Améliorer la sécurité et les droits de l'homme à travers l'action multipartite - Leçons apprises du Groupe de Travail sur les Principes ...

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Améliorer la sécurité et les droits de l'homme à travers l'action multipartite - Leçons apprises du Groupe de Travail sur les Principes ...
Améliorer la sécurité et les droits de l’homme
à travers l’action multipartite

                     Leçons apprises du Groupe de Travail
           sur les Principes Volontaires au Sud-Kivu, RDC
Améliorer la sécurité et les droits de l'homme à travers l'action multipartite - Leçons apprises du Groupe de Travail sur les Principes ...
Publié en Suisse par DCAF – Le Centre Genevois pour la Gouvernance du Secteur de la Sécurité

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Publié en version anglaise pour la première fois en Septembre 2021

Le DCAF encourage l'utilisation, la traduction et la diffusion de cette publication. Nous vous
demandons toutefois de reconnaître et de citer les documents et de ne pas en modifier le contenu.

Design par Daniela Brilhante

Auteur
Ce rapport a été commandé par le Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité (DCAF). Il a été préparé par le Dr Guilain Mathé, un
consultant titulaire d'un doctorat en sciences politiques de l'Université de Lausanne possédant une expertise du contexte politique et des conflits armés en
République démocratique du Congo ainsi que dans le suivi et l'évaluation des programmes. Le rapport est basé sur une étude documentaire et des entretiens
de première main menés entre septembre et novembre 2020 avec les parties prenantes qui ont contribué au groupe de travail sur les principes volontaires
du Sud-Kivu. Le rapport a été revu et finalisé avec les contributions de l'Observatoire Gouvernance et Paix et de la division Entreprises et Sécurité du DCAF.

Remerciements
Ce rapport a été commandé par le DCAF par le biais du Security and Human Rights Implementation Mechanism (SHRIM) du DCAF dans le cadre d'un projet
codirigé par le DCAF et l'Observatoire Gouvernance et Paix (OGP) avec le soutien de l'Ambassade des Pays-Bas en République démocratique du Congo. Le
DCAF tient à remercier le Dr Mathé pour la rédaction du rapport, les parties prenantes du groupe de travail et les bénéficiaires, y compris les membres des
communautés minières, pour avoir partagé leurs points de vue, ainsi que les personnes suivantes pour leur examen et leurs contributions à l'étude : Eric
Kajemba, Mirna Adjami, Alan Bryden, Julia Jäckle, Benoît Pittet, et Marlène Wäfler. Enfin, le DCAF tient à remercier l'Ambassade des Pays-Bas en République
démocratique du Congo pour son soutien engagé à cet important projet.

Clause de non-responsabilité
Le contenu de cette publication peut être librement utilisé et copié à des fins éducatives et autres fins non commerciales, à condition que la publication soit
dûment citée comme source. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles de l'auteur ou des auteurs et ne reflètent en aucun cas la position
des institutions mentionnées ou citées en exemple dans ce rapport. Les bonnes pratiques et recommandations incluses dans cette publication ne sont pas
prescriptives. Il appartient à chaque utilisateur de déterminer, le cas échéant, leur faisabilité, leur utilité et leur adéquation en fonction du contexte local
selon chaque situation spécifique sur le terrain. Les auteurs de cette publication déclinent toute responsabilité en cas de perte ou de dommage de quelque
nature que ce soit pour toute personne ayant utilisé cette publication ou pour tout tiers suite à l'utilisation des informations contenues dans ce document.

À propos du DCAF
Le DCAF - Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité se consacre à l'amélioration de la sécurité des États et de leurs populations
dans un cadre de gouvernance démocratique, d'État de droit, de respect des droits de l'homme et d'égalité des sexes. Depuis sa création en 2000, le DCAF
a contribué à rendre la paix et le développement plus durables en aidant les États partenaires, et les acteurs internationaux qui soutiennent ces États,
à améliorer la gouvernance de leur secteur de la sécurité par des réformes inclusives et participatives. Il conçoit des outils et supports de connaissance
innovants, promeut les normes et des bonnes pratiques, fournit des conseils juridiques et politiques et soutient le renforcement des capacités des acteurs
étatiques et non étatiques du secteur de la sécurité.

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DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

Table des matières

Résumé Exécutif                                                                                        6

1	Introduction                                                                                         9

2	Méthodologie	                                                                                        11
    2.1 Récolte des données                                                                            11
    2.2 Cadre analytique                                                                               11

3   Contexte	                                                                                          13
    3.1 La sécurité et les droits de l’homme dans le secteur extractif du Sud-Kivu                     13
    3.2 Combler une lacune dans les initiatives des chaînes d’approvisionnement en minerais
        responsables                                                                                   14
    3.3 Les Principes Volontaires en RDC                                                               15
    3.4 Le partenariat OGP – DCAF dans le projet Sud-Kivu                                              17

4   Setup: building trust and a shared vision                                                         20
    4.1   Incitations à s'engager avec le groupe de travail du Sud Kivu                               20
    4.2   Le processus d’instauration de la confiance                                                 21
    4.3   Complémentarité avec d’autres initiatives                                                   25
    4.4   Suivi des incidents                                                                         26
    4.5   Dialogue, facilitation et médiation                                                         27

5   Croissance	                                                                                       28
    5.1   Demandes croissantes et variées faites au Groupe de Travail                                 28
    5.2   Exemples de réussite et d’impact du Groupe de Travail                                       30
    5.3   Facteurs de réussite                                                                        33
    5.4   Défis                                                                                       35

6   Durabilité                                                                                        39
    6.1 Financement et ressources du Groupe de Travail                                                39
    6.2 Options pour l’institutionnalisation du Groupe de Travail du Sud-Kivu                         40
    6.3 Appropriation locale, expertise technique et connexions politiques internationales            43

7   Analyse des Phases du Groupe de Travail du Sud-Kivu                                               44

8   Conclusion et Recommandations	                                                                    47

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Acronymes
et abréviations
BSP       Better Sourcing Program (à présent “Better Mining” mené par RCS Global)

