Assemblage des structures composites et multi-matériaux : vers une conception intégrant les variabilités de mise en oeuvre
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Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques Assemblage des structures composites et multi-matériaux : vers une conception intégrant les variabilités de mise en œuvre Christophe Bois1,a, Hervé Wargnier1, Ramzi Askri1, Julie Lecomte1,2, Erwann LE GOFF1,3 1 Univ. Bordeaux, I2M, UMR 5295, 15 rue Naudet CS 10207, 33175 Gradignan Cedex, France 2 ASTF, 8 Avenue du Val d’Or, 33700 Mérignac, France 3 Advanced Manufacturing Research Center with Boeing, Rotherham S605TZ, UK Résumé. L’augmentation des cadences de fabrication dans les secteurs comme l’aéronautique ou l’éolien oblige les industriels à rationaliser leurs processus d’assemblage. Cependant le principe d’interchangeabilité des pièces peut conduire à des tolérances qui ne sont pas physiquement ou économiquement réalisables. Définir les tolérances justes nécessaires au bon fonctionnement du produit est donc cruciale. Pour cela, il faut disposer d’outils d’analyse et de prédiction du lien entre les variabilités de mise en œuvre et le comportement du produit afin d’évaluer en phase amont et de manière globale les différentes solutions. Cet article concerne les assemblages composite-métal multi-fixations. Les spécificités liées à l’assemblage de sous-ensembles présentant une pièce en composite sont présentées. Différents types de modèles dédiés aux assemblages multi-fixations sont proposés et leurs utilisations illustrées à travers des exemples. L’intérêt de ces outils est démontré à travers la problématique du tolérancement des défauts de localisation d’alésages de fixation. Ils permettent en effet de comprendre et formaliser les règles métiers mises en place par les industriels suite à de vastes campagnes d’essais et au retour d’expérience. 1 Introduction Les structures complexes telles que la voilure ou le fuselage d’un aéronef ou la caisse d’une voiture ou d’un train sont souvent réalisées par assemblage de plusieurs sous-ensembles par soudage, collage, éléments de fixation mécanique ou sertissage. L’organisation de la production et le besoin de sous-traitance imposent un séquencement de la fabrication en deux étapes principales que sont la fabrication des sous-ensembles et leurs assemblages. Lorsque les tolérances imposées par le principe d’interchangeabilité des pièces ne sont pas physiquement ou économiquement réalisables, certaines surfaces fonctionnelles pour l’assemblage des pièces sont réalisées ou reprises pendant la phase d’assemblage engendrant des coûts directs de par les opérations réalisées ou indirects de par les temps induits d’occupation de la chaine d’assemblage. Parmi ces opérations, on peut citer le contreperçage de trous de fixation, le calage par mastique ou adhésif, ou encore l’ajustage par ponçage ou usinage. a Corresponding author: christophe.bois@u-bordeaux.fr
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques Si ces opérations ont été éliminées depuis des décennies dans certains secteurs comme l’automobile, elles sont encore largement utilisées dans l’aéronautique, le nautisme ou l’éolien notamment en raison de l’utilisation de pièces en matériaux composites. L’augmentation des cadences de fabrication dans ces secteurs oblige donc les industriels à revoir leurs méthodes de développement de produits. Même si les techniques de fabrication évoluent et permettent d’atteindre des tolérances de plus en plus faibles, un verrou majeur demeure la définition des tolérances justes nécessaires au bon fonctionnement du produit. Pour lever ce verrou, il faut disposer d’outils d’analyse et de prédiction du lien entre les défauts à tolérancer et le comportement du produit afin d’évaluer en phase amont d’un développement de produit de manière globale plusieurs combinaisons matériaux – technologie d’assemblage – architecture – procédés de fabrication et gamme d’assemblage. Ces outils reposent sur deux aspects : la représentation des défauts ou des variabilités de mise en œuvre et l’étude de leurs influences sur la répartition des transferts de charges dans les zones de liaison. En raison des coûts et délais induits par les études expérimentales, la simulation est un outil indispensable dans le processus de conception des structures. Dans cet article nous nous intéressons aux assemblages composite-métal multi-fixations. Dans une première partie les spécificités liées à l’assemblage de sous-ensembles comportant une pièce en composite sont présentées. Ensuite différents types de modèles dédiés aux assemblages multi-fixations sont proposés et leurs utilisations illustrées à travers des exemples. La dernière partie illustre, à travers la problématique du tolérancement des défauts de localisation d’alésages de fixation, comment il est possible de comprendre et de formaliser les règles métiers mises en place par les industriels suite à de vastes campagnes d’essais et au retour d’expérience. 