Basculer à la rue : la peur post-Covid - LE JOURNAL DE LA FONDATION ABBÉ PIERRE # 109 - Fondation Abbé Pierre
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« et les autres ? » ı #109 ı 02 08. Basculer à la rue : la peur post-Covid 07. Jérôme Fourquet : « Davantage Une clé pour de personnes vont passer sortir de l’exclusion sous la ligne de flottaison » Sommaire 07. La Fondation agit 17. La Fondation observe Une clé pour sortir de l’exclusion « Il faut un vrai plan de prévention des expulsions » 08. La Fondation analyse Basculer à la rue : la peur post-Covid 18. Avec la Fondation Groupe Matmut : des salariés solidaires Jérôme Fourquet : « Davantage qui assurent ! de personnes vont passer sous la ligne de flottaison » 20. La Fondation se souvient Message de l’abbé Pierre 15. La Fondation réagit Accès à l’eau, accès à la santé, à l’éducation, il serait injustifiable et contreproductif que ces efforts ne soient pas reconduits dans la durée. « et les autres ? » est édité par la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des défavorisés : 3, rue de Romainville – 75019 Paris – Tél. : 01 55 56 37 00 – www.fondation-abbe-pierre.fr ISSN : n° 1245-3420. Publication trimestrielle Commission paritaire n° 0518 H89713. Abonnement annuel : 4 €, prix au numéro : 1 € / Service Donateurs : 01 55 56 37 25 / Président : Laurent Desmard / Directeur de la publication : Christophe Robert / Rédacteur en chef : Yves Colin / Journaliste et secrétaire de rédaction : Delphine Picard / Maquette : Tiens Donc ! / Impression : Orient express 6, rue Bezout 75014 Paris / Routage : France Routage 2, av. Gutenberg 77600 Bussy-St-Georges – Ce numéro comporte un encart sur une partie de la diffusion. © Couverture : Pierre Faure COMITE CHARTE ÉQUIVALENCE PANTONE ÉQUIVALENCE QUADRI COM_12_0000_Don_Logo 17/07/2012 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com PANTONE 287 C CYAN 100 % MAGENTA 90 % Ce fichier est un document d’exécution créé sur Illustrator version CS3.
15. Édito Accès à l’eau, accès à NOUS SOMMES LÀ la santé, à l’éducation, il serait injustifiable et U contreproductif que ces ne fois de plus, je souhaite profiter de cet éditorial pour efforts ne soient pas venir vous remercier, chers donateurs, chers lecteurs, qui nous soutenez moralement, physiquement et finan- reconduits dans la durée cièrement partout sur le territoire et souvent depuis de nombreuses années. Sans vous, nous ne pourrions mener le combat qui est le nôtre et que nous poursuivons sans relâche, jour après jour. Sans vous, la voix des « sans-voix » ne pourrait être entendue, alors que la pauvreté et le mal-logement progressent en France et partout dans le monde. Dans ces mois particulièrement incertains et cette fin d’année au cours de laquelle le risque est grand que l’économie ne l’emporte sur l’humain, soyez certains que la Fondation partagera et portera votre inquiétude et témoignera de votre solidarité auprès des pouvoirs publics et jusqu’au plus haut sommet de l’État. Comme l’abbé Pierre et comme vous, la Fondation se tient au plus près de celles et ceux qui ont peur de ne pas pouvoir s’en sortir, d’être dans une situation encore plus précaire que celle qu’ils Six mois inédits connaissent déjà. Sachez-le, la Fondation se tiendra toujours aux côtés des plus fragiles 6 mois après son lancement, le et elle continuera de dénoncer l’injustice encore plus fort s’il le faut. fonds d’urgence de la Fonda- Oui, la Fondation est en ordre de bataille pour faire la guerre à la tion a aidé plus de 101 500 per- misère et cela, grâce à votre soutien sans faille. sonnes et d ist r i bué plus de 14 2 8 0 0 t ickets- ser v ice par tout Je souhaite terminer ce texte en partageant avec vous ces mots de sur le territoire, grâce à l’aide de l’abbé Pierre et rappeler qu’ensemble, nous pouvons changer les quelque 400 partenaires associatifs choses : « La solidarité, c’est deux choses. C’est rendre l’autre solide sur le terrain. et c’est être solide ensemble. ». Laurent Desmard, Président de la Fondation Abbé Pierre
La Fondation agit « et les autres ? » ı # 109 ı 04 Trois en un « Toits d’Abord » : + 3 ! Renouvelé en mars 2020, le partenariat avec la région Ile-de- V France permettra aux associations enir laver et sécher son linge activités est notamment rendu pos- soutenues par la Fondation à très bas pri x, cela fait plu- sible grâce au soutien financier de la d’accéder à des subventions sieurs années qu’un tel service Fondation qui a permis « d’amorcer régionales majorées. Grâce à est proposé aux habitants de Reme- la pompe », précise K haled. Outre ce partenariat, les opérations lange, quartier populaire de Fameck l’achat de matériels professionnels financées par le programme « Toits (57). Aujourd’hui, grâce à la régie de de lavage et de couture, elle finance d’Abord » obtiennent un soutien quartier, l’atelier couture/ laverie également un poste de formatrice renforcé. Depuis 2017, année de compte plus de 200 adhérents qui pour animer l’atelier couture/laverie signature de la convention initiale, bénéficient de services multiples et jusqu’en juin 2021 prochain. 