ACCESSIBILITÉS / 1 - Inter-Environnement Bruxelles
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Bruxelles en mouvements Bimestriel, ACCESSIBILITÉS / Paraît 6 fois par an Bureau de dépôt : 309 –Bruxelles novembre/décembre 1 2020 X P 302402 PÉR IODIQUE ÉDITÉ PAR INTER-ENVIRONNEMENT-BRUXELLES, FÉDÉRATION DE COMITÉS DE QUARTIER ET GROUPES D’HABITANTS N O 309 – NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2020
2 / ACCESSIBILITÉS Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 INTRODUCTION DES BESOINS PARTICULIERS POUR UNE De nombreux freins institutionnels demeurent quant à la prise en compte de tous les publics dans les projets d’aménagement du territoire et de mobilité. Au milieu des diverses ambitions régionales (ville durable, numérique, touristique), la question de l’accessibilité de Bruxelles a tendance à passer au second plan. Elle constitue pourtant La difficulté d’en tirer des méthodes opé- une lecture cruciale de la ville, car son absence rationnelles d’aménagement du territoire « clef sur porte » ou de dresser l’inventaire des points de prise en compte conduit, dans bien des cas, d’attention qui seraient applicables à tous les quartiers constitue sans doute, au même titre à une exacerbation des inégalités. que la relative absence de diversité des décideurs politiques et des planificateurs urbains, l’une Thyl Van Gyzegem, Inter-Environnement Bruxelles des raisons qui expliquent le chemin qu’il reste à parcourir en la matière. Alors que la participation ➪ des habitant·e·s à la démocratie urbaine semble Le rapport à la ville, tant dans ses aujourd’hui limitée au strict minimum (quand déplacements que dans l’espace elle ne se réduit pas à de la simple information) public, diffère fortement selon que et que les projets mis à l’enquête publique se suc- l’on soit un homme ou une femme, selon que cèdent dans un temps de plus en plus compressé l’on que l’on soit en situation de handicap cogni- par les procédures urbanistiques, la prise en tif ou physique, selon que l’on habite un quartier compte de l’accessibilité demande au contraire ou un autre, selon que l’on puisse utiliser ou non d’associer des profils diversifiés le plus en amont les différentes applications numériques ou auto- possible et de se donner le temps de les écouter. mates existants, etc. Cette multi- tude de points de vue, de besoins et de désirs, peine encore bien sou- En matière d’accessibilité, vent à transparaître dans les plans répondre à des besoins particuliers urbains stratégiques, permis d’ur- banisme, projets d’infrastructure permet dans bien des cas ou contrats de quartiers, qu’IEB suit à longueur d’année. Ce numéro de d’améliorer l’intérêt général. Bruxelles en mouvements entend, en contre-pied, explorer quelques-unes des nom- Si de nombreux projets urbanistiques récents breuses dimensions que recouvre le terme d’ac- et à venir tentent de se justifier au nom de l’in- cessibilité à Bruxelles. térêt général alors qu’ils répondent avant tout à Quelques-unes seulement, car ce journal des intérêts particuliers, comme ceux des pro- ne pourrait avoir la prétention d’être exhaus- moteurs immobiliers, en matière d’accessibilité, tif, mais surtout, car la notion même d’acces- répondre à des besoins particuliers permet dans sibilité est complexe et difficilement mesurable bien des cas d’améliorer l’intérêt général. Ainsi sur base d’indicateurs pris isolément. En effet, la ville de Vienne, par exemple, a réfléchi à une elle se trouve toujours au croisement de diffé- série d’aménagements nécessaires pour les per- rents déterminants (origine sociale, sexe, âge, sonnes âgées et les personnes accompagnant des origine géographique, capacités cognitives ou enfants (les femmes, généralement) et a notam- physiques), eux-mêmes influencés par l’organi- ment prolongé le temps de traverse aux passages sation des systèmes de transport et la manière pour piétons et augmenté la largeur des trottoirs. dont les différentes ressources se distribuent spa- Des aménagements qui profitent au final à tout tialement dans la ville 1. le monde.
