Réfugiés : au-delà de l'urgence - LE JOURNAL DE LA FONDATION ABBÉ PIERRE #116 - juillet 2022 ı 1 € - Fondation Abbé Pierre
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« et les autres ? » ı # 116 ı 02 15. « Des dizaines de personnes en grande 08. vulnérabilité louaient Réfugiés : au-delà parfois uniquement de l’urgence des lits » Sommaire 04. La Fondation agit 17. La Fondation observe Un village déplacé et reconstruit Olivier Challan Belval : « Il faut un droit minimal à l’électricité » 08. La Fondation analyse Réfugiés : au-delà de l’urgence 18. Avec la Fondation EDF veut contribuer à lutter Première Urgence Internationale : contre la précarité énergétique L’aide humanitaire dans la confiance et la convergence 20. La Fondation se souvient 15. La Fondation réagit Message de l’abbé Pierre « Des dizaines de personnes en grande vulnérabilité louaient parfois uniquement des lits » « et les autres ? » est édité par la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des défavorisés : 3-5, rue de Romainville – 75019 Paris – Tél. : 01 55 56 37 00 — www.fondation-abbe-pierre.fr ISSN : n° 1245-3420. Publication trimestrielle Commission paritaire n° 0518 H89713. Abonnement annuel : 4 €, prix au numéro : 1 € / Service Donateurs : 01 55 56 37 25 / Président : Laurent Desmard / Directeur de la publication : Christophe Robert / Rédacteur en chef : Yves Colin / Journaliste et secrétaire de rédaction : Delphine Picard / Maquette : Tiens Donc ! / Impression : Orient express, 6, rue Bezout 75014 — Paris / Routage : France Routage — 2, av. Gutenberg 77600 Bussy-St-Georges / Ce numéro comporte un encart sur une partie de la diffusion. © Couverture : Pierre Faure COMITE CHARTE ÉQUIVALENCE PANTONE ÉQUIVALENCE QUADRI COM_12_0000_Don_Logo 17/07/2012 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com PANTONE 287 C CYAN 100 % MAGENTA 90 % Ce fichier est un document d’exécution créé sur Illustrator version CS3.
3 ı « et les autres ? » ı octbre 2021 17. Édito Olivier Challan Belval : UN VRAI DÉBAT « Il faut un droit minimal à l’électricité » DÉMOCRATIQUE D écidément, nous vivons une époque pleine de soubresauts. Après l’élection présidentielle pendant laquelle la Fondation a pris la parole pour la première fois de son histoire afin de s’opposer au rejet et à l’exclusion, nous nous trouvons aujourd’hui devant le risque d’un immobilisme institutionnel inédit dans la Ve République, alors que nous avons tant besoin de décisions politiques pour faire avancer la cause des plus pauvres, pour réduire © Sébastien Godefroy les inégalités et bâtir une société plus fraternelle, solidaire et respec- tueuse de notre planète. Fidèle à son fondateur, la Fondation qui a toujours été force de pro- position, le sera plus que jamais devant cette nouvelle Assemblée où Hommage elle sait qu’elle va devoir batailler pour que les plus modestes d’entre nous, les invisibles, les sans-voix soient au cœur du débat parlemen- taire et que le pays réponde aux multiples attentes de ces familles M ichel Carvou a été Délégué Géné- et de ces personnes qui sont dans l’espérance de solutions concrètes ral de la Fondation Abbé Pierre et dignes face à leurs problèmes quotidien de survie. de 1996 à 2003. Il a ensuite été Conseiller du Président jusqu’en 2004, En attendant, l’été est là et pour beaucoup d’entre vous résonne avec puis administrateur de la Fondation de période de repos. Un très grand merci pour votre confiance et votre 2011 à 2019. soutien sans faille. Au nom de la Fondation, je vous souhaite une Son départ le 28 avril dernier a provo- belle période estivale, remplie de ressourcement et de découvertes. qué un vide et une peine immenses à la Fondation. Sa mémoire et ce qu’il nous a légué donne aux salariés et bénévoles Laurent Desmard, qui ont eu la chance de le connaître et de Président de la Fondation Abbé Pierre travailler avec lui la force de prolonger le combat.