395 logements ont été soutenus par très compétitifs : D’ores et déjà, 4 femmes en inser- la Fondation et le CRIF. Dans cette « Nous voulons aller plus loin en pro- tion bénéficient de l’accompagne- région où le marché immobilier est posant plus qu’une simple aide écono- ment professionnel de la formatrice. très cher, produire des logements mique. Nous souhaitons faire du por- À terme, la régie envisage de lancer une abordables pour les personnes les tage de linge lavé et repassé à domicile activité de confection de prêt-à-porter plus démunies est un véritable défi. car beaucoup de personnes âgées ne accessible aux habitants et compte éga- peuvent se déplacer », précise Khaled lement utiliser les bâches plastiques Benouadah, directeur de Remelange obsolètes des entreprises locales pour La 5e édition Services. Le développement de ces créer des sacs et des pochettes. du festival « C’est pas du Luxe ! » reportée à une date ultérieure « 3 fers au feu » En raison de la situation sanitaire A actuelle et pour ne pas mettre en vec cette formule, Michel Pedron résume danger le public, les participants, bien son activité de bénévole à la Fondation. les artistes, les bénévoles et les À l’heure de la retraite, en 2017, alors que salariés, le comité d’organisation la question de la précarité énergétique avait fait du festival a décidé, à regret, de partie de son champ professionnel, Michel a sou- reporter ce temps de rencontres et haité poursuivre son action en faveur du logement. de partage à une date ultérieure. « Sans hésiter, je me suis engagé dans les chantiers solidaires que mène la Fondation sur le territoire breton. Finaliser un chantier, achever d’embellir une salle de bains, une chambre, c’est permettre aux per- sonnes de vraiment tourner la page et de repartir. » L’été dernier, pas moins de 4 chantiers solidaires se sont enchainés. « La Fondation a monté un parte- nariat très intéressant : elle fait l’intermédiaire entre les promoteurs locaux qui ont régulièrement des biens vides, parfois plusieurs années avant d’être démolis, et les associations qui cherchent des logements. » Pas besoin de demander à Michel s’il compte poursuivre son bénévolat : « Quand on repasse devant les maisons et qu’elles sont habitées ; quand on partage un café avec l’habitant, une fois les travaux finis, on se dit que c’est vraiment important que la Fondation permette tout ça ! »
05 ı « et les autres ? » ı octobre 2020 La Fondation agit Préparer la fin de vie D epu i s 2015, la Pension de Famille « le Pari », à Voiron (38) réf léchit au vieillissement de En régions ses habitants. À partir de 2 enquêtes sociologiques menées pendant 2 ans Compte tenu du contexte sanitaire puis d’une étude collaborative finan- actuel, les éclairages régionaux sur cée à hauteur de 32 % par la Fonda- le mal-logement feront l’objet de tion, elle a créé la plateforme VIP, communiqués de presse enrichis Viei l l issement et précar ité, avec et seront mis en ligne sur le site 4 autres Pensions de famille iséroises professionnels du social et de la géria- de la Fondation le 16 septembre et l’Institut de Formation en Travail trie, groupes de parole et art-théra- pour l’Auvergne-Rhône-Alpes, le Social. L’objectif de cette plateforme pie… 5 ateliers sont animés tous les 23 septembre pour l’Occitanie, est de faire évoluer les pratiques en mois avec des habitants, des hôtes puis les 8 et 13 octobre pour la termes de prévention et d’accompa- de Pensions, mais aussi un médecin Nouvelle-Aquitaine et la Bretagne. gnement jusqu’à la fin de vie. gériatre et une formatrice, en vue Formation qualifiante des accompa- d’apporter des réponses pratiques aux gnants, accès à l’information et aux questions et aux besoins de plus en outils, immersion dans les champs plus nombreux dans les lieux de vie. « Je sens bien que je vais mieux » À 65 ans, Martine ne pensait pas avoir ce ressenti. Les travaux réalisés dans sa maison au cœur du plateau picard ont vraiment changé sa vie. Liban Elle et son mari se sont installés il y a plus de 40 ans dans une longère, à Bulles, petit village de l’Oise. « La toiture fuyait, ça sentait l’humidité, le moisi et En soutien aux sinistrés des zones quand je chauffais, tout partait dehors. J’avais une cuisinière à bois et un poêle touchées par l’explosion du 4 août à fuel qui me servaient pour me chauffer. Comme je ne suis pas frileuse, je ne me à Beyrouth, la Fondation a débloqué plaignais pas, mais c’est vrai que maintenant je vois la différence, c’est plus sain immédiatement 40 000 euros d’aide et je me sens vraiment mieux chez moi ! C’est isolé partout et ça fait vraiment supplémentaire auprès de son plus propre. Je ne pensais pas que ce serait possible… » partenaire PUI (cf p. 6) pour financer La Fondation Abbé Pierre a participé à hauteur de 14 % à la phase deux de la une intervention de protection rénovation de cette maison de 90 m2, dans le cadre de son programme « SOS d’urgence et réhabiliter au plus vite Taudis ». Depuis 3 ans, elle a soutenu de la même manière quelque 20 familles les centres de santé détériorés. dans leur projet d’amélioration de logements dans le département de l’Oise. « Moi si j’étais Maire » Le droit à la santé Suite au contrat d’engagement pour lutter contre le mal-logement D qu’elle a proposé aux Maires epuis janvier dernier, « Déclic », soin. Ouverture de droits, séances de fin juin, la Fondation organise la Boutique Solidarité de Mantes- vaccination, couverture et suivi médi- du 1er octobre au 7 novembre à la-Jolie, a mis en place des actions cal, écoute du corps, prise en compte Saint-Denis de La Réunion, une en faveur de l’accès à la santé des du déni de santé, orientation et accom- exposition photographique qui personnes en errance pour répondre pagnement physique vers l’hôpital… souligne l’engagement de tous les à leurs besoins et les amener vers le Chaque semaine, une infirmière et un citoyens pour combattre ce fléau. travailleur social chargé de réaliser L’exposition devrait par la suite des bilans de santé se succèdent en se déplacer dans les villes où les matinée à la Boutique. Issu d’un parte- Maires ont signé cet engagement. nariat avec l’ARS, ce projet est financé par la Fondation Abbé Pierre à hauteur de 19 %. Plus de 100 personnes ont d’ores et déjà bénéficié de ces entre- tiens collectifs ou individuels.