ACCESSIBILITÉS / Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 3 À L’INTÉRÊT GÉNÉRAL : Certaines mesures comme l’augmentation du prix Aurélie Akerman, formatrice en alphabé- se révéler dangereux et stressants des tickets à l’unité ont des tisation et coordinatrice de la mission sensibi- pour les personnes avec une défi- répercussions pour les personnes lisation à Lire et Écrire Bruxelles cite un autre cience visuelle ou auditive. Enfin, exemple : « les personnes qui viennent en formation ont il n’est pas rare que les transforma- à petits revenus ne pouvant pas souvent de gros problèmes de mobilités qui ne sont pas liés à des problèmes de desserte, mais au manque de connaissances tions de l’espace public précèdent ou accompagnent une transforma- prétendre aux tarifs sociaux. et de compétences liées à l’écrit. Lire le plan du transport, tion de la composition sociale des préparer son voyage et ses correspondances, ce sont déjà des quartiers via la hausse des valeurs immobilières En termes d’accessibilité sociale, peu de compétences d’écriture et de lecture. On estime qu’un adulte aux alentours. Ce qui aura dès lors été gagné progrès semblent avoir été faits depuis l’instau- sur dix est en difficulté avec l’écrit. Si on se dit qu’un adulte en termes d’accessibilité physique sera perdu en ration il y a de nombreuses années d’une tarifi- sur dix est potentiellement incapable de prendre les trans- termes d’accessibilité sociale. cation sociale. Au contraire, certaines mesures ports en commun, est-ce acceptable ? En 1968, la Ville de comme l’augmentation du prix des tickets à Mexico organisait les Jeux olympiques. Ils se sont dit qu’ils ACCESSIBILITÉ ET TRANSPORT PUBLIC l’unité tout en maintenant le tarif de base pour allaient accueillir des gens de toute la planète et des langues En ce qui concerne le transport public, la néces- des paiements par carte bancaire ou par smart- multiples, il y a donc eu à cette occasion une forme de traduc- sité de penser les infrastructures et leur usage phone, ont des répercussions pour les personnes tion du réseau de métro avec une iconographie et des sym- par des individus particuliers et non plus unique- à petits revenus ne pouvant pas prétendre aux boles pour chaque arrêt qui renvoient au quartier concerné et ment par individu moyen (souvent un homme tarifs sociaux, parmi lesquelles les personnes qui perdurent aujourd’hui. Un plan du réseau de la STIB en jeune et en bonne santé) semble avoir été inté- sans papiers. iconographie serait aussi valable pour notre public que pour grée en ce qui concerne le handicap physique. Et concernant les nouvelles infrastructures, n’importe quelle personne étrangère qui doit se repérer dans En théorie du moins, car il n’existe pas d’obliga- l’obsession de « faire gagner du temps » semble la ville. Ce n’est pas un langage universel, mais quelque chose tion légale. Si la STIB entame les chantiers pour toujours constituer la priorité numéro une des que tout le monde peut s’approprier. » mettre en conformité les 15 stations de métro politiques de transport public. Guidée par la La difficulté réside néanmoins dans le fait existantes qui ne sont actuellement pas acces- nécessité d’accroître la vitesse commerciale de que l’intérêt général ne saurait se trouver sim- sibles aux PMR, certaines lignes de tram nou- ses véhicules et donc d’échapper aux embouteil- plement au croisement de tous les besoins parti- vellement inaugurées ne rencontrent toutefois lages, la STIB développe actuellement le projet culiers. Elle demande tout à la fois de penser les pas les critères requis. Dans l’article qui ouvre ce d’un métro nord qui devrait à terme remplacer la aménagements physiques que les usages qui s’y dossier lire p.5-8, le Collectif Accessibilité Wallonie ligne de tram 55. déploieront. Ainsi, si la réinstauration de bancs Bruxelles (CAWaB) revient sur certains des échecs Le second article du numéro lire p.9-10 revient, à dans l’espace public est nécessaire pour augmen- qui se produisent encore sur le terrain, alors que travers le compte rendu d’un débat d’habitant·e·s, ter le bien être des personnes âgées et des femmes la Région et les opérateurs de transport public sur les rôles très différents de ces deux moyens de circulant avec des enfants, leurs emplacements disposent aujourd’hui de davantage d’outils pour transport et sur l’importance du transport public et orientations doivent être pensés de manière à planifier l’accessibilité des projets. de surface pour, entre autres choses, stimuler la limiter leur accaparement par la vie de quartier, assurer les trajets locaux et per- gent masculine qui peut augmen- ter le sentiment d’insécurité des On estime qu’un adulte sur dix mettre un meilleur contrôle social. Un dernier facteur primordial quand on se penche sur l’ac- femmes seules circulant dans l’es- est en difficulté avec l’écrit. cessibilité par le prisme du genre. pace public, en particulier la nuit. Si le réaménagement de rues et de Si on se dit qu’un adulte sur dix DU POINT DE VUE DES FEMMES places en espace de plain-pied per- Qu’il se manifeste dans l’espace public ou bien met une meilleure accessibilité est potentiellement incapable dans les transports, le sentiment d’insécurité des aux personnes personnes avec une déficience motrice, ces espaces de prendre les transports en femmes constitue le ciment de ces « murs invi- sibles » 2 qui se dressent et restreignent les espaces de circulation partagée peuvent commun, est-ce acceptable ? qui leur sont accessibles. Face à certains lieux, †