La Fondation agit « et les autres ? » ı #116 ı 04 SOS Taudis Dans le Bas-Rhin, la Fondation vient en aide à un couple qui ne peut assumer le reste à charge des travaux de sortie d’insalubrité de son logement, en complément de l’intervention de « Procivis Alsace ». Un village déplacé et reconstruit E n 2008, l’association, « Du Bes- 3 maisons sur les 6 construites cette sin au Népal », est venue en aide année, nous avons pu amorcer la au village de Dhye, situé dans pompe. Chaque maison est tirée au le Haut Mustang népalais. Victime sort. Nous avons voulu également Jeunes Reporters du réchauffement climatique, le vil- aider à développer une activité écono- lage devait être déplacé au pied de la mique car pour les habitants, le dépla- À Perpignan, des jeunes des rivière principale du secteur. Depuis cement du village devait devenir une quartiers populaires (13 à 25 ans) 2019, une centrale hydro-électrique, opportunité », précise Michel Houdan, apprennent à mener une enquête une école et un dispensaire ont été l’un des fondateurs de l’association. et réaliser des reportages construits. La Fondation participe à En 2021, 5 tonnes de pommes ont été audiovisuels sur la vie quotidienne hauteur de 36 % à la reconstruction produites grâce aux 10 000 pommiers des habitants en habitat Hlm. des premières maisons, la plupart plantés à 3 500 mètres d’altitude et La Fondation soutient à des villageois fournissant la main- depuis 5 ans, l’association assure la hauteur de 47 % cette action d’œuvre auprès des artisans locaux professionnalisation en arboricul- de promotion des habitants. qui interviennent sur le chantier. ture des habitants. D’ici 4 ans, les « Chaque famille participe, sous la familles devraient être toutes relo- forme d’une aide physique ou finan- gées durablement dans un habitat cière. Grâce à la Fondation qui finance traditionnel antisismique. « Répondre aux vraies questions » A vec l’énergie de ses convictions, Catherine, donatrice fidèle, a rejoint l’équipe bénévole lilloise en 2018 après plus de 30 ans de vie dans la capitale régionale. « Je suis arrivée pour une mission et n’en suis jamais repartie », précise cette jeune retraitée, ancienne ingénieure à la Métropole européenne de Lille. « Ma première mission à la Fondation, ce fut la tenue du stand à la braderie de Lille. J’ai tout de suite apprécié le contact avec le public, sans parler de la très bonne ambiance », se rappelle Catherine qui, malgré la crise sanitaire, est toujours restée en lien avec les personnes en demande d’aide, en maintenant avec quelques bénévoles le service des Appels de détresse. « On a tenu bon, mais j’avoue que ça n’a pas toujours été facile. » Avec la préparation de l’éclairage régional présenté début mars, l’équipe de bénévoles a retrouvé sa motivation première : « On a répondu à de vraies ques- tions avec cet éclairage, c’est important », note celle qui a défendu la notion de service public tout au long de sa vie professionnelle et qui est bien décidée à continuer d’agir pour les personnes mal logées au niveau de la collectivité territoriale.
