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médecins n° 55 | mai – juin 2018 Le bulletin de l’Ordre national des médecins Sur le terrain Prévenir les traumatismes postopératoires par le jeu Entretiens croisés États généraux de la bioéthique : quelles limites entre le possible et le souhaitable ? Dossier www.conseil-national.medecin.fr Pratique avancée : lentement, mais sûrement
sommaire Retrouvez le bulletin, le webzine et la newsletter de l’Ordre en ligne sur www.conseil-national.medecin.fr 04. focus Médecin, un métier dangereux ? 06. en bref Solidarité entre soignants : la volonté d’agir ensemble 08. sur le terrain Prévenir les traumatismes postopératoires par le jeu 10. e-santé Intelligence artificielle : « Notre vision est trop court-termiste ! » 11. ailleurs Dossier médical partagé et prescription électronique : des outils bien rodés 12. entretiens croisés États généraux de la bioéthique : quelles limites entre le possible et le souhaitable ? le guide juridique 16 24. en bref – Déclaration de votre adresse électronique : une obligation légale Pratique avancée : – Un nouveau carnet de santé lentement, mais sûrement 25-27. vos questions/vos réponses À la prochaine rentrée universitaire, plusieurs – Diffusion de musique : quels droits centaines d’infirmiers devraient prendre le chemin et redevances ? des amphis pour débuter un master qui – Vaccination : comment répondre débouchera sur un diplôme de pratique avancée. aux interrogations des patients ? Avec cette première promotion d’étudiants s’ouvre une nouvelle ère pour le système de soins français. 28-30. pratique Décryptage d’un sujet aussi complexe que – La prescription d’activité physique adaptée par les médecins polémique. – Soins consécutifs aux sévices sexuels subis par des mineurs : une prise en charge à 100 % 31. culture médicale 32. rencontre Dr Christophe Adam, médecin généraliste restons connectés! à Bordeaux Sur le Web : www.conseil-national.medecin.fr Sur Twitter : suivez-nous sur @ordre_medecins Par mail : conseil-national@cn.medecin.fr Nous écrire : Conseil national de l’Ordre des médecins, 4, rue Léon Jost, 75855 Paris cedex 17
édito 3 DR Éthique : une année charnière 2018 sera une année charnière pour la médecine, mais aussi pour l’ensemble de la société. La révision des lois de bioéthique, dont les textes devraient être examinés par le Parlement en fin d’année, est chargée d’enjeux. La consultation publique organisée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), de février à avril, a rencontré un grand succès. Elle a été l’occasion pour nous tous, professionnels mais aussi citoyens, de nous poser la question : « Quel monde voulons-nous pour demain ? » Ce temps de réflexion et de débats était « Nous avons le devoir on ne peut plus nécessaire à l’heure où les de veiller au respect innovations semblent dépasser la fiction, des principes éthiques » et où l’on entraperçoit des progrès et des potentialités susceptibles de bouleverser en profondeur notre société et ce qui fait notre condition humaine. La science est-elle libre de tout explorer sans se préoccuper des retombées sociétales ? Est-ce que tout ce qui est techniquement possible est souhaitable ? Quelle distinction entre état pathologique et convenances personnelles dans la prise en charge ? Outre soigner, le médecin a-t-il également vocation à perfectionner, voire « augmenter » ses patients ? L’Ordre ne peut, et n’a d’ailleurs pas l’ambition, d’apporter des réponses formelles à toutes ces questions. Mais nous avons le devoir de nous les poser. C’est d’ailleurs la mission d’un groupe de travail au sein de la section Éthique et Déontologie, dont les réflexions feront prochainement l’objet d’un rapport. C’est également l’objet des entretiens croisés de ce numéro (cf. p.12-15).Nous avons également le devoir de veiller au respect des principes éthiques et déontologiques. C’est pourquoi, dans les semaines qui viennent, lors de la rédaction de la loi, des auditions et des débats aux assemblées, nous aurons à cœur de défendre avec conviction ces valeurs fondatrices de notre profession : respect de la personne et de sa dignité, information, consentement, refus de provoquer délibérément la mort, respect de l’autonomie, principe de bienfaisance, non-malfaisance, équité et justice. Dr Patrick Bouet Président du Conseil national de l’Ordre des médecins Directeur de la publication : D r Walter Vorhauer - Ordre des Médecins, 4, rue Léon Jost, 75855 Paris Cedex 17. Tél. : 01 53 89 32 00. E-mail : conseil-national@cn.medecin.fr – Rédacteur en chef : D r Jacques Lucas – Coordination : Évelyne Acchiardi Conception et réalisation : 48, rue Vivienne, 75002 Paris – Responsables d’édition : Sarah Berrier Direction artistique : David Corvaisier – Maquette : Nathalie Wegener – Secrétariat de rédaction : Céline de Quéral, Céline de Quéral Fabrication : Sylvie Esquer – Couverture : iStock – Impression : Imprimerie Vincent – Dépôt légal : Ce document a été réalisé selon des procédés à parution – n° 16758 ISSN : 1967-2845. Tous les articles sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. respectueux de l’environnement. médecins n° 55 mai-juin 2018