La Fondation agit « et les autres ? » ı # 109 ı 06 Sud Liban : un soutien à 100 % D epuis novembre dernier, la Fon- appuient « Première Urgence Interna- dation soutient financièrement tionale » pour identifier les familles l’intervention de l’association bénéficiaires. Chaque ménage loca- « Première Urgence Internationale » taire repéré se voit verser une aide dans les quartiers insalubres de la f inancière af in qu’i l puisse faire région de Saida où vivent dans la réaliser les travaux nécessaires à plus grande précarité de nombreuses la réhabilitation de son logement et familles syriennes, palestiniennes parallèlement, en contrepartie de et libanaises. Pendant un an, grâce la réhabi litation du logement, un Territoires à l’intervention d’artisans locaux, contrat est signé avec le propriétaire 4 0 0 per son nes v u l néra bles vont pour maintenir – voire baisser – le La Fondation publie fin octobre bénéf icier de travau x af i n d’être montant du loyer. un document de synthèse sur logées dignement. Au total, 100 loge- Face à la crise sanitaire mondiale les inégalités territoriales en ments insalubres situés sous les stan- qui a fragilisé encore plus fortement matière de logement, suite au dards humanitaires minimaux et 62 familles bénéficiaires de ce pro- colloque qu’elle avait organisé en loués principalement aux réfugiés, gramme, la Fondation a renforcé son novembre dernier sur ce sujet. vont être réhabilités. soutien financier dans le cadre de son Des acteurs locaux (municipalités, fonds d’urgence Covid. comités populaires, associations) De mots et de chairs Montpellier et Sète à l’honneur 3 ans après le lancement du plan « Logement d’abord », Emmanuelle Wargon, ministre du Logement découvrait le © Mélio Lannuzel 10 septembre deux structures soutenues par la Fondation. Christophe Robert et Sylvie Chamvoux-Maître, respectivement délégué général et directrice L régionale de la Fondation l’ont a compagnie marseillaise « Rara psychologue, cuisinier, accueillie avec l’ensemble des woulib » qui devait participer à la chercheur… les dix acteurs partenaires à la Pension de Famille 5e édition du festival « C’est pas du professionnels de la troupe ont tous « L’Atelier de Montpellier », Luxe ! » a préparé une œuvre unique des parcours de vie différents et puis dans des logements très née d’un travai l ar t ist iq ue mené certains poursuivent leur carrière sociaux à Sète, restaurés grâce depuis 2018 dans la cité phocéenne. en parallèle. au programme « Toits d’Abord » « Écrire avec les gens, s’immerger dans En situation de précarité ou concer- et l’investissement de Solifap. la cité et s’inscrire dans la ville pour nées par des problématiques de casser les barrières physiques et men- santé mentale, dix autres personnes, tales qui nous séparent de l’autre, c’est rencontrées au fil du temps dans les notre objectif », précise Julien Mar- structures médico-sociales marseil- chaisseau, pilote du projet. laises, se sont associées à la créa- Pour vivre et faire vivre ce travail tion de 2020. Co-auteurs de l’œuvre ar tistiq ue, une v i ng tai ne de per- artistique, les non-comédiens ont été son nes se sont ret rouvées rég u- rémunérés pour leur travail d’écri- lièrement à Marseille. Infirmière, ture par la compagnie.
07 ı « et les autres ? » ı octobre 2020 La Fondation agit La Ferme du Rail Une clé pour sortir de l’exclusion Quand l’hébergement propose plus qu’une mise à l’abri. D epuis juillet, le restaurant règlement intérieur que les étudiants rythme et de la dignité de chacun, de « la Ferme du Rail » est et donc les mêmes obligations. Notre qu’il s’agisse du parcours de soins, ouvert à tous. La dernière site met à disposition des espaces pri- de la mobilisation personnelle, ou étape de ce projet unique vés et collectifs qui leur permettent de encore de l’ouverture de leurs droits. en son genre qui a commencé à sor- se remobiliser et de rentrer dans une Les activités agricoles développées tir de terre en 2017. Située dans le dynamique. Elles ont également accès par « la Ferme du Rail » permettent 19e arrondissement de Paris, née du au restaurant et sont des clients comme à ces personnes éloignées de l’em- désir d’habitants et d’associations tout le monde. Ici, nous voulons créer ploi de se voir proposer des contrats du quartier, « la Ferme du Rail » a un mouvement auquel elles puissent d’heures travaillées et/ou de bénéfi- développé des activités agricoles de s’accrocher », précise Fabienne Lan- cier de formation qualifiante si elles maraîchage, permaculture et com- deroin, membre du projet. choisissent de participer au chantier postage autour de 2 bâtiments, dont d’insertion. l’un compte 15 places d’hébergement pour des personnes en grande diffi- Ce projet inédit dans lequel l’héber- culté d’insertion et 5 logements étu- gement fait partie intégrante du suivi diants répartis sur 3 étages. « Il y a une véritable des personnes en grande difficulté, En 2018, la Fondation Abbé Pierre a part d’investissement inclut également la mixité sociale. financé en partie la construction de Outre la présence de 5 étudiants qui ce centre d’hébergement et de réin- des personnes hébergées bénéficient d’un loyer particulière- sertion sociale atypique et perfor- dans le collectif. ment modeste à la porte de la capitale, mant énergétiquement (l’isolation de nombreux salariés qui travaillent en paille a été mise en œuvre par un au restaurant, au jardin ou dans la chantier d’insertion) qui place les Dans un cadre exceptionnel ouvert serre viennent de l’extérieur. Plu- personnes au centre de l’espace de sur la petite ceinture parisienne, les sieurs partenaires gravitent autour vie, à l’intérieur comme à l’extérieur. personnes hébergées aux parcours de ce projet, initialement et princi- « Il y a une véritable part d’investisse- de vie souvent chaotique, bénéfi- palement porté par « Réhabail » qui ment des personnes hébergées dans le cient en effet d’un accompagnement fédère plusieurs associations. collectif. Elles ont, par exemple, le même global respectueux des besoins, du
La Fondation agit 8 « et les autres ? » ı #106 ı Crise Covid : 8 millions de salariés en chômage partiel 2,5 millions potentiellement en difficultés pour payer leur loyer ou leur prêt immobilier 4,5 millions de logements Hlm où le taux d’impayés de loyer était de 4,8 % en avril (contre 4 % en temps normal)