05 ı « et les autres ? » ı juillet 2022 La Fondation agit « Une très grande aide » L es travaux viennent de commen- cer dans la maison qui donne sur la rue, dans un hameau proche de Savignac. La réalisation d’un che- min praticable permettra d’assurer la sécurité et l’autonomie du proprié- taire dont la mobilité est réduite. Montpellier C’est la CAF qui a orienté le couple modeste vers la « Maison de l’Habi- Comment comprendre son tat » afin de monter un dossier de environnement et mieux financement de sortie d’insalubrité agir collectivement contre en proposant une solution globale le mal-logement (réquisitions, d’amélioration de l’habitat et d’ac- squats...) ? Le Collectif compag nement de l a fa m i l le de montpellierain « Luttopia » 5 personnes. retrace son histoire et son « Les devis sont signés, je suis vraiment content ! On ne pouvait pas se permettre action. Un travail collaboratif tous ces travaux et je ne peux plus travailler comme avant dans la maison… C’est mené et soutenu par la une très grande aide qui nous est apportée et que tout le monde n’a pas la chance Fondation, avec à la clé, d’avoir », précise le propriétaire qui, depuis l’acquisition de la maison en 2014, un livret diffusé cet été. avait pu rénover deux chambres, installer des toilettes et refaire l’électricité en partie. La maison de 105 m 2 était restée vétuste et très mal isolée, sans cuisine. La Fondation finance cette réhabilitation à hauteur de 10 % dans le cadre de son programme « SOS Taudis », aux côtés de l’Anah, du Département et de la MDPH. « Ici, c’est la liberté ! » Fatouma a été l’une des premières locata i res de la résidence. Nigé - rienne, elle est arrivée en France en 2015 pour le suivi médical de son Sète à toi ! fils atteint d’une pathologie lourde. Pendant 3 ans, de 2018 à 2021, elle a Habitants de Pensions de appelé le 115. « Nous étions comme en famille, personnes accueillies prison à l’hôtel, il y avait des horaires dans les Boutiques Solidarité pour accéder à la cuisine commune, de la Fondation… Plus de nous avions une toute petite chambre 400 participants se sont et n’avions pas droit aux visites. Quit- retrouvés au bord de la ter ces conditions de vie a été un grand mer pendant 5 jours dédiés soulagement. Ici, c’est la liberté et les aux loisirs et au sport… de bénévoles de l’association qui m’ac- vraies vacances pour celles compagnent sont des anges ! », pré- et ceux qui en sont privés. À Gometz le Châtel (91), la Fon- cise Fatouma, qui a fait des études de dation a soutenu la production contrôleuse de gestion. d’une résidence de 9 logements Dans l’Essonne, l’association « Monde très sociaux par l’association « Monde en Ma rge, Monde en Ma rc he » a e n M a r g e , Monde e n M a r c he ». financé la production de 33 logements 6 familles monoparentales, 2 couples d’insertion (réhabilités ou neufs) avec avec enfants et un homme seul, tous le soutien de la Fondation Abbé Pierre, locataires très modestes, se sont ins- dans le cadre de son prog ramme tal lés dans des logements de 17 à « Toits d’Abord ». Ici, la résidence a 70 m2 performants énergétiquement. été financée à hauteur de 10 %.
La Fondation agit « et les autres ? » ı #116 ı 06 La Réunion La Boutique Saint-Joseph et le Collectif des Lucioles mènent une expérimentation pilote de réflexion avec des personnes mal logées, afin de créer un lieu de vie innovant et pérenne d’ici à 2023. C’est aussi dans une Boutique Solidarité, à Saint-Denis, que la conférence de presse de l’éclairage régional sur l’état du mal- logement s’est déroulée, le 2 juin. À La Réunion, on compte plus de « Les Elles d’Archaos » O 100 000 personnes mal logées. uvert trois jours par semaine qu’elles puissent avoir une liberté de depuis septembre 2021, ce lieu parole, qu’il n’y ait aucune gêne, ce qui encore trop rare, financé à hau- n’est pas toujours le cas dans un lieu teur de 26 % par la Fondation, permet d’accueil mixte », précise Marianne à 45 femmes de se retrouver à Toulon Santoni, ancienne assistante sociale, autour d’activités liées au