PRINCIPES SOUS PRESSION - L'IMPACT DES MESURES ANTITERRORISTES ET DE PRÉVENTION/LUTTE CONTRE L'EXTRÉMISME VIOLENT SUR L'ACTION HUMANITAIRE BASÉE ...
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PRINCIPES SOUS PRESSION L’IMPACT DES MESURES ANTITERRORISTES ET DE PRÉVENTION/LUTTE CONTRE L’EXTRÉMISME VIOLENT SUR L’ACTION HUMANITAIRE BASÉE SUR LES PRINCIPES
PRINCIPES SOUS PRESSION L’IMPACT DES MESURES ANTITERRORISTES ET DE PRÉVENTION/LUTTE CONTRE L’EXTRÉMISME VIOLENT SUR L’ACTION HUMANITAIRE BASÉE SUR LES PRINCIPES Federal Department of Foreign Affairs FDFA REMERCIEMENTS Cette étude a été commandée par le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). Il a reçu l’aide financière du Département Fédéral suisse des Affaires Etrangères (DFAE). Elle bénéficie des contributions de membres d’organisations non gouvernementales internationales (ONGI) et d’autres organisations internationales, des agences de l’ONU et d’Etats bailleurs. Les auteurs souhaitent remercier les personnes interrogées qui ont dédié leur temps et leur expertise à cette recherche. Les auteurs sont particulièrement reconnaissants envers NRC Irak, NRC Nigéria et NRC Somalie, pour leur soutien lors des recherches sur le terrain. Les auteurs souhaitent également remercier le Groupe interne d’évaluation par les pairs de NRC pour ses contributions et ses retours précieux. Le Conseil norvégien pour les réfugiés est une organisation humanitaire indépendante œuvrant pour les personnes déplacées de force. Pour plus d’informations, contactez-nous à l’adresse suivante : nrcgeneva.policy@nrc.no Photo de couverture : © NRC/Christian Jepsen © NRC, 2018 Mise en page et Conception : BakOS DESIGN Avertissement : Le contenu de ce document ne peut être interprété comme reflétant la position du Département Fédéral suisse des Affaires Etrangères (DFAE). Ce document ne reflète pas nécessairement la position ou les opinions du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC). Ce document ne peut en aucune manière être considéré comme un conseil juridique professionnel de la part de NRC.
ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS AUB Université Américaine de Beyrouth BIS Bureau pour l’Industrie et la Sécurité LEV Lutte contre l’Extrémisme Violent GDT Groupes Désignés comme Terroristes UE Union Européenne GAFI Groupe d’Action Financière contre le blanchiment d’argent IASC Comité Permanent Interorganisations ONGI Organisations Non Gouvernementales Internationales CSNU Conseil de Sécurité des Nations Unies ONG Organisations Non Gouvernementales OSBL Organisme Sans But Lucratif Coalition des OSBL autour du GAFI Coalition des Organismes Sans But Lucratif autour du Groupe d’Action Financière NRC Norwegian Refugee Council GANE Groupe Armé Non Etatique OCHA Bureau de la coordination des affaires humanitaires OFAC US Office of Foreign Assets Control P/LEV Prévention/Lutte contre l’Extrémisme Violent PEV Prévention de l’Extrémisme Violent ONU Organisation des Nations Unies UNOCT Bureau des Nations Unies de lutte Contre le Terrorisme EU Etats-Unis USAID Agence des Etats-Unis pour le Développement International BM Banque Mondiale 4 PRINCIPES SOUS PRESSION
CONTENU AVANT-PROPOS.............................................................................................................................................................................. 7 NOTE DE SYNTHÈSE........................................................................................................................................................................ 8 RECOMMANDATIONS...................................................................................................................................................................11 1 INTRODUCTION........................................................................................................................................................................12 Méthodologie.................................................................................................................................................................... 13 2 CONTEXTE................................................................................................................................................................................14 2.1 La lutte antiterroriste et ses liens avec l’aide humanitaire............................................................................... 14 2.2 Instruments légaux de lutte contre le terrorisme............................................................................................... 14 2.3 Exigences des bailleurs vis‑à-vis de l’antiterrorisme......................................................................................... 16 2.4 Cas juridiques impliquant des ONG.................................................................................................................... 17 2.5 La Prévention/Lutte contre l’Extrémisme Violent et ses liens avec l’aide humanitaire............................. 18 3 IMPACTS DES MESURES ANTITERRORISTES ET DE P/LEV........................................................................................................20 3.1 Impacts structurels................................................................................................................................................... 20 3.2 Impacts opérationnels............................................................................................................................................. 22 3.3 Impacts internes....................................................................................................................................................... 