CLS       Comité Local de Suivi

CPS/S-K   Comité Provincial de Suivi du Sud-Kivu

DCAF      Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité à Genève

EMAPE     Exploitation minière artisanale et à petite échelle

EMGE      Exploitation minière à grande échelle

FARDC     Forces Armées de la République démocratique du Congo

IPIS      International Peace Information Service

IPV       Initiatives des Principes Volontaires sur la Sécurité et les Droits de l’Homme

ITSCI     The International Tin Initiative Supply Chain Initiative

OCDE      Organisation pour la Coopération et le Développement Économique

OGP       Observatoire Gouvernance Paix

OIM       Organisation Internationale de la Migration

ONG       Organisation Non-Gouvernementale

OSC       Organisation de la société civile

PMH       Police des Mines et Hydrocarbures

PNC       Police Nationale Congolaise

PV        Principes Volontaires sur la Sécurité et les Droits de l’Homme

RDC       République Démocratique du Congo

SAEMAPE   Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minières et à petite
          échelle
SECAS     Service d’Education Civique, Patriotique et d’Actions Sociales

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Table des figures

Figure 1: Indicateurs de durabilité des Groupes de Travail                                            12

Figure 2: Carte de l’artisanat minier du Sud-Kivu, source : IPIS                                      14

Figure 3: Carte des territoires du Sud-Kivu                                                           14

Figure 4: Groupes de Travail sur les Principes Volontaires en RDC, source: Étude DCAF-FFP, 2020.      16

Figure 5: Source: Entretiens semi-dirigés avec dix représentants des parties prenantes du projet
         au Sud-Kivu, Octobre-Novembre 2020.                                                          21

Figure 6: Membres du groupe de travail sur les PV du Sud-Kivu                                        22

Figure 7: Source: Article 8 du décret provincial n°20/002/GP/SK, 22 Janvier 2020.                     41

Images

Page de couverture: Sasha Lezhnev © - Enoughproject.org

Ines Della Valle © (2020), DCAF © (2019-21)

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Résumé Exécutif

Dans l’Est de la RDC, la bonne gouvernance des ressources naturelles est compromise par le déploiement
désordonné et mal-encadré des agents de sécurité publique et privée sur les sites miniers, contribuant ainsi
aux conflits et aux violations des droits de l'homme plutôt qu’au développement. Pour répondre à ces défis,
un groupe de travail multipartite a été créé en octobre 2018 pour promouvoir et renforcer la mise en œuvre
locale des Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme au Sud-Kivu, en RDC. Les groupes de
travail sur les Principes Volontaires rassemblent les parties prenantes du secteur extractif pour promouvoir
le dialogue et trouver des solutions adaptées aux défis en matière de sécurité et de droits de l'homme.

Comment le groupe de travail du Sud-Kivu a-t-il agi sur le terrain pour contribuer à prévenir et à atténuer
les incidents liés à la sécurité et aux droits de l'homme ? Pour y répondre, cette étude présente les leçons
apprises et les bonnes pratiques récoltées jusqu’ici par le groupe de travail du Sud-Kivu, en soulignant ses
points forts, son impact et son travail de renforcement des capacités locales à relever les défis. L’étude vise
également à fournir des recommandations aux gouvernements, aux organisations de la société civile locale et
internationale, ainsi qu'aux entreprises privées qui opèrent dans de tels environnements afin de promouvoir
une approche cohérente et efficace à la mise en œuvre des Principes volontaires, parallèlement aux autres
initiatives en matière de droits de l'homme et de chaînes d'approvisionnement en minerais responsables.

Le groupe de travail est dirigé par une ONG réputée du Sud-Kivu, l'Observatoire Gouvernance et Paix (OGP), en
partenariat et avec le soutien technique du Centre de Genève pour la gouvernance du secteur de la sécurité
(DCAF). L’impulsion première de créer le groupe de travail du Sud-Kivu est venue de l'ambassade des Pays-
Bas en RDC, qui a fourni un soutien essentiel aux activités du groupe de travail jusqu'en décembre 2020. En
raison de l'approche programmatique appliquée par le Mécanisme de mise en œuvre de la sécurité et des
droits de l'homme du DCAF (SHRIM), le projet initial a reçu un soutien supplémentaire du Royaume-Uni, de
la Suisse et de la Norvège.

Cette étude souligne le leadership local d'OGP, les conseils techniques et les connexions politiques
internationales générés par le DCAF et l'approche coordonnée multi-bailleurs comme quelques-uns des
facteurs clés ayant contribué au succès du groupe de travail du Sud-Kivu. En outre, cette étude conclut
que le groupe de travail du Sud-Kivu a franchi avec succès les étapes clés de trois des quatre phases du
cycle complet d’un groupe de travail multipartite. En ce qui concerne les deux premières phases - à savoir
la conduite d'une analyse du contexte et l'obtention de l'adhésion des parties prenantes pour parvenir à
une mise en place rapide du groupe de travail - l'étude décrit les étapes entreprises par le groupe de travail
pour recenser les parties prenantes, instaurer la confiance et établir une vision et des objectifs communs.

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DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

Parmi les facteurs clés qui ont contribué à l'analyse du contexte et à la mise en place du Groupe de travail,
il y a eu la décision, basée sur la collaboration entre l'OGP, le DCAF et l'OCDE, d’établir le Groupe de travail
au sein de la plateforme multipartite congolaise chargée de suivre le secteur extractif selon le guide sur
le devoir de diligence de l'OCDE au Sud-Kivu. Le Groupe de Travail a donc été intégré comme une cellule
technique du comité provincial de suivi, le Comité Provincial de Suivi du Sud-Kivu (CPS/S-K), avec l'aval du
Ministère provincial des Mines. La possibilité pour le Groupe de travail de se coordonner avec le CPS/S-K
et ses branches locales associées (CLS) a permis aux acteurs locaux de contribuer à la surveillance et à la
résolution des incidents liés à la sécurité et aux droits de l'homme, renforçant ainsi la légitimité et l'efficacité
du Groupe de Travail.

