aspects de nos vies, dans la mesure où elle produit pratiquement tous les matériaux et produits
 chimiques que nous utilisons (fer et acier, ciment et aluminium, entre autres). La production mondiale
 de matières premières s’élève à plusieurs milliards de tonnes par an, progressant à un rythme plus de
 deux fois supérieur à celui de la croissance démographique.
 Le problème, cependant, est que la production industrielle actuelle nuit à notre santé et à celle de
 la planète, pollue l’air que nous respirons, contamine les sols et l’eau, épuise les ressources
 mondiales et, pour couronner le tout, accentue le changement climatique. L’industrie lourde a
 contribué aux émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie à hauteur de 36 % environ en 2016
 (émissions associées à l’électricité et au chauffage comprises).
 Les choix que nous faisons aujourd’hui en matière de construction ou de rénovation d’usines
 resteront en place pendant 20 à 40 ans, verrouillant les modes de production de l’industrie lourde
 dans une trajectoire jusqu’au milieu du siècle, qu’elle soit durable ou non. Or, seuls certains
 procédés de l’industrie lourde peuvent être électrifiés directement et pour un coût faible ; par
 conséquent, la décarbonisation de ce secteur passera par la mise en place de nouveaux procédés. Bon
 nombre des solutions existantes sont coûteuses ou techniquement difficiles. Sachant que les
 prochaines décennies vont être marquées par une augmentation continue de la population, de
 l’urbanisation et des niveaux de vie, il est crucial de démontrer et de favoriser la viabilité commerciale
 de ces nouvelles technologies.
 Un mode de production durable passe par une industrie lourde décarbonée et l’adoption de
 procédés de production circulaires et économes en ressources. Les entreprises vont devoir
 modifier leurs usines pour économiser l’énergie, fermer celles d’entre elles qui polluent le plus, utiliser
 davantage de matériaux recyclés et développer et déployer de nouveaux procédés de production, dans
 la mesure où il est pour l’instant impossible de se passer de combustibles fossiles pour la production
 de certains matériaux et processus chimiques. Nombre de ces mesures peuvent non seulement réduire
 les émissions de gaz à effet de serre mais aussi améliorer la qualité de l’environnement et contribuer à
 la gestion durable des ressources de la planète. Si l’on prend le cas de matériaux comme l’acier, par
 exemple, une utilisation accrue de la ferraille entraînerait une diminution de la consommation d’énergie,
 d’eau et de terres et réduirait les émissions de GES. Pour concrétiser ces possibilités, les autorités
 publiques devront se détourner de l’économie linéaire – qui extrait, transforme, consomme puis élimine
 les matières premières – et généraliser la décarbonisation, la circularité et l’utilisation efficace des
 ressources dans l’ensemble de l’économie.
 Pour que ce changement puisse advenir, le secteur devra viser une productivité durable qui
 intègre les retombées sociales et environnementales dans les processus décisionnels, et donc
 élargir le champ de ses priorités stratégiques. À cet égard, des indicateurs permettant de savoir si
 les gains de production sont obtenus au prix de pollutions multiples (air, terres, eau, sols et pollution
 due à la production de matériaux) et d’émissions de GES seraient utiles. Ces indicateurs et d’autres

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 visant à évaluer les divers effets de l’industrie lourde sur le bien-être devront être utilisés de manière
 systématique.

 Infographie 3.1. Orienter l’industrie lourde vers un mode de production durable

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3.1. Introduction

Ce rapport propose l’adoption d’une approche axée sur le bien-être afin qu’elle serve de cadre aux
politiques d’atténuation. Son premier volet vise à définir des objectifs sociaux sous l’angle du bien-être et
à les traduire systématiquement dans le processus décisionnel de tous les secteurs de l’économie, en
plaçant le bien-être des personnes au centre de l’élaboration des politiques. Le second a pour but de
garantir que les décideurs prennent en compte de multiples objectifs de bien-être, au lieu de se concentrer
sur une seule question (ou quelques-unes) dans l’ensemble des secteurs. Le dernier volet a pour objectif
la compréhension approfondie du système dans lequel opère l’action publique en vue de saisir les
interactions plus générales entre les différentes facettes du bien-être. Cette approche permet d’identifier
et d’élaborer des politiques à même d’assurer un double alignement de l’atténuation du changement
climatique et d’autres priorités en matière de bien-être afin que ces objectifs se renforcent mutuellement
au lieu de s’opposer. Dans le présent chapitre, elle est appliquée à l’industrie lourde, qui regroupe des
activités energivores et exposées à la concurrence internationale. L’accent est mis sur les secteurs du fer
et de l’acier, du ciment, des métaux non ferreux (par ex. l’aluminium), de la pâte à papier et du papier,
ainsi que des produits chimiques (tels que l’ammoniac). Les raffineries sont traitées dans d’autres
chapitres.
L’industrie lourde renvoie à pratiquement tous les aspects du bien-être présent et futur. Elle transforme les
matières premières fournies par la planète en produits destinés à la société. Au cours du dernier siècle, la
planète a été marquée par la progression sans précédent de l’urbanisation, l’élévation des niveaux de vie
et l’augmentation de la population, qui ont entraîné une demande croissante de produits de l’industrie
lourde. En 1970, le monde a produit 22 milliards de tonnes de matières premières primaires (à savoir les
matières brutes provenant des activités minières ou d’extraction et entrant dans l’économie pour la
première fois) à l’échelle mondiale. Ce volume est passé à 70 milliards de tonnes en 20101, progressant
ainsi deux fois plus vite que la population durant la même période (OCDE, 2019[1]). L’industrie lourde s’est
principalement employée à maximiser sa production pour répondre de manière rentable à la demande
croissante engendrée par l’évolution des niveaux de vie, l’accroissement de la population et l’urbanisation.
Cela supposait d’augmenter sa production tout en réduisant ses coûts, généralement en améliorant
l’efficience de la production, c’est-à-dire en minimisant les intrants (travail, capital, énergie et autres
intrants intermédiaires) pour chaque unité produite.
L’industrie lourde est parvenue à répondre à la demande croissante de matériaux et de produits chimiques,
mais a contribué, ce faisant, de manière significative au changement climatique. Elle nécessite des
températures élevées pour la production de matériaux, les produits destinés à la chimie et d’autres
procédés chimiques spécialisés, ce qui la rend hautement énergivore et émettrice de CO2. L’industrie
lourde est responsable d’environ 36 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2) produites
annuellement à l’échelle mondiale (contre seulement 5.5 % pour le reste de l’industrie) (AIE, 2019[2]) ; ces
émissions progressent à un rythme nettement plus rapide que les émissions mondiales de CO 2 (Hoesly
et al., 2018[3]).