2 Gamme d’assemblage et transfert de charge : spécificité des assemblages composites Un choix a priori de procédés de fabrication et de gamme d’assemblage va conditionner ou du moins limiter les architectures possibles mais aussi modifier drastiquement les transferts de charge dans la zone d’assemblage. Par exemple, si un joint d’adhésif, en plus de supporter des charges, sert également à caler (combler un jeu variable), son comportement mécanique souffrira de fortes variabilités aussi bien en raideur qu’en résistance puisque celui-ci sera dépendant de l’épaisseur du joint [1]. Les assemblages primaires, fortement sollicités, comportant un grand nombre de fixations nécessitent un niveau de performance élevé, ce qui passe par une maîtrise et une optimisation des chemins de transfert d’effort. L’utilisation récente des matériaux composites dans les structures primaires conduit à quelques spécificités liées au fait de ne pouvoir appliquer un effort de précharge important en raison de la faible résistance hors plan de ce type de matériau. D’ordinaire, dans les assemblages métalliques, la précharge permet de transmettre les sollicitations par adhérence entre les surfaces de recouvrement des pièces. Dans le cas des assemblages où l’une des pièces est en composite, la quasi-totalité de l’effort appliqué est donc transmise par le biais du contact entre les fûts des boulons et les surfaces des alésages des pièces. Les fûts des fixations sont alors lisses. Le serrage sera faible et contrôlé. Le mode de transfert de charge est donc l’élément décisif. Tandis qu’un transfert par adhérence accepte un jeu alésage-fixation important, un transfert par contact direct implique un jeu faible pour améliorer la tenue en matage, maîtriser la répartition des charges entre les fixations et éviter les déplacements importants lors des sollicitations alternées. Par conséquent, le mode de transfert de charge conditionne le tolérancement des pièces et donc les gammes de fabrication et d’assemblage. Un transfert de charge par le biais des fûts de fixation oriente donc vers des gammes d’assemblage complexes avec contreperçage, de manière à pouvoir réaliser des tolérances de positionnement des alésages relativement faibles et ainsi assurer le montage des fixations avec jeu faible. La formalisation du lien entre tolérances et comportement mécanique sous la forme de modèles prédictifs est donc un enjeu majeur pour la conception des assemblages composites ou composite- métal.
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques 3 Modélisation des assemblages multi-fixations La modélisation des transferts de charge dans les assemblages multi-fixations composites ou composite-métal nécessite la prise en compte d’un certain nombre de phénomènes physiques. Ces phénomènes peuvent être modélisés explicitement par des lois de comportement à l’échelle du matériau et de l’interface ou implicitement par des lois macroscopiques identifiées sur des essais ou des simulations fines. Les modèles à physique « explicites » utilisent généralement un maillage EF volumique pour les fixations et les pièces avec alésage [2–9]. Le filetage des éléments peut également être représenté explicitement. Des lois d’interface de type contact frottant sont introduites au niveau du fût, des têtes, des plans de recouvrement et éventuellement du filetage. Les différents mécanismes d’endommagement dans le composite (délaminages, fissuration matricielle et ruptures de fibres) peuvent être introduits par des lois d’endommagement à l’échelle du pli (mésoscopique). La précharge est modélisée par une interférence géométrique initiale sous tête, une pré-contrainte dans la fixation ou en simulant explicitement le serrage de l’écrou ou l’opération