bien-être présidente d’Archaos. et à l’expression artistique. Âgées de Massage, Sh iat su , maq u i l lage, 18 à 71 ans, un grand nombre d’entre relaxation, pilate, mais aussi dres- elles fréquentent l’accueil de jour sing, cours de couture, d’initiation toulonnais « Archaos » créé il y a à l’informatique, ou encore « pass près de 28 ans, mais ce nouveau lieu gynéco » et planning familial… tous dédié est ouvert à toutes celles qui le les services et ateliers sont gratuits et souhaitent, habitantes du quartier ouverts à toutes. « On ne veut exclure du Pont-du-Las ou d’ailleurs, quelles personne, on s’organise et nous aurons que soient leur difficulté. « Nous vou- bientôt une salariée permanente », lons qu’ici, les femmes se sentent bien, précise la présidente. Esteville Le 22 janvier dernier, les travaux de la Pension de famille de 20 logements ont commencé à Un répit pour les mineurs en exil P Esteville (76), dans la propriété our év iter l’er rance dans les l’accès aux droits (aide sociale à l’en- où se trouve le lieu de mémoire bidonvilles de Grande-Synthe fance, santé, scolarisation, profession- dédié à l’abbé Pierre. La Pension et Calais aux mineurs isolés, la nalisation…) et leur apportons une devrait accueillir ses premiers « Maison Grand Nord » a ouvert ses aide administrative, s’ils souhaitent habitants en décembre 2022. portes à Lille, en mai. C’est l’associa- rester en F ra nce (pré vention des La Fondation, Emmaüs Habitat tion « Utopia 56 », soutenue à hau- risques, régularisation, regroupement et Emmaüs Alternatives teur de 10 % par la Fondation, qui est familial…). Nous sommes là pour les portent ensemble ce projet. à l’origine de ce projet exemplaire aider à faire un choix éclairé et non dédié à l’accueil et l’accompagnement pour les influencer », précise Marine, des jeunes migrants. Située près de hôte de la maison. Loos, cette « maison de répit » peut Dès que le jeune occupant se sent accueillir 13 jeunes mineurs, dans mieux, des temps informels et/ou des chambrées de 2 à 3 occupants. des rendez-vous i nd iv iduels sont La durée de séjour est de 15 jours, programmés afin de le préparer à renouvelable une fois. sa sortie et réévaluer son projet de « Nous accompagnons les jeunes vers migration, s’il le souhaite.
07 ı « et les autres ? » ı juillet 2022 La Fondation agit Lutte contre l’habitat indigne Défendre en impliquant les habitants « Chaque squat a sa logique 4 fois, jusqu’à cet été. « Au-delà du migrantes et en provenance des pays et son histoire ». Mar ie maintien du lieu de vie, travailler dans de l’Est. Mandatée par la préfecture Pascal, responsable de la le temps long nous a permis d’obtenir de Seine-et-Marne, elle a travaillé en solidarité France, à Habi- des résultats sur les problématiques 2020 en étroite collaboration avec tat-Cité, campe le décor avant d’évo- migratoires, sur les problématiques de l’association « Ville-Hôpital » à Noisiel quer le travail mené par l’association santé en lien avec les hôpitaux, concer- pour le suivi des parcours de soins depuis 2015 dans 6 squats situés en Île- nant les démarches administratives des habitants d’un squat de plus de de-France. À Pantin, Habitat-Cité est ou encore les demandes de logement 300 personnes, puis sur des squats d’abord venue en aide aux habitants social ». Depuis 2020, Habitat-Cité à Croissy-Beaubourg, Emerainville de manière collective. Un diagnostic se déplace sur les lieux de vie infor- et Torc y. « Nous organisons avec social réalisé auprès d’une vingtaine mels avec 2 salariés et 5 bénévoles “Ville-Hôpital” des maraudes sur les de personnes il y a 7 ans avait abouti parlant plusieurs lang ues slaves. squats de Seine-et-Marne : notre parte- à des préconisations d’hébergement naire propose des consultations médi- et de logement et aujourd’hui, 300 cales et des soins immédiats, tandis personnes, en majorité moldaves, sont que nous réalisons les démarches d’ac- suivies par Habitat-Cité. cès à l’hébergement, l’asile et l’assu- « Dès le début, on a accompagné les « Au-delà du maintien du