4 / ACCESSIBILITÉS Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 Si l’usage du vélo permet de diminuer le À l’heure où la Région bruxelloise envisage sentiment d’insécurité des femmes dans l’espace l’instauration d’un péage urbain, une demande public, car il permet d’être tout le temps sur la historique d’Inter-Environnement Bruxelles, route, une étude récente de Pro Vélo 5 rappelle le quatrième article de ce dossier lire p.14-17 nous que les femmes sont moins nombreuses que les invite à réfléchir aux conséquences sociales des hommes à pratiquer ce mode de déplacement. mesures qui visent à réguler l’usage de la voi- Pour les femmes qui roulent à vélo, le transport de ture en ville. En effet, la dépendance à la voi- charge ou d’enfants constitue le deuxième frein, ture est aujourd’hui une réalité, en particulier après les longues distances, à son utilisation. pour les plus précaires qui effectuent souvent Dans ces conditions le recours à la voiture, des déplacements quotidiens longs, complexes, tant pour reprendre le contrôle sur le sentiment en horaires décalés et/ou coupés. Un constat qui Tout le monde ne peut d’insécurité que pour effectuer des trajets multi- fonctionnels, reste une réalité qui semble assez se pose avec force à Bruxelles, car de nombreux ménages populaires sont aujourd’hui contraints pas se permettre peu prise en compte par les politiques de dimi- de quitter la ville pour la périphérie proche en nution de l’emprise de l’automobile en ville. raison de la hausse du coût du logement. Une d’avoir la maîtrise périphérie proche très mal desservie en trans- ET LA JUSTICE SOCIALE ? de ses déplacements. Une idée reçue voudrait qu’une mobilité impor- ports en commun, ce qui rend la voiture presque indispensable. Une réflexion sur l’accessibilité tante soit le signe d’une situation sociale aisée. de Bruxelles ne peut donc pas faire l’impasse Il est vrai que certains ménages pauvres ont des sur la nécessité de mêler la justice sociale aux déplacements plus courts et moins fréquents, mesures environnementales. particulièrement quand ils vivent au cœur de la ville et qu’ils peuvent béné- et à certaines heures, la peur a pour effet d’im- ficier de réseaux relationnels forts basés Une réflexion sur l’accessibilité mobiliser ou de provoquer des stratégies d’évite- ment qui demandent un surplus d’organisation sur la proximité. De plus, de nombreux ménages de Bruxelles ne peut donc pas dans la planification de ses trajets, une organisa- populaires bruxellois ne possèdent pas faire l’impasse sur la nécessité tion qui dépend à la fois des compétences sociales de voiture. Par contre, avoir des revenus des individus (savoir rechercher l’information plus élevés n’augmente pas le nombre de mêler la justice sociale aux nécessaire, par exemple) et de leurs ressources économiques (disposer d’un abonnement au des déplacements, seulement le rayon des distances parcourues, en particu- mesures environnementales. transport public ou pouvoir payer un taxi) 3. lier sur la mobilité relative aux loisirs. Pour en parler, nous avons rencontré Garance Être aisé permet même dans certains cas LA DÉMOCRATIE URBAINE EN RÉPONSE asbl, une association d’auto-défense féministe, de bouger moins et de faire bouger d’autres per- Pour clore ce dossier, deux articles, l’un rédigé qui travaille depuis plusieurs années sur la ques- sonnes à sa place (songeons à l’essor des livrai- par la Plate-forme d’action Santé et solidarité lire tion des espaces publics. Le troisième article de sons à domicile). p.18-19 et l’autre par l’association anderlechtoise ce dossier lire p.11-13 se penche sur cette notion com- En réalité, la question n’est donc pas de Les Pissenlits lire p.20-23 nous gratifient d’un retour plexe qu’est le sentiment d’insécurité. Il décrit savoir qui bouge plus et qui bouge moins, mais sur le projet « Ensemble pour la santé » qui réu- également les marches exploratoires organisées bien de prendre en compte que tout le monde nit habitant·e·s, associations et professionnels par l’association qui permettent d’apporter des ne peut pas se permettre d’avoir la maîtrise de du secteur de la santé afin d’agir, à travers le réponses collectives aux manquements des amé- ses déplacements 6. travail social communautaire, sur le lien entre nagements de l’espace public et aux usages pro- les déterminants de la santé et la mobilité. Un blématiques qui s’y déploient, tout en permet- travail d’autant plus nécessaire en temps de pan- tant aux participantes de prendre conscience des démie du COVID. Et un exemple de démocratie automatismes qu’elles ont souvent, malgré elles, urbaine en action qui constitue, à l’instar de intégrés dans leur usage de la ville. l’ensemble du dossier, une inspiration pour les L’inégalité de genre se mesure éga- lement à l’aune du temps accordé par La dépendance à la voiture habitant·e·s, les décideurs politiques et les asso- ciations pour œuvrer vers une future meilleure les femmes aux tâches domestiques et est aujourd’hui une réalité, prise en compte de l’accessibilité à Bruxelles. ◆ au soin des enfants et/ou des personnes âgées qui implique de devoir réaliser en particulier pour les plus 1. Fol Sylvie, Caroline Gallez. « Mobilité, accessibilité et équité : pour un renouvellement des trajets en chaîne (domicile, travail, école, crèche, courses, activités extra- précaires qui effectuent souvent de l’analyse des inégalités sociales d’accès à la ville ». scolaires…) alors que la mobilité reste des déplacements quotidiens 2. DI MEO G., 2011, « Les murs invisibles. Femmes, genre et géographie sociale », Paris, fortement organisée selon une logique de déplacement individuel d’un point A longs, complexes, en horaires Armand Colin, coll. Recherches, 344 p. 3. Marie Gilow, « Déplacements des femmes et à un point B. Une étude récente de la décalés et/ou coupés. sentiment d’insécurité à Bruxelles : perceptions et stratégies », Brussels Studies, 2015. Ligue des Familles a permis de démon- 4. « Mobilité : et les familles dans tout ça ? », trer que huit parents sur dix effectuent La Ligue des Familles, 2020. ce type de trajets multifonctionnels, mais qu’ils 5. « Être femme et cycliste dans les rues de Bruxelles », Pro Vélo, 2020. ne sont que trois sur dix à être satisfaits de l’ac- 6. Jean-Pierre Orfeuil, Fabrice Ripoll, « Accès cessibilité des transports en commun lorsqu’ils et mobilités. Les nouvelles inégalités », Gollion voyagent avec leurs enfants 4. (Suisse), Infolio, coll. Archigraphy poche, 2015