de montage du rivet. Ce type de modèle a l’avantage d’introduire les phénomènes à des échelles cohérentes avec leurs physiques ce qui permet d’étendre leur domaine de validité. Toutefois les temps de génération des modèles, de calcul et d’exploitation nécessaire ne permettent pas de réaliser des études paramétriques vastes. Ces modèles servent essentiellement à identifier et analyser les phénomènes mis en jeux, et à valider les modèles simplifiés (« implicite »). Dans les modèles « implicites » chaque fixation est représentée par un ressort, un connecteur ou un macroélément dont le comportement est enrichi pour introduire l’effet de la précharge (phase d’adhérence et de glissement), l’effet du jeu (rattrapage et prise de contact), l’effet des non-linéarités matériaux (matage par plasticité ou endommagement) [9–17]. L’interaction du modèle de fixation avec celui des pièces est le plus souvent ponctuelle (sur un nœud de maillage EF par exemple) mais elle peut également être répartie même si l’objectif n’est pas de prédire l’état de contrainte autour de l’alésage. Ce type de modèle a l’avantage de pouvoir être résolu analytiquement ou semi- analytiquement pour les problèmes 1D ou avec des éléments coques pour les problèmes 2D et par conséquent de permettre des études paramétriques rapides. Leur domaine de validité est cependant limité et leur identification pas toujours évidente. Dans les sections suivantes les différents types de modèle développés à l’I2M sont succinctement présentés et leurs aptitudes illustrées sur un exemple. 3.1 Modélisation « explicite » 3D Comme illustré sur la Figure 1, la modélisation « explicite » 3D permet de représenter les détails géométriques de la fixation (filetage, rayon de raccordement) mais également la stratification de la pièce composite (1 élément par pli). Les mécanismes de dégradation et les sources de non-linéarité (plasticité pour les métaux, endommagement et viscoélasticité pour le composite) peuvent y être introduit à une échelle pertinente [4,5,7,8]. Ces modèles permettent d’analyser les modes de déformation et de rupture des zones de fixation y compris en présence de géométrie complexe (alésage renforcé par bague [6,7], fixation à tête fraisée, rivet …). Ce type de modèle permet notamment d’étudier l’effet du coefficient de frottement [2], du jeu [3], des défauts de localisation [9] ou de la précharge [18]. Les Figures 2 et 3 illustrent la capacité de ce type de modèle à prédire le scénario de dégradation et les pertes de rigidité induites par les différents mécanismes d’endommagement [7]. Le rôle du confinement (présence d’une tête de fixation ou d’une rondelle) est notamment bien représenté grâce à la modélisation du délaminage et la prise en compte des non-linéarités géométriques à l’origine du flambage des plis extérieurs.
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques Chargement Z Vis X Y Ecrou Encastrement (a) (b) Figure 1. (a) modèle EF 3D d’un assemblage simple recouvrement, (b) modèle EF 3D d’une fixation. Var. endommagement 40000 délaminage interface 45/0 dépasse 0,5 Flambage des plis délaminés Diamètre alésage : 8mm Matériau : Carbone époxy 30000 Stratification : [90/45/0/-45]2s Var. endommagements sens fibre dépasse 0,1 Effort (N) Initiation délaminage Axe 20000 encastré interface 45/0 x Plan de Initiation endommagements sens fibre 10000 y symétrie plis 0° z Initiation endommagement matriciel 0 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 Déplacement Déplacement (mm) imposé selon - x Figure 2. Prédiction du scénario d’endommagement sur un essai de matage sans confinement. 3.2 Modélisation « implicite » 1D Le modèle « implicite » 1D a pour objectif de prédire la répartition des charges entre fixations dans un assemblage à n rangées de boulons. Comme illustré sur la Figure 4, chaque substrat est divisé en n+1 morceaux modélisés par des poutres sollicitées en traction. Chaque fixation est modélisée par un ressort uni-axial relié à chacun des substrats. La loi de comportement du ressort représentant la fixation intègre le jeu, le cumul de déplacement engendré par la déformation de la fixation et la concentration de contrainte autour des alésages, ainsi que les mécanismes d’endommagement par matage (cf. Figure 5a). Un défaut de localisation peut être introduit dans le modèle. Le détail de ce travail pourra être trouvé dans [9].