09 La Fondation analyse L’activité économique reprend doucement depuis mai dernier, sous l’ombre menaçante du virus. Pendant le confinement, les plus fragiles, livrés à eux-mêmes, ont été les plus exposés. Puis, très vite, les plus modestes, fragilisés par le ralentissement économique, se sont vus menacés par les impayés de loyer. Basculer à la rue : LA PEUR POST-COVID U ne personne handicapée sans allo- de l’association « Consommation Logement et cation pendant 4 mois, un père Cadre de Vie » (CLCV), qui travaille en étroite isolé sans pension d’invalidité ; une collaboration avec la Fondation sur les pro- femme de ménage sans travail pen- blématiques de mal-logement dans le Finis- dant 3 mois… À Quimper, pendant tère. « On commence à vraiment ressentir une la crise sanitaire, des ménages se sont privés tension sur le marché du logement. Bien sûr, de nourriture pour payer leur loyer et leurs ce n’est pas Paris ! Mais, de plus en plus de charges malgré tout, sans pouvoir tenir très ménages modestes n’ont pas accès au logement longtemps. « Avec le Covid, nous avons eu une social. Les situations de précarité sont en aug- augmentation de 20 % des personnes fréquen- mentation », poursuit-elle. tant notre permanence et toutes avaient des dif- En plein centre de Quimper, la petite maison ficultés financières et alimentaires. Nous avons de Marie-Joseph. Victime de violence conju- distribué plus de 2 000 euros de tickets-service gale pendant le confinement, elle a dû fuir son pendant la crise sanitaire, cela ne nous était domicile plusieurs semaines. C’est la CLCV jamais arrivé et, pour certains, ces tickets ont qui lui a trouvé un hébergement d’urgence été d’une importance vitale. Mais ça n’a pas et qui a découvert à cette occasion sa dette de réglé la question du loyer. Dès l’été, des pro- loyer et l’insalubrité de son logement. « Dépo- blèmes d’impayés ont commencé à apparaître. ser plainte contre mon compagnon, faire un D’ailleurs, les offices hlm du département avec dossier Dalo et un dossier de surendettement… © Ljubisa Danilovic lesquels nous sommes en relation estimaient sans l’aide de Chrystelle, je n’aurais jamais alors à 10 % l’aug mentation des impayés réussi à faire toutes ces démarches. Je suis enfin de loyer due au Covid », précise Chrystelle chez moi et à l’abri. En plus, j’ai pu signaler Anvroin, salariée de l’antenne quimpéroise l’état d’insalubrité de mon logement.
La Fondation analyse 10 « et les autres ? » ı # 109 ı © Séb ! Godefroy « Le confinement, ça a été la goutte d’eau de trop » Marie-Joseph Je ne savais pas qu’on pouvait m’aider pour tout ça. Quand j’ai reçu le courrier de l’huissier © Séb ! Godefroy qui me disait que je devais quitter les lieux, j’ai vraiment eu peur… J’allais finir dans la rue à mon âge ? Sans rien ? » Ancienne femme de ménage, Marie-Joseph est retraitée depuis 5 ans. Quand Chrystelle lui a parlé de la circulaire Denormandie qui a stoppé temporairement les expulsions sans relogement le 2 juillet dernier, elle s’est sen- touchés de plein fouet par le chômage total P Un rendez-vous tie un peu rassurée. « Mais pas totalement. ou partiel, celles et ceux qui dépendaient des dans l’une des Entre mon compagnon et l’huissier, j’ai vrai- aides sociales et de petits boulots, sans oublier permanences ment passé des heures bien noires… heureu- que de nombreuses personnes, par dignité, de prévention sement que j’avais l’un de mes fils avec moi. ont bien souvent attendu le dernier moment des expulsions Mais j’ai encore peur car je sais très bien que pour venir chercher de l’aide. En Seine-Saint- et d’accès aux droits si je ne trouve pas un logement moins cher, je Denis, département le plus pauvre de France, de la Fondation. n’arriverai pas à m’en sortir à nouveau. Le des mesures exceptionnelles ont été mises en confinement, ça a été la goutte d’eau de trop. place, notamment l’aide pour le paiement des Aujourd’hui, c’est sûr, je ne veux plus avoir de loyers annoncée le jour de la fin de la trêve dette de loyer. Je me suis trop privée de tout, des expulsions locatives, le 10 juillet. « Elle j’ai souffert, je me suis battue, je ne veux plus va permettre à tous les habitants qui ont perdu continuer comme ça. » plus de 20 % de revenus à cause de la crise du Covid d’avoir un soutien financier, c’est très important », précise Emmanuelle Cheneau, « On a déjà sorti l’artillerie lourde » conseillère en économie sociale et familiale à Emmaüs Habitat, qui suit 230 familles à La crise économique a fragilisé brutalement l’année, dont 65 % en impayés de loyer. et profondément les plus modestes, parfois Au niveau national, si la France n’a pas créé déjà en équilibre précaire. Celles et ceux de fonds d’urgence d’aide au paiement des
11 ı « et les autres ? » ı octobre 2020 La Fondation analyse © Pierre Faure loyers pendant la crise sanitaire ni instauré P Simon, étudiant qu’à un moment, les critères d’aide risquent de de moratoire, le groupe Action Logement à Nancy, a trouvé se durcir. Beaucoup de familles risquent alors (chargé de collecter la participation des entre- cet été un travail de passer entre les mailles du filet. À Emmaüs prises à l’effort de construction) et la CAF pour payer son loyer. Habitat, c’est sûr, nous ne mettrons personne ont quant à eux mis en place des aides finan- Mais à la rentrée ? dehors, mais combien de personnes vont se cières au niveau national, respectivement à retrouver dans une situation précaire ? » hauteur de 150 euros renouvelables 1 fois et 650 euros en Seine-Saint-Denis. Ces sommes À Aulnay-sous-Bois, où les situations de pré- ont constitué une aide précieuse : « On a eu carité sont nombreuses et particulièrement beaucoup de cas de rupture totale de revenus accentuées, Marie Lou qui n’a toujours pas sur 3, voire 4 mois et il a fallu monter des plans touché sa pension d’invalidité depuis 5 mois, d’apurement de dette dans l’urgence car à côté scrute avec angoisse son compte bancaire. « Je du loyer, des charges, de l’assurance habitation regarde plusieurs fois par jour. Depuis la fin non payés, il y avait aussi les frais de découvert mars, je vis dans la misère. Je suis en découvert venus s’ajouter au reste. Aujourd’hui, on sait sur tout et sans les tickets-service, je crois que très bien qu’il va falloir 6 mois à un an pour je n’aurais pas tenu jusqu’à aujourd’hui. J’ai eu que tout rentre dans l’ordre. La rentrée va être une aide du CCAS pour mes charges, mais la très dure, notamment pour les services sociaux banque a tout pris pour payer le découvert… qui vont être débordés. Ce qui me fait peur, Je vis ici depuis 13 ans, c’est la première fois c’est qu’on a déjà sorti l’artillerie lourde, et que je me trouve dans cette situation.