4 focus Texte : Émilie Tran-Phong Médecin, un métier dangereux ? Insultes, coups, menaces… En 2017, l’Observatoire de la sécurité des médecins a recensé 1 035 agressions de confrères dans le cadre de leur exercice. Un record historique, et qui est sans doute minoré en raison du caractère déclaratif de ces incidents. 638 attaques verbales, 239 vols ou ten- tement n’est épargné. En outre, « la ter plainte. Ces actes constituent des tatives de vol, 88 actes de vandalisme violence envers les médecins n’éclate délits pénaux. « Contrairement à ce et 75 agressions physiques : tels sont les pas que dans les cités, précise le que conseillent certains policiers, le chiffres enregistrés par l’Observatoire Dr Boissin. Aujourd’hui, même dans dépôt d’une main courante ne sert à de la sécurité des médecins en 2017. les “beaux quartiers”, on peut se faire rien, insiste le Dr Boissin. Il est aussi Mais, « en réalité, il y en a eu cer- insulter ou taper par un patient qui très important de remplir une fiche tainement plus, estime le Dr Hervé n’a pas apprécié d’attendre ou de se de signalement d’incident via le site Boissin, coordonnateur de cet obser- voir refuser un arrêt de travail. » Internet du Cnom. Cela nous permet vatoire au sein du Conseil national d’avoir des statistiques qui font poids de l’Ordre des médecins (Cnom). Nos Toujours porter plainte auprès des pouvoirs publics. Mais résultats s’appuient sur les déclara- Seuls 48 % des incidents déclarés ont surtout, cela permet à nos instances tions volontaires de nos confrères. fait l’objet d’une démarche judiciaire. départementales d’en être informées Or beaucoup, à force d’être la cible Or le Cnom tient à le rappeler qu’en et d’apporter leur aide aux médecins d’insultes ou de harcèlements, ne cas d’agression, qu’elle soit physique agressés, notamment en se portant prennent même plus la peine de les ou verbale, tout comme en cas de vol partie civile lors du dépôt de plainte, signaler. Certains ont aussi peur des et de dégradation de biens, il faut por- pour en renforcer la portée. » représailles… » Bien qu’ils ne repré- sentent que les quelque 20 % émer- gés de l’iceberg, les 1 035 incidents répertoriés constituent un record Point de vue de l’Ordre jamais enregistré. « Ils confirment Dr Hervé Boissin, coordonnateur de l’Observatoire ce sur quoi nous alertons les pouvoirs de la sécurité des médecins publics depuis plusieurs années : les médecins doivent faire face à une hausse importante des violences de « Il faudrait d’avoir peur de se retrouver isolés toute nature à leur encontre », pour- que les pouvoirs et surchargés de travail, ils craignent de se faire agresser ? Même s’il suit le Dr Boissin. publics s’emparent ne s’agit “que” d’une attaque Pas que dans les quartiers du problème ! » verbale, les conséquences sont toujours importantes, au moins sensibles « Ces incidents n’ont pas qu’un psychologiquement. Certes, des Les généralistes sont les premières impact sur la santé des médecins. protocoles de sécurité ont été signés cibles des attaques (61 % des décla- Ils contribuent aussi à la désertification entre l’Ordre des médecins et les rations), suivis des ophtalmologistes médicale de certains territoires. préfectures dans la plupart des (6 %) et des dermatologues (2 %). Dans Les cas de praticiens hospitalisés départements. Mais s’ils améliorent 51 % des cas, les médecins victimes suite à une agression sont de plus la prise en charge par les services en plus médiatisés, tout comme les de police des médecins victimes de ces violences sont des femmes. Et témoignages de confrères qui ferment d’agression, ils ne permettent pas de 76 % exerçaient en libéral. leur cabinet, exaspérés d’être réduire le nombre de ces agressions. Si le Nord et les Bouches-du-Rhône la cible d’insultes et de harcèlement. En outre, de nombreuses plaintes sont particulièrement problématiques Comment, dans ce contexte, peut-on restent sans suite judiciaire, du fait (on y dénombre respectivement 108 et demander à de jeunes médecins de l’inertie des autorités. Ce n’est 107 incidents déclarés), aucun dépar- de s’installer alors que, en plus pas normal… » médecins n° 55 mai-juin 2018
focus 5 Témoignage Témoignage Dr Bernard Le Douarin, président du Conseil départemental Dr Thomas du Val-de-Marne de l’Ordre des médecins Cartier, médecin généraliste « Le nombre d’agressions est passé ses limites. Lorsqu’il à Bobigny (93) reçoit le signal, le centre de 35 à 9 entre 2010 et 2017 » 15 analyse la situation et « Nous avons été l’un communes de prendre prévient les secours, si « Cette agression n’a des premiers conseils en charge la présence nécessaire. Mais la fait que confirmer départementaux de d’un vigile de 20 heures plupart du temps, les mon choix de partir » l’Ordre à avoir décliné à minuit dans les douze médecins, quand ils sont le protocole national maisons médicales de agressés par surprise, « Le 5 mars dernier, un père signé avec les ministères garde du département. tentent de se protéger de famille est arrivé sans de la Santé, de la Justice Compte tenu de et sont dans l’incapacité rendez-vous au cabinet. et de l’Intérieur en 2011, la féminisation de de sortir le beeper de En rage, les poings levés vers pour la sécurité des la profession, c’était leur poche. De plus, mon visage et prêt à frapper, professionnels de santé. important de rassurer quand les secours il m’a ordonné d’examiner Nous avons signé nos consœurs, pour les arrivent, les agresseurs immédiatement son enfant. un protocole local avec convaincre de revenir ont déjà pris la fuite. Impossible de le raisonner, le préfet et l’Agence vers le système de garde. Reste un autre souci : même en lui proposant un régionale de santé (ARS) Résultat, nous avons une les forces de sécurité rendez-vous surnuméraire en la même année, ce qui bonne permanence des sont