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques 1 0.9 essai raideur relative 0.8 Cas non-confiné simulation modèle complet simulation modèle complet 0.7 Cas confiné essai Perte de raideur relative 0.6 0.5 Perte de 0.4 0.3 0.2 0.1 0 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 Effort (N) 4 x 10 Effort (N) Figure 3. Comparaison essai calcul de la perte de raideur sur un essai de matage. L δ pi δ pi +1 r Adherent 2 -F/ 2 Bolt #i Bolt #i+1 r F/ 2 x r r - Fi / 2 Half-adherent 1 - Fi + 1 / 2 di = e + (i − 1) p di +1= e + ip Figure 4. Schéma de principe du modèle analytique 1D d’assemblage double recouvrement multi-fixations. Sur la Figure 5b sont comparées les évolutions des efforts transmis par chaque fixation entre le modèle analytique et le modèle 3D pour un assemblage double recouvrement à 2 fixations de diamètre 6.35mm avec faible jeu radial (0.025mm sur chaque fixation) et un défaut de localisation de 0.15mm. Le substrat intérieur d’épaisseur 5mm est en composite à fibres de carbone et les substrats extérieurs d’épaisseur 5mm sont en alliage d’aluminium. On distingue 5 étapes. Le défaut étant trop important pour être compensé par le jeu, après montage les deux fixations supportent des charges opposées. Durant la première étape de chargement, le boulon 2 se décharge tandis que le boulon 1 est chargé d’avantage. Lorsque le boulon 2 est totalement déchargé, le jeu est rattrapé et le boulon 1 supporte la totalité du chargement extérieur (étape (2)). L’étape (3) démarre lorsque le jeu dans le boulon 2 est entièrement rattrapé. L’incrément d’effort est alors repris par les deux fixations. L’étape (4) démarre lorsque le boulon 1 atteint la limite de matage. La perte de raideur tangente engendre une modification des taux de transfert de charges entre les boulons qui tend vers une équirépartition des charges. L’étape (5) démarre lorsque le boulon 2 atteint à son tour la limite de matage. Les efforts entre fixations sont alors très proches. Par ailleurs la Figure 5b montre que pour une configuration donnée (dimensions et matériaux des substrats et des fixations figés), le modèle analytique peut remplacer un modèle EF 3D très riche pour étudier l’influence de la position et du nombre de fixation, des jeux et des défauts de localisation.
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques 4 x 10 x 10 4 2 3 (1) (2) (3) (4) (5) 1.8 2.5 1.6 α k0 1.4 Fc 0 2 Effort transmis (N) 1.2 Fm Effort (N) 1.5 1 F1 Modèle analytique, sans matage F2 Modèle analytique, sans matage 1 0.8 F1 Modèle analytique, avec matage k0 F2 Modèle analytique, avec matage 0.6 0.5 F1 MEF (sans matage) 0.4 F2 MEF (sans matage) Jeu A0 Expérimental 0 0.2 Modèle analytique 0 -0.5 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0 1 2 3 4 5 6 Déplacement (mm) Effort total F (N) 4 x 10 (a) (b) Figure 5. (a) loi de comportement macroscopique associée à la fixation (diamètre 6.35mm), (b) comparaison de l’évolution des efforts transmis par chaque fixation entre le modèle analytique et le modèle 3D. 3.3 Modélisation « semi-explicite » 2D½ Le besoin d’outils de simulation riches et robustes d’assemblage de pièces complexes comportant des dizaines de fixations et la capacité croissante des moyens informatiques (puissance de calcul et méthode de résolution [19,20]) nous a amenés à proposer des modèles intermédiaires « semi- explicites ». Dans ces modèles, les pièces avec leurs alésages sont modélisées par des éléments de type plaque épaisse tandis que le modèle de fixation est réduit à quelques degrés de liberté. L’intérêt de ces modèles est de prédire à la fois la répartition des charges entre fixations mais également les champs de contrainte autour des alésages permettant ainsi d’éviter une étape de re-analyse locale ou l’utilisation de critères macroscopiques au domaine de validité étroit. Figure 6. Définition des surfaces rigides et des degrés de liberté du modèle de fixation.