La Fondation analyse 12 « et les autres ? » ı # 109 ı Quels vont être les mois à venir, alors que le virus reste présent et que l’activité n’a repris « Ce virus, il a vraiment pénalisé tout le monde. qu’au ralenti dans de nombreux secteurs ? « On s’interroge. Nous n’avons pour l’instant Il a fait des morts, des malades et mis des gens dans que des intuitions et aucune certitude. Para- la misère. On ne l’oubliera jamais. » doxalement, des bailleurs comme nous, qui Marie Lou logeons des populations modestes – la plu- part de nos ménages sont bénéficiaires des minima sociaux ou sont retraités – ont été et sont encore moins impactés par l’arrêt de l’ac- J’ai peur qu’on me jette dehors. Je dors un peu tivité économique. Mais on sait bien qu’il va y quand même, parce que je sais qu’Emmanuelle avoir des répercussions et qu’à ce moment-là, connaît ma situation et qu’elle va m’aider dès la mutualisation des moyens des bailleurs ne que le versement de ma pension aura été fait. suffira pas. Il faudra que les pouvoirs publics Mais j’ai appris mi-juillet que je n’allais pas nous soutiennent », précise Claire Lan ly, toucher tout ce qu’on me doit d’un coup, je ne directrice générale d’Emmaüs Habitat qui sais plus quoi faire… », avoue cette ancienne compte 13 000 logements en Île-de-France et ouvrière qui travaillait dans un centre de 50 000 locataires modestes. tri. Âgée de 59 ans, Marie Lou a pratiquement À la fin de l’été, le Collectif des Associations élevé seule ses 7 enfants, après avoir perdu Unies signalait que 24 % des alertes reçues son mari en 1998. « Pendant 6 ans, je suis allée P Fin août, nombre pendant la veille estivale concernaient des jusqu’au centre de tri d’Issy-les-Moulineaux, de départements expulsions locatives, recensées majoritai- j’avais plus de deux heures de transport pour observaient une rement à Paris et en Seine-Saint-Denis et y aller. Après toutes ces années, j’ai eu un pro- augmentation envoyait un courrier à la ministre E. Wargon blème de genou. J’ai toujours travaillé dans d’environ 10 % des pour demander que les instructions du 2 juil- ma vie. Avant le Covid, je n’ai jamais eu de allocataires du revenu let soient réaffirmées sans aucune exception. problème avec mon loyer, je suis très fière de ça. de solidarité active « Ce virus, il a fait des morts, des malades et Mais maintenant, qu’est-ce qui va se passer ? » par rapport au début mis des gens dans la misère. On ne l’oubliera Marie Lou n’est pas la seule à s’interroger. de l’année 2020. jamais. » confie Marie Lou. © Séb ! Godefroy
13 ı « et les autres ? » ı octobre 2020 La Fondation analyse Jérôme Fourquet « Davantage de personnes vont passer sous la ligne de flottaison » Jérôme Fourquet, politologue français et directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » de l’institut de sondages IFOP depuis 2011. En ce début septembre, on parle grands groupes industriels tels que beaucoup de la relance économique PSA, Renault ou Airbus, mais quid « Après les nombreuses alors que les conséquences sociales des centaines de sous-traitants ? Des de la crise du Covid émergent milliers de PME-PMI ? Le nombre de perfusions, le moment de plus en plus… personnes touchées va être énorme de vérité arrive. » Effectivement, l’on voit de plus en plus car les pouvoirs publics ont déjà fait la dualité de notre marché du travail : beaucoup, soutenant à la fois les entre- la merci du moindre pépin » et ce sont ce sont les plus modestes (intérimaires, prises et agissant aussi auprès des ces personnes-là qui risquent de bas- CDD, indépendants…) qui sont touchés plus fragiles. Rappelons les 11 milliards culer et de passer entre les mailles du et qui vont l’être davantage dans les débloqués avant l’été, puis le plan de filet. Bien sûr, on aura les statistiques mois à venir. Si nous revenons 2 ans relance annoncé en septembre… C’est du chômage, mais on ne connaîtra en arrière, à l’époque des gilets jaunes, maintenant, au fil de l’automne, que pas l’augmentation du volume et la toute une par tie de la population l’on va mesurer pleinement l’effet de situation des travailleurs pauvres et (salariés et indépendants) exprimait la crise du Covid sur les travailleurs précaires. Les statistiques ne mesurent sa difficulté à joindre les deux bouts pauvres et tous les précaires. Après les pas le degré de fragilité et d’exposition face à l’augmentation continue des nombreuses perfusions, le moment de qui se sont considérablement renfor- dépenses contraintes… ces personnes vérité arrive. cés par la crise du Covid. nous disaient : « Une fois que j’ai tout payé, il ne me reste plus rien. » L’IFOP va-t-elle lancer des enquêtes Les jeunes risquent d’être eux aussi Ce sont ces mêmes personnes qui pour cerner et mesurer ces particulièrement touchés… se trouvent depuis six mois en chô- conséquences ? C’est en effet une population tou- mage partiel, voir en chômage total ; Oui, et nous avons déjà effectué des chée de plein fouet et même si