24 4 MESURES D’ATTÉNUATION ET MÉCANISMES DE DÉFENSE.......................................................................................................28 4.1 Approches de gestion des risques...................................................................................................................... 28 4.2 Gestion à distance................................................................................................................................................... 28 4.3 Exemptions................................................................................................................................................................. 29 4.4 Méthodes de transfert informelles........................................................................................................................ 29 4.5 Plaidoyer.....................................................................................................................................................................30 5 CONCLUSION ET RÉSULTATS....................................................................................................................................................31 6 RECOMMANDATIONS...............................................................................................................................................................33 BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE.........................................................................................................................................................36 ENDNOTES................................................................................................................................................................................... 37 5
AVANT-PROPOS En tant qu’humanitaires, nous sommes souvent témoins des attaques cruelles des terroristes contre les civils. Nous devons tous prévenir le terrorisme sous toutes ses formes. Bien trop souvent, nous constatons aussi que la « guerre contre le terrorisme » et sa législation antiterroriste, ont eu pour conséquence indésirable de rendre l’assistance et la protection aux victimes du terrorisme plus compliquées, et plus dangereuses. Les quatre principes de neutralité, d’indépendance, Nous vivons une époque où les conflits prolongés d’impartialité et d’humanité sont les piliers de et complexes sont devenus les théâtres d’opération l’action humanitaire. Guidés par ces principes, nous normaux des organismes d’aide. Dans de tels travaillons pour que l’aide soit distribuée en fonction contextes, il est plus important que jamais que des besoins, et non pas selon des motifs liés à la nous chérissions les principes humanitaires, afin lutte antiterroriste. Cela nous offre une base de de protéger l’espace humanitaire. Bien que la négociation solide, avec toutes les parties au conflit, lutte antiterroriste soit importante, les stratégies en matière d’accès aux communautés. Notre unique politiques doivent rester à l’écart de l’action objectif doit être de répondre aux besoins, où qu’ils humanitaire. se trouvent. Un dialogue ouvert et transparent est nécessaire Cette étude démontre que les mesures pour que l’action humanitaire ne se confonde pas antiterroristes mettent les principes humanitaires avec des objectifs politiques et sécuritaires. Ce sous pression. Nos recherches au Nigéria et en rapport, financé par le Département Fédéral suisse Somalie révèlent qu’elles limitent la capacité des des Affaires Etrangères (DFAE), recommande aux ONG à mettre en œuvre leurs programmes sur gouvernements, aux bailleurs et aux organismes la seule base des besoins. Dans des contextes d’aide de collaborer en vue de parvenir à un comme l’Irak, les concepts de prévention et équilibre entre lutte antiterroriste et action de lutte contre l’extrémisme violent impactent humanitaire. potentiellement le principe d’indépendance, par exemple en soutenant un récit politique négatif sur certains groupes. Ailleurs, la question de la diminution des risques financiers (de-risking) est devenue un obstacle majeur pour les interventions humanitaires. Il s’agit du refus pour une banque Jan Egeland, de procéder à un transfert vers le compte d’un Secrétaire Général organisme d’aide, par peur des conséquences des du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) lois contre le financement du terrorisme. 7
NOTE DE SYNTHÈSE Alors que les Etats continuent à adopter des le dialogue avec les GDT –, et l’action humanitaire mesures de lutte contre les activités terroristes, les basée sur les principes – qui exige de dialoguer ONG demeurent préoccupées par l’impact de ces avec toutes les parties afin d’accéder aux personnes mesures sur leur capacité à aider les populations dans le besoin. dans les territoires contrôlés par des groupes désignés comme terroristes (GDT). Les mesures Ce rapport a deux objectifs. Premièrement, mettre antiterroristes s’imposent aux ONG à travers des à jour les éléments montrant l’impact des mesures niveaux de législation variés, et via certaines clauses antiterroristes sur l’action humanitaire basée sur des accords de partenariat. les principes, dont le dernier examen complet date d’une étude de 2013 par NRC et OCHA. Le paysage légal antiterroriste est complexe ; Deuxièmement, il vise à examiner l’impact de les organisations peuvent être contraintes de se l’émergence du secteur de la Prévention/Lutte plier aux lois de leurs zones d’intervention, ainsi contre l’Extrémisme Violent (P/LEV) sur l’action qu’à celles des Etats où elles sont enregistrées, humanitaire basée sur les principes. Les recherches des Etats bailleurs, ou d’autres Etats dont le droit sur le terrain ont été menées au Nigéria, en Somalie a une portée extraterritoriale. Les accords de et en Irak. L’impact a été examiné à trois niveaux : partenariat sont également complexes, avec une structurel (affectant le respect des principes grande diversité de terminologie et de portée. Il humanitaires), opérationnel (affectant les décisions existe clairement une tension entre les mesures liées aux programmes) et interne (affectant les antiterroristes inscrites dans la loi et dans les procédures administratives et la coordination exigences des bailleurs – qui peuvent restreindre interorganisations). 8 PRINCIPES SOUS PRESSION