ACCESSIBILITÉS / Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 5 L’ÉPINEUX POUR L’ACCESSIBILITÉ À BRUXELLES Pouvoir voyager dans les transports en commun, circuler dans l’espace public, entrer dans les bâtiments en toute autonomie, cela semble si aisé et faire partie intégrante A-T-ON ATTEINT LE « POINT ZÉRO » ? Nous avons pris l’habitude de parler du « point de notre quotidien. Et pourtant, 35 % de la population zéro », ce moment où la décision est prise au sein bruxelloise sont confrontés à de nombreux obstacles. d’une région, une commune, un opérateur de transport… d’améliorer progressivement mais Le CAWaB, le Collectif Accessibilité Wallonie Bruxelles, systématiquement l’accessibilité pour atteindre milite sans relâche pour une amélioration de l’accessibilité, un niveau d’accessibilité optimal, souvent des décennies plus tard. entre autres dans les transports et l’espace publics. Sans cette prise de décision, les efforts des uns seront toujours anéantis par les maladresses le Collectif Accessibilité Wallonie Bruxelles des autres. Par exemple, si la STIB rendait ses arrêts de tram et de bus accessibles mais que les traversées piétonnes aux alentours n’étaient pas ➪ sécurisées et de plain-pied, la chaîne de l’acces- Améliorer la mobilité à Bruxelles : sibilité serait rompue et les déplacements rendus LE CAWAB, C’EST QUOI ? un enjeu de taille, au programme de compliqués, voire impossibles. Le CAWaB regroupe tous les accords gouvernemen- 21 associations impliquées dans les questions relatives taux. Mais pour y parvenir, il est indis- pensable de prendre en compte les besoins Tout le monde sera donc à l’accessibilité. Il défend et de chacun d’entre nous, incluant ceux des une PMR au cours de sa vie. promeut l’accessibilité, avec Personnes à Mobilité Réduite (PMR). pour objectif de permettre à Contrairement aux idées reçues, les PMR Alors, a-t-on atteint le « point zéro » à tous un accès en autonomie aux ne définissent pas seulement les personnes en Bruxelles ? C’est une promesse à laquelle on aime- bâtiments, voiries, transports, situation de handicap mais englobent un public rait croire, mais qui demande aujourd’hui encore services et à la communication. bien plus large. Une Personne à Mobilité Réduite à être confirmée sur le terrain. Site web : www.cawab.be est une personne gênée dans ses mouvements en raison de Si la Région et les opérateurs sont de plus en Mail : info@cawab.be sa taille, de son état, de son âge, de son handicap perma- plus nombreux à se doter d’outils et de moyens Tél : 081/13.97.87 nent ou temporaire ainsi qu’en raison des appareils ou ins- pour planifier et piloter les travaux de mise en truments auxquels elle doit recourir pour se déplacer 1. accessibilité, des échecs sont encore récurrents… Tout le monde sera donc une PMR au cours de Que ça soit dans les transports ou l’espace sa vie : que vous soyez parent avec une poussette, public, de nombreux projets, qui ont encore vu livreur avec un chariot, touriste avec des bagages, le jour récemment, continuent en effet d’exclure personne dans le plâtre ou avec des béquilles… une partie de la population. Ces différents chan- Il est donc crucial d’intégrer l’accessibilité dans tiers mettent dès lors à mal le droit à l’accessibilité tout projet afin d’éviter que l’on soit tous discri- et retardent le « point zéro », ce jour où la mise en minés à un moment donné de notre vie. accessibilité pourra réellement commencer… †
ACCESSIBILITÉS / Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 7 LES TRANSPORTS EN COMMUN PIÉTONNISATION DE L’ESPACE PUBLIC Le 1er septembre 2018, la STIB inaugurait sa toute Piétonniser les places bruxelloises a le vent en nouvelle ligne de tram 9, la présentant comme poupe ces dernières années : la place Jourdan, le la première ligne de tram accessible. Ça y est, Parvis de Saint-Gilles, la place de la Bourse et la nous le tenions ce point zéro, ce projet exem- place De Brouckère... plaire qui démontrait que, chez nous aussi, Ces grands aménagements de l’espace public nous étions capables de rendre le réseau acces- devraient permettre de les rendre accessibles. Et sible. Malgré quelques imperfections, nous en pourtant, des manquements en termes d’acces- étions convaincus. sibilité ont été relevés. Trois semaines plus tard, ce fut au tour de Les travaux du piétonnier du centre-ville, la ligne 8 d’être inaugurée en grandes pompes. débutés en 2015, sont en voie d’achèvement. À l’is- Un sacré coup dur pour les représentants des sue de plus de cinq années de travaux, les indi- usagers, qui découvrirent qu’au contraire de la cateurs ne sont pas tous bons, bien au contraire, ligne 9, absolument rien n’a été prévu pour ne comme c’est le cas pour la place De Brouckère. fût-ce que tenter de rendre accessible le nouveau Sur cette place si réputée du centre-ville, le revê- tronçon de ligne. tement a fait l’objet de nombreuses plaintes de la Le 28 septembre 2018, la Région et ses mi- part d’usagers. nistres inaugurent cette extension de ligne, Le revêtement choisi – des pierres bleues cli- alors que les travaux ne sont pas totalement finis vées s’apparentant à de petits pavés irréguliers – et que les traversées piétonnes ne sont pas sécu- n’assure pas le confort des usagers et augmente risées (les dalles podotactiles, dalles en relief le risque de chutes. Un comble pour le plus grand qui aident les personnes aveugles à s’orienter piétonnier d’Europe ! en rue, ne seront placées que plusieurs mois Suite à plusieurs interpellations du CAWaB, plus tard et certaines manquent encore toujours Beliris et la Ville de Bruxelles ont confirmé que aujourd’hui…). Le tram passant devant le siège la bande de circulation consacrée jusqu’ici aux de l’asbl EQLA, association représentative de voitures sera désormais fermée à la circulation et personnes déficientes visuelles et membre du rendue aux piétons, offrant un confort de revête- CAWaB, la pilule a du mal à passer… ment satisfaisant aux PMR. Problème partiellement résolu puisque cette Aucune loi n’impose bande traversant la place sera régulièrement consacrée à des événements, privant les piétons la mise en accessibilité de la voie « confort ». L’accès à la ligne guide naturelle représentée par les façades des bâti- des bâtiments, transports ments pour les personnes déficientes visuelles, et espaces publics existants. aux commerces (cinéma, café…) restera compli- qué lui-aussi du fait de la présence de ce revête- ment irrégulier. Cet échec aura, espérons-le, fait office d’élec- D’autres difficultés sont à déplorer sur le trochoc auprès des décideurs et de la STIB et piétonnier et concernent l’accessibilité des