on ne celles-là encore à qui l’on propose sondages au début de la pandémie peut comparer un étudiant qui sort une réduction de 10 % de salaire pour qui ont révélé une chose : les Fran- de grande école à un intérimaire du maintenir l’emploi dans une entreprise çais ont anticipé la période actuelle et même âge ou à un décrocheur scolaire, de pièces aéronautiques, à Blagnac. se sont très vite inquiétés des consé- il est certain que pour les entrants sur Autre exemple, à Sochaux où en atten- quences économiques et sociales du le marché du travail, la situation va dant que les carnets de commande se virus, davantage que de ses consé- être très complexe et ce, de manière remplissent, on fait d’abord travailler quences sanitaires. Et ceux qui le durable. Ceux qui le peuvent vont les statutaires. Début septembre, 30 à pouvaient ont tout de suite épargné. jouer les prolongations en poursui- 40 % de la main d’œuvre intérimaire Nous avons aujourd’hui une très forte vant leurs études, mais les autres ? Ce ne travaille toujours pas sur ce site de hausse de l’épargne qui prouve bien type de crise a un effet implacable et PSA. Objectivement, cette catégorie que la relance économique va prendre injuste, elle frappe en premier et lour- de population est déjà moins bien lotie du temps. Les Français sont dans une dement ceux qui sont fragiles. sur le marché du travail et c’est elle position attentiste. Selon moi, il va fal- qui se trouve aujourd’hui fragilisée en loir de nombreux mois pour relancer la Jérôme Fourquet est l’auteur première ligne. consommation. On entend aujourd’hui de « L’archipel français ». Rapidement, l’État a soutenu les de plus en plus de gens dire : « On est à Éditions du Seuil. 2019.
La Fondation réunit « et les autres ? » ı #109 ı 14 M. J.T, donateur Dernier d’une famille de quatre enfants, « le plus petit, le plus gâté » précise-t-il avec une pointe d’humour, M. T s’est toujours senti privilégié dans la vie et a bien voulu témoigner de son engagement aux côtés de la Fondation. « Me s parent s m’ont i nc ulqué quelque s petites et moyennes entreprises, générant du chômage. grands principes : le courage, l’honnêteté, On ne peut pas laisser les personnes sans rien. Les la générosité. Modeste chef d’entreprise, j’ai mesures gouvernementales ne suffiront pas, plus de été passionné par mon métier et le succès a solidarité dans notre société sera nécessaire pour été au rendez-vous. Au fil des années, j’ai été de plus combattre cette grande misère. » en plus sensible à la grande misère. Il est vraiment insupportable de voir qu’à notre époque, dans notre « C’est pour tout cela que je soutiens la Fondation et beau pays, des personnes n’ont pas de logement ou que je donne autant que je peux. Au-delà du don, il y vivent dans des logements indignes, que des individus a cette conviction qu’il est de mon devoir d’aider ceux ne mangent pas à leur faim ! qui vivent dans la souffrance. Après la crise sanitaire, nous devrons faire face à Faire un don significatif pour soulager la grande une crise économique et sociale qui va être terrible. misère donne du sens à ma vie. » Il y aura une avalanche de dépôts de bilan parmi les Bon de soutien et d’abonnement E10 9JB SAB O À renvoyer à Fondation Abbé Pierre - Centre de Traitement des Dons - 59898 Lille Cedex 9 ! Oui, je décide de m’abonner au journal trimestriel de la Fondation Abbé Pierre : « et les autres ? » pour connaître ses actions, ses enjeux et ses résultats. 4 € pour 4 numéros par an. ! O ui, je soutiens la Fondation Abbé Pierre par un don de : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € ! Mme ! Mlle ! M. Raison sociale : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........................................................................... Code postal : . . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Téléphone (facultatif) : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ! Je préfère recevoir mon reçu fiscal par email et j’accepte de recevoir des informations de la Fondation Abbé Pierre à cette adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . @ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Règlement : ! chèque bancaire ou postal libellé à l’ordre de la Fondation Abbé Pierre La Fondation Abbé Pierre s’engage à protéger vos données personnelles et à les enregistrer dans un fichier informatisé en toute sécurité chez des prestataires de confiance. Leur traitement est réalisé par le service de la relation donateurs de la Fondation, pour gérer vos dons et envoyer vos courriers et reçus fiscaux. Vous pouvez exercer votre droit d’accès, de rectification et de suppression en contactant la Fondation Abbé Pierre - Centre de Traitement des Dons - 59898 Lille Cedex 9. Tél. : 01 55 56 37 25. Email : service.donateurs@fondation-abbe-pierre.fr Par notre intermédiaire, vous pouvez recevoir des courriers d’autres associations ou organismes partenaires, sauf si vous vous y opposez en cochant cette case : !