© NRC/Jim Huylebroek PRINCIPALES CONCLUSIONS Les mesures antiterroristes limitent la capacité par les humanitaires et par les bailleurs, ce qui rend des organisations à mettre en œuvre des difficile l’identification de ses impacts opérationnels programmes sur la seule base des besoins, et et internes. L’impact structurel, quant à lui, était les obligent à éviter certains groupes ou zones. relativement clair. Dans un climat d’intensification de En conséquence, certaines communautés peuvent la compétition pour les financements humanitaires ne pas recevoir l’aide dont elles ont besoin. Dans et d’augmentation des financements pour des plusieurs contextes – dont le nord-est du Nigéria programmes de P/LEV, les ONG recadrent parfois –, il est clair que les besoins de certaines zones leurs activités, ou modifient leurs programmes afin n’ont pu être satisfaits car les ONG ont limité de s’insérer dans ce cadre. Des décisions sont leurs programmes aux zones contrôlées par le prises sans égard pour les objectifs politiques gouvernement. Cela impacte clairement la capacité de certains programmes de P/LEV, ni pour leurs de certaines communautés à recevoir l’aide dont conséquences sur l’action humanitaire basée sur elles ont besoin. Cela signifie aussi que les groupes les principes. Le recours croissant à l’approche P/ armés non-étatiques (GANE) peuvent percevoir les LEV peut aussi créer des problèmes de perception, ONG comme étant partisanes – ce qui impacte notamment lorsque des GANE et des communautés négativement les négociations pour l’accès et la ne perçoivent pas la différence entre acteurs sécurité des équipes. humanitaires, politiques ou de sécurité. L’étendue de la P/LEV peut nuire à l’action Le manque de clarté concernant les exigences humanitaire en l’associant à des objectifs antiterroristes continue à miner les organisations politiques. Le concept de P/LEV est mal compris humanitaires. L’autocensure, identifiée par l’étude 9
de 2013 comme un impact opérationnel, demeure Gestion à distance : La gestion à distance ou le une question clé. Aujourd’hui en somalie, certaines retrait des équipes des zones dangereuses et le ONG ne se sentent pas plus en mesure de travailler transfert des responsabilités du programme aux dans les zones tenues par les Shebabs qu’en 2010. employés locaux ou à des organisations partenaires, Les ONG, faute de clarté et de conseils de la part a augmenté ces dernières années à mesure que des bailleurs et de leurs propres sièges, limitent les ONG visent à réduire leur exposition aux leur dialogue avec les GDT. Les équipes ne sont risques. Bien que des meilleures connaissances et pas encouragées à clarifier la situation, selon la technologies existent autour de cette pratique, elle logique « ne cherchez pas à savoir », ce qui limite la pourrait pousser les ONG à transférer le risque vers transparence et le partage d’informations, et conduit d’autres organisations moins bien équipées pour le à une impasse sur ces questions. gérer. La question du de-risking financier (lorsqu’une Utilisation de méthodes de transfert informelles : banque refuse d’offrir ses services à une ONG À mesure que le de-risking se propage, les ONG par peur des conséquences des lois contre le sont poussées hors des systèmes de transfert financement du terrorisme), est devenue une d’argent formels, et le recours à des mécanismes barrière majeure. Des ONG ont déclaré être dans informels s’intensifie. Le hawala, un système l’incapacité de transférer de l’argent vers certaines traditionnel largement non régulé, est désormais zones, les obligeant à employer des méthodes non couramment utilisé par les ONG. Il offre une régulées, en dehors du système bancaire, comme le alternative fiable, séduisante à ceux qui ne peuvent hawala ou le transport d’argent liquide. D’importants transporter de l’argent liquide, mais il est coûteux, retards de programmation ont été signalés à et le manque de régulation dans certains contextes cause de ces stratégies de diminution des risques peut signifier un risque accru de financement financiers. Le problème affecte notamment les terroriste. petites organisations, qui n’ont pas la capacité de se conformer à ces exigences, et les organisations musulmanes basées sur la confiance, perçues par CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS les banques comme étant « à haut risque ». Tant qu’une solution n’aura pas été trouvée, les banques Les résultats de cette recherche suggèrent que dicteront aux organisations humanitaires là où elles peu de choses ont évolué positivement depuis le doivent travailler. rapport de 2013. L’absence d’un plaidoyer conjoint de la part des ONG ainsi que d’une volonté des gouvernements de changer de politique, signifie que MESURES D’ATTÉNUATION ET les impacts identifiés il y a cinq ans sont davantage MÉCANISMES DE DÉFENSE enracinés. Les ONG doivent s’exprimer d’une seule voix et mener un plaidoyer autour de cette Les pratiques des organisations humanitaires pour question, et Etats et bailleurs ont la responsabilité atténuer et lutter contre l’impact des mesures de permettre une assistance à ceux qui en ont le antiterroristes sur leurs opérations ont progressé plus besoin, sur la seule base des besoins. depuis le rapport de 2013. Ces évolutions sont discutées dans la Section 4 de ce rapport, mais en voici quelques-unes. Gestion des risques : Au sein des ONG, l’attention croissante autour des enjeux de conformité reflète la complexité grandissante de l’environnement réglementaire. En 2015, NRC a finalisé sa Boîte à Outils de Gestion des Risques Liés aux Mesures Antiterroristes, rassemblant diverses politiques anti-détournement au sein d’un cadre de gestion des risques. La boîte à outils s’est montrée utile, mais les ONG manquent de conseils spécifiques à chaque contexte, pour gérer, par exemple, les exemptions humanitaires et les licences du BIS américain. 10 PRINCIPES SOUS PRESSION