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques Le modèle développé à l’I2M, nommé MCRS (Multi-Connected Rigid Surfaces) consiste à remplacer le maillage fin 3D de la fixation par des surfaces rigides cylindriques pour le fût et planes pour les têtes connectées élastiquement. Les interactions fixations pièces sont, comme pour le modèle « explicite » 3D, de type contact frottant. Le choix du découpage présenté sur la Figure 6 en 4 surfaces rigides avec 7 degrés de liberté (2 rotations au niveau des têtes et 3 translations au niveau du fut) a été fait en analysant les modes de déformation sur le modèle « explicite » 3D d’un assemblage à 2 boulons chargé uni-axialement. L’identification des souplesses est réalisée à partir des flux d’effort et de moment, ainsi que de l’énergie de déformation dans la fixation mesurés sur le modèle « explicite » 3D à 2 boulons. De plus ces modèles permettent d’introduire explicitement les variabilités géométriques (jeu, défaut de forme, défaut de localisation). Le gain de temps de calcul par rapport à un modèle explicite 3D est de l’ordre de 95%. Le détail de ce travail pourra être trouvé dans [21]. Axe de chargement (a) (b) (c) Figure 7. (a) Définition de l’assemblage simple recouvrement à 6 boulons. (b) Répartition des charges pendant la phase de glissement (déplacement 0.2mm). (c) Répartition des charges près de l’initiation du matage (déplacement 0.7mm)
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques La Figure 7 illustre la capacité du modèle à prédire la répartition des charges dans un assemblage simple recouvrement à 6 fixations chargé de manière excentrée (support de la résultante de l’effort décalé de 10 mm par rapport au plan médian comme illustré sur la Figure 7a). La qualité de la prédiction est similaire en présence de variabilité sur les jeux ou les positions des alésages. 4 Compréhension et formalisation des règles métiers La conception des assemblages mécaniques, et en particulier des assemblages composites, est basée sur des règles de conception métier. En particulier l’espacement entre fixations est choisi proche de 5 fois le diamètre des fixations privilégiant ainsi une dégradation par matage avant la rupture en net section (entre 2 fixations) aux dépens d’une résistance maximale [22,23]. Ce choix est souvent justifié du fait que la dégradation par matage est progressive alors que celle en net section est brutale. Pour être plus précis, une rupture en net section aggraverait la répartition des charges entraînant un risque de rupture en chaîne alors qu’à l’inverse, comme on l’a vu dans la section 2.2, le matage améliore la répartition des charges. Ce point est particulièrement important en présence de variabilité sur les jeux ou les positions des alésages. En effet, comme le montre l’exemple de la Figure 5b, avec un défaut de localisation égal à 0.02 fois le diamètre, l’un des alésages matera alors que l’autre sera à peine chargé. Lors de la conception, on tolère donc généralement une déformation résiduelle après matage (appelée communément ovalisation, noté A0 et définie sur la Figure 5a) afin de ne pas avoir des conceptions trop conservatives. Cette ovalisation doit rester faible pour limiter l’amplitude des déplacements relatifs entre pièces lors de chargement alternés. Le modèle « implicite » 1D présenté dans la section 2.2 permet de formaliser ces règles métier. Prenons l’exemple de l’assemblage double recouvrement à 2 fixations de la section 2.2 avec une ovalisation tolérée A0 = 0.05mm. On définit ainsi un effort Fc 0 que peut transmettre chaque fixation (Figure 5a). La performance relative de l’assemblage, définie comme le rapport entre l’effort maximal transmis par l’assemblage pour un défaut de localisation donné et l’effort maximal de référence correspondant à un défaut nul, est tracée sur la Figure 8. Pour une perte de performance donnée, 10% sur la Figure 8, on peut définir les écarts supérieurs δ pmax et inférieurs δ pmin qui définissent la tolérance de localisation. Un industriel qui connaît les capabilités et les coûts de ces procédés peut ainsi réaliser une analyse globale coût performance. 1,05 1 0,95 1-λ = 0,9 Fmax/Fmax δp=0 0,85 0,8 0,75 0,7 0,65 0,6 δp δp δp min opt max 0,55 -0.2 -0.15 -0.1 -0.05 0 0.05 0.1 0.15 δ p (mm) Figure 8. Performance relative de l’assemblage en fonction du défaut de localisation pour une ovalisation donnée.