                          L’industrie lourde est responsable d’environ 36 % des émissions de
                          dioxyde de carbone (CO2) produites annuellement à l’échelle
                          mondiale (contre seulement 5.5 % pour le reste de l’industrie) (AIE,
                          2019[2]) ; ces émissions progressent à un rythme nettement plus
                          rapide que les émissions mondiales de CO2 (Hoesly et al., 2018[3]).

Pour ce qui est du bien-être au sens plus large, l’extraction et la transformation des matières premières
peuvent modifier les écosystèmes de manière irréversible à travers l’altération physique du paysage, des

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déchets et d’autres sous-produits. Certaines des modifications subies par ces écosystèmes sont
susceptibles d’altérer les conditions climatiques au niveau local, comme le montre la hausse des
températures locales causée par la déforestation due à l’exploitation minière (Wolff et al., 2018[4]). La
pollution de l’air, de l’eau et des sols environnants nuit à la biodiversité et menace la vie humaine. La
dépendance de l’industrie lourde à l’égard des ressources de la planète (c’est-à-dire de l’énergie, des
terres, de l’eau et des matières premières) pose donc des problèmes de durabilité en raison de la
concurrence croissante entre les secteurs de l’agriculture, de l’énergie et de l’industrie. L’ampleur de cette
concurrence dépend de la rapidité et de l’orientation de l’innovation dans ces secteurs.
Le risque est de perpétuer les pertes de bien-être, voire de les accentuer à l’avenir. Si les tendances
actuelles se poursuivent, les modèles prévoient que la demande de matériaux doublera dans les
50 prochaines années, passant de 89 Gt en 2017 à 160 Gt en 2060 dans l’ensemble des principales
catégories de matériaux (les minerais métalliques et non métalliques, la biomasse et les énergies fossiles)
(OCDE, 2019[1]). Les effets négatifs susmentionnés sur le bien-être exigent non seulement de l’innovation,
mais aussi le réexamen des priorités de l’industrie lourde et une réflexion plus poussée sur l’utilisation des
ressources en vue de fournir des matériaux et des produits chimiques à la société.
L’adoption d’une approche axée sur le bien-être met rapidement en lumière l’inadéquation de l’économie
dite « linéaire », c’est-à-dire qui extrait, transforme, consomme et élimine. L’industrie lourde ne pourra
promouvoir le bien-être qu’à travers la transition de l’économie au sens large vers un modèle circulaire, à
émissions nettes nulles et économe en ressources. Ces changements d’ensemble lui permettront
d’adopter ce modèle à son tour.
Ce rapport se concentre sur la question de l’atténuation du changement climatique et met en évidence
différentes stratégies visant à assurer la décarbonation de l’industrie lourde aussi bien du côté de l’offre
que de la demande (GIEC, 2018[5]). Parmi les solutions disponibles figurent l’amélioration de l’efficacité
énergétique ; l’utilisation accrue de l’électricité bas carbone ; le développement du recyclage des
matériaux ; la modification des procédés existants en vue de recourir au captage, à l’utilisation et au
stockage du carbone (CUSC) ; l’identification de nouvelles sources de chaleur pour les procédés en place ;
voire le changement total des sources d’énergie (par ex. en faisant appel à l’électrification directe ou
indirecte, aux matières premières bioénergétiques ou à l’hydrogène) (Bataille et al., 2018[6] ; Davis et al.,
2018[7]). Le temps disponible pour atteindre les objectifs contraignants d’atténuation du changement
climatique est limité. Les installations industrielles ayant une durée de vie de plusieurs décennies implique
que l’ensemble des nouvelles structures présentent des émissions nettes nulles d’ici la période 2030-2055
afin de limiter la hausse de la température à 1.5 ou 2 °C (Bataille et al., 2018[6]). Les cycles
d’investissement des installations durent généralement de 20 à 40 ans, ce qui signifie que les entreprises
sont à un, voire tout au plus deux cycles d’investissement du milieu du siècle (Wyns, Robson et Khnadekar,
2018[8]).
Néanmoins, si l’on fait une comparaison avec d’autres secteurs tels que les transports, seuls certains
procédés de l’industrie lourde peuvent être électrifiés directement et pour un coût faible ; par conséquent,
de nouveaux procédés (par ex. de nouveaux procédés chimiques pour le ciment) devront être mis en
place. Bon nombre des options disponibles sont coûteuses (par ex. le procédé HIsarna pour l’acier) ou
techniquement difficiles (Bataille et al., 2018[6] ; Davis et al., 2018[7]). Toutefois, les possibilités offertes par
la technologie en matière de décarbonation repoussent continuellement les frontières de l’innovation ; il
est crucial de démontrer et de favoriser la viabilité commerciale de ces nouvelles technologies. La
réduction de la demande de produits de l’industrie lourde, moyennant une utilisation plus efficace des
matériaux, sera aussi importante que les mesures visant l’offre, mais la prudence devra rester de mise
dans la hiérarchisation des priorités. Concentrer l’attention sur la demande est susceptible de ralentir le
déploiement des technologies de production bas carbone, et donc le rythme de la réduction de l’intensité
d’émission de la production de matériaux (AIE, 2019[9]).