souvent très début d’après-midi. J’ai donc nous a notamment soins. En revanche, l’outil réticentes à prendre été obligé de m’exécuter. permis de mettre que nous avons mis à les dépôts de plainte Cette menace de mort, en place une liste de disposition des médecins et se limitent survenue quelques semaines à référents de police, effecteurs de visites dans à l’enregistrement peine après le vol de mon que les médecins du les quartiers sensibles d’une main courante. portable dans un car-jacking Val-de-Marne peuvent – des boîtiers d’alerte Nous sommes intervenus et la dégradation de mon appeler directement s’ils géolocalisables sur récemment auprès cabinet, n’a fait que confirmer ont besoin de porter lesquels ils peuvent de la procureure du la décision que j’avais déjà plainte. Nous avons appuyer pour alerter Val-de-Marne pour prise de partir. Pourtant, également réussi le Samu en cas de insister sur l’importance quand je me suis installé à à convaincre les problème – a montré de déposer plainte. » Bobigny, il y a trois ans, j’avais envie de faire bouger les choses. Je souhaitais monter une maison pluridisciplinaire Témoignage de santé (MSP) pour attirer d’autres confrères dans ce Dr Corinne Joyeux, médecin généraliste à Châtellerault (86) quartier où il devient difficile d’exercer seul en toute « Après les manifestations de soutien, il y a même eu une sécurité. Malgré un gros grande manifestation. problème de densité le soufflé est retombé » Mais depuis, finalement, médicale en Seine-Saint- « En 2016, j’ai passé quatre stress post-traumatique. rien n’a changé. Nos Denis, je n’ai reçu aucun jours à l’hôpital, pour un D’ailleurs, depuis que je secrétaires médicales soutien des autorités locales traumatisme crânien : un suis revenue au cabinet, continuent de se faire pour créer cette structure. père de famille m’a je ne propose plus insulter tous les jours Il faudrait que le département frappée au visage et, en de rendez-vous sur parce que les patients et la ville sortent de leur tombant, je me suis cogné des créneaux peu ne supportent pas qu’on inertie s’ils veulent faire la tête contre un meuble. fréquentés, comme les ne leur donne pas tout revenir des médecins J’ai ensuite été en arrêt de soirs ou le samedi matin. de suite tout ce qu’ils volontaires sur leur territoire. travail pendant quatre Je ne veux plus me veulent. Les mesures Compte tenu du prix des mois. La raison de sa mettre en danger. Nous envisagées par la consultations, les praticiens colère ? Arrivé trente sommes six médecins collectivité et le cabinet ne peuvent pas financer minutes en retard pour regroupés dans une (vidéosurveillance, vigile, eux-mêmes la présence d’un la consultation de maison de santé, et nous etc.) n’ont pas été mises vigile à l’entrée de leur son enfant, il n’a pas travaillons tous au en œuvre car personne cabinet ou maison médicale. supporté qu’on lui maximum des capacités ne veut les payer. Si l’insécurité s’ajoute à leur dise de patienter de nos agendas. En revanche, surcharge de travail et à la un peu, le temps Pourtant, même dans le soutien de l’Ordre lourdeur de leurs tâches qu’on s’occupe d’autres notre quartier, qui n’est a été précieux : ils se sont administratives, rien ne les personnes là avant pas particulièrement portés partie civile au incite à s’installer ici. » lui. Heureusement, je sensible, les relations tribunal et se sont n’ai pas conservé de avec les patients se sont déplacés pour séquelles physiques de dégradées. Sur le coup, m’y accompagner. + d’infos : retrouvez l’infographie cette agression. Mais mon agression a choqué L’agresseur a été des chiffres-clés de l’Observatoire je souffre encore de la population, condamné. » de la sécurité sur le site du Cnom www.conseil-national.medecin.fr médecins n° 55 mai-juin 2018
6 en bref Permanence des soins ambulatoires les Réorganiser la PDSA tweets @ordre_medecins – 11 avril Observatoire des initiatives en fonction des territoires réussies : partagez vos expériences pour organiser La 15e enquête annuelle dispositif reposant essentiellement, l’accès aux soins dans les sur la permanence des dans un certain nombre de territoires ! https://www. soins ambulatoires (PDSA) territoires, sur des généralistes conseil-national.medecin.fr/ a confirmé la tendance installés déjà très fortement observatoire #AccèsAuxSoins constatée depuis plusieurs sollicités pose question. années de sa dégradation lente « Il est urgent de réorganiser @ordre_medecins - 17 avril et progressive. La situation, la permanence des soins en se Notre enquête ne démontre déjà critique dans certains fondant sur un diagnostic précis pas de lien de corrélation entre départements, le deviendra des besoins de la population la santé des médecins et la dans d’autres territoires si et des ressources médicales démographie médicale https:// aucun changement n’intervient disponibles, a déclaré le www.conseil-national.medecin. en termes d’organisation Dr Jean-Yves Bureau, président fr/sites/default/files/cnom_ ou de fonctionnement. de la commission PDSA de l’Ordre rapport_sante_des_medecins. En 2017, la PDSA n’était pas des médecins. C’est au plus pdf … #DirectCNOM assurée en nuit profonde dans près des territoires que doit être 19 territoires supplémentaires. définie l’organisation de la PDSA, @ordre_medecins - 19 avril tout comme l’organisation Commission d’enquête sur l’égal #AccèsAuxSoins Déséquilibres territoriaux des soins dans son ensemble. » des Français sur l’ensemble De manière globale, le