rance maladie. Nous avons ouvert une habitants qui voulaient améliorer lieu de vie, travailler dans permanence interassociative à Torcy, leurs conditions de vie. Rénovation des le temps long nous a permis où des associations interviennent dans chambres, des sanitaires, réfection de la les domaines de l’asile, du logement, de cuisine… ils ont participé aux travaux d’obtenir des résultats… » la santé et du droit des femmes ». réalisés dans le squat et la dynamique É la rg i ssa nt son c ha mp d’ac t ion, collective a pris forme pour défendre « Le soutien de la Fondation nous per- l’associat ion a été mandatée par leurs droits. Des questions relatives aux met de proposer aussi un accompagne- le département de Seine-et-Marne démarches d’insertion ont été posées, ment individuel dans nos bureaux à pour travai l ler sur la résor pt ion des cours de français proposés et des Pantin à toute personne à la rue ou en des bidonvilles. « L’enjeu pour nous, formations, sans oublier les démarches hébergement d’urgence, sans-papiers, avec notre expérience, c’est que les pour régulariser la situation de cha- déboutés du droit d’asile, réfugiés… collectivités locales, mais aussi les cun », précise Marie. Grâce à Habi- L’année dernière, 300 personnes nous bailleurs, suivent nos préconisations tat-Cité et le soutien d’une avocate qui ont sollicités. » Au total, depuis 2 ans, en matière de relogement et d’héber- a défendu les habitants, l’expulsion Habitat-Cité a accompagné près d’un gement jusqu’au bout pour que le par- du squat de Pantin a pu être reportée millier de personnes, en majorité cours d’insertion soit une réussite. »
79,5 millions de personnes déracinées à travers le monde, dont : Près de 46 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays 26 millions de réfugiés 4,2 millions de demandeurs d’asile (HCR, 2019)
09 La Fondation analyse Porter secours, mais pas seulement. À chaque catastrophe humanitaire, c’est la notion d’aide qui est à redéfinir pour redonner aux victimes la possibilité de vivre dignement. Réfugiés : AU-DELÀ DE L’URGENCE « On cha sse les rats toutes les nuits ». Ce témoignage d’un jeune roumain, installé entre deux bretelles d’autoroute à Bondy, en Seine-Saint-Denis, Annabella Orange s’en souvient encore. Là, des familles entières survivaient sans eau potable, sans électricité. C’était il y a dix ans. Aujourd’hui, des habitants de ce bidonville désormais sur des phénomènes mafieux de trafic, voire de traite, de grande ampleur… Ce temps long d’intervention sur la base de projets redéfinis chaque année nous a également permis d’abor- der des problématiques de santé de deman- deurs d’asile géorgiens qui expliquent en partie leur exil jusqu’à la France. » disparu, travaillent et sont logés en Hlm. « Ce Comprendre les causes qui est fondamental, c’est de donner la parole aux exilés. Recueillir le témoignage de chacun, Dans les per manences q ue l’associat ion être à l’écoute du parcours permet un véritable anime ou dans les visites qu’elle réalise, c’est accompagnement. À Habitat-Cité, nous interve- toujours la personne dans sa globalité qui est nons habituellement à une petite échelle, celle écoutée et aidée, si elle le désire. « Devant de du squat de moins de 50 personnes, mais ces nombreuses pathologies lourdes, nous avons dernières années, nous avons été sollicités sur décidé de nous rendre en Géorgie avec un méde- des squats allant jusqu’à 400 personnes », pré- cin bénévole à la rencontre des profession- cise la directrice de l’association qui travaille nels de santé, nous les avons questionnés. Ce notamment depuis 2005 à l’amélioration des sont les réfugiés qui nous ont conduits à cette conditions de vie des habitants russophones, démarche. Dans l’absolu, le but, c’est le reloge- © Yann Levy Roumains et Caucasiens, dans des lieux de vie ment, mais avant, il faut comprendre la cause informels d’Ile-de-France (cf. page 7). « Par de l’exil et du squat. Pourquoi les personnes le biais des récits de vie, nous avons pu agir sont arrivées là », ajoute A nnabel la.