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Les méthodes de décarbonation de l’industrie lourde auront une forte incidence sur d’autres dimensions
du bien-être, qui ne peuvent être ignorées. D’une part, l’industrie lourde est sensible à la hausse des coûts
de production, ce qui complexifie les enjeux de compétitivité. La majeure partie de l’industrie lourde
présente une rentabilité discontinue et est généralement exposée à la concurrence internationale ; elle a
donc peu de possibilités de transférer les coûts aux consommateurs (1-5 % tout au plus). Par conséquent,
les coûts supplémentaires dus à la décarbonation font souvent craindre que la compétitivité diminue et
que, de ce fait, des emplois soient détruits ou que des collectivités « meurent », car l’industrie lourde se
trouve généralement dans des régions rurales et isolées. D’autre part, divers mécanismes de
décarbonation peuvent aider à gérer les ressources de la planète en réduisant la consommation d’énergie
et d’eau ; d’autres peuvent contribuer à réduire les rejets de polluants et les déchets pour que
l’environnement reste sain et sûr. À l’avenir, les pouvoirs publics devront démêler cet écheveau d’intérêts
et d’inconnues pour définir avec soin des mesures à même d’assurer le double alignement de toutes les
priorités en matière de bien-être.
Ce chapitre analyse les incidences de l’industrie lourde sur le bien-être d’aujourd’hui et de demain. La
section 3.1 appelle à un élargissement des priorités de l’action publique pour orienter les décisions prises
dans le secteur de manière à garantir des incidences positives sur le bien-être de plus grande ampleur,
ainsi qu’à anticiper et éviter d’éventuelles divergences entre les objectifs. La section 3.2 propose, quant à
elle, un ensemble d’indicateurs visant à suivre l’action consacrée aux différentes priorités et à aider les
pays à hiérarchiser efficacement leurs interventions en vue de la mener à bien. Elle montre également que
ces indicateurs peuvent compléter les Objectifs de développement durable (ODD) et le cadre d’évaluation
du bien-être et du progrès de l’OCDE (dénommé « cadre du bien-être de l’OCDE » ci-après).
Le chapitre 8 (partie 2) s’appuie sur le présent chapitre et traite des mécanismes et des politiques de
décarbonation nécessaires pour assurer la transition vers un mode de production circulaire, à émissions
nettes nulles et économe en ressources. À l’instar des réflexions incluses dans le présent chapitre, il traite
des politiques et des stratégies visant à assurer un double alignement des objectifs climatiques et des
objectifs de bien-être en général, en abordant quelques-uns des principaux éléments qui peuvent les faire
converger avec d’autres priorités de l’action publique ou les en faire diverger.

3.2. Changer de perspective : au-delà de la maximisation de la production

En dépit de sa part relativement modeste dans le produit intérieur brut (PIB) mondial, l’industrie lourde est
un pilier de l’économie actuelle et transforme pratiquement tous les matériaux et produits chimiques utilisés
aujourd’hui (Wyns, Robson et Khnadekar, 2018[8]). Par conséquent, les pays estiment souvent qu’elle revêt
une importance stratégique pour le développement économique (Silva et Mattera, 2018[10]). En particulier,
le secteur de l’acier est non seulement considéré comme crucial pour l’économie, mais aussi pour la
défense. Les décideurs tiennent souvent à garantir des sources nationales d’acier (Silva et Mattera,
2018[10]).
L’industrie lourde a des coûts fixes initiaux très élevés, ce qui l’amène à maximiser sa production, même
durant les périodes de faible demande (Silva et Mattera, 2018[10]). L’élévation des niveaux de vie,
l’urbanisation croissante et l’augmentation de la population entraînent, quant à elles, une hausse de la
demande de produits. Tous ces facteurs incitent encore davantage à augmenter la production et à
améliorer l’efficacité en vue de réduire les coûts, c’est-à-dire à minimiser les intrants par unité produite.
Comme le montre le graphique 3.1, il s’agit de capital humain – par ex. les travailleurs et leurs
compétences (encadré rouge) ; de capital naturel – par ex. l’eau, les terres et les matières premières
(encadré bleu) ; et de capital produit – par ex. l’énergie et les machines (encadré jaune). En retour,
l’industrie lourde génère les matériaux et les produits chimiques transformés dont la société a besoin
(encadré jaune), les salaires des travailleurs (encadré rouge), ainsi que d’autres sous-produits moins
désirables tels que des polluants, des déchets et des gaz à effet de serre (GES) (encadré bleu).