pou- éveillé les consciences sur la nécessité de rendre belles, la présence d’orifices des avaloirs trop accessible le réseau de tram. grands, l’absence de contraste des dalles podotac- Deux ans plus tard, les imperfections de tiles, ou encore, l’inaccessibilité de certains com- la ligne 9 n’ont pas été réparées, mais des merces qui auraient pu bénéficier des travaux recherches ont abouti pour trouver la solution pour voir leur accès facilité. qui permettra enfin d’embarquer en autonomie un fauteuil roulant dans les trams de la ligne 8 À la place Jourdan, (et à termes, de toutes les autres). En effet, en mars dernier, la STIB a invité d’énormes défauts d’exécution le CAWaB à visiter des prototypes d’aménage- ments. Ce projet prévoit de placer, à la hauteur de ont été relevés. la porte PMR, des « fusibles » en caoutchouc sur le quai et des bourrelets de porte sur le tram, de Un piétonnier de cette ampleur n’est pas rehausser les arrêts pour qu’ils aient une hauteur sans poser d’autres soucis aux personnes à mobi- compatible avec les nouveaux trams et, enfin, lité réduite. Le nombre de places de stationne- d’équiper tous les trams d’une rampe portative ment réservé est limité, le service de « navette » pour faciliter l’embarquement en attendant que sur le piétonnier n’a jamais vu le jour et, au- tous les arrêts soient rehaussés. jourd’hui, la Région étudie la faisabilité d’un Si la solution semble trouvée depuis plu- service de prêt de fauteuil roulant pour les per- sieurs mois, nous ne savons cependant pas à ce sonnes qui auraient des difficultés à parcourir jour quand et à quel rythme elle sera déployée sur l’entièreté du piétonnier à pied. † le réseau. Cet exemple illustre le constat actuel posé par les représentants des usagers à mobilité réduite dans les instances consultatives et dans les échanges avec l’opérateur de transport : la sensibilité augmente, les projets se mettent dou- cement en place mais l’accessibilité du réseau ne s’améliore que très lentement !
8 / ACCESSIBILITÉS Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 Un peu plus loin, la Place Jourdan était, elle, inaugurée en février 2019. D’énormes défauts d’exécution ont été relevés (traversées imprati- cables en fauteuil roulant, dalles podotactiles manquantes ou mal positionnées…). Si les bonnes intentions existent, la volonté et le courage politique de refuser de réceptionner un tel fiasco, prolongeant la durée des travaux de quelques semaines, ne sont eux pas encore au rendez-vous. Cette prise en compte tardive et insuffisante La volonté de chacun y est. La Ministre de la des usagers à mobilité réduite pour des projets de Mobilité, la STIB, tous annoncent vouloir offrir cette envergure et qui devraient accueillir des une meilleure accessibilité. Mais, alors qu’au- milliers de visiteurs chaque année retardent cune loi n’impose la mise en accessibilité des tant et plus ce point de départ pour une accessi- bâtiments, transports et espaces publics exis- bilité intégrale de notre capitale… tants, les trois acteurs ont pourtant refusé, mal- gré les pressions des organisations militantes, LE PLAN GOOD MOVE, d’ajouter au contrat de gestion de la STIB, signé PLAN AMBITIEUX QUI RENDRA en mars 2019, l’obligation de rendre tout nouveau BRUXELLES PLUS ACCESSIBLE ? projet accessible en autonomie à tous les usagers. Les exemples de problèmes d’accessibilité sus- Malgré les bonnes intentions de nombreux mentionnés sont loin d’être des cas isolés et se pro- acteurs, l’obligation légale de mise en accessi- duisent encore trop régulièrement. L’approbation bilité de l’existant semble pourtant la dernière récente du plan Good Move par le gouvernement condition nécessaire à l’aboutissement du combat de la Région de Bruxelles-Capitale, qui trace les pour l’accessibilité mené depuis tant d’années. grandes orientations à suivre pour améliorer la Si l’on veut en effet garantir mobilité de la capitale européenne avant à 2030, donne en tout cas de l’espoir au CAWaB et aux l’accessibilité, il y a lieu de coordon- ner les efforts, afin de veiller à ce De nombreux usagers de voir s’améliorer la mobilité et l’acces- que tous les projets aillent dans le projets continuent sibilité pour tous à Bruxelles durant les dix pro- même sens et d’éviter que des obs- chaines années. tacles puissent se dresser sur le long d’exclure une partie En plus de la mise en accessibilité de 60 à 70 arrêts de la STIB par an, l’amélioration de l’in- chemin de la mise en accessibilité. de la population. formation sur l’accessibilité réelle du réseau de SIGNALER POUR AMÉLIORER la STIB pour les PMR… le plan régional de mobi- L’ACCESSIBILITÉ lité prévoit la sécurisation et la mise en accessi- Force est de constater que des problèmes d’acces- bilité des traversées piétonnes, l’augmentation sibilité persistent encore et toujours sur l’espace de la proportion de taxis PMR, le renforcement public bruxellois. Cependant, les interpellations de la formation des prestataires pour assurer et les signalements de problèmes d’accessibilité une bonne prise en charge des personnes handi- (comme pour le cas de la Place de Brouckère) ont capées, la sécurisation de la circulation des pié- le mérite de confronter les gestionnaires de voi- tons, cyclistes et PMR autour des chantiers pilo- ries et infrastructures sur ces manquements. tés par la Région… Trop souvent, les associations se font en- Le plan Good Move fonde les bases solides tendre dire que rien n’est fait car « personne ne d’une capitale européenne plus accessible. Le s’en est plaint ». Dans cet esprit, le CAWaB a créé CAWaB espère que ces projets pourront effective- la plateforme « Agir pour l’accessibilité » (agir. ment être mis en œuvre avant 2030. cawab.be). Cet outil offre aux citoyens des pistes d’actions pour signaler des problèmes d’accessibi- UNE SENSIBILITÉ QUI AUGMENTE lité rencontrés dans les transports, les bâtiments CHAQUE JOUR UN PEU PLUS ouverts au public et sur les voiries, à Bruxelles et On a pu percevoir ces dernières années une grande en Wallonie. Il est même possible pour les per- amélioration de la sensibilité de l’administration sonnes sourdes qui le désirent, de signaler son de la mobilité bruxelloise pour l’accessibilité. problème d’accessibilité