Colloque Supméca 2015 - Les Assemblages Mécaniques 5 Conclusions Les travaux menés à l’I2M de Bordeaux visent à formaliser le lien entre les variabilités de mise en œuvre et les performances mécaniques d’un assemblage. Dans cet article, après avoir décrit les spécificités des assemblages composites ou composite-métal, différents modèles permettant de traiter le cas des assemblages multi-fixations comportant des variabilités géométriques sont présentés et exploités. Les travaux en cours portent sur l’identification et la représentation des défauts et notamment des défauts d’état de surface [24], de forme et d’orientation [25] sur pièces composites de type caisson ou panneau raidi. En effet les normes de tolérancement ne permettent pas une représentation adaptée ou suffisamment riche pour formaliser le lien entre les variabilités de mise en œuvre et les performances mécaniques. Ces travaux sont menés en collaboration avec l’équipe « Analyse de variabilité et optimisation pour l’aide à la décision » du Département Ingénierie Mécanique et Conception de l’I2M, de l’équipe « Procédés d'enlèvement de matière » du Département Matériaux, Procédés, Interactions de l’I2M, ainsi que de l’ICA de Toulouse. References [1] Ji G, Ouyang Z, Li G, Ibekwe S, Pang S-S. Effects of adhesive thickness on global and local mode-I interfacial fracture of bonded joints. International Journal of Solids and Structures 2010;47:2445–58. doi:10.1016/j.ijsolstr.2010.05.006. [2] McCarthy CT, McCarthy MA, Stanley WF, Lawlor VP. Experiences with modeling friction in composite bolted joints. Journal of Composite Materials 2005;39:1881–908. doi:10.1177/0021998305051805. [3] McCarthy CT, McCarthy MA. Three-dimensional finite element analysis of single-bolt, single- lap composite bolted joints: Part II - Effects of bolt-hole clearance. Composite Structures 2005;71:159–75. doi:10.1016/j.compstruct.2004.09.023. [4] Gohorianu G. Interaction entre les défauts d’usinage et la tenue en matage d’assemblages boulonnés en carbone/époxy. Thèse de doctorat Université Toulouse III, 2008. [5] Adam L, Bouvet C, Castanié B, Daidié A, Bonhomme E. Discrete ply model of circular pull- through test of fasteners in laminates. Composite Structures 2012;94:3082–91. doi:10.1016/j.compstruct.2012.05.008. [6] Le Goff E, Bois C, Wargnier H, Wahl J-C. Impact of material degradations on load transfer and assembly behavior. Application to reinforced holes in composite assembly. ECCM15 - 15TH European Conference on Composite Materials, Venice: 2012. [7] Le Goff E. Etude des transferts de charges dans les alésages composites, application aux renforcements par bague frettée collée. Thèse de doctorat Université Bordeaux 1, 2013. [8] Egan B, McCarthy MA, Frizzell RM, Gray PJ, McCarthy CT. Modelling bearing failure in countersunk composite joints under quasi-static loading using 3D explicit finite element analysis. Composite Structures 2014;108:963–77. doi:10.1016/j.compstruct.2013.10.033. [9] Lecomte J, Bois C, Wargnier H, Wahl J-C. An analytical model for the prediction of load distribution in multi-bolt composite joints including hole-location errors. Composite Structures 2014;117:354–61. doi:10.1016/j.compstruct.2014.06.040. [10] Chakhari J, Daidié A, Chaib Z, Guillot J. Numerical model for two-bolted joints subjected to compressive loading. Finite Elements in Analysis and Design 2008;44:162–73. doi:10.1016/j.finel.2007.11.010. [11] Paroissien E. Contribution aux assemblages hybrides (boulonnés/collés) - Application aux jonctions aéronautiques. Thèse de doctorat Université Toulouse III, 2006. [12] Ekh J, Schön J. Finite element modeling and optimization of load transfer in multi-fastener joints using structural elements. Composite Structures 2008;82:245–56. doi:10.1016/j.compstruct.2007.01.005.
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