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Graphique 3.1. Les intrants et les extrants de la production dans l’industrie lourde

               Human Capital                  Natural Capital                Produced Capital
        Labour         Wages           Raw              Pollution     Energy          Processed
        Knowledge      Regional        materials        GHGs          RD&D            materials and
                       Development     Water            Waste,        Machinery/Inf   chemicals
                                       Land             sludge        rastructure

                                              Product Value Chain

L’industrie lourde suit le rythme de la demande. La production d’aluminium primaire a presque doublé ces
dix dernières années, passant de 38 971 Mt en 2008 à 64 336 Mt en 2018, essentiellement sous l’effet de
la hausse de la production en Chine (OCDE, 2019[1]). La production d’acier brut est quant à elle passée
de 1.3 à 1.8 milliard de tonnes durant la même période (Mercier et Mabashi, 2019[11]). La croissance de la
production mondiale crée des emplois et assure le développement de régions du monde entier. Les
emplois en question ne représentent qu’une partie relativement modeste du marché de l’emploi à l’échelle
mondiale, mais il existe des liens indirects avec d’autres secteurs dans l’ensemble de l’économie. Par
exemple, le secteur de l’acier emploie seulement 6 millions de personnes dans le monde, mais il concerne
de manière indirecte 42 millions d’emplois (World Steel Association, 2019[12]).
Néanmoins, l’automatisation vient progressivement remplacer ces emplois : l’industrie lourde se dirige vers
l’automatisation des procédés, à l’instar des constructeurs automobiles (Kherat, 2019[13]). Les robots
industriels devraient se substituer à près de 20 millions d’emplois manufacturiers (environ 8.5 %) à
l’échelle mondiale d’ici 2030 (Oxford Economics, 2019[14]). La baisse de leur coût et leurs capacités
croissantes (faisant appel à l’intelligence artificielle), associées à la hausse continue de la demande de
biens, incitent les principaux producteurs tels que la Chine à consacrer des investissements colossaux à
l’automatisation (Oxford Economics, 2019[14]). Depuis 2000, l’Union européenne a perdu 400 000 emplois
à cause de l’automatisation, la Chine 550 000, les États-Unis 260 000 et la Corée du Sud 340 000 (Oxford
Economics, 2019[14]). La nécessité de faire quelque chose pour les personnes ayant perdu leur emploi,
afin d’éviter la perpétuation des inégalités sociales, est de plus en plus reconnue. En effet, les zones
rurales peu peuplées et à faibles revenus seront les plus exposées aux pertes d’emplois dues à
l’automatisation et à la transition vers une économie bas carbone (Oxford Economics, 2019[14]). Cette
dernière fait partie des sujets abordés en 2015 dans les Principes directeurs de l’OIT pour une transition
juste (OIT, 2015[15]).
Malgré cette tendance, l’industrie lourde – et la politique industrielle – maximisent la production au
détriment d’autres aspects du bien-être présent et futur. L’augmentation de la production enregistrée par
le secteur ces dernières décennies a entraîné une hausse considérable des émissions de GES liées à
l’énergie, aggravant encore le changement climatique. L’industrie lourde a rejeté 11.8 GtCO2 (36 % des
émissions de CO2 mondiales) en 2016, plus 3.1 GtCO2 (9 %) pour la production de combustibles fossiles
(généralement imputée à l’industrie lourde), ce qui en fait le principal secteur émetteur si les émissions de
CO2 de l’électricité sont attribuées aux secteurs consommateurs (flèche bleue dans le Graphique 3.1) (AIE,

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2019[2]). Les principaux émetteurs de l’industrie lourde sont le fer et l’acier (31 %) ainsi que le ciment et le
béton (19 %) (pour obtenir une ventilation plus détaillée, voir le graphique 3.2).

Graphique 3.2. Ventilation des émissions de CO2 liées à l’énergie par sous-secteur

                             4000
                                       31%
                                                    29%
                             3500

                             3000

                             2500                               19%
                     MtCO2

                             2000
                                                                          12%
                             1500

                             1000
                                                                                        4%
                             500                                                                     3%           2%

                               0
                                    Iron & Steel     Other    Cement &   Non-NH3     NH3 for      Non-ferrous Pulp & Paper
                                                   industry     Lime      chem.      Fertilizer     metals

Source: (AIE, 2019[2]).