volontariat du territoire : le Dr Arnault, des médecins s’est maintenu délégué général aux relations en 2017, mais il est très disparate, + d’infos internes du CNOM, et le avec, par exemple, un taux de 90 % https://www.conseil-national.medecin. Dr Simon, président de la dans la Nièvre contre 10 % à Paris. fr/sites/default/files/cnom_enquete_ section Exercice professionnel, Aujourd’hui, la pérennité d’un pds_2017_0.pdf auditionnés par la #ComAfSoc ce matin #DirectAN Protection des données : de nouvelles dispositions Le règlement européen sur la à prendre dans les diverses du patient et celles qui sont protection des données (RGPD) situations d’exercice. Cette directement ou indirectement est applicable dans tous les États publication s’inscrira en soutien relatives à sa santé. Que vous membres de l’Union, à compter des contenus propres aux utilisiez un dossier patient papier du 25 mai 2018. La CNIL voit ses publications de la CNIL. ou un dossier patient informatisé, pouvoirs accrus et a indiqué que Tous les médecins, dans tous les le RGPD s’applique. Peut-être les contrôles qu’elle serait conduite secteurs de soins et de modalités avez-vous opté pour une à effectuer auront les premiers d’exercice, sont concernés. plateforme en ligne pour gérer mois une fonction pédagogique de Vous l’êtes parce que vous êtes la prise de rendez-vous ? Peut-être rappel à la loi, avant qu’elle use de amenés à recueillir et à traiter réalisez-vous ponctuellement ses pouvoirs de sanction financière. de nombreuses informations ou à titre habituel des actes de Le Conseil national de l’Ordre sur vos patients : des données télémédecine ? Vous êtes concerné publiera très prochainement d’identification (nom, prénom, par l’application du RGPD, et dans un guide dans lequel seront adresse, numéro de téléphone), bien d’autres situations pratiques recensées, sous forme de fiches mais aussi des informations dites que le guide exposera pour vous pratiques, toutes les dispositions sensibles sur la vie personnelle informer et vous accompagner. médecins n° 55 mai-juin 2018
en bref 7 CertifMed.fr : tous les modèles en ligne Élections Conçu dans le cadre d’une thèse de médecine générale, Le Dr René-Pierre le site CertifMed.fr est un outil d’aide à la décision concernant les Labarrière a été élu demandes de certificats médicaux. Il propose, selon le cas auquel vous le 29 mars 2018, êtes confronté, le modèle de certificat correspondant, et rappelle à l’occasion les principales règles pour le rédiger (certifmed.fr). de l’élection complémentaire + d’infos : http://www.certifmed.fr/certificat-7-72-i.html au Conseil national de l’Ordre des médecins pour la région Rhône-Alpes. Entraide confraternelle Solidarité entre soignants : la volonté d’agir ensemble « Toutes nos professions sont marquées par des moments de pénibilité, de difficulté voire de détresse, qui peuvent intervenir à tout moment de notre carrière… » a rappelé le Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre des médecins le 10 avril, en préambule d’un débat organisé par l’Ordre intitulé « Quelle solidarité pour les soignants ? ». Devant une centaine de personnes, les invités ont pris la parole : Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) ; le Pr Éric Galam, responsable du DIU « Soigner les soignants » à l’UFR Paris-VII ; Jean-Baptiste Bonnet, des médecins n’ont pas de médecin terrain », a ajouté le Dr Patrick Bouet. président de l’InterSyndicale traitant autre qu’eux-mêmes. Ils ne La mise en service d’un numéro nationale des internes (ISNI) ; se soignent pas aussi bien qu’ils le vert d’écoute et d’assistance aux Nicolas Revel, directeur recommandent à leur patient… », médecins, professionnels de santé et général de la Cnamts ; le Dr Donata a relevé le Dr Jacques Morali, internes en difficulté (0800 800 854), Marra, psychiatre ; et Patrick président de la commission accessible gratuitement 7 jours sur 7 Chamboredon, président de d’entraide du Cnom. « Nous avons et 24 heures sur 24, en est l’une des l’Ordre national des infirmiers. compris, avec les autres ordres premières traductions concrètes. des professions de santé, acteurs de Prendre soin des soignants l’entraide confraternelle, qu’il fallait L’un des principaux problèmes structurer un réseau afin de pouvoir + d’infos : https://www.conseil- réside dans le fait que « la plupart agir en amont et au plus près du national.medecin.fr/node/2722 médecins n° 55 mai-juin 2018
8 sur le terrain Texte : Sarah Berrier | Photos : Julian Renard Pédiatrie Prévenir les traumatismes postopératoires par le jeu Depuis janvier 2013, l’hôpital pédiatrique Robert-Debré (AP-HP) propose des ateliers ludiques pour préparer les enfants et adolescents âgés de 4 à 18 ans à l’opération. Un moyen efficace pour dédramatiser ce moment… Nous avons suivi un de ces ateliers destiné aux plus jeunes patients. Dans une salle baignée de lumière, juste à côté du couloir qui mène au bloc de chirurgie de l’hôpital de jour, Lucas, 4 ans et demi, accompagné de sa maman, semble un peu perdu. « Choisis un personnage qui va te représenter, puis choisis ton doudou » lui demande Nancy Pracros, infirmière anesthésiste diplômée d’État (IADE), en l’amenant devant un bac rempli de Playmobil. Lucas esquisse un sourire et se prête volontiers au jeu. « Pour te préparer à ton opération lundi, nous allons te raconter comment ça va se pas- ser… » lui explique Clauthilde Choffrut, auxiliaire de puériculture. À l’aide des Playmobil, d’une maquette représen- tant l’accueil, le