RECOMMANDATIONS AUX BAILLEURS ET À LA AUX BAILLEURS COMMUNAUTÉ HUMANITAIRE Offrir aux ONG plus de clarté vis-à-vis de Engager un dialogue ouvert autour des l’application des clauses antiterroristes : Les impacts des mesures antiterroristes et des bailleurs devraient encourager plus de transparence, P/LEV sur l’action humanitaire basée sur les et affirmer clairement que les ONG ne seront pas principes : Pour contrer le manque de partage pénalisées parce qu’elles recherchent plus de clarté. d’information qui empêche tout progrès sur ces questions, des dialogues dédiés devraient être mis Explorer des manières innovantes de minimiser en place en vue d’encourager la transparence. l’impact des mesures antiterroristes sur les ONG : les bailleurs pourraient explorer le Inclure les impacts des mesures antiterroristes recours à des approches alternatives ou de et des P/LEV dans les discussions actuelles partage des risques visant à équilibrer l’asymétrie sur la réforme humanitaire : Étant donné les des contrats qui veut que les demandeurs impacts des mesures antiterroristes et des P/LEV supportent le gros des risques associés. sur des aspects clés de la réforme humanitaire, ils devraient être inclus dans les discussions Maintenir une séparation claire entre P/LEV sur le Grand Compromis, le New Way of et financement humanitaire afin de protéger Working et le Nexus urgence-développement. l’action humanitaire basée sur les principes : les bailleurs devraient être transparents concernant la P/LEV, et assurer que toute augmentation du financement de la P/LEV n’implique pas une AUX GOUVERNEMENTS réduction du soutien à l’aide humanitaire. S’assurer que le Bureau des Nations Unies de lutte Contre le Terrorisme inclue les organisations humanitaires dans les À LA COMMUNAUTÉ HUMANITAIRE discussions : les ONG doivent être incluses dans le dialogue afin d’assurer que l’impact sur l’action Développer des positions de plaidoyer humanitaire soit pris en compte lors de la révision communes sur l’impact des mesures de la stratégie antiterroriste globale de l’ONU. antiterroristes : Des preuves visant à soutenir le développement de positions de Inclure des exceptions dans les régimes de plaidoyer fortes devraient être réunies au sanction et la législation antiterroriste pour niveau terrain et consolidées au niveau global réduire leur impact sur l’action humanitaire par les corps subsidiaires du IASC. basée sur les principes : Le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU), l’UE et Explorer des alternatives aux restrictions autres structures qui imposent des sanctions et financières actuelles : la poursuite de la collecte promulguent les lois antiterroristes, devraient inclure d’éléments de preuve et du plaidoyer commun, des exemptions pour les acteurs humanitaires ainsi que l’exploration de méthodes de transfert afin de limiter les effets négatifs sur leur action. sûres, sont indispensables pour minimiser l’impact du « de-risking » sur l’aide humanitaire. Faciliter un dialogue régulier entre ONG, banques, autorités financières et autres acteurs Développer des conseils pratiques, adaptés gouvernementaux, afin de limiter les effets au contexte pour s’assurer que les équipes du « de-risking » : un dialogue multilatéral est disposent de l’information nécessaire pour nécessaire pour répondre aux inquiétudes, clarifier mener à bien leur mission : Les sièges des les exigences et se prémunir des effets négatifs ONG devraient former leurs employés à la involontaires du développement de la politique prise de décision concernant les questions de lutte contre le financement du terrorisme. de P/LEV et de lutte contre le terrorisme. 11
1 INTRODUCTION L’objectif premier de l’aide humanitaire est d’apporter aux civils dans le besoin une aide de survie, guidée par le droit international humanitaire (DIH) et les quatre principes humanitaires d’humanité, d’impartialité, d’indépendance et de neutralité. Ces cadres visent à assurer que l’aide est acheminée sans discrimination, vers les plus vulnérables et ceux qui en ont le plus besoin, et de manière neutre et autonome vis-à-vis des parties à un conflit. Les principes et le DIH exigent que les ONG traitent toutes les parties au conflit – étatiques ou non étatiques – de manière égale, et offrent une aide basée seulement sur les besoins, sans égard pour des facteurs politiques ou autres. Les personnes dans le besoin se trouvent parfois d’empêcher l’aide humanitaire d’atteindre les dans des zones sous contrôle de GANE, qui communautés les plus vulnérables. peuvent être désignés comme organisations terroristes. Selon les principes, les acteurs En dépit d’efforts de plaidoyer pour éviter cette humanitaires devraient dialoguer avec toutes les issue, et l’engagement positif croissant de certains parties afin d’assurer que l’aide soit délivrée à bailleurs à ce sujet, aucun changement de politique ceux qui en ont le plus besoin. Le besoin de se spécifique n’est intervenu. Certains bailleurs ont conformer aux mesures antiterroristes – notamment continué à demander plus de preuves d’impact les lois en vigueur et les exigences bailleurs – peut récentes. Dans le même temps, la portée de la limiter la capacité des ONG à intervenir dans des politique antiterroriste