                                                                                   StatLink 2 https://doi.org/10.1787/888933993047

Les sous-produits de l’industrie lourde – à savoir les déchets, les boues et les poussières (flèche bleue
dans le graphique 3.1) – polluent l’air, l’eau et les sols dans certaines parties du monde, portant ainsi
atteinte à la biodiversité à travers l’acidification de l’eau, l’eutrophisation et l’écotoxicité des eaux et des
sols (OCDE, 2019[1]). L’exposition aux dangers qu’ils représentent peut-être persistante, comme dans le
cas des pluies acides dues à la combustion de charbon qui a touché le Nord-Est des États-Unis jusqu’aux
années 1990. Elle peut aussi être très aigüe, comme à la suite de la rupture des barrages de Brumadinho
en 2019 et de Mariana en 2015, accidents qui ont entraîné le rejet de millions de litres de déchets de mines
de fer au Brésil, fait plusieurs morts et détruit la biodiversité. Cette pollution peut porter atteinte à la santé
des êtres humains de manière directe et indirecte, à travers la contamination des produits alimentaires et
de l’eau (Tableau 3.1). L’utilisation des ressources de la planète, c’est-à-dire des terres, de l’eau et des
matières premières (encadré bleu) d’une part, et de l’énergie (encadré jaune) d’autre part, est susceptible
de poser des problèmes de durabilité à l’avenir en raison de la concurrence croissante que se livrent
l’industrie lourde, l’agriculture et l’énergie pour en disposer (OCDE, 2017[16]). En janvier 2018, Le Cap a
été confrontée à la dure réalité d’une pénurie d’eau qui a duré trois mois ; la ville a surmonté cette crise
en coupant l’accès de l’industrie à l’eau potable. Ce type de choix sera de plus en plus courant à l’avenir :
la demande mondiale totale d’eau (c’est-à-dire le volume prélevé dans les sources d’eau douce) devrait
augmenter de 23 % entre 2015 et 2060 ; l’industrie représente 38 % de cette demande (OCDE, 2017[16]).
On ne sait pas comment il sera possible de répondre à cette demande croissante dans l’éventualité d’une
pénurie de ressources à l’avenir.

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Tableau 3.1. Exemples de l’incidence de l’industrie lourde sur le bien-être
 Sous-produits          Effet sur le                                                      Exemples
 de l’industrie          bien-être
    lourde
 Pollution de         Diminution de la   Le cuivre (utilisé, par exemple, dans les parties électromécaniques des bâtiments) sera le principal facteur
 l’eau                biodiversité.      d’acidification dans les 50 années à venir (OCDE, 2019[1]), entraînant l’écotoxicité des eaux douces et la
                                         mort de nombreuses espèces d’algues, d’invertébrés, d’insectes et de poissons (par ex. le risque de est
                                         élevé pour le saumon, la truite et le gardon) (Tang et al., 2014[17]).
 Pollution des                           Les métaux non ferreux libèrent des substances toxiques dans les écosystèmes, source d’écotoxicité
 sols                                    terrestre. Parmi les incidences sur les insectes figurent la perte des œufs, la réduction de la valeur
                                         adaptative de leur progéniture et les problèmes de comportement, entraînant une baisse générale de la
                                         taille des populations et de la diversité des espèces sur les sites contaminés. Le déclin des populations
                                         d’insectes pourrait, à son tour, perturber les services écosystémiques tels que la production de denrées
                                         alimentaires (Mogren et Trumble, 2010[18]).
 Pollution de l'air   Dangereux pour     L’industrie lourde, notamment dans les économies émergentes, rejette une quantité excessive de polluants
                      les êtres          riches en dioxyde de soufre et en matières particulaires, soit les composants du smog. En Chine, les effets
                      humains.           du smog sur la santé se font sentir très rapidement (par exemple, à travers une sensation d’oppression
                                         dans la poitrine 10 ou 15 minutes après l’inhalation), provoquant des problèmes à long terme tels que
                                         l’asthme, des décès prématurés et les anomalies congénitales.
 Eaux usées,                             Les eaux usées, les résidus et les boues provenant de l’industrie lourde (fer et métaux non ferreux, par
 boues et                                exemple) sont dangereux pour la santé, même à des niveaux de contamination très faibles (Gunatilake
 résidus                                 SK, 2015[19]). La contamination des eaux usées par les métaux provoque des cancers, des lésions des
                                         organes et du système nerveux, voire des décès dans les cas extrêmes. Elle entrave également la
                                         croissance et le développement des enfants, notamment à travers la contamination de l’eau consommée
                                         et des denrées alimentaires, comme cela a été observé en Inde (Gunatilake SK, 2015[19]).
 Poussière                               L’exposition aux poussières contenant des métaux lourds par ingestion, inhalation ou absorption à travers
                                         la peau, comme cela a été le cas en Chine (Leung et al., 2008[20] ; Zheng et al., 2010[21]), en Inde et au
                                         Pakistan (Farooq, Anwar et Rashid, 2008[22]), nuit aux systèmes nerveux périphérique et central, aux
                                         composants sanguins, aux poumons, aux reins et au foie, et peut même être fatale (Leung et al., 2008[20]).
 Utilisation de       Diminution des     La demande mondiale totale d’eau (c’est-à-dire le volume prélevé dans les sources d’eau douce) devrait
 l’eau                ressources         augmenter de 23 % entre 2015 et 2060. L’industrie est responsable de 38 % de cette augmentation
                      naturelles.        (OCDE, 2017[20]). Alors que l’eau se fait rare dans les régions où l’industrie lourde fabrique ses produits,
                                         les méthodes de production inefficaces représentent un danger pour l’activité, surtout si les autorités
                                         locales ferment le robinet ou taxent lourdement l’utilisation de l’eau et la pollution.
 Utilisation des                         Les installations de l’industrie lourde, ainsi que les décharges, occupent des terres requises à d’autres fins
 terres                                  (Giam, Olden et Simberloff, 2018[23]).