bloc, la salle de réveil mais aussi d’un livre photo et de tous les accessoires utilisés avant l’opération, Lucas va découvrir « la fabuleuse aven- ture » de l’opération. Une approche par le jeu Après avoir enfilé sa « combinaison de cosmonaute » (la blouse), l’IADE teste la L’un des moments forts de l’atelier : la manipulation des accessoires, l’essayage de la tenue et la découverte des différents instruments médicaux qui peuvent faire peur. force de Lucas grâce au « biscotomètre » (tensiomètre). Capteurs, oscilloscope, perfusion, tenue des médecins, masque de la maquette. « À la base, Lucas est un comment ça allait se dérouler dans les pour l’anesthésie, tous les objets et enfant assez angoissé, confie Mathilde, détails. Cet atelier permet de lui expli- toutes les étapes, avant et après l’opé- sa maman, en le regardant du coin de quer. Je pense que grâce à ça, il sera ration, ont été minutieusement trans- l’œil. Cela fait plusieurs jours qu’il com- beaucoup moins anxieux le jour J. » posés dans une histoire fantastique, mence à poser des questions sur com- adaptée aux enfants. ment va se passer l’opération... Mais Pour les enfants… mais pas que ! Lucas est désormais parfaitement jusqu’à aujourd’hui, je ne savais pas Pour cet atelier, il est demandé qu’au détendu, il fait circuler son avatar et son trop comment lui répondre parce que moins un des parents accompagne doudou à travers les différentes pièces je ne savais moi-même pas vraiment l’enfant. « Parfois, nous avons aussi le médecins n° 55 mai-juin 2018
sur le terrain 9 Le film, réalisé grâce à un mécénat, permet à Lucas et à sa maman de réviser ensemble toutes les étapes. Un moyen de vérifier qu’il n’y a plus de questions en suspens… L’atelier se termine par une vraie visite des lieux. Grâce à la maquette du service, Lucas a rapidement compris quelles étaient Dans cinq jours, Lucas reviendra rassuré pour les différentes étapes d’une opération. son opération. frère ou la sœur, précise Joëlle Kinderf, IADE qui a activement participé à la Témoignage création de ce projet au sein du CHU. La Dr Anne-Laure Hörlin, chef de clinique assistante perspective d’une opération peut être et Joëlle Kinderf, IADE, service anesthésie réanimation, traumatisante pour le jeune patient, hôpital universitaire Robert-Debré (AP-HP). mais aussi pour toute la famille. Donc même emporter la l’atelier est également un moyen de « Rendre les enfants acteurs blouse et le masque rassurer les parents et la fratrie. » L’atelier s’achève par la projection de leur opération » à la maison pour “s’entraîner”… On essaie d’une vidéo, récapitulant toutes les « Une opération peut Notre idée est de les rendre le plus étapes, puis par la visite de l’accueil générer des troubles d’informer mais possible acteurs de leur et de la salle de réveil. Lucas est fin prêt importants chez aussi de positiver. Par opération. Aujourd’hui, pour son opération. « Ce sera toi qui les enfants et les exemple, on explique nous avons un peu de seras là ? » demande-t-il à Nancy avant adolescents. Cela aux enfants qu’ils ne recul sur cette initiative. de partir, sa blouse et son masque peut aller de la colère pourront pas prendre Nous avons réalisé à l’anorexie… Nous de petit déjeuner plusieurs études et une d’anesthésie sous le bras. « Pas for- avons donc travaillé le matin, mais qu’ils thèse qui ont permis cément, mais ne t’inquiète pas, nous pendant un an, avec pourront amener leur de montrer que grâce sommes tous des aventuriers de l’es- des psychologues goûter préféré pour à l’atelier, les troubles pace », le rassure-t-elle. Ici, médecins, sur un scénario de film, l’après-midi. Et puis on du comportement infirmiers, auxiliaires, psychologues… sur l’album photo et sur leur fait manipuler tous postopératoires tout le monde joue le jeu. la maquette Playmobil. les objets. Ils peuvent diminuent de 30 %. » médecins n° 55 mai-juin 2018
10 e-santé Propos recueillis par Marine Loyen Intelligence artificielle « Notre vision est trop court-termiste ! » Alors que la Commission européenne a constitué un groupe d’experts sur le sujet et que le rapport de Cédric Villani sur l’intelligence artificielle laisse une large place aux questions éthiques, que le Cnom a abordées dans sa dernière publication1, nous avons interrogé Laurence Devillers, membre de la Commission de réflexion sur l’éthique de la recherche en sciences et technologies du numérique d’Allistene (CERNA). Quelle définition donnez-vous nez-moi bien : on ne court pas le risque habitants a été mis en place qui, dès de l’intelligence artificielle ? de voir les machines prendre le pouvoir, 2020, conditionnera jusqu’à leur droit Est-ce qu’il n’y a pas méprise, mais celui de voir certaines catégories à acheter un billet d’avion. Il incombe à dans le terme même ? d’êtres humains devenir esclaves des l’État, aux chercheurs, aux enseignants Une machine ne peut pas être intelli- machines. Il est important de s’en et à tous les professionnels de cet écosys- gente comme on l’entend pour les êtres prémunir. Qu’on délègue des tâches tème d’agir, par la formation d’abord. Les humains. Par intelligence artificielle, on simples à des machines est tout à fait citoyens doivent être en capacité de com- désigne un ensemble de techniques et de pertinent. En revanche, dès qu’une prendre, pour se donner les moyens de ne recherches qui ont pour objectif de don- décision importante est à prendre, elle pas subir. Je milite également pour que ner à des machines des capacités