La Fondation réagit À peine la fin de l’état d’urgence sanitaire était-elle offi- cielle que, déjà, dans certaines villes, des places d’hôtels commençaient à fermer sans anticipation suffisante pour proposer des alternatives aux personnes ou aux familles hébergées depuis plusieurs semaines. Pire encore, les expulsions de campements se sont multipliées depuis le 10 juillet. Plus de 500 personnes ont été expulsées de 11 squats et bidonvilles. Ces expulsions ne sont suivies d’aucune solution de loge- ment digne et durable et aujourd’hui, 33 lieux de vie sont menacés d’une expulsion prochaine, soit 1 990 personnes. Parmi elles, des familles avec des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées et des personnes malades, qui ont particulièrement souffert pendant le confinement. Alors même que de bonnes décisions avaient été prises pendant la crise sanitaire et qu’un peu partout sur le territoire, plus ou moins rapidement, la puissance publique avait su prendre dans l’urgence des mesures qui avaient permis d’améliorer sensiblement la santé et les conditions de vie de ces personnes déjà fragilisées par leur situation. Accès à l’eau, accès à la santé, à l’éducation, il serait injustifiable et contre-productif que ces efforts ne soient pas reconduits dans la durée Partout en France, ces expulsions nient aussi le travail d’accompagne- ment vers la santé, l’emploi et l’insertion que fournissent depuis des mois de nombreuses associations, brisant net la dynamique d’inclusion dont bénéficient ces personnes particulièrement exclues. Mais ce n’est pas tout. Nombre d’associations s’inquiètent des évacua- tions de campements qui ont commencé elles aussi pendant l’été. Fin juillet, plus de 2 000 exilés ont été expulsés sans préavis d’un campe- ment installé le long du Canal Saint-Denis, à Paris. En Île-de-France, et particulièrement en Seine–Saint-Denis, des ménages sont expulsés sans proposition de relogement ni même parfois a minima d’hébergement. Lorsque des propositions d’hébergement sont faites, elles se font à l’hôtel pour quelques jours, une solution insatisfaisante et inadaptée pour les familles. Ces expulsions sont inacceptables et pour des milliers de personnes, dont des centaines d’enfants, l’angoisse et la peur sont à nouveau le lot quotidien. ©Séb!Godefroy
La Fondation observe « et les autres ? » ı #109 ı 16 Loyers encadrés Les métropoles de Lyon, Montpellier et Bordeaux devraient candidater à l’expérimentation d’ici le 24 novembre prochain et ©Séb!Godefroy s’engager à encadrer les loyers sur leur territoire. Les bailleurs devraient ainsi respecter une fourchette de prix au mètre carré rendue obligatoire selon le type de logement et le quartier, Pauvreté et logement social U à la signature d’un nouveau bail ou à son renouvellement. n Collectif de 6 associations, Ce rapport prouve que la réalité des dont la Fondation Abbé Pierre, situations des familles pauvres est en a présenté un rapport sur les contradiction flagrante avec la mise difficultés d’accès au parc social des en œuvre du droit au logement. Le Lutte contre la pauvreté ménages à faibles ressources dont Collectif propose 15 propositions qui l’une des conclusions est sans appel : touchent donc à différents leviers, La Fondation et d’autres plus un demandeur hlm est pauvre, rassemblés en trois catégories : loyers associations ont déploré la moins il a de chances d’obtenir un et charges / parc social accessible / suppression du secrétariat logement. Plus grave : dans les zones accès au Droit au logement. d’État à la lutte contre la tendues, des dizaines de milliers de pauvreté dans le nouveau ménages dépourvus de logements gouvernement Castex, La synthèse du rapport est en ligne ou mal logés restent en attente par sur le site de la Fondation : constitué le 6 juillet dernier. manque de logements sociaux finan- https://www.fondation-abbe-pierre.fr/ cièrement accessibles. documents/pdf/synthese_du_rapport.pdf À Mme Wargon Le 15 septembre, le Collectif des Associations Unies adressait Convention Citoyenne pour le Climat une lettre à Emmanuelle L Wargon, ministre auprès de a Fondation, avec l’Initiative citoyenne « Rénovons », soutient les conclu- la ministre de la Transition sions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), qui propose écologique, déléguée au notamment une avancée beaucoup plus ambitieuse que tous les dispositifs Logement, pour dénoncer publics actuels en fixant une obligation de rénovation globale des logements la reprise des expulsions énergivores dès 2024 pour les logements individuels mis en vente, puis pour dans les bidonvilles, les tous les autres logements d’ici 2040. campements et les squats. La CCC confirme également la date d’obligation de rénover les 3 millions de passoires énergétiques en location d’ici à 2028, conformément à la loi Éner- gie-Climat votée l’an dernier, avec le double défi de réduire drastiquement les émissions de CO2 tout en ne pénalisant pas les ménages modestes. Un fonds d’aide pour les impayés de loyer L e 10 juillet, avec la fin de l’état exceptionnel de la trêve hivernale être indemnisés en conséquence. d’u rgence sa n ita i re, les per- jusqu’au 31 octobre, donnant ainsi E n out re, la Fondat ion cont i nue s on ne s s ou m i s e s à de s pr o - un répit à ces ménages déjà très en de demander la mise en œuvre de c é d u r e s d ’e x p u l s i o n o n t v u l a difficulté et un temps supplémentaire mesures fortes, dont la création en protection de la trêve hivernale dis- pour apporter des réponses alterna- urgence d’un fonds d’aide au paie- paraître. C’est pourquoi la Fonda- tives à l’expulsion. Parallèlement ment des loyers et charges doté a tion avait demandé un prolongement les propriétaires concernés doivent minima de 200 millions d’euros.