La demande de matériaux et de produits chimiques de l’industrie lourde est appelée à augmenter dans les
prochaines décennies ; l’ampleur de cette augmentation dépendra de la réaction de la société aux défis à
venir. Par exemple, si les tendances se poursuivent à l’échelle mondiale (et si la structure économique
demeure à peu près identique), la production de métaux primaires et secondaires – par ex. l’aluminium, le
cuivre, le fer et l’acier – devrait poursuivre sa croissance au même rythme durant les cinquante prochaines
années (OCDE, 2019[1]). Selon les projections, en cas de maintien des tendances actuelles, la demande
de matières primaires (issues des matières premières extraites) devrait doubler entre 2017 et 2060,
principalement du fait des pays émergents et en développement (OCDE, 2019[1]). Bien que cela puisse
apporter des emplois et favoriser le développement régional, le nombre d’emplois créés dépendra des
progrès et de la rapidité d’adoption de l’automatisation. Toutefois, les incidences environnementales de la
production de matières primaires – par ex. les GES, l’acidification, l’eutrophisation, l’utilisation des terres
et la toxicité pour les organismes aquatiques et terrestres) – devraient pratiquement doubler elles aussi
(Tableau 3.1) (OCDE, 2019[1]). Cela placerait les objectifs de l’Accord de Paris hors d’atteinte,
compromettant ainsi les perspectives de bien-être des générations futures.
Il convient de procéder à un réajustement des priorités dans l’industrie lourde afin d’éviter ces pertes de
bien-être – et la répétition des erreurs du dernier siècle. L’industrie lourde devra toujours continuer à
produire et se préoccuper du sort des travailleurs, mais sans que cela se fasse au détriment d’autres
aspects du bien-être, notamment la lutte contre le changement climatique, la préservation d’un

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environnement sain et sûr, et l’utilisation durable des ressources de la planète telles que l’énergie, les
terres, l’eau et les matières premières.
L’industrie lourde ne peut pas garantir la réalisation des priorités précitées dans le cadre de l’économie
linéaire émettrice de CO2 qui prédomine aujourd’hui. Il est essentiel d’amorcer une transition mondiale
vers une économie circulaire, à émissions nettes nulles et économe en ressources. Ce type d’économie
doit permettre d’atteindre des émissions de GES nettes nulles d’ici le milieu du siècle et de « garder les
produits, les composants et les matériaux dans l’économie aussi longtemps que possible, en tentant de
ne plus produire de déchets et de ne plus utiliser de ressources vierges » (McCarthy, Dellink et Bibas,
2018[24]). Impératif, chacun de ces changements est complémentaire des autres : la décarbonation de la
production est nécessaire en complément de la circularité et de l’utilisation efficace des ressources. La
transformation de l’économie prendra beaucoup de temps étant donné qu’il s’agira de changer le
comportement de milliards de consommateurs et de producteurs – ainsi que des secteurs d’utilisation
finale des produits industriels (par ex. les normes de construction). De plus, le recyclage s’accompagne
d’une déperdition qualitative et quantitative, en vertu de quoi il faudra recourir aussi à des matières
primaires neuves pour répondre à la demande croissante (par ex. les avions ont besoin d’un aluminium
plus pur que les boîtes de conserve). Par ailleurs, certains matériaux employés actuellement ne peuvent
pas être immédiatement réutilisés ou recyclés (par ex. les bâtiments présentent un cycle de vie de
plusieurs décennies). Par conséquent, des matières primaires neuves demeureront nécessaires pour
satisfaire la demande courante (van Ewijk, 2018[25]), ce qui signifie que l’industrie lourde doit décarboner
son mode de production.
Il existe plusieurs mécanismes de décarbonation de l’industrie lourde, du côté de la demande comme de
l’offre. Pour ce qui est des deux secteurs les plus émetteurs, c’est-à-dire le fer/l’acier et le béton/le ciment,
l’Energy Transitions Commission (Energy Transitions Commission, 2018[26]) estime :
       qu’il serait possible de réduire jusqu’à 38 % des émissions du secteur du fer et de l’acier à travers
        la gestion de la demande (accroissement et amélioration du recyclage de la ferraille, remaniement
        de la conception des produits pour utiliser moins de matières et accroître la circularité) ; jusqu’à
        20 % grâce à l’efficacité énergétique (réutilisation du gaz haute pression pour alimenter d’autres
        équipements, extinction à sec du coke, fermeture des usines inefficaces) ; et jusqu’à 100 % à l’aide
        de technologies de décarbonation (fours électriques à arc pour les ferrailles, à condition de
        disposer d’électricité à faibles émissions de GES ; fer préréduit à l’aide de gaz naturel (transition) ;
        fer préréduit à l’aide d’hydrogène ; captage et stockage du carbone [CSC] ; et électrolyse directe
        du minerai de fer fondu).
       qu’il serait possible de réduire jusqu’à de 34 % des émissions de CO2 du secteur du ciment et du
        béton à travers la gestion de la demande (en concevant des bâtiments plus efficaces, en recyclant
        le ciment non hydraté, en réutilisant le béton et en le remplaçant par le bois) ; de 10 % grâce à
        l’efficacité énergétique (par ex. fours secs, cyclones successifs et réduction du rapport
        clinker/ciment) ; et, pour le reste, en faisant appel à des technologies de décarbonation (par ex.
        gaz, production de chaleur à partir de la biomasse/des déchets et électrification des fours).
Dans un scénario compatible avec l’objectif des 2 °C, les projections indiquent que les émissions dues à
la production d’électricité sont appelées à baisser d’environ 90 % par rapport au niveau de 2010, contre
une baisse d’environ 50 % seulement pour l’industrie. Par conséquent, la majeure partie des réductions
requises pour atteindre un objectif de 1.5 °C plutôt que de 2 °C demanderont des baisses majeures de la
part de l’industrie et d’autres secteurs de la demande (le bâtiment et les transports), qui sont susceptibles
d’être confrontés à des coûts marginaux largement supérieurs (Luderer et al., 2018[27]). Le chapitre 8
(partie 2) du présent rapport examine de manière détaillée chacun de ces mécanismes, ainsi que leurs
répercussions sur d’autres priorités dans le domaine du bien-être.
Néanmoins, toute modification du déroulement de la production entraîne une perte de bien-être tout à fait
palpable chez certains individus, à savoir les employés de l’industrie lourde. Si toutes les régions du monde