cogni- doit impérativement être prise avec un les chercheurs en sciences numériques tives qui ont trait à trois domaines : la homme dans la boucle, si on veut éviter reçoivent une formation spécifique perception, la décision et l’action. Ainsi, des dérives. Des expérimentations ont – c’est déjà le cas pour les doctorants en une machine peut reconnaître des été faites dans le domaine juridique : on sciences du numérique. images, trier des informations, traduire s’est aperçu qu’une intelligence artifi- un texte voire prendre des décisions sur cielle avait tendance à condamner plus Quels sont les risques associés certains sujets. Ces machines peuvent facilement les personnes de couleur aux robots sociaux ? être plus performantes que les êtres en raison des précédents qu’elle avait Il y a peu de robots sociaux qui se humains dans des domaines très par- enregistrés, mais on peut aussi trouver déplacent pour l’instant, mais les agents ticuliers. En médecine, une intelligence de nombreux biais dans le jugement conversationnels (chatbots) arrivent artificielle peut par exemple repérer humain. La complémentarité entre dans notre quotidien. Prenez Google un cancer de la peau mieux qu’un être les deux intelligences doit être trouvée. Home : pour que ce service soit rentable, humain, mais la machine n’est pas pour il doit se nourrir de données privées, que autant intelligente comme un homme. Peut-on envisager une nous allons lui livrer ; nous recevrons éthique « a priori », alors que donc chez nous des publicités ciblées La commission européenne a les intelligences artificielles et des informations présélectionnées. constitué un groupe d’experts sont en plein développement Il est important de s’interroger sur les pour travailler sur l’éthique et que l’on n’en connaît pas données que nous transmettrons à ces et l’intelligence artificielle. encore toutes les applications ? machines sociales douées de conver- Qu’en pensez-vous ? On nous accuse souvent d’être « anti-bu- sation, qui peuvent être très privées. C’est fondamental, parce que ces sys- siness ». C’est faux ! Un grand nombre Par ailleurs, si ces robots sont conçus tèmes d’intelligence artificielle dif- d’industriels sont conscients de ces pour s’adapter à l’être humain, il faudra fusent dans tous les domaines. Il est sujets, demandeurs d’un guide de bonnes être vigilant à la manière dont celui-ci indispensable de déterminer quelles pratiques et prêts à coopérer. L’intelli- s’adapte à cette « humanité feinte ». seront les règles de bien vivre ensemble gence artificielle est déjà là et nous avons avec ces machines, sinon nous risquons une vision trop court-termiste. En Chine, 1. Le médecin et le patient dans le monde des data, un déséquilibre. Attention, compre- par exemple, un système de notation des des algorithmes et de l’intelligence artificielle. médecins n° 55 mai-juin 2018
ailleurs 11 Texte : Émilie Tran-Phong DANEMARK DOSSIER MÉDICAL PARTAGÉ ET PRESCRIPTION ÉLECTRONIQUE : DES OUTILS BIEN RODÉS Alors qu’en France, le dossier médical partagé (DMP) et l’ordonnance électronique sont encore en expérimentation, cela fait plusieurs années que les médecins danois utilisent de tels outils. Présentation… Entre 2009 et 2016, les régions et municipalités danoises, qui gèrent de façon décentralisée le système de santé du pays, se sont organisées les unes après les autres pour déployer le projet de dossier médical partagé sur leurs territoires. Aujourd’hui, tous les citoyens et résidents du Danemark ont le leur. Ce Fælles Medicinkort (FMK) est associé à leur numéro d’identification personnel – équivalent de notre identifiant national de santé (INS) – qui est lui-même lié à leur carte de sécurité sociale. Ainsi, lors d’une consultation, il suffit au patient de présenter sa carte au professionnel pour lui donner accès à toutes ses données médicales : traitements en cours, historique des consultations, vaccinations, allergies, etc. Les médecins sont personnel, un mot de passe et un code fourni obligés de consulter ce carnet de santé digital par un générateur automatique. En revanche, avant de prescrire un nouveau médicament, impossible pour le patient de masquer lui- puis de le mettre à jour. Depuis peu, ils doivent même une ordonnance qu’il n’aurait pas envie même y rédiger directement leurs ordonnances de voir apparaître dans son dossier. Il doit sous forme électronique. Cela facilite les pour cela passer par un médecin, dont le échanges avec les pharmaciens et l’organisme devoir est de l’éclairer sur les risques induits par de sécurité sociale, mais surtout garantit une telle décision. Une mention indique alors que la liste des traitements pris par le patient l’existence de « traitements cachés ». Les autres est complète. Car l’objectif premier du FMK est professionnels de santé devront demander de réduire les interactions médicamenteuses le consentement du patient pour y accéder, et les redondances de prescription. Il doit s’ils pensent que cela est pertinent. Dans le en outre faciliter la coordination des soins cas où la personne est amenée inconsciente autour du patient, le médecin traitant ayant à l’hôpital, les médecins urgentistes sont accès à tous les soins prescrits et réalisés autorisés à faire une « recherche extraordinaire par des spécialistes ou des infirmiers. d’urgence », donc à lire les ordonnances cachées, s’ils estiment que c’est nécessaire. OBLIGATOIRE ET EXHAUSTIF Pour de nombreux experts, l’atout du système Les patients peuvent accéder, où ils veulent et danois est son caractère obligatoire et exhaustif. quand ils le souhaitent, à leur dossier médical Mais sa mise en œuvre a été facilitée par le fait et aux ordonnances qu’il contient. Il leur suffit que les Danois étaient déjà habitués à voir leurs de se rendre sur le site www.fmk-online.dk, données personnelles collectées par l’État. géré par l’Agence nationale des données de santé. La connexion est sécurisée puisqu’elle + d’infos : https://sundhedsdatastyrelsen.dk/da/registre-og- nécessite, en plus du numéro d’identification services/om-faelles-medicinkort médecins n° 55 mai-juin 2018