La Fondation analyse 10 « et les autres ? » ı #116 ı © Sadak Souici | Première Urgence Internationale Comprend re pou r m ieu x défend re les P Intervention pathologies des habitants des squats, le suivi droits : entre 2019 et 2020, Me Claire Brug- d’une équipe avec des juristes et la mise en relation directe giamosca a ainsi pu obtenir l’annulation mobile médicale de avec des traducteurs, nous avons eu de très d’au moins douze obligations de quitter le « Première Urgence bonnes jurisprudences, portant annulation territoire français prises après le rejet de la Internationale », des obligations de quitter le territoire. La déli- demande d’asile, entraînant le réexamen de à Lviv, en juin 2022. vrance d’un titre de séjour pour soins permet la situation des personnes en raison de leur Les personnes âgées effectivement aux personnes de poursuivre leur problème de santé. « Les demandes d’asile de ont grand besoin suivi médical et plus globalement leur accom- Georgiens sont fondées sur des craintes avé- d’assistance médicale. pagnement. Au-delà du travail d’enquête en rées (violences conjugales, vendetta, carences amont réalisé par l’association, il y a ensuite au niveau judiciaire, notamment) nécessaires un suivi de leur part à l’exécution des décisions. pour toute demande auprès de l’Office français C’est très important », précise l’avocate. En de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) Île-de-France ou à l’étranger, les 14 salariés et et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), 50 bénévoles d’Habitat-Cité placent l’humain mais elles sont le plus souvent rejetées. Grâce au cœur de leurs actions afin de faire reculer aux documents fournis par Habitat-Cité sur les durablement la pauvreté et l’exclusion. « Ce sont les migrants eux-mêmes, les déplacés à l’intérieur d’un pays ou les exilés qui font les ponts, les liens entre nos actions. Nous sommes une petite association et voulons rester à une taille que l’on maitrise. Notre objectif, c’est de « La délivrance d’un titre de séjour pour soins permet travailler avec d’autres partenaires et d’être effectivement aux personnes de poursuivre leur suivi en lien avec les Collectivités territoriales pour médical et plus globalement leur accompagnement. » ouvrir des portes, qu’il s’agisse de l’héber- gement, puis du logement ; de la santé ou de Me Claire Bruggiamosca l’emploi. »
11 ı « et les autres ? » ı juillet 2022 La Fondation analyse P Le long du littoral, Dignité et solidarité une maraude d’Utopia 56 pour Privilégier les partenariats pour permettre le « Permettre un accueil digne répondre à l’urgence meilleur accompagnement possible, c’est aussi et solidaire, éviter aux exilés des besoins des ainsi qu’Utopia 56 fonctionne depuis 2015, à le passage systématique par la rue, nombreux réfugiés... Calais et Grande Synthe d’abord, puis ensuite à Rennes, Paris, Toulouse et récemment à Tours c’est notre objectif. » et Dijon. « Permettre un accueil digne et soli- Emelyne Hardy daire, éviter aux exilés le passage systématique par la rue, c’est notre objectif. Nous interve- nons dans l’urgence pour répondre aux besoins principalement les mineurs isolés en recours de première nécessité, dont l’hébergement, et pour la reconnaissance de leur minorité. palier les manques. On assure par exemple des « Nous avons ouvert 5 maisons en Île-de-France, maraudes de distribution et d’orientation dans à Tours et à Lille, dans lesquelles nous assurons des endroits et à des horaires non couverts un accompagnement global des jeunes, au-delà par d’autres associations. Le long du littoral, du temps de leur recours et jusqu’au logement les réfugiés ont la possibilité de nous appeler pérenne et autonome. Notre but, c’est de les faire 7 jours/7, 24 heures/24. À Paris, nous assurons passer du non-statut à la reprise d’un parcours une mise à l’abri pour les familles et femmes de vie complet », complète Emeline. Régula- seules à la rue, tous les soirs de l’année », précise risation administrative, scolarité, emploi, Emelyne Hardy, responsable des Partenariats. santé… « On s’appuie sur des associations spé- Au-delà de l’intervention d’urgence, l’associa- cialisées sur chacune de ces questions et notre tion assure également un accompagnement à rôle, c’