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mettaient en place une taxe de 50 USD (dollars des États-Unis) par tonne de carbone rejetée aujourd’hui,
le secteur de l’exploitation minière et des énergies fossiles perdrait environ 8 % de ses emplois dans les
pays de l’OCDE et 6 % dans les pays hors OCDE. Les secteurs du bâtiment, des produits chimiques et
d’autres industries lourdes accuseraient, quant à eux, une perte de moins de 5 % à l’échelle mondiale
(Chateau, Bibas et Lanzi, 2018[28]). En valeur absolue, le nombre total d’emplois perdus dans un tel
scénario serait de 21 millions seulement, soit du même ordre que celui des pertes d’emplois que devrait
entraîner globalement l’automatisation d’ici 2030. L’automatisation fait peser une plus grande menace sur
les populations concernées que la décarbonation, mais les évolutions de la production s’accompagneront
également de l’apparition de nouveaux débouchés. Par exemple, près de 6 millions d’emplois peuvent
être créés à l’échelle mondiale si l’économie linéaire cède la place au recyclage, à la réutilisation, au
réusinage, à la location et à l’allongement de la durée de vie des biens (OIT, 2018[29]).
Même si le nombre d’emplois supprimés du fait de cette transition est relativement modeste et s’il n’est
pas exclu de pouvoir redéployer la main-d’œuvre, les actifs qui travaillent directement dans ces industries
émettrices et gourmandes en ressources sont des personnes en chair et en os. Si l’on a une conception
à courte vue de l’atténuation, souvent, modifier la production expose à une réalité dans laquelle ces
personnes se retrouvent sans emploi et des communautés risquent de se disloquer. L’approche axée sur
le bien-être offre quant à elle une clé, en permettant de concevoir des politiques adaptées et les outils de
mesure à même de guider leur élaboration de manière à tenir compte des travailleurs et des collectivités
concernées. Elle amène les décideurs à évaluer ces coûts, à identifier ces collectivités et à mettre en place
des outils de mesure adaptés pour suivre l’action menée et l’améliorer. La section suivante fournit un
exemple d’indicateur à même de mettre en évidence les collectivités « menacées ». Le chapitre 8 (partie 2)
offre, quant à lui, des exemples de moyens permettant d’assurer leur transition.
D’autres priorités de l’industrie lourde – maintenir la production et s’occuper des travailleurs, utiliser les
ressources plus efficacement ou réduire la pollution – peuvent contribuer à endiguer le changement
climatique et à parvenir à un double alignement. Par exemple, la symbiose de Kalundborg est le premier
exemple de symbiose industrielle qui fonctionne (c’est-à-dire qui permet une utilisation plus efficace des
ressources). Elle regroupe plusieurs installations (publiques et privées) qui échangent de l’énergie, de
l’eau et des matériaux au sein de boucles fermées. En 2015, Kalundborg a réduit sa consommation d’eau
de 3.6 millions m3 et de matériaux de 87 000 t (le gypse, les cendres volantes, le soufre, le sable et
l’éthanol), tout en diminuant ses émissions de 635 MtCO2 (ce qui équivaut aux émissions de CO2 par
habitant de 75 000 Danois) (Ellen MacArthur Foundation, 2017[30]). Le Tableau 3.2 explique que ces autres
priorités peuvent être alignées avec les actions pour l’atténuation du changement climatique ou en
diverger.