12 rubrique entretiens croisés Texte : Sarah Berrier | Photos : DR États généraux de la bioéthique Quelles limites entre le possible et le souhaitable ? Le 18 janvier 2018, étaient lancés les états généraux de la bioéthique. Organisés par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), ils ont vocation à recueillir de la façon la plus objective possible l’ensemble des avis de la société sur les grandes questions de bioéthique, en vue de la révision, à la fin de l’année, des lois de bioéthique. « Quel monde voulons-nous pour d’experts et comité citoyen, la consulta- demain ? » C’est avec cette interroga- tion a revêtu diverses formes pour recueil- 832 773 tion que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a ouvert les états géné- lir le plus d’avis possible. Le périmètre des sujets abordés était étendu, allant au-delà votes raux de la bioéthique. La question est vaste, mais elle illustre parfaitement la même du programme de la nouvelle loi : cellules-souches et recherche sur l’em- complexité de la problématique, à savoir : bryon, examens génétiques et médecine quel équilibre entre progrès scienti- génomique, dons et transplantations d’or- et 64 985 contributions ont été fiques et évolutions sociétales ? Quelle ganes, neurosciences, données de santé postés sur le site des limite entre le possible et le souhaitable ? et numérique, intelligence artificielle et états généraux lors Les innovations technologiques et médi- robotique, santé et environnement, pro- de la consultation cales se sont considérablement dévelop- création et société, et, enfin, accompagne- grand public en ligne. pées ces dernières années, ouvrant la ment de la fin de vie. voie à des solutions jusqu’alors inen- Aujourd’hui, la consultation est achevée. Le visageables. Certaines portent autant CCNE est en train de finaliser son rapport d’espoirs pour vaincre des maladies que exposant les arguments et les différents de risques de dérives. points de vue portés par la société. En attendant la publication de ce document, Débats et contributions le Conseil national de l’Ordre des méde- Site Web sur lequel chacun a pu s’expri- cins vous propose un échange de réflexions mer, événements en régions, auditions d’experts sur ces questions éthiques… médecins n° 55 mai-juin 2018
13 Pr Jean François Delfraissy, Dr Jean-Marie Faroudja, Damien Le Guay, président du Comité consultatif président de la section Éthique philosophe, enseignant à l’Espace national d’éthique (CCNE) et Déontologie du Cnom éthique IDF, président du Comité national d’éthique du funéraire Pr Jean-François Delfraissy Dr Jean-Marie Faroudja La bioéthique est un équilibre difficile à trouver entre Il y a dans ce projet de révision de la loi les avancées de la science et leur prise en compte ou non de bioéthique le souci de répondre à des par la société, qui elle-même évolue. Le modèle français est problèmes anciens, ou nouveaux, qui relèvent particulier car il passe par une révision de la loi ! Je dirais à la fois du sociétal et du médical. Mais qu’en fait il y a deux options dans une révision de loi : surtout du sociétal… La pratique des sondages conserver une loi qui définit précisément des limites et des permet d’afficher des chiffres récoltés à vif interdits, ou bien ouvrir davantage les possibilités puis et souvent sans grande réflexion préalable. laisser les personnes concernées faire leur choix. Je pense Les questions posées d’une certaine façon qu’il faut d’abord informer le public. Il est beaucoup plus aux interlocuteurs font que l’interprétation intéressé par ces questions qu’on ne le pense et, finalement, de la réponse est parfois aléatoire. Il serait puisqu’il décide, il a son avis à donner. À partir du moment dommage que ces sondages, aux côtés où on prend le temps d’expliquer, les citoyens sont capables d’autres consultations plus averties telles de poser de bonnes questions et ils sont beaucoup plus que les états généraux organisés par le CCNE, « sages » qu’on ne le pense. Sur les débats sur la génomique puissent peser face au législateur. Il faut par exemple, j’ai entendu des réflexions riches et de bon également prendre garde au lobbying des sens. Mais il faut être conscient que, quoi qu’il en soit, politiques et autres formations qui défendent il y aura des déceptions pour certains concitoyens qui ne leurs idées. Ceux qui se penchent sur ces se retrouveront pas dans la loi qui sera adoptée après les questions sensibles depuis des années, et états généraux. C’est le jeu de la démocratie : les citoyens nous en sommes, butent au quotidien sur des s’expriment mais, au final, c’est le politique qui décide. aspects juridiques et humains jusque-là non Néanmoins, plus les états généraux aboutiront à des évoqués ou inattendus. Et même les recours positions fortes, plus ils auront été visibles et participatifs, devant les juridictions suprêmes n’apportent plus