en Langue des Signes La Région a la volonté et s’est dotée d’outils (LSFB). et de ressources pour mettre ces ambitions à exé- Il informe les usagers sur l’importance et cution : une commission spécialement dédiée les moyens existants pour signaler leurs pro- aux personnes à mobilité réduite a lieu 5 fois par blèmes d’accessibilité, aux opérateurs de trans- an, un « facilitateur accessibilité » a été engagé ports, administrations, gestionnaires des voi- pour coordonner cette matière transversale à ries et infrastructures… l’ensemble des projets en mobilité, les fonction- Il permettra par ailleurs au CAWaB d’avoir naires sont régulièrement formés, le CAWaB a un retour des problématiques d’accessibilité ren- été agréé et est subsidié pour accompagner les contrées et de pouvoir confronter ses interlocu- décideurs et porteurs de projets et représenter les teurs aux retours du terrain. PMR dans les instances régionales. Vous aussi, vous pouvez vous joindre au combat et agir pour améliorer l’accessibilité en signalant les problèmes rencontrés ! ◆ 1. Statuts CAWaB et CWATUPE
ACCESSIBILITÉS / Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 9 TRAM ET MÉTRO, DES RÔLES DIFFÉRENTS Le tram ne joue cependant pas le même rôle que le futur métro. D’abord parce que la ligne 55 compte 5 arrêts de plus que la ligne 3, ce qui ral- longera les temps de marche pour rejoindre le CHRONIQUE transport en commun. En cela, le tram répond à une demande locale. Par ailleurs, il offre une visibilité aux différents noyaux commerciaux alors que les énormes stations de métro cathé- drales prévues abriteront des commerces souter- rains qui entreront en concurrence avec la sur- face. Mais plus encore, le tram est aujourd’hui D’UNE essentiellement utilisé pour effectuer de courts trajets tandis que le métro sera situé à plus de 30 mètres sous terre, soit avec des quais plus profonds que l’actuelle station Botanique. Les temps de parcours au sein des stations, couplés aux temps de marche nécessaires pour rejoindre ces stations, auront dès lors pour effet de rallon- ger les temps de parcours au sein des communes de Schaerbeek et d’Evere par rapport à la situa- tion actuelle. Et d’en limiter l’accessibilité. ANNONCÉE ? Une habitante, qui tient ses béquilles, s’énerve : « Quand on a 70 ans et des prothèses aux jambes, est-ce agréable de devoir descendre dans le métro et de constater que les escalators sont encore en panne ? La sur- face c’est du confort pour nous. Il faut penser un peu aux personnes plus âgées ». Pour les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées, les familles avec enfants ou même pour faire ses courses, une offre de transport public de surface est, en effet, pré- ➪ cieuse. D’autant plus que seul un ascenseur est Le 26 juin dernier, Les chantiers nécessaires à la créa- tion de la nouvelle ligne de métro 3 prévu par quai. Et que si les escalators sont en panne, ce ne des habitants et habitantes sont aujourd’hui entamés sur l’axe sont pas moins de 6 à 8 volées d’escaliers qu’il fau- de Schaerbeek étaient réunis Albert-Gare du Nord, pour une date de mise en service à nouveau repoussée, désormais prévue dra parcourir pour rejoindre les quais, soit l’équi- valent d’un immeuble de dix étages. sous les arbres du Square pour juin 2025. Dans les semaines ou Riga pour débattre de l’avenir les mois qui viennent se tiendra l’en- « La surface c’est du confort quête publique sur les permis néces- de la ligne de tram 55, dont saires à la création des 5 km de nou- pour nous. Il faut penser un peu veau tunnel et des stations de métro la disparition est programmée sous Schaerbeek et Evere. Pourtant, aux personnes plus âgées. » pour 2030 avec la construction force est de constater que de nom- breux habitants de ces deux communes ne sont LE MÉTRO, AU PRISME DU GENRE du métro nord. Puisqu’elle joue toujours pas au courant du projet. Et encore Permettant de relier la station Bordet au centre- moins de ses conséquences, parmi lesquelles la ville de Bruxelles en 20 minutes, l’utilisation du un rôle essentiel, notamment disparition de la ligne de tram 55. C’est notam- métro sera surtout intéressante pour les navet- en matière d’accessibilité, ment ce qui ressort d’un excellent documentaire radiophonique intitulé « Tram 55 ou the great teurs venant du nord. Et c’est là l’argument numéro 1 mis en avant par les porteurs du projet. qu’un métro ne saurait tram robbery » réalisé par Sonia Ringoot, une La vitesse commerciale des véhicules reste encore habitante de Schaerbeek. aujourd’hui l’alpha et l’oméga des politiques de remplacer, de nombreuses En juin dernier, des habitants mobilisés transport. Le fait de gagner du temps, et donc de personnes se mobilisent pour pour le maintien de cette ligne de tram organi- saient une écoute publique du documentaire sous l’argent, prime sur les questions d’accessibilité qui restent très peu prises en compte. son maintien. Rappel des les arbres du Square Riga. Invités à venir expo- Ces questions ne demandent pas qu’un ren- événements précédents et ser le projet, Beliris et la STIB ont préféré décli- ner. Si cette dernière continue de tenir un dis- forcement, indispensable, de l’accessibilité phy- sique des infrastructures aux personnes à mobi- compte rendu des discussions. cours ambigu sur l’avenir du 55, la décision est lité réduite (qui composent un tiers de la population prise depuis 2013, car la ligne qui relie Rogier à bruxelloise), mais une vraie réflexion sur les Thyl Van Gyzegem, Da Vinci n’est plus jugée complémentaire, mais usages et le profil des usagers et usagères. † Inter-Environnement Bruxelles concurrente au projet de métro. Comme l’ex- plique Philippe, un habitant présent ce soir-là : « Historiquement, on a n’a jamais vu le maintien d’une ligne de tram sur un parcours emprunté par un métro. Cela va à l’encontre de la stratégie de la STIB qui est de rabattre les lignes de surface vers ses métros. Cela compliquerait les choses en termes de coût et de cohérence ». Les études préliminaires à la conception du métro faisant état d’une fréquentation en dessous du seuil de rentabilité de cette infrastructure lourde, la sup- pression d’une alternative de surface forcera les usagers à voyager en souterrain.