17 ı « et les autres ? » ı octobre 2020 La Fondation observe Point de vue « Il faut un vrai plan de prévention des expulsions » Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement. ©TERRA Face à la crise du Covid, la Fondation double peine, avec des factures éner- demande qu’un fonds d’aide au gétiques beaucoup trop lourdes et des paiement des loyers de 200 millions logements mal isolés qui affectent Grâce au « Logement d’euros soit mis en place. leur santé. Dans le plan de relance, d’abord », depuis 2 ans, Que comptez-vous faire ? le système de crédit d’impôt pour 150 000 personnes sans Je suis convaincue que la vraie ques- travaux d’économies d’énergie (CITE) tion, c’est la fin de la trêve hivernale de sera totalement et définitivement domicile ou hébergées 2021. Aujourd’hui, la circulaire de mon remplacé par « MaPrimeRénov’ » sont entrées dans prédécesseur qui stipule qu’il ne peut dont le montant variera en fonction le logement. y avoir d’expulsion sans relogement des revenus et de l’étendue des tra- est appliqué. Nous surveillons cela vaux. Cette prime va permettre à ceux département par département. D’ici qui ont peu de moyens financiers de hébergées sont entrées dans le loge- le printemps prochain, je souhaite- pouvoir rénover leur logement. Nous ment par ce biais. Il faut continuer et rais mettre en place un véritable plan avons mis 500 millions sur cette aide nous allons lancer un nouvel appel cet national de prévention des expulsions cette année ; nous la doublerons l’an automne pour que de nouveaux terri- et des impayés de loyer. À la rentrée, prochain et nous l’augmenterons toires entrent dans cette dynamique. je prendrai l’initiative de rencontrer les encore l’année suivante. Nous allons Nous avons pour objectif d’augmen- associations, dont la Fondation, sans donc fortement inciter à la rénovation, ter sensiblement l’accès au logement oublier les propriétaires, pour qu’une mais nous renforcerons également grâce à ce dispositif l’année prochaine. vraie concertation ait lieu sur le sujet. les obligations, un prochain décret Faut-il un fonds d’aide ? Je n’écarte précisera le seuil de consommation Mais il faut aussi construire plus de aucune possibilité, toutes les options d’énergie au-delà duquel un logement logements accessibles, notamment sont sur la table. n’est plus considéré comme « décent ». des logements très sociaux et des loge- ments intermédiaires. J’ai également Vous avez été nommée peu après Dans l’actualité également, le plan pour objectif de poursuivre la trans- les conclusions de la Convention « Logement d’abord » qui produit formation des bureaux en logements Citoyenne pour le Climat, des résultats positifs là où il est initiée par mon prédécesseur et lutter la rénovation thermique des expérimenté… contre les logements vacants. Je sou- logements est-elle aussi une priorité ? Oui, effectivement, dans les 23 terri- haite également travailler sur l’étale- Bien sûr, la qualité des logements est toires qui sont entrés dans l’expérimen- ment urbain, en finançant notamment une de mes priorités. Il faut absolu- tation du plan « Logement d’abord » la réhabilitation des friches en zones ment réduire les passoires thermiques lancée par l’État en mars 2018, il y a urbaines. Nous allons mettre plusieurs sur notre territoire car locataires et des résultats positifs. Depuis 2 ans, centaines de millions d’euros pour propriétaires modestes subissent la 150 000 personnes sans domicile ou reconstruire là où la ville existe déjà.
Avec la Fondation « et les autres ? » ı #109 ı 18 Naturalia solidaire Naturalia a apporté son soutien aux personnes sans abri durant la crise avec une opération d’arrondi en caisse menée dans les 182 magasins de l’enseigne sur tout le territoire : 22 339 euros ont ainsi été reversés pour le Fonds d’urgence de la Fondation. « Naturalia a souhaité soutenir la Fondation Abbé Pierre dans une crise sanitaire où personne n’a été épargné. Il était important de ne pas oublier les plus démunis. C’est pourquoi, du 1er au 31 mai, nous avons invité nos clients à arrondir leur panier en caisse. » Sidonie Tagliante, Directrice Marketing © Yann Levy De plus, Naturalia a lancé l’initiative « masques solidaires » avec la vente de trois masques originaux Fondation SNCF pendant un an à compter du 29 juin 2020 ; la moitié des bénéfices étant reversée à la Fondation. La Fondat ion SNCF a appor té u n destiné à l’hébergement et à l’alimenta- mécénat de 100 000 euros au fonds tion d’urgence en faveur de personnes d’urgence de la Fondation pour aider sans abri et des plus vulnérables. » les plus démunis dans le contexte de À ce jour, le fonds d’urgence de la crise sanitaire. Fondation a permis de venir en aide Marianne Eshet, la déléguée géné- à plus de 101 500 personnes. rale : « Notre soutien est en particulier Des salariés Matmut qui assurent ! Quadro Le 6 juillet dernier, la Matmut annonçait un don de 1,2 million d’euros à 3 fon- dations, dont 25 % destinés à la Fondation Abbé Pierre pour soutenir la lutte Quadro (aménagement intérieur contre le Covid-19. C’est grâce à la générosité d’un grand nombre des salariés de la maison) a organisé une qui ont renoncé à une partie de leurs congés payés que ce don a été possible, opération « Libérez vos projets » l’entreprise s’étant engagée en contrepartie à convertir ces journées en somme dans ses 50 magasins et reversé d’argent et en abondant de 20 euros chaque journée offerte. 15 euros pour toute commande « La solidarité du Groupe Matmut trouve son évidence dans 60 ans d’engagement passée entre le 11 mai et le 30 juin. mutualiste. En complément des engagements et des actions solidaires pris à Lors de la remise d’un chèque l’égard des sociétaires et du monde de la santé, au cœur de cette crise inédite, je de 28 155 euros le 10 septembre, suis fier que l’entreprise ait permis aux collaborateurs d’exprimer leur solidarité, Laurent Raymond, directeur dans le cadre d’un accord d’entreprise signé avec les partenaires sociaux. Leur général a indiqué : « Nous nous mobilisation, notamment au profit de la Fondation Abbé Pierre témoigne de la sommes sentis concernés à la conception partagée de la solidarité qui nous anime et permet à notre entreprise fois par notre métier et par la d’être au rendez-vous de l’effort national. » Nicolas Gomart, Directeur général clientèle que nous touchons ; du groupe Matmut. un sentiment de responsabilité Autre possibilité proposée aux salariés, poser un congé dit « solidaire » pen- collective vis-à-vis des plus fragiles dant le confinement entrainant automatiquement le versement de 12 euros s’est rapidement imposé à nous. de la part du groupe d’assurances. « Ce dispositif de pose ou don de congés soli- Notre réseau a très favorablement daires a permis aux salariés de poursuivre et d’amplifier l’esprit de solidarité, répondu à cette mobilisation et valeur forte du Groupe Matmut, » souligne Olivier Ruthardt, Directeur général nous en sommes très fiers ». adjoint Ressources Humaines et Relations Sociales du Groupe Matmut.
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