il sera difficile aux politiques d’aller à leur encontre. pas forcément l’éclairage et les réponses que peuvent souhaiter les médecins. Je pense par exemple aux affaires Lambert, Marwa, Inès… La tenue de ces états généraux Damien Le Guay Tout est là : quelle place accorder à l’émotion dans les sujets a mis en lumière bioéthiques ? Faut-il l’entendre et y répondre au cas par cas, un certain nombre au risque de céder sur ses principes éthiques, ou, au contraire, injecter de la raison dans l’émotion pour la remettre dans une de sujets sur perspective éthique ? De toute évidence, sur bien des sujets (GPA, PMA, euthanasie), certains groupes de pression mettent en avant lesquels la société des cas particuliers tous chargés d’émotion pour mieux faire est très divisée. plier les « résistances » et infléchir l’éthique – qu’ils considèrent comme trop « conservatrice ». Par ailleurs, les médias et les Est-il possible politiques, et donc l’opinion publique, sont tous de plus en plus sensibles à l’émotion. L’éthique doit-elle s’adapter à l’émotion de trouver ou l’émotion à l’éthique ? De toute évidence, le « consensus » doit tenir compte de nombreux facteurs – les plus pérennes et un consensus sur aussi ceux qui sont le plus en surface, en émotion, en actualité. des thèmes aussi Et en même temps, le consensus, par principe, doit être un processus de mise en tension entre des demandes et des sensibles ? exigences contradictoires. L’éthique est un art de l’ajustement et non une chambre d’enregistrement des émotions sociétales – qui ont toutes leur légitimité. médecins n° 55 mai-juin 2018
14 entretiens croisés Pr Jean-François Delfraissy Lors de la consultation, les trois thématiques les plus abordées ont été la procréation, la fin de vie et la génomique. Le succès de ce dernier sujet a été une surprise pour moi. Je ne pensais pas qu’il susciterait un tel intérêt parce que Dr Jean-Marie Faroudja Quelques chapitres méritent notre réflexion. Dans la génomique regroupe des notions très le cadre de la bioéthique : la procréation, la recherche compliquées. L’ouverture du diagnostic sur l’embryon et les cellules-souches, le don d’organes anténatal et préimplantatoire a été ou de tissus ; et dans le cadre de la déontologie et de une question qui a passionné les Français. l’éthique : la fin de vie, l’euthanasie et le suicide assisté. Ils se rendent compte qu’il y a désormais Autant les questions relatives à l’assistance médicale des possibilités diagnostiques, voire à la procréation (AMP) font bien partie du domaine même peut-être thérapeutiques, sur des lois de bioéthique, autant celles liées à la fin des cellules embryonnaires in vitro, de vie, si elles devaient être annexées au programme mais ces possibilités posent des questions des travaux parlementaires, s’inscriraient dans un autre sociétales importantes. En revanche, débat sociétal et éthique auquel nous devrons forcément des sujets ont été moins « populaires », être associés. Quoi qu’il en soit, il s’agit là de demandes comme l’intelligence artificielle ou le big sociétales auxquelles adhèrent et participent certains data. Je peux le comprendre car nous médecins. Et il faut être bien conscient que l’unanimité avons un recul beaucoup plus court que ne se fera jamais ni au sein de la société, ni même sur les autres thèmes. C’est un sujet au sein du corps médical. Devant ces conflits de valeurs, probablement moins « mature », il faut l’Ordre, aussi bien pour l’élargissement de l’AMP que le grand public s’en empare. que pour la fin de vie, loin de vouloir se poser en moralisateur mais en gardien de la déontologie, en défenseur de l’éthique médicale, devra réclamer pour le médecin le droit de se récuser ou d’exciper une clause de conscience qui devra être inscrite dans la loi. Sur les autres sujets, comme par exemple data Quels sont les sujets et intelligence artificielle, nul doute que les acquis de la science s’imposent désormais avec leur lot d’espoirs, les plus chargés en de curiosité et d’incertitudes… enjeux selon vous ? Damien Le Guay Il nous faut, d’une manière transversale, pour tous les sujets abordés, et avant les solutions médicales, poser une question d’éthique politique : voulons-nous tous ensemble protéger la vulnérabilité, accompagner le fragile, le défendre (y compris contre lui-même) ou, au contraire, faire prévaloir les droits de l’individu sur le sens collectif – celui qui donne sens au monde commun ? Soit un collectif solidaire, soit un individu qui veut affirmer sa liberté sans tenir compte des autres. Telle est la thématique transversale de ces états généraux. Deux exemples illustrent cette polarité. Est-il possible d’imaginer que le « droit Damien Le Guay d’avoir un enfant » (droit individuel) puisse aller jusqu’à avoir des enfants sans père – par la PMA ouverte aux lesbiennes « Peut-on aller jusqu’à ou par la « location » du ventre d’une autre femme ? Peut-on rompre l’équilibre d’une aller jusqu’à rompre l’équilibre d’une vie accompagnée jusqu’à vie accompagnée jusqu’à la mort par la légalisation de l’euthanasie ? Ces questions-là la mort par la légalisation ne sont pas techniques mais nous engagent tous. Et si le CCNE venait à passer d’une conception solidaire à une conception de l’euthanasie ? » individualiste, comme il est tenté de le faire, nous ne serions pas dans un aménagement, une adaptation, mais un basculement anthropologique. Ne nous y trompons pas. médecins n° 55 mai-juin 2018
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