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Tableau 3.2. Avantages potentiels d’un double alignement découlant d’une approche axée sur le
bien-être dans l’industrie lourde
 Autre priorité de                                     Contribue à limiter le changement climatique
     l’action                      en générant des synergies                         en évitant/réduisant les divergences
    publique
 Maintenir la        L’élimination des distorsions du marché et des                  Les politiques actives du marché du travail facilitent la transition
 production et       interdictions d’importation de la ferraille accroît             vers d’autres emplois et aident les communautés où les moyens
 s’occuper des       l’efficacité du marché des produits de l’industrie lourde.      de subsistance sont tributaires d’installations de l’industrie lourde
 travailleurs        Cela contribue à la fermeture des usines émettrices de          à forte intensité d’émission et inefficaces, de façon à éviter de
                     CO2 inefficientes et à l’utilisation accrue de ferraille dans   protéger les emplois au détriment de l’atténuation.
                     la production, réduisant ainsi les émissions directes (par
                     ex. en utilisant des fours à arc électrique pour produire
                     de l’acier plutôt que des hauts-fourneaux-convertisseurs
                     à l’oxygène).
 Préserver un        La préservation d’un environnement sain et sûr réduit la        Une évaluation adaptée des coûts et des avantages de
 environnement       pollution de l’air, de l’eau et des sols imputable à            différentes technologies visant à réduire la pollution de l’air est
 sain et sûr         l’industrie lourde à travers l’utilisation des technologies     susceptible d’écarter les solutions qui permettent de lutter contre
                     CSC, l’amélioration de l’efficacité énergétique des             la pollution, mais entraînent une hausse des émissions de CO2,
                     usines et l’électrification (par ex. des fours à arc            et vice-versa. Par exemple, le coût de la construction
                     électrique alimentés avec de l’électricité bas carbone).        d’installations CSC pour la production, la transformation et le
                     De même l’identification de nouvelles sources de                transport du fer, de l’acier, de l’aluminium, du ciment, etc. ainsi
                     chaleur permet également de réduire les émissions de            que des édifices nécessaires pour bâtir l’installation l’emporte
                     GES.                                                            sur les avantages qui en découlent.
 Gérer les           L’utilisation plus efficace des ressources par la               La réintégration des ramasseurs informels dans les circuits
 ressources de la    symbiose industrielle (par ex. Kalundborg) permet de            officiels de gestion des déchets solides permet d’éviter la
 planète de          réutiliser les déchets et les sous-produits d’un procédé à      concurrence entre le recyclage informel et la gestion des
 manière durable     l’autre (par ex. la réutilisation des cendres volantes          déchets solides et d’assurer l’accès à la ferraille. En retour,
                     issues du fer et de l’acier dans le secteur du ciment),         l’utilisation accrue de ferraille dans l’industrie lourde (par ex. en
                     réduisant ainsi les déchets et la quantité de ressources        recourant aux fours à arc électrique plutôt qu’aux convertisseurs
                     nécessaires (telles que l’eau et l’énergie). Tout cela          à oxygène pour la production d’acier) entraîne une réduction des
                     contribue à améliorer la gestion des ressources de la           émissions.
                     planète et à réduire les émissions.

3.3. Indicateurs visant à surveiller la contribution de l’industrie lourde au bien-
être

La section 3.2 préconise d’élargir les priorités de l’industrie lourde au-delà du maintien la production et
du soin des travailleurs, et ce de manière à éviter de perpétuer les pertes de bien-être, voire de les
aggraver dans l’avenir. Cet ensemble plus large de priorités comprend la lutte contre le changement
climatique, le maintien d’un environnement sain et sûr et l’utilisation durable des ressources de la
planète. Il en découle que dans l’ère qui s’ouvre, la production devra réduire ses émissions nettes à zéro,
être circulaire, et économe en ressources. Au cours de cette transition, les décideurs auront besoin
d’indicateurs pour s’assurer que l’industrie lourde atteint ces priorités, et produit ce dont la société a besoin
sans compromettre le bien-être, la lutte contre le changement climatique, etc.
Bien que ce rapport ne soit pas le premier à proposer un ensemble d’indicateurs capables de brosser un
tableau plus complet du bien-être, il est l’un des premiers à le faire à un niveau sectoriel. Les ODD et le
cadre du bien-être de l’OCDE ont jeté les bases des priorités et des indicateurs de bien-être à l’échelle
de l’économie dans son ensemble. D’ailleurs, les priorités décrites ici renvoient clairement à celles de
ces cadres existants. Le Tableau 3.3 les énumère et les met en correspondance avec les objectifs
pertinents du cadre du bien-être de l’OCDE et des ODD. La présente section passe en revue les priorités
de bien-être dans le secteur de l’industrie lourde étape par étape et propose des indicateurs pouvant
aider à transformer les objectifs en résultats mesurables. Elle aborde également le lien entre les
indicateurs proposés et ceux actuellement inclus dans les ODD et le cadre du bien-être de l’OCDE. La

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