10 / ACCESSIBILITÉS Bruxelles en mouvements 309 – novembre/décembre 2020 Ainsi, la disparition d’un transport de sur- HOMMAGE À BENOIT VELGHE. face risque d’avoir des implications plus lourdes Benoit Velghe, conseiller en mobilité de pour les femmes. En effet, elles utilisent géné- Schaerbeek, était présent à cette soirée pour ralement davantage les transports en commun apporter des informations précieuses sur les et sont plus susceptibles de devoir procédures en cours. Il est tragiquement décédé effectuer des trajets multifonction- « Moi, prendre un métro l’été dernier. Inter-Environnement Bruxelles nels (domicile, travail, école, méde- en garde le souvenir d’un homme engagé cin, courses), parfois en zig-zag, à 30 mètres de profondeur, en faveur de la mobilité douce et du transport qui seront plus difficiles à réaliser via le souterrain. La profondeur des le soir, je n’aurai pas envie. » de surface dans sa commune, disponible, à l’écoute des habitant·e·s et apprécié de stations, déjà évoquée, sera égale- celles et ceux qui ont croisé son chemin. ment de nature à renforcer le sentiment d’insé- ses performances se dégrader lors de la mise en curité dans le transport public et à diminuer le œuvre des chantiers du métro. Un constat qui contrôle social. Katrien, habitante du quartier, n’est pas acceptable. témoigne : « Moi, prendre un métro à 30 mètres de pro- Philippe se met dans la peau des bureaux fondeur, le soir, je n’aurai pas envie. S’il n’y a plus de tram, d’études qui ont travaillé sur l’opportunité du je fais quoi ? Au Canada, on fait des marches exploratoires métro : « Ils ont agi par pragmatisme et se sont dit, si l’on où les femmes, les usagers faibles, sont impliqués dans la veut aller d’un point A à un point B sans être coincé par les LA RÉGION, SOURDE OREILLE conception des aménagements. On peut aussi aller cher- voitures, il faut passer en dessous. C’était un aveu qu’il fal- Et de fait, l’ensemble des partis politiques, tant cher de bonnes pratiques ailleurs ». Anne, habitante lait faire avec la mobilité existante. Mais si aujourd’hui la dans la majorité que dans l’opposition, sont également, pointe les effets pervers d’un projet Région entend faire baisser drastiquement le nombre de favorables au projet de métro. Les commissions qui vise à faire diminuer l’usage de la voiture : véhicules qui circulent en surface, alors c’est absurde de de concertation, où tout un chacun peut venir « je vais régulièrement au centre-ville avec le tram 55 et en mettre un métro, car l’on crée les conditions pour ne plus en exprimer son avis et débattre d’un projet, sont 15 minutes, je suis à la Bourse. Quand il y aura le métro, je avoir besoin et pouvoir faire circuler un tram en surface… ». devenues au fil du temps essentiellement tech- vais reprendre ma voiture. En tant que femme, à minuit, je Pour Vincent, ingénieur civil et urbaniste, nocratiques, les projets étant déjà ficelés en vais reprendre ma voiture, c’est tout. Pourtant je préfèrerais les choses ne sont pas encore tout à fait jouées : amont. Les habitant·e·s et les associations se sont prendre le tram, hein ». « Prenons l’exemple de Notre-Dame-Des-Landes et de son ainsi vu répondre dans chacune d’entre elles : aéroport, ce ne sont pas des experts qui ont décidé tout « nous ne sommes pas là pour discuter du bien fondé ou non UN FUTUR INCERTAIN d’un coup que cet aéroport n’était plus nécessaire, c’est une de construire un métro ». Où en discuter dès lors ? Au La crise du COVID a entre-temps également fait décision politique soudaine qui a dit ’on y renonce’, car il y Square Riga, ce soir-là en tout cas. Mais aussi évoluer certaines mentalités. Une habitante a eu une pression de la part de la population pendant des dans le tram, dans la rue, au café, en dehors des témoigne : « Il y a eu le COVID et moi ça m’a fait réflé- années… La Prison de Haren, où il y a eu une forte pression espaces institutionnels prévus à cet effet. Là où chir sur la manière dont on vit… J’ai envie de reprendre une aussi est par contre en chantier. On ne gagne pas toujours. des mobilisations peuvent naître, à condition vie plus lente. Là on nous met dans la tête qu’il faut des Pour le métro, tant le budget que les changements de mobi- d’avoir accès à l’information, ce qui reste un transports plus rapides, mais pour faire quoi finalement ? lité peuvent faire changer les mentalités, mais la pression réel problème. Pour gagner quoi ? Je ne sais pas… Pourtant cela va coûter des habitant·e·s est indispensable, elle doit deux milliards au minimum et qui va payer ? Ce sont nos être maintenue... ». « Est-ce que les chiffres enfants ». Bernadette, autre habitante et co-orga- Philippe est quant à lui plus nisatrice de l’évènement, rebondit : « On nous dit dubitatif sur le fait que le finance- de fréquentation