grandit avec la proéminence zones contrôlées par des GANE, et poser des défis de l’approche de (P/LEV). significatifs à l’action humanitaire basée sur les principes. La P/LEV emploie des mesures non coercitives visant à empêcher des communautés ou individus Nombre d’études ont montré la tension entre les de soutenir ou d’entreprendre ce qui est considéré mesures antiterroristes et les principes d’humanité, comme de l’extrémisme violent4. Ces mesures d’impartialité, de neutralité et d’indépendance. Alors peuvent inclure des activités humanitaires ou que ces mesures se développent et s’étendent, de développement. La P/LEV appliquée à l’aide il en va de même pour leur impact sur l’action humanitaire diffère des mesures de coercition humanitaire basée sur les principes. L’important traditionnelles, mais les deux approches peuvent rapport de 2011 Stay and Deliver, commandé menacer le respect des principes humanitaires. par OCHA, met en évidence ce problème ; en 2013, NRC et OCHA ont publié une étude Sur la base des recherches existantes, ce rapport spécifiquement dédiée à ce sujet1. analyse les évolutions récentes en vue de mettre à jour les preuves de l’impact des mesures Sur la base des recommandations de ce second antiterroristes sur l’action humanitaire basée sur les rapport, et en sa qualité de co-président du groupe principes afin d’informer les politiques inter-agences de référence sur l’action humanitaire basée sur actuelles et le plaider sur ce sujet. Il vise aussi à les principes du IASC, NRC a publié en 2015 combler un manque dans la recherche existante, en une Boîte à Outils de Gestion des Risques Liés examinant les possibles effets d’intersection des aux Mesures Antiterroristes2. Plusieurs travaux approches de P/LEV – ce que les chercheurs et les de recherche et de conseil ont suivi, dont ceux législateurs n’ont pas encore entrepris. du Charity and Security Network, du programme PILAC de la Harvard Law School et de Chatham Ce rapport n’est nullement exhaustif, et plusieurs House3. Ces études démontrent que les mesures pistes de recherche ont été identifiées pendant les antiterroristes ont le pouvoir de retarder ou recherches. L’impact des mesures antiterroristes sur 12 PRINCIPES SOUS PRESSION
© NRC/Christian Jepsen les ONG locales – qui sont souvent en première février et mars 2018. Lorsqu’une présence physique ligne – est un sujet de réflexion clé pour l’avenir. Le n’était pas possible, les entretiens se sont déroulés phénomène de de-risking est aussi l’occasion de via WhatsApp ou Skype. Des entretiens à distance recherches futures ; la plupart des recherches à ce ont été menés avec des informateurs clés travaillant jour se sont concentrées sur la Grande Bretagne sur la Syrie et l’Afghanistan, ou étant sur place. et les Etats-Unis, et pourraient être étendues. Enfin, Compte tenu de la sensibilité du sujet, tous ces il serait utile d’explorer davantage les liens entre entretiens sont confidentiels. Aucune identité n’est mesures antiterroristes et P/LEV d’un côté, et révélée. réformes humanitaires de l’autre. Les conclusions se nourrissent également des résultats des 169 réponses d’une enquête en ligne MÉTHODOLOGIE – distribuée par NRC aux agences de l’ONU, ONG et réseaux d’ONG, aux niveaux terrain et siège, Les recherches pour cette étude ont été menées entre février et mars 2018. L’enquête comportait entre janvier 2018 et avril 2018 ; les recherches 32 questions ouvertes et à choix multiples, sur le terrain se sont déroulées en Irak, au Nigéria concernant divers aspects de l’impact des mesures et en Somalie. Ces lieux ont été choisis comme antiterroristes sur l’action humanitaire, la gestion contextes où sont présentes des organisations des risques, l’application des principes humanitaires désignées comme terroristes, et où l’agenda P/ et l’interaction entre la P/LEV et le travail des ONG. LEV gagne en importance. Ces lieux reflètent aussi une combinaison d’actions d’urgence récentes et La section Contexte comprend des recherches prolongées, et assure un équilibre géographique. documentaires actualisées sur la législation Étant donné la complexité des questions étudiées et antiterroriste et les mesures associées, et un la nature unique de chaque situation, une sélection résumé des récentes études sur leur impact sur d’études de cas ne peut pas refléter l’ensemble des l’aide humanitaire. La section Impacts analyse défis présents. les conclusions des recherches terrain en vue de mettre à jour les preuves des effets des mesures Les résultats de la recherche sont tirés antiterroristes, et de prouver l’impact de l’agenda principalement de 40 entretiens avec des acteurs de P/LEV sur le terrain en Irak, au Nigéria et en humanitaires, dont des représentants hauts placés Somalie. La section Atténuation examine les de l’ONU, des membres d’ONG et ONGI, des mécanismes à la disposition des ONG pour bailleurs et des représentants gouvernementaux. minimiser ces impacts sur leurs opérations ; l’étude Ces entretiens ont été menés lors des recherches se termine par un résumé des conclusions et des terrain à Erbil en Irak, à Abuja au Nigéria, à recommandations aux parties prenantes. Mogadiscio en Somalie et à Nairobi au Kenya, entre 13