En ce qui concerne la troisième phase du cycle des groupes de travail, qui consiste à démontrer la pertinence et
l'efficacité des interventions du groupe, l'étude décrit des études de cas concrètes et fournit des témoignages
de première main des communautés bénéficiaires qui confirment l'impact positif du groupe de travail en
matière de prévention des violations des droits de l'homme et d'amélioration de l'environnement sécuritaire.
Un facteur clé de ces interventions réside dans l’engagement du groupe à émettre des recommandations
pour résoudre les incidents liés à la sécurité et aux droits de l'homme, puis à assurer le suivi de ces
recommandations par des visites de terrain multipartites qui facilitent le dialogue et le développement de
solutions locales, tout en gardant un contrôle continu qui garantit des résultats durables. Ces études de cas
incluent des incidents où le groupe de travail a facilité la démobilisation d'un groupe armé, négocié le retrait
d'unités illégales des forces armées et résolu des conflits de concession communautaire. Il a également
facilité l'accès aux recours et amélioré la sécurité sur un site d'exploitation minière à grande échelle, et a
servi de médiateur dans des conflits de sécurité communautaire qui ont permis la levée d'une suspension
de l'exploitation minière artisanale, aidant ainsi les mineurs locaux à conserver leurs moyens de subsistance
et à poursuivre leurs activités économiques.

De nombreuses parties prenantes ont souligné l'importance de l'accent mis par le groupe de travail sur la
formation aux droits de l'homme destinée à renforcer les capacités de la Police des Mines, l’unité spécialisée
de la Police Nationale Congolais (PNC) compétente pour assurer la sécurité des sites miniers. Le DCAF et
l'OGP ont élaboré et délivré un module de formation aux droits de l'homme dans le cadre d'une formation
pilote et, grâce à l'action du groupe de travail, un module sur les droits de l'homme fait désormais partie du
programme de formation de base de la Police des Mines au niveau national.

En ce qui concerne la quatrième phase, la durabilité, l'étude relève que le groupe de travail a réussi à remporter
l'adhésion locale et à assurer l'engagement actif des membres. Cependant, malgré ses relations solides et son
intégration dans les institutions locales, le groupe de travail n'a pas encore atteint l'indépendance financière
nécessaire pour soutenir l'ensemble de son travail, y compris ses importantes missions sur le terrain.

Tout en affichant de nombreux exemples de bonnes pratiques développées par le groupe de travail qui pourront
servir d'inspiration pour d'autres groupes multipartites, l'étude conclut avec quelques recommandations qui
peuvent renforcer l'impact de la prochaine phase de travail du groupe de travail. Elle suggère notamment que
le groupe de travail se fixe des objectifs clairs et détermine les résultats attendus sur la base d'une nouvelle

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Améliorer la sécurité et les droits de l'homme à travers l'action multipartite - Leçons apprises du Groupe de Travail sur les Principes ...
analyse du contexte, avec des évaluations périodiques de l'impact. En outre, le groupe de travail devrait
envisager des moyens novateurs pour améliorer la confiance des membres des communautés éloignées qui
se trouvent dans des situations d’impasse prolongées en termes de sécurité et de droits de l'homme avec
les acteurs miniers industriels et semi-industriels.

En ce qui concerne les donateurs internationaux, l'étude soutient que les acquis et l’impact continu du groupe
de travail méritent un soutien supplémentaire sous forme de projets, en attendant d’explorer de nouvelles
possibilités d'assurer la durabilité du groupe de travail. L'étude recommande également au gouvernement
congolais de s'appuyer sur son engagement pris en janvier 2020 de devenir membre du pilier gouvernement
de l'Initiative des Principes Volontaires et d’officialiser son soutien au Groupe de Travail du Sud-Kivu et aux
groupes multipartites similaires dans d'autres provinces. Le gouvernement devrait solliciter et prendre en
compte les points de vue des acteurs provinciaux et locaux, y compris les points de vue des communautés
locales canalisés par des plateformes telles que le Groupe de travail du Sud-Kivu, pour prendre connaissance
des besoins et des priorités en matière de réforme du secteur de la sécurité identifiés sur le terrain. Cette
approche est essentielle pour assurer une gouvernance plus efficace du secteur de la sécurité qui est si
étroitement lié à l'extraction des ressources naturelles, elles-mêmes cruciales aux moyens de subsistance
et au développement à long terme des citoyens congolais.

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DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

1. introduction

Cette étude identifie les leçons tirées des expériences du Groupe de travail sur les Principes Volontaires sur
la sécurité et les droits de l'homme au Sud-Kivu en République démocratique du Congo (RDC). Le Groupe de
travail a été créé en 2018 dans le cadre d'un projet mis en œuvre par le Centre de Genève pour la gouvernance
du secteur de la sécurité (DCAF) en partenariat avec une organisation congolaise, l'Observatoire Gouvernance
et Paix (OGP), avec le soutien de l'ambassade des Pays-Bas en RDC. Le projet pilote a soutenu l'essentiel des
activités du groupe de travail pendant deux ans et demi, de juillet 2018 à décembre 2020.

Adoptés en 2000, les Principes Volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme (PV) définissent les
normes et bonnes pratiques que les entreprises extractives devraient adopter lorsqu’elles mettent en place
leurs dispositifs de sécurité, afin que ceux-ci respectent les droits de l'homme, en particulier dans les
environnements complexes. Les PV encouragent notamment l'engagement multipartite des entreprises afin
de prévenir et d’atténuer les risques que leurs activités font peser sur les parties prenantes, y compris les
communautés locales, en matière de sécurité et de droits de l'homme. Cette approche multipartite réunit
des acteurs des trois piliers que sont le gouvernement, le secteur privé et la société civile.

Au niveau international, l'Initiative des Principes Volontaires (IPV) est dirigée par un comité directeur composé
de quatre membres représentatifs de chaque pilier et d'une présidence tournante. Au niveau national et
régional, dans les contextes complexes, les membres adoptent une série de mesures stratégiques et
opérationnelles pour promouvoir, mettre en œuvre et rendre compte de la mise en œuvre des PV. Dans
certains de ces contextes, des groupes de travail nationaux réunissent les membres des trois piliers pour
établir une plateforme de dialogue afin d'échanger et de répondre aux défis concrets en matière de sécurité
et de droits de l'homme qui se présentent sur le terrain. De tels groupes existent de manière formelle et
informelle dans divers pays. Les stratégies successives de l’IPV ont réaffirmé le rôle essentiel de cette mise
en œuvre dans les pays car elle renforce les capacités locales et crée un environnement favorable à la
protection des droits de l'homme. En RDC, deux groupes de travail nationaux chargés de promouvoir les
Principes volontaires fonctionnent depuis plus de dix ans : l'un à Kinshasa et l'autre à Lubumbashi, au cœur
de la province industrielle du Congo où sont extraits le cobalt et le cuivre.

La création du groupe de travail sur les principes volontaires du Sud-Kivu (groupe de travail) a fait suite à
une mission menée en 2017 par le gouvernement des Pays-Bas lors de son mandat de président de l'IPV.
Les Pays-Bas ont cherché à identifier les moyens concrets de soutenir un objectif stratégique : accroître la
mise en œuvre des PV en RDC grâce aux groupes de travail multipartites. La mise en place d’un groupe de

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travail au Sud-Kivu répondait aux besoins exprimés sur le terrain d’accroître la collaboration entre le secteur
privé, les organisations de la société civile, les forces de sécurité et les autorités gouvernementales, afin
d'identifier et de traiter conjointement les risques en matière de sécurité et des droits de l'homme dans le
secteur extractif.

L'un des principaux objectifs de la création d'un groupe de travail au Sud-Kivu était de renforcer l'application
des Principes volontaires dans un contexte où l'exploitation minière est principalement artisanale et à petite
échelle, mais coexiste avec quelques sites miniers semi-industriels et industriels. Le Sud-Kivu, comme
d'autres provinces, avait déjà mis en place une série d'initiatives multipartites pour superviser l'application
des lignes directrices de l'OCDE sur les chaînes d'approvisionnement responsables en minerais provenant de
zones affectées par des conflits et à haut risque. Ces initiatives manquaient toutefois de l'expertise technique
et des ressources dédiées pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité et de droits de l'homme
qui sont à la base d'une exploitation minière responsable. Le groupe de travail du Sud-Kivu a expressément
cherché à combler cette lacune en promouvant les Principes volontaires et le dialogue multipartite pour
prévenir les incidents liés à la sécurité et aux droits de l'homme et améliorer la gouvernance multipartite
du secteur de la sécurité.

En janvier 2020, après une visite de haut niveau du Ministère suisse des affaires étrangères en RDC en
novembre 2019, accompagnée par le DCAF pendant le mandat de la Suisse à la présidence de l'IPV, le Conseil
des ministres congolais a adopté une décision déclarant l'intention du gouvernement congolais de devenir
membre gouvernemental des Principes volontaires. Cette décision du gouvernement congolais souligne le
rôle important que les groupes multipartites peuvent jouer dans la résolution des incidents de sécurité et
de droits de l'homme dans des contextes difficiles comme la RDC.

Cette étude aborde les leçons tirées de l'expérience du groupe de travail à deux niveaux. À un premier niveau,
elle examine une période distincte, à savoir la mise en place du Groupe de travail en tant que plateforme
multipartite et les premières années de son fonctionnement pour traiter les problèmes de sécurité et de
droits de l'homme, de juillet 2018 à décembre 2020. Dans cette perspective, l’étude met en évidence les
résultats et réalisations importantes du groupe, ainsi que quelques défis liés à la période de mise en œuvre
du projet pilote. Ces résultats peuvent contribuer à informer l’avenir du groupe de travail du Sud-Kivu, ainsi
que d'autres initiatives des PV en RDC.

A un second niveau, l'étude analyse les expériences du groupe de travail comme exemple du développement
d'un groupe de travail opérationnel sur les Principes Volontaires dans le pays, selon les bonnes pratiques
identifiées et développées dans l'étude du DCAF-Fonds pour la Paix "De l’engagement à l’impact :
expériences des groupes de travail locaux sur les entreprises, la sécurité et les droits de l’homme".
Étant donné l'impact positif que le groupe de travail du Sud-Kivu a obtenu au cours de sa courte phase
de projet pilote de deux ans, l'expérience mérite d'être soulignée et partagée en tant que modèle à même
d’inspirer les efforts multipartites en vue de promouvoir la sécurité et la protection des droits de l'homme
dans des environnements complexes similaires.

                                                      10
DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

2. Méthodologie

2.1 Récolte des données
Cette étude a été réalisée par un consultant indépendant ayant une expertise de l'histoire des conflits et
du contexte politique de la RDC, ainsi que de l'évaluation de programmes. En premier lieu, le consultant a
effectué un examen de la littérature portant sur la mise en œuvre du projet par le DCAF et OGP. Ensuite, le
consultant a mené des entretiens semi-directifs avec des informateurs clés représentant les trois piliers
impliqués dans le groupe de travail du Sud-Kivu (voir le guide d'entretien semi-directif en annexe). En outre,
le consultant a interviewé d'autres acteurs jugés pertinents dans le contexte spécifique du Sud-Kivu, tels
que des bénéficiaires directs des interventions du Groupe de Travail ou d'autres partenaires potentiels du
projet. Il s'agissait notamment de représentants des partenaires techniques et financiers du gouvernement,
des communautés locales et des forces de sécurité informelles et privées.

Les principes de recherche éthiques faisaient partie intégrante de la méthodologie de récolte, de traitement
et d'analyse des données de cette étude. À cette fin, outre le principe fondamental de ne causer aucun
préjudice (‘do no harm’), la recherche a pris en compte les risques pour les informateurs, le consentement
libre et éclairé des informateurs et le strict respect des exigences de confidentialité dans l'analyse et la
publication des résultats de l'étude.   1

2.2 Cadre analytique
Pour rendre compte de l'impact du groupe de travail du Sud-Kivu et des défis auxquels il a été confronté, cette
étude a utilisé l'approche FFPM comme cadre analytique (forces, faiblesses, possibilités et menaces). 2 L'étude
a appliqué cette approche analytique aux quatre étapes clés du cycle de vie d'un groupe de travail qui ont été
identifiées dans l'étude DCAF-Fonds pour la paix, à savoir : le contexte, la mise en place, la croissance et la
durabilité. Quant à l'interprétation des résultats, les conclusions de l'étude étaient basées sur des indicateurs
développés en consultation avec le DCAF pour mesurer chaque phase du cycle de vie du groupe de travail.
Le projet d'étude a ensuite été examiné et commenté par le DCAF et l'OGP afin de trianguler les résultats.

                                                       11
CONTEXTE                   MISE EN PLACE              CROISSANCE             DURABILITÉ

         Indicateur 1                   Indicateur 2               Indicateur 3            Indicateur 4

        L'inclusion                 Établissement                    Preuve de          Allocation de
        des parties                   d'une vision                l’engagement           ressources
         prenantes                   et d'objectifs                croissant et          humaines,
        pertinentes                 partagés entre                    pertinent          matérielles,
        du secteur                     les parties                  du Groupe          financières et
      extractif dans                   prenantes                    de Travail à      institutionnelles
       le processus                   du secteur                   résoudre les            par les
        de création                     extractif.                incidents liés         différentes
      du groupe de                                               à la sécurité et          parties
          travail.                                                aux droits de          prenantes
                                                                 l'homme dans           pour assurer
                                                                     le secteur         la pérennité
                                                                      extractif.        du groupe de
                                                                                           travail.
    Figure 1: Indicateurs de durabilité des Groupes de Travail

Grâce à cette approche, l'étude met en lumière plusieurs domaines dans lesquels le Groupe de travail a
eu un impact positif concret en matière de prévention et d'atténuation des risques pour la sécurité et les
droits de l'homme, en identifiant les facteurs de succès ainsi que certains défis. L'étude conclut par des
recommandations relatives à la poursuite et au renforcement de cet important travail au Sud-Kivu. Enfin,
l'étude identifie les leçons qui peuvent être extrapolées à différentes provinces de la RDC ainsi qu'à d'autres
contextes globaux.

                                                            12
DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

3. contextE

3.1 La sécurité et les droits de
l’homme dans le secteur extractif
du Sud-Kivu
Le Sud-Kivu est l'une des vingt-six provinces de la République Démocratique du Congo (RDC). Elle est
délimitée à l'est par trois États (Rwanda, Burundi et Tanzanie), à l'ouest par la province du Maniema, au nord
par la province du Nord-Kivu et au sud par la province du Tanganyika. Le Sud-Kivu est riche en ressources
minières, notamment en cassitérite, wolframite, coltan et or. Exploités en grande partie de manière artisanale
et à petite échelle, ces minerais constituent les quatre ressources minières appelées minerais de conflit en
raison de leur rôle dans les conflits armés qui ont embrasé la RDC depuis les années 1990.      3

Les conflits et les violations des droits de l'homme liés à l'extraction de ces minerais en RDC ont joué un rôle
important dans l'adoption de diverses normes et initiatives internationales visant à contrer le rôle des revenus
miniers dans l'alimentation des conflits. Par exemple, la loi américaine Dodd-Frank, promulguée en 2010, exige
que les sociétés cotées aux États-Unis indiquent si elles utilisent des minerais de conflit provenant de la RDC.
Pour sa part, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’est appuyée sur les
Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales pour élaborer, en 2011, les Lignes
directrices de l'OCDE en matière de diligence raisonnable pour des chaînes d'approvisionnement responsables
en minerais provenant de zones touchées par des conflits et à haut risque (les "Lignes directrices de l'OCDE").4
Les lignes directrices de l'OCDE complètent la loi Dodd-Frank pour aider et garantir que les entreprises non
cotées aux États-Unis mènent une diligence raisonnable sur l'origine de leurs minerais afin d'identifier et
d'atténuer les risques pour les droits de l'homme liés à leur extraction.

Le secteur extractif en RDC, et en particulier au Sud-Kivu, continue d'être miné par des menaces récurrentes
liées à la sécurité et aux droits de l'homme provenant de divers acteurs, y compris des forces de sécurité
publique, ainsi que par des acteurs de sécurité privés et informels. Ces menaces affectent gravement la
sécurité des mineurs artisanaux et des communautés locales et freinent le développement économique de
la région. Selon les données recueillies par IPIS, on estime que 117 000 mineurs artisanaux sont actifs sur 710
sites miniers.   5
                     Les mineurs artisanaux interagissent avec de nombreux autres acteurs, tels que les forces
de sécurité publique, les acteurs armés non étatiques, les coopératives de mineurs artisanaux, ainsi que les
sociétés minières nationales et multinationales.    6

                                                         13
Malgré la prévalence de l'exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) au Sud-Kivu, la province
abrite également un site d'exploitation minière industrielle à grande échelle (EMGE). Ce site minier a été géré
principalement au cours de la dernière décennie par la société minière multinationale canadienne Banro,
en partenariat avec des entreprises congolaises. En 2020, cependant, Banro a vendu divers actifs et droits
miniers, y compris les sites d'extraction de Twangiza et de Lugushwa, à des sociétés à capitaux chinois
opérant en partenariat avec des entités congolaises. 7

Le contexte tendu lié aux conflits en cours et aux violations persistantes des droits de l'homme entourant
le secteur extractif en RDC, a conduit à la création de diverses initiatives multipartites visant à prévenir et à
résoudre les tensions sociales et les violations des droits de l'homme.

                                                                   Carte des territoires de la province
Carte de l’artisanat minier au Sud-Kivu                            du Sud-Kivu

Figure 2: Carte de l’artisanat minier du Sud-Kivu, source : IPIS   Figure 3: Carte des territoires du Sud-Kivu

3.2 Combler une lacune dans
les initiatives des chaînes
d’approvisionnement en minerais
responsables
Suite à la publication en 2011 des Principes directeurs de l'OCDE, les pays de la Conférence Internationale sur
la Région des Grands Lacs, dont la RDC, se sont explicitement engagés à adhérer à cette norme internationale,
ainsi qu'à d'autres normes promues au niveau sous-régional.        8
                                                                       À cette fin, la RDC a adopté des réformes
de son secteur minier d'ici 2011 pour le mettre en conformité avec les Principes Directeurs de l'OCDE à
l’intention des entreprises multinationales et les normes régionales connexes afin de s'assurer que les

                                                            14
DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

minerais exportés de son territoire (en particulier de sa région orientale) ne sont pas liés au financement
illicite des conflits armés.

En mars 2011, le ministère des Mines de la RDC a adopté un décret qui prévoit la création de comités de suivi
aux niveaux provincial et local pour mettre en œuvre les recommandations, les résolutions et les engagements
pris par les parties prenantes du secteur minier à l'issue d’une consultation organisée à Kinshasa en mars
2011 pour assurer la conformité de la RDC aux Principes directeurs de l'OCDE. 9 Le Comité provincial de suivi
au Sud-Kivu (CPS/S-K) a donc été mis en place en 2012, suivi par la création au niveau provincial du Sud-
Kivu en 2013 du Fonds de développement communautaire autour des sites miniers. 10 En outre, des comités
locaux de suivi (CLS) ont été créés pour soutenir le CPS au niveau provincial.

Bien que le CPS/S-K se soit imposé comme une plateforme multipartite efficace et bien connectée pour la
diligence raisonnable de la chaîne d'approvisionnement minière, aucune des parties prenantes impliquées
dans la structure du CPS/S-K n'avait d'expertise technique ou de ressources dédiées pour se concentrer
sur l'identification et la résolution des problèmes de sécurité et de droits de l'homme qui perpétuent les
violations des droits de l'homme sur les sites miniers. Dès le début de l'analyse contextuelle, les partenaires
du projet du groupe de travail sur les principes volontaires du Sud-Kivu ont pris la décision délibérée de tirer
parti de la structure existante de la CPS/S-K et de combler le manque d'expertise en matière de sécurité et
de droits de l'homme.

Une étude récente du DCAF, du CICR et de l'OCDE indique qu'une mise en œuvre conjointe et cohérente
des Principes directeurs de l'OCDE et des Principes volontaires contribuerait à améliorer la sécurité et la
protection des droits de l'homme et, par conséquent, à renforcer la diligence raisonnable dans la chaîne
d'approvisionnement en minerais.    11
                                         La création du Groupe de travail du Sud-Kivu et les expériences qu'il
a menées jusqu'à présent, telles que décrites dans cette étude, prouvent l'efficacité d'une telle approche
commune.

3.3 Les Principes Volontaires en RDC
La création du Groupe de travail du Sud-Kivu en 2018 a été l'aboutissement d'un processus collaboratif
impliquant de multiples acteurs : des organisations de la société civile, des institutions étatiques, des
entreprises privées, des membres gouvernementaux des Principes volontaires (fournissant une impulsion
politique ainsi que des fonds de donateurs) ainsi que des partenaires techniques et financiers. Les
contributions complémentaires et coordonnées de ce large éventail d'acteurs ont joué un rôle décisif dans
le succès du groupe de travail.

Le premier Groupe de Travail sur les Principes Volontaires en RDC a été établi à Lubumbashi en 2006, poussé
par la présence d'un certain nombre d’exploitations minières à grande échelle (EMGE) opérant dans la région
qui souhaitaient entrer en contact avec le gouvernement et les acteurs internationaux pour créer un espace
de dialogue. Plus tard, un groupe de travail sur les Principes Volontaires a été établi dans la capitale pour

                                                        15
répondre au fort intérêt d'un certain nombre de membres gouvernementaux des Principes Volontaires, dont
beaucoup sont des États d'origine de multinationales de l'extraction, pour déterminer comment promouvoir
les normes des PV en RDC.

D.R. Congo         • Alphamin                  • D.R. Congo (Ministry of          • International   • DCAF
Kinshasa           • AngloGold Ashanti           Mines)                             Alert           • ICRC
                                               • Canada (Embassy)                 • Search for
                                               • Netherlands (Embassy)              Common
                                                                                    Ground
                                               • Norway (Government)
                                                                                  • Pact
                                               • Switzerland (Embassy)
                                               • United Kingdom (Embassy)
                                               • United States (Embassy,
                                                 USAID)
Provincial         • Anvil Mining              • D.R. Congo (Ministry of          • Pact            • MONUSCO
working group      • Bazano                     Mining and technical
                   • CMSK Forestry              divisions, National Police,
(Lubumbashi)       • Freeport-McMoRan           Mining Police, Public
                   • Gecamines                  Prosecutor)
                   • Huashi Mining
                   • Katanga Copper Cobalt
                   • MUMI
                   • Sicomines
                   • UTE Elecnor
                   • Vale

Figure 4: Groupes de Travail sur les Principes Volontaires en RDC, source : Étude DCAF-FFP, 2020

Depuis 2014, l'Ambassade de Suisse en RDC a pris l'initiative de servir de secrétariat informel du Groupe de
travail de Kinshasa, réunissant les acteurs des trois piliers. Le Groupe de travail de Kinshasa a entrepris une
évaluation des risques de conflit et de violations des droits de l'homme dans le secteur extractif liés aux
faiblesses et insuffisances de la loi régissant alors le secteur minier. Cette évaluation a servi de base pour
identifier des moyens de promouvoir la mise en œuvre des normes des Principes volontaires et d'encourager
le dialogue multipartite sur le terrain.

En novembre 2017, le groupe de travail de Kinshasa a organisé deux ateliers successivement à Goma et
Lubumbashi sous l'initiative conjointe des ambassades de Suisse, des Pays-Bas et du Canada. Réunissant
une centaine d'acteurs des trois piliers, l'objectif de ces ateliers était d'initier une réflexion sur la manière de
relever le défi de la sécurité humaine et des droits de l'homme pour promouvoir davantage la mise en œuvre
et le suivi des Principes volontaires sur le terrain. Les ateliers ont également bénéficié des contributions de
trois organisations internationales membres des Principes volontaires : International Alert et Pact, qui ont
des opérations de terrain en RDC axées sur la prévention des conflits et les questions de développement
liées à l'exploitation minière, et le DCAF, qui possède une expertise technique en matière de sécurité et de
droits de l'homme et de gouvernance du secteur de la sécurité.

Les ateliers se sont déroulés à Lubumbashi, qui accueille déjà un groupe de travail sur les principes volontaires
auquel participent de nombreuses sociétés minières industrielles, et à Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans
la partie orientale de la RDC touchée par le conflit, qui, avec le Sud-Kivu, est la plaque tournante de l'EMAPE
dans l'est de la RDC. À l'époque, le paysage minier du Nord-Kivu comprenait également une société minière
industrielle, Alphamin, déjà membre de l’IPV.

                                                           16
DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

3.4 Le partenariat OGP – DCAF dans le
projet Sud-Kivu
Développement du projet

Grâce aux ateliers de 2017 à Goma et Lubumbashi, l'ambassade des Pays-Bas en RDC a reconnu le potentiel
d’impact sur le terrain du modèle de dialogue multipartite des PV Sud-Kivu pour améliorer les normes en
matière de sécurité et droits de l'homme. Le Sud-Kivu a été choisi en raison de la confluence des facteurs
contextuels mentionnés ci-dessus : la prévalence de l'EMAPE aux côtés de sites miniers industriels, la
présence d'un partenaire local fort et de confiance pour diriger la mise en œuvre locale du projet (OGP),
la présence au Sud-Kivu d'un groupe multipartite existant traitant des lignes directrices de l'OCDE qui ne
prenait pas encore en considération les préoccupations relatives aux entreprises, à la sécurité et aux droits
de l'homme, et les tensions continues en matière de sécurité dans la région autour des industries extractives
qui nécessitaient une approche plus holistique.

Le DCAF est un observateur officiel au sein des Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme
depuis 2012. En 2016, le DCAF a créé le Security and Human Rights Implementation Mechanism (SHRIM),
qui vise à coordonner le soutien de la communauté internationale pour mettre en œuvre des normes
internationales et des bonnes pratiques dans le domaine de la sécurité et des droits de l'homme, notamment
les VP. En 2019, le DCAF a signé un protocole d'accord avec le secrétariat de l'IPV, qui reconnaît le DCAF
comme partenaire privilégié de l'IPV pour la mise en œuvre des PV au niveau national. Le DCAF a contribué
aux ateliers de novembre 2017 en RDC au vu de son expertise technique en faveur de promotion et de la
mise en œuvre des principes relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme contenus dans les PV.

À la suite des ateliers de novembre 2017, l'ambassade des Pays-Bas a présenté le DCAF à OGP. Le DCAF et
OGP ont ensuite conçu conjointement le projet pilote de deux ans, intitulé : « Améliorer la mise en œuvre
sur le terrain des Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme au Sud-Kivu – RDC. » Tout au
long du projet, le DCAF et OGP ont tous deux joué des rôles critiques et complémentaires qui ont contribué
au succès du projet.

Le rôle de leader d’OGP

OGP est une organisation non gouvernementale à but non lucratif réputée, basée à Bukavu, dans la province
du Sud-Kivu (RDC), active depuis 2003. Sa mission est de contribuer à une paix durable en établissant des
moyens équitables pour que la population bénéficie de l'exploitation des ressources naturelles. En outre,
OGP cherche à améliorer le développement économique et à renforcer les mécanismes locaux de lutte
contre la pauvreté.

Fonctionnant sur les principes du dialogue, de la neutralité et de la transparence, OGP a établi une réputation
en tant qu'intermédiaire auprès des acteurs du Sud-Kivu intéressés par la relation entre le conflit et le secteur
minier en RDC. Fervent défenseur du principe selon lequel les besoins des communautés locales doivent

                                                       17
être placés au centre, OGP a été à l'avant-garde de la surveillance et de l'engagement pour garantir que
l'extraction minière en RDC soit exempte de violations des droits de l'homme, de corruption et de conflit. OGP
s'est également engagé à promouvoir les bonnes pratiques des services de sécurité dans le secteur extractif.
Les interventions d'OGP incluent le soutien aux communautés locales, le renforcement des capacités des
acteurs de la chaîne d'approvisionnement, la recherche-action, le plaidoyer et la promotion d'un dialogue
constructif entre les différents acteurs (société civile, secteur public et privé). 12 La réputation et l'expérience
d'OGP dans le domaine de la consolidation de la paix et du secteur extractif au Sud-Kivu se sont avérées
être un facteur crucial qui a facilité la mise en place réussie du groupe de travail.

Le rôle complémentaire de DCAF

Pour sa part, le DCAF a joué un rôle complémentaire à celui d’OGP dans le projet et a soutenu la conduite par
OGP du groupe de travail PV du Sud-Kivu à différents niveaux. Le DCAF a fourni son expertise technique sur
les Principes Volontaires, les normes internationales et les bonnes pratiques en relation avec le thème des
entreprises, de la sécurité et des droits de l'homme. Cette expertise englobe le droit mou international et les
normes sur les entreprises et la sécurité, mais aussi l'expertise dans la promotion du dialogue multipartite
comme instrument de prévention et de résolution des incidents de sécurité et droits de l'homme. Le DCAF
a offert ce soutien technique par un dialogue franc et continu avec OGP tout au long du projet, ainsi que
par une participation et des contributions actives aux réunions mensuelles du groupe de travail PV du Sud-
Kivu. Un aspect important de ce soutien était les séances de brainstorming et de conseils avec OGP sur la
manière dont ils pouvaient répondre aux incidents concrets de sécurité et d'abus des droits de l'homme sur
lesquels OGP a enquêté et est intervenu par le biais de missions sur les sites miniers, comme expliqué plus
en détail dans les sections 5 et 6 ci-dessous.

Le DCAF a également joué un rôle important en reliant le groupe de travail aux discussions politiques
internationales sur les PV, ainsi qu'en établissant des liens au niveau international entre les PV et d'autres
initiatives d'entreprises responsables - telles que les Principes directeurs de l'OCDE. Dans ce contexte, OGP a
participé aux délibérations organisées par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et l'OCDE
sur l'élaboration des lignes directrices de l'OCDE pour traiter des chaînes d'approvisionnement en minerais
responsables dans les zones affectées par des conflits et à haut risque. D'autre part, OGP a bénéficié de la
bonne relation du DCAF avec l'Unité de conduite responsable des entreprises de l'OCDE, qui promeut les
meilleures pratiques en matière de sécurité et de droits de l'homme en relation avec les lignes directrices de
l'OCDE. Ensemble, les trois parties ont identifié la structure existante du comité de suivi local du CPS/S-K et
le manque d'expertise technique en matière de sécurité et de droits de l'homme comme une opportunité à
saisir par le groupe de travail pilote. Comme nous le verrons plus en détail ci-dessous, cette complémentarité
entre les initiatives a été un facteur crucial du succès du Groupe de travail. L'expérience du groupe de
travail des PV du Sud-Kivu constitue un exemple notable qui figure dans l'étude DCAF - CICR - OCDE sur la
cohérence des politiques entre les PV et les lignes directrices de l'OCDE et un modèle à reproduire ailleurs.

Au-delà de la facilitation des liens entre l'OGP et l'OCDE, le DCAF a également contribué à transmettre les
leçons apprises par le groupe de travail du Sud-Kivu à de nombreux forums politiques internationaux, tels que

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DCAF BSD – Leçons apprises au South-Kivu, DRC.

le Forum annuel des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme, les échanges de l'Initiative des
Principes Volontaires sur les expériences des groupes de travail multipartites dans les pays pour promouvoir
la sécurité et les droits de l'homme, ainsi que le Forum sur la fragilité de la Banque mondiale.   13

Enfin, le DCAF a joué le rôle principal de gestion et de coordination du projet avec le donateur du projet,
l'ambassade des Pays-Bas en RDC. Ce soutien des donateurs a été acheminé par le biais du Security and
Human Rights Implementation Mechanism (SHRIM) du DCAF. Le SHRIM est un fonds multi-donateurs qui
soutient la mise en œuvre sur le terrain des bonnes pratiques en matière de sécurité et de droits de l'homme
d'une manière cohérente, durable et rentable. Grâce au financement du projet du groupe de travail du Sud-
Kivu par le SHRIM, le DCAF a pu concevoir et mettre en œuvre avec OGP des projets complémentaires à plus
court terme qui ont bénéficié du soutien financier d'autres donateurs internationaux pour promouvoir une
meilleure gouvernance du secteur de la sécurité et de bonnes pratiques afin de prévenir et de répondre aux
incidents de sécurité et de droits de l'homme.

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4. Mise en place :
instaurer la confiance
et une vision commune
Une fois le groupe de travail du Sud-Kivu établi en tant que groupe de travail technique du comité de suivi
de la diligence raisonnable de la CPS/S-K de l'OCDE, OGP s'est lancé dans une cartographie détaillée des
parties prenantes et des défis. OGP a réussi ainsi à obtenir un consensus / une vision commune de ses
objectifs parmi les parties prenantes. Ceci est notamment démontré par l'implication dans le groupe des
communautés locales, des coopératives minières et d'autres partenaires.

Cette section analyse l'ensemble des facteurs qui ont contribué à la réussite de la mise en place du groupe
de travail et notamment : l'adhésion d'un large éventail de parties prenantes ; le renforcement d'un climat de
confiance grâce à l'engagement équilibré de parties prenantes à plusieurs niveaux ; l'accent thématique mis
sur les entreprises, la sécurité et les droits de l'homme et sur la complémentarité avec d'autres initiatives ;
un suivi étroit sur le terrain (plutôt que la simple émission de recommandations) qui a permis la facilitation
et la résolution concrète des tensions en matière de sécurité et de droits de l'homme ; enfin l’utilisation du
dialogue direct comme moyen de résoudre les différends par la coopération plutôt que par la confrontation.

4.1 Encouragements à collaborer
avec le Groupe de Travail du Sud-
Kivu
Les entretiens avec les futurs membres du groupe de travail ont révélé les trois défis suivants, qui ont servi
à susciter l'intérêt des parties prenantes à rejoindre et à s'engager dans le groupe de travail:

 •   Les manquements au respect des droits de l'homme autour des sites d'extraction au Sud-Kivu par tous
     les acteurs de la sécurité publique et privée dans la région, y compris les groupes armés non étatiques
     et les services de sécurité privés ou informels.

 •   La présence illégale continue des services de sécurité publique et d’éléments incontrôlés des forces
     de sécurité congolaises, comprenant des éléments de l'armée et de la police congolaises.

 •   L'absence d'un cadre de dialogue et d'échange sur les préoccupations relatives aux entreprises, à
     la sécurité et aux droits de l'homme dans le secteur minier (EMAPE et EMGE), malgré l'existence de
     structures multipartites traitant des questions de diligence raisonnable et de traçabilité de la chaîne
     d'approvisionnement.   14

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