de ce métro ’les choses sont en train de changer’. Les gens vont faire du télétravail, on construit des pistes cyclables… Donc est-ce ment du projet, estimé à deux mil- liards, mais qui grimpera inévitable- avancés par la STIB dans leurs que les chiffres de fréquentation de ce métro avancés par la ment une fois les chantiers lancés, projections tiennent encore STIB dans leurs projections tiennent encore la route dans posera un réel problème régional : « je l’après-Covid ? ». La question se justifie d’autant ne suis pas expert, mais au niveau européen la route dans l’après-Covid ? » plus que le métro devient avantageux à partir de on a maintenant le Green Deal. Ce qui veut flux élevé de l’ordre de 8 000 voyageurs par heure dire qu’on a ouvert les cordons de la bourse. Les états peuvent Pour certain·e·s habitant·e·s, dont Katrien, et par sens, alors que les dernières projections dépenser autant qu’ils veulent, il suffit de dire que c’est le manque de considération envers les usagers disponibles faisaient état, avant la pandémie, de ’vert’, or un métro évidemment on va dire que c’est ’vert’… est incompréhensible et ne concerne pas uni- seulement 2 800 personnes par heure et par sens J’y ai longtemps cru moi-même, j’ai même aidé la STIB à quement, loin s’en faut, l’avenir du tram 55 : sur l’extension nord (et ce, en prenant en compte décorer une station sur les changements climatiques il y a « Comment se fait-il qu’au 21e siècle, alors qu’on entend parler la suppression de la ligne 55 et donc le rabatte- quelques années, mais quand on regarde les choses globale- absolument tout le temps de résilience urbaine, de participa- ment de ses usagers sur le métro). ment, ce n’est pas le cas... ». Spécialiste des questions tion citoyenne, on en soit encore aujourd’hui dans des projets La ligne de tram 55 est cependant loin d’être climatiques dans la vie, Philippe a notamment qui débarquent, dans lesquels on fait juste une séance d’info parfaite. Elle connaît notamment des problèmes aidé l’ARAU et IEB à dresser un Bilan Carbone et l’on considère que l’on a fait de la participation ? On a été de saturation aux heures de pointe du soir. Mais du projet de métro 3 sur base des données dispo- invités chez Beliris et on nous a dit : la participation est pré- ces problèmes ne sont pas liés à une demande qui nibles actuellement 1. vue quand la station de métro sera là. Vous pourrez choisir serait trop forte par rapport à la capacité des véhi- Avec une conclusion sans appel : le projet de si les bancs seront rouges ou bleus… C’est de la participation cules, ils découlent plutôt d’un bouleversement métro 3 aura un impact climatique négatif. En décorative. Il y a quelque chose qui doit changer, car c’est une des fréquences de passage dû aux conflits avec la cause, l’énergie dépensée pour le creusement et maladie à Bruxelles. On est tout le temps en train de faire circulation routière. Jusqu’en 2030, date annon- l’évacuation des terres ainsi que les tonnes de des projets urbanistiques qui fâchent beaucoup de gens et cée de mise en service de la ligne de métro 3, béton nécessaires pour le tunnel et les futurs il n’y a pas de culture du débat. Innoviris finance des projets et puisqu’il est voué à disparaître, le tram 55 stations. « J’ai essayé de mobiliser les gens, mais faire qui s’appellent « Co-create » et qui visent la « co-création ». ne fera donc, non seulement, l’objet d’aucune prendre conscience d’un problème avant qu’il ne se pose, Donc d’un côté vous avez une Région qui finance des projets amélioration de la part de la STIB, mais verra c’est très difficile... ». de ce type et de l’autre, vous avez la même Région qui dit ‘On a décidé, c’est comme ça’ et qui fait le bulldozer. Où est la cohérence ? Il y a beaucoup de greenwashing, or l’écologie on doit la construire ensemble. On a tous une expertise à « TRAM 55 OU THE GREAT TRAM ROBBERY » faire valoir ici en tant qu’habitant·e·s ». Il reste quelques Que pensent les usagers quant à la disparition du tram 55 et à son remplacement par un métro ? mois avant la prochaine enquête publique sur le Quel avenir pour le monde d’après ? Le documentaire sonore de Sonia Ringoot, d’une durée métro pour faire valoir cette expertise. Combien de 25 minutes, est disponible à l’écoute ici : https://vimeo.com/416402843. Il a notamment été de temps faudra-t-il par contre attendre pour pensé afin de donner lieu à des soirées d’écoute et de débat sur le territoire de Schaerbeek. qu’elle soit entendue par la Région ? ◆ L’idée d’accueillir dans le futur une telle soirée vous intéresse ? 1. Voir : « Métro nord, un impact climatique négatif », Communiqué de presse. www.ieb.be/ Vous pouvez envoyer un mail à sringoot@hotmail.com. Metro-Nord-un-impact-climatique-negatif.
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