2 CONTEXTE 2.1 LA LUTTE ANTITERRORISTE ET SES LIENS AVEC L’AIDE HUMANITAIRE L’augmentation en nombre et en importance des La Harvard Law School a mené une étude empirique réglementations antiterroristes a des conséquences pilote sur la question en 2017, et plus des deux tiers significatives pour les ONG, qui ont tendance des personnes interrogées ont indiqué que « les à travailler dans des contextes complexes et mesures antiterroristes avaient atténué ou écourté instables où des groupes armés opèrent, certains leur travail10 ». Cet aspect négatif a été développé étant liés à ou faisant partie de GDT. Des mesures dans une étude d’OCHA en 2017, Presence and sont appliquées via les législations nationales et Proximity, qui notait que « des facteurs politiques, internationales, et via les accords de partenariat. dont les lois antiterroristes, continuent de poser des dilemmes pour l’action humanitaire basée sur les La législation antiterroriste s’applique aux ONG principes », et que les mesures antiterroristes ou via des résolutions contraignantes du CSNU et liées aux sanctions demeurent problématiques dans d’autres instruments internationaux, ainsi que de plus en plus de contextes – dont l’Afghanistan, les lois nationales des Etats. « Les ONG et leurs l’Irak, la Somalie, le Yémen et ailleurs, pour leurs employés peuvent être rendus responsables devant effets potentiels directs et involontaires11 ». les lois de certains Etats : les Etats parties à un conflit armé ; les Etats d’enregistrement d’une ONG (ou dont sont issus ses employés) ; les Etats 2.2 INSTRUMENTS LÉGAUX DE bailleurs ; et d’autres Etats dont les lois ont une LUTTE CONTRE LE TERRORISME portée extraterritoriale5 ».En cas de non-respect des obligations prévues par l’accord de partenariat, Les premiers instruments légaux de lutte contre le contrat peut être terminé et les montants le terrorisme ont été créés avant les attaques versés restitués ; les « pénalités de non-respect du 11 septembre, puis renforcés au début des des lois criminelles, civiles et administratives années 2000. Des résolutions du CSNU telles les antiterroristes, vont d’une amende à une peine résolutions 1267 de 1999 et la 1390 de 2002 d’emprisonnement »6. visaient Al Qaeda et les Talibans, et furent les premières à introduire des sanctions contre des Les recherches disponibles illustrent que les GDT, des individus et entités, et à obliger les Etats mesures antiterroristes contraignent l’aide membre de l’ONU à geler les financements et les humanitaire. Leurs impacts négatifs vont de « l’arrêt actifs de tels groupes12. et la diminution des financements au blocage de projets, la suspension de programmes, la Les résolutions ultérieures du CSNU exigeaient planification et la conception de programmes sur des membres de l’ONU qu’ils adoptent des lois des bases autres que celle des seuls besoins, et mesures de prévention et de cessation de ainsi que le ralentissement de la mise en œuvre tout financement d’actes terroristes ; mais aussi des projets7 ». Les inquiétudes liées au respect visant à prévenir le recrutement, l’organisation, des législations poussent souvent les ONG à le transport, l’équipement et le financement de « prendre la décision de ne pas entreprendre des combattants terroristes étrangers13. Les résolutions activités d’aide dans des zones contrôlées par des sont contraignantes pour tous les membres de GDT, ou à ne pas rechercher le financement de l’ONU, qui ont adapté leurs droits nationaux en certains bailleurs8 ». Dans certains cas, les mesures conséquence. Ces résolutions ont aussi conduit à antiterroristes ont « sévèrement nuit à l’opportunité des exigences institutionnelles spécifiques, comme de certains acteurs humanitaires de négocier certaines régulations bancaires. l’accès aux civils9 ». 14 PRINCIPES SOUS PRESSION
La prévention du financement du terrorisme pas l’obligation de l’inclure dans leur droit national20. est un élément clé des mesures antiterroristes La directive européenne de lutte contre le terrorisme internationales. Ses principaux instruments sont (2017) contient une exemption pour les activités la Convention internationale pour la répression du des « organisations humanitaires impartiales21 ». Des financement du terrorisme (1999) et la résolution exemptions peuvent aussi être incluses dans le droit 1373 du CSNU (2001). Elles demandent aux Etats national, comme ça a été le cas dans une moindre de criminaliser tout soutien matériel – financier mesure, en Australie et en Nouvelle Zélande22. ou autre – à des individus ou groupes désignés. La convention punit tout financement pouvant consciemment ou délibérément être employé à ARCHITECTURE DE des fins terroristes. La résolution 1373 criminalise L’ANTITERRORISME ONUSIEN l’apport de fonds, actifs financiers ou ressources économiques à quiconque commet un acte Au lendemain des attaques du 11 septembre, terroriste. Contrairement à la convention, l’intention le CSNU a dominé la réponse de l’ONU. Il spécifique de soutenir un acte terroriste n’est pas a adopté la résolution 1373 – imposant des requise pour violer la résolution 137314. obligations antiterroristes à tous les Etats membres, et établissant le Comité contre le Les Etats ont l’obligation de transposer ces terrorisme (CTC) de l’ONU pour veiller sur instruments dans leur droit national, mais ils le font leur mise en application. Le CTC est assisté de différentes manières. Ils peuvent élargir leur par la Direction exécutive du Comité contre le définition ou encore désigner différentes personnes terrorisme (CTED), qui applique les décisions ou groupes comme étant terroristes15. Nombreux et assure l’évaluation des Etats membres. ont agi avant que les conséquences potentiellement néfastes sur les ONG soient identifiées, et puissent Les résolutions et sanctions du CSNU être prises en compte16. ne sont pas la seule manière dont l’ONU influence la lutte contre le terrorisme. Bien Les résolutions de l’ONU précisent souvent que les que l’Assemblée Générale n’ait initialement mesures antiterroristes doivent être conformes aux pas de rôle actif dans la lutte antiterroriste, en obligations internationales légales des Etats, dont 2006 elle a adopté la Stratégie antiterroriste le DIH. Cependant, en l’absence d’une définition mondiale, « un instrument mondial visant universellement acceptée du terrorisme, il existe une à améliorer la lutte antiterroriste nationale, tendance croissante des Etats à considérer que régionale et internationale23 ». En 2017, le tout acte de violence perpétré par un GDT dans un Bureau des Nations Unies de lutte Contre le conflit armé est un acte terroriste, et donc illégal, Terrorisme (UNOCT) fut créé afin « d’aider les même lorsque de tels actes ne sont pas proscrits Etats membres à mettre en œuvre la Stratégie par le DIH17. antiterroriste mondiale de l’organisation », et le premier Sous-secrétaire général de la lutte Depuis, il y a eu des tentatives pour limiter l’impact contre le terrorisme a été nommé24. L’UNOCT des mesures antiterroristes sur l’action humanitaire a été critiqué car il n’a pleinement inclus basée sur les principes, via le recours aux les ONG dans les discussions autour des exemptions18. La résolution 1916 du CSNU (2010) mesures antiterroristes et de P/LEV25. concernant les sanctions en Somalie, dispose que « les obligations imposées aux Etats Membres... ne s’appliquent pas au versement de fonds, autres Les mesures antiterroristes ont également affecté actifs financiers ou ressources économiques les banques, de plus en plus réticentes dans leurs nécessaires pour assurer l’acheminement rapide rapports avec les ONG à mesure qu’elles cherchent d’une aide humanitaire urgente19 ». Cette exemption à se conformer aux régulations. Deux tiers des a été introduite après qu’il ait été démontré que les ONG américaines travaillant à l’international ont des sanctions avaient limité la réponse à la famine, au problèmes bancaires, dont des retards de transferts motif que les ONG auraient pu apporter un soutien de fonds, des demandes de documents inhabituels matériel aux Shebabs et ainsi violer l’interdiction et des hausses des tarifs26. du CSNU en acheminant l’aide humanitaire. L’exemption est limitée aux agences de l’ONU, à ses partenaires et aux organisations ayant le statut d’observateur auprès de l’ONU, et les Etats n’ont 15
2.3 EXIGENCES DES BAILLEURS Tous les bailleurs n’incluent pas des clauses VIS‑À-VIS DE L’ANTITERRORISME antiterroristes spécifiques à leurs contrats, mais ceux qui ne le font pas exigent tout de même le Accompagnant la législation antiterroriste respect des lois en vigueur, et peuvent exiger des croissante, les bailleurs incluent également de porteurs de projet que leurs procédures existantes plus en plus de clauses antiterroristes dans les de gestion des risques limitent le risque de contrats de subvention. La terminologie varie, contravention à la législation antiterroriste, ainsi que depuis des exigences générales que les ONG d’autres risques tels que la corruption et l’extorsion. fassent des « efforts raisonnables » pour prévenir le détournement de l’aide vers des GDT, jusqu’à des Il existe une tension claire entre les mesures exigences explicites que les ONG excluent certains antiterroristes des législations et des contrats employés et partenaires en cas de liens avec de tels de subvention, et l’action humanitaire basée sur groupes. Certains contrats incluent des clauses « en les principes. Les principes humanitaires exigent cascade », ce qui signifie que le porteur de projet que les humanitaires traitent les parties étatiques doit s’assurer que tout contrat passé avec d’autres et non étatiques à un conflit armé sur une base organisations dans le cadre de son action inclue les égale, et répondent aux besoins, sur la seule base mêmes obligations27. des besoins. Mais les exigences antiterroristes peuvent punir les ONG qui travaillent auprès de D’autres bailleurs vont encore plus loin. USAID GDT29. La crainte des mesures de rétorsion peut exige des porteurs de projet un certificat amener les ONG à limiter leur engagement, et les antiterroriste signé (ATC) précisant que « le porteur communautés vivant dans des zones sous contrôle de projet, à sa connaissance, n’a pas apporté – de tels groupes peuvent être privées de l’aide dont au cours des dix dernières années – et prendra elles ont besoin. toutes les mesures raisonnables afin de s’assurer qu’il n’apporte pas ni n’apportera pas sciemment, Cela s’oppose fortement à l’approche humaniste, un soutien matériel à tout individu ou entité qui impartiale, qui devrait aiguiller toute aide commet, tente de commettre, défend, facilite ou humanitaire. Les GANE peuvent aussi représenter participe à des actions terroristes, ou a commis, une menace de sécurité directe pour les tenté de commettre, défendu, facilité ou participé à ONG, ce qui peut limiter leur présence, mais le des actions terroristes28 ». caractère général de la législation et des mesures antiterroristes pose aussi des défis significatifs. 16 PRINCIPES SOUS PRESSION
© NRC/Ingrid Prestetun 2.4 CAS JURIDIQUES IMPLIQUANT DES ONG aucune preuve de détournement de fonds32. Une vérification judiciaire a été demandée par World Les cas où des ONG ont été accusées d’apporter Vision. Selon la plupart des rapports récents, elle un soutien à des groupes terroristes sont rares, n’a trouvé aucune preuve de détournement33. mais c’est arrivé, et cela a alarmé la communauté humanitaire, créé des inquiétudes concernant le • En 2017, l’Université Américaine de Beyrouth risque d’image, et contribue à un climat global (AUB) a signé un compromis avec le de peur et d’aversion au risque. Les détails de gouvernement américain à hauteur de 700 000 certaines affaires clés, pénales et civiles, sont dollars, après avoir été accusée au civil d’avoir présentés ci-après. formé et conseillé les représentants de trois GDT. Le procès a accusé l’AUB d’avoir fourni une • En 2010, la Cour Suprême américaine, dans formation médiatique aux représentants de deux l’affaire Holder v Humanitarian Law Project, a médias sous le coup de sanctions américaines. jugé que la définition d’un soutien matériel est Elle a aussi été accusée d’avoir listé comme ONG large, recouvrant la formation, même dans des une troisième organisation, également sous le disciplines aussi bénignes que le DIH. La décision coup de sanctions. Il a été jugé qu’il s’agissait a souligné que tout type de soutien matériel ou en d’une violation du False Claims Act car, en tant ressources à des GDT était une violation des lois que bénéficiaire de fonds USAID, l’AUB avait antiterroristes américaines – qui ont une portée déclaré ne pas avoir soutenu ou apporté des extraterritoriale forte – même s’il ne contribue pas ressources à des GDT au cours des dix dernières directement à une attaque terroriste. Il s’agit d’un années, et s’était engagée à ne pas le faire dans jugement quasi préventif : aucun individu n’a été la mesure du possible34. poursuivi. • En 2018, dans une affaire similaire opposant • En 2016, le gouvernement israélien a accusé Norwegian People’s Aid (NPA) à un citoyen, le Directeur des opérations de World Vision l’ONG a payé une amende de 2 millions de à Gaza d’avoir détourné des fonds pour le dollars pour violation du False Claims Act, après Hamas30. L’Australie, principal contributeur du avoir apporté un soutien matériel à des GDT programme de World Vision à Gaza, a cessé de dans un projet de renforcement de la démocratie financer l’ONG en Palestine31. Une enquête du pour jeunes Gazaouis entre 2012 et 2016, et gouvernement australien a conclu qu’il n’y avait dans un projet de déminage en Iran, terminé en 17
200835. NPA avait également signé l’engagement PRÉVENTION/LUTTE CONTRE mentionné ci-dessus. L’ONG n’avait accepté L’EXTRÉMISME VIOLENT : les fonds d’USAID dans aucun de ces pays, et DIFFÉRENCES CLÉS a discuté le bien-fondé de la plainte au motif qu’elle pensait que l’engagement valait pour les Tout comme il n’existe aucune définition seuls pays pour lesquels elle avait accepté un universellement acceptée de l’extrémisme financement36. Le verdict a considéré que les violent, il n’existe aucune définition universelle engagements antiterroristes exigés par USAID ne de la prévention de l’extrémisme violent (PEV), s’appliquent pas uniquement aux pays concernés ni de la lutte contre l’extrémisme violent (LEV). par des fonds d’USAID, mais à l’ensemble du Ces termes sont souvent utilisés de manière travail des bénéficiaires d’USAID. interchangeable, mais peuvent aussi être distingués. Les stratégies de PEV peuvent être définies comme visant les facteurs 2.5 LA PRÉVENTION/LUTTE CONTRE socioéconomiques du phénomène – comme la L’EXTRÉMISME VIOLENT ET SES pauvreté, les inégalités et la marginalisation40. Par exemple, le Plan d’action de politique LIENS AVEC L’AIDE HUMANITAIRE étrangère de la Suisse pour la prévention de l’extrémisme violent stipule que la PEV La P/LEV s’inscrit dans une politique antiterroriste implique « d’éliminer ce qui fait le terreau de plus large. La législation et autres mesures l’extrémisme violent en renforçant la capacité présentées ci-dessus sont généralement coercitives, des individus et des communautés à lui mais la P/LEV implique aussi des mesures non résister41 ». Les stratégies de LEV peuvent être coercitives visant à décourager les individus et définies comme visant les facteurs plus directs communautés de soutenir ou entreprendre ce qui de l’extrémisme violent, et peuvent inclure est considéré comme de l’extrémisme violent37. Les des méthodes telles le désarmement, la mesures employées peuvent inclure des activités démobilisation et la réinsertion, et l’éducation humanitaires ou de développement. L’approche comme moyens de « déradicalisation ». est devenue de plus en plus populaire parmi les Certaines définitions de la LEV incluent Etats ces dernières années, dans leur lutte contre la surveillance intérieure, la police et les l’extension des groupes « extrémistes »38. messages de lutte contre l’extrémisme42. Cependant, les ONG ont mis en garde contre l’impact potentiel des mesures de P/LEV sur L’ONU a également joué un rôle clé dans le progrès leur travail39. Bien que certains programmes de l’agenda de la P/LEV et de sa popularité humanitaires – comme ceux visant l’éducation ou parmi les Etats membres. Le Plan d’action pour le travail des jeunes – puissent se superposer à la prévention de l’extrémisme violent de l’ONU, des activités de P/LEV, leurs motivations et leurs présenté en 2016, vise à proposer « des mesures objectifs sont distincts. Les activités humanitaires préventives de lutte contre les conditions qui sont guidées par les principes, et les activités de P/ poussent les individus à se radicaliser et à rejoindre LEV par des objectifs politiques. Le risque existe des groupes extrémistes violents43 ». Le plan appelle que la P/LEV coopte les programmes humanitaires à une approche de la PEV impliquant toute l’ONU. pour des objectifs politiques et sécuritaires, et Lorsque le Secrétaire général a présenté le plan encouragent les ONG à accepter des fonds afin de d’action à l’Assemblée Générale, il a déclaré : mener des programmes non seulement sur la base « nous devons supprimer les barrières entre paix et des besoins, mais également selon l’hypothèse sécurité, développement durable, droits de l’homme que certaines communautés sont particulièrement et acteurs humanitaires aux niveaux national, susceptibles de participer à des actes extrémistes régional et mondial – notamment à l’ONU44 ». Bien violents, pour des raisons de race ou de religion. qu’il identifie le besoin de respecter les principes et l’espace humanitaires, le plan ne reconnaît pas que les « barrières » entre ONG et autres acteurs jouent un rôle majeur dans la protection de la nature indépendante de l’action humanitaire. 18 PRINCIPES SOUS PRESSION
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