4e Partie : La toiture plate intégrée dans la villa bourgeoise
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4e Partie : La toiture plate intégrée dans la villa bourgeoise L’architecture moderniste en Belgique : Au lendemain de la 1ère guerre mondiale, profondément bouleversé par le conflit, le pays panse ses plaies physiques et morales. Pour remplacer le bâ détruit, deux courants architecturaux se dessinent. Leurs voies sont diamétralement opposées. D’un côté, les Conservateurs prônent une reconstruc on à l’iden que, tant sociétale qu’ar- chitecturale. Les valeurs d’hier appar ennent à un monde connu et rassurant, il faut les préserver. Les nouveaux édifices suivront, de préférence, une ligne inspirée des styles ré- gionaux et seront composés de matériaux locaux comme la pierre, l’ardoise et la brique. Les Modernistes, quant à eux, veulent une rupture complète avec le passé. Un monde nouveau doit naître des cendres de l’ancien. Le Futur doit s’appuyer sur l’industrie et la science pour créer une nouvelle société. Ils conçoivent une architecture fonc on- nelle et raisonnée qui systéma se l’es- thé que architecturale. Elle doit être l’instrument majeur de la reconstruc on © CIVA, Brussels / Victor Bourgeois, Weissenhof, Ici, la fonc on prime sur la forme et les ornementa ons sont bannies. Tout réside dans la simplicité des vo- lumes obtenue grâce à l’efficacité des matériaux modernes (béton armé, verre, acier, aluminium…) et accentuée par l’horizontalité de la toiture plate avec, pour résultat, une sobriété jus- qu’alors inédite. Louis-Herman De Koninck , maison personnelle, Uccle, 1924 1
Bref, une architecture nouvelle pour un homme nouveau, symboles d’un futur idéalisé. Très vite cependant, les dissensions vont apparaître dans le mouvement : d’un côté les ra o- nalistes dogma ques, de l’autre, les tempérés qui souhaitent une con nuité urbaine et his- torique. Victor Bourgeois et Louis-Herman De Koninck font par e des plus radicaux. Antoine Pompe et son ami d’origine verviétoise, Fernand Bodson, après avoir été des pion- niers du modernisme, prennent leurs distances. A un Le Corbusier pour qui « la maison est une machine à habiter », ils opposent une architecture du sen ment et de la raison. L’usage de la brique, du bois et de la pierre, ra ache le projet d’Antoine Pompe, ci-contre, à une tendance régionaliste qui s’adapte aux condi ons locales. Ce n’est pas pour autant une inspira on des styles historiques ou locaux. La géométrisa on des volumes et les jeux de textures apportés par les contrastes entre la brique et le bois sont franchement nova- teurs. Antoine Pompe, Villa rue de Floride, 1926© Archives d’Architecture Mo- derne - Œuvre commune d’Antoine Pompe et de Fernand Bodson, la cité-jardin Batavia à Roulers, est un projet d’après-guerre dont la concep on conjugue parfaitement sen - ment et raison. Antoine Pompe et Fernand Bodson, Cité Batavia, 1919 © Archives d’Architecture Moderne - Briques, pierre bleue, tuiles, le tout rehaussé de béton, la maison ci-contre compose avec les matériaux du passé et du futur. Fernand Bodson, Maison bourgeoise, 1927© patrimoine.brussels.-crédits 2
Mais où se situe Duesberg dans ce grand débat na onal autour des enjeux de l’architecture d’après-guerre ? Entre tradi on et modernité : Entre les deux, il choisit … de ne pas choisir. Mais il compose, s’inspire de l’un, adapte l’autre, emprunte aux différents courants ce qui lui correspond le mieux tout en tenant compte, bien sûr et surtout, des goûts et des besoins de ses clients. Pour la toiture plate et l’emploi du béton armé, il n’est pas à son coup d’essai mais il s’agit, jusqu’ici, de bâ ments industriels ou d’immeubles de rapport. La bourgeoisie verviétoise est frileuse pour la nouveauté, tout comme l’urbanisme. A Liège, les clients sont plus audacieux et la famille Orban-Van Zuylen d’Embourg lui offre la première occasion de réaliser une villa moderniste. Les toitures mansardées compliquées, encombrées de nombreuses fenêtres, disparaissent au profit d’une toiture- terrasse en béton armé. Les volumes sont simplifiés, les façades unifiées par un crépi blanc. Les terrasses, en décro- chage avec le corps principal, apportent une certaine dynamique à l’ensemble. A.-C. Duesberg, Villa Orban-Van Zuylen, © CIVA Brussels. A dater de ce moment, une par e de sa produc on sera en rupture complète avec ses réa- lisa ons précédentes. La qualité de l’étanchéité qu’il propose, l’économie de 10 % sur la construc on sont des arguments qui convainquent. Et comme le bois de charpente se fait rare au lendemain de la guerre, il insiste sur l’intérêt de ce type de couverture. Mais il ne force jamais la main et va jusqu’à propo- ser deux projets d’une même maison juste en modifiant la toiture Si l’aspect final est fort différent, le plan reste néanmoins iden que. A.-C. Duesberg, Pe te villa de campagne, coll. familiale A.-C. Duesberg, Pe te villa de campagne, coll. familiale 3
La villa Hoffsummer : Sa réalisa on est un temps fort dans la carrière de l’architecte. Bien qu’il soit amené à com- poser entre modernisme et tradi on, il ob ent au final une œuvre très personnelle qui lui vaudra une men on au Prix Van de Ven en 1932. Ici, il laisse les briques de Boom* apparentes mais casse leur uniformité par un large bandeau de béton enduit de terra nova blanche qui court sur tout le pourtour des fa- çades. Ce e ligne claire répond à celle qui souligne les corniches sail- lantes des toits, accentuant ainsi l’horizontalité de l’en- semble. A.-C. Duesberg, Villa Hoffsummer, 1930© CIVA Brussels Autre emprunt à l’architecture industrielle, le châssis métallique u lisé pour toutes les fenêtres en préférence au bois. C’est l’entreprise bruxelloise van Hamme** qui les fournit. A.-C. Duesberg, Villa Hoffsummer, 1930© CIVA Brussels A chaque volume correspond une plate-forme : garage, bow-window, terrasse et communs pos- sèdent leur propre couverture. Ces différences de niveaux et les décrochages qui en résul- tent créent un jeu d’ombre et de lumière et animent les façades * la Flandre possède de nombreux gisement d’argile et est, depuis le moyen-âge, une grande productrice de briques. La brique de Boom vient de la « Steenbakerij Frateur » dans les environs d’Anvers. On ne peut pas dire que Duesberg u lise ici un maté- riau local. ** L’entreprise Van Hamme a réalisé les châssis de la F.N. d’Herstal, de Minerva Motor mais aussi des maisons privées des ar- chitectes Van de Velde et Blomme à Bruxelles 4
L’œuvre totale Selon Walter Crane*, idéalement, l’ar ste contrôle son œuvre de bout en bout, dans une atmosphère harmonieuse liée au plaisir de sa créa on et à l’absence de concur- rence entre les différentes formes d’art. L’architecte, lui, est amené à créer tout le bâ - ment, le contenant, son contenu, voire le jardin, dans une vision unitaire de l’ensemble. S’il ne conçoit que trois maisons** dans leur globalité, il applique à toutes ses réalisa ons la même a en on dans une constante recherche de confort et d’efficacité sans jamais nuire à l’in mité propice à la chaleur humaine. Loin de toute ostenta on, il crée par pe tes touches un cadre d’une discrète élé- gance. A.-C. Duesberg, salle de jeux© CIVA Brussels A.-C. Duesberg, mo fs floraux pour papier peint© CIVA Fauteuil de bureau, collec on privée Dossiers de chaise, papiers peints, fau- teuils, Duesberg pense chaque détail de l’environnement des futurs habitants. Il va même jusque à représenter les pièces, leurs placards intégrés et le joyeux désordre d’une chambre à jeux. Dossier de fauteuil, collec on privée * Théoricien du mouvement Arts&Cra s ** les villas Orban-Van Zuylen, Hoffsummer et Demor er. 5
L’idée de l’œuvre totale n’est pas neuve mais le mouvement Arts & Cra s la développe en lui donnant une dimension sociale inédite : rendre l’art abordable aux couches les moins aisées grâce à une certaine forme de standardisa on qui réduit les coûts de produc on. Certes, Dusberg n’a pas les mêmes inten ons sociales que Crane et ses clients appar en- nent plutôt à la classe aisée mais, dès le début de sa carrière, il axe prioritairement son tra- vail sur le respect du commanditaire et de sa famille. « Un édifice n’a eint pas son objec f si l’on y oublie l’aspect humain au profit du calcul et de la technicité de pointe… la raison n’est rien si le cœur ne bat pas*». Quels que soient les budgets, l’architecte apporte le même soin à la réalisa on des intérieurs. Ci-contre, La compa- raison entre le hall d’entrée de la villa Hoffsummer et celui A.-C. Duesberg, villa Hoffsummer©CIVA.Brussels Villa Unden de la villa Unden montre les similitudes dans l’agencement des plans et dans l’usage de l’arc en plein cintre s’ouvrant sur le ves aire. Les intérieurs de Duesberg n’ont rien d’ostentatoire, bien au contraire. Il privilégie même une certaine forme de standardisa on comme dans la cuisine ci-dessous dans laquelle il adapte des armoires simples et pra ques. A.-C. Duesberg, villa Hoffsummer©CIVA.Brussels Une vingtaine d’année plus tard, il va plus loin dans l’inté- gra on des placards mais garde toujours le côté ar sanal avec du « fait sur mesure ». Villa Unden * LEMAIRE, Anne-Françoise, Albert-Charles Duesberg, Architecte (1877-1951), mémoire en histoire de l’Art, Université de Liège, 1983-1984, p.? 6
A la même époque, Louis-Herman De Koninck, chantre du Modernisme radical, opte pour la produc on industrielle. Sa passion pour le préfabriqué, tant dans l’architecture que dans l’aménagement intérieur, le mène à une ra onalisa on remarquable des espaces Dès 1930, il met au point une cuisine ré- volu onnaire parfaitement intégrée au volume de la pièce. Le concept, brillant par sa fonc onnalité, est pro- duit industriellement à par r de 1932 sous le nom de CUBEX. Publicité cuisine CUBEX - L.-H. De Koninck Ces cuisines seront fabriquées jusqu’au début des années soixante et connaissent aujour- d’hui un regain d’intérêt dû à leur charme vin- tage. Publicité cuisine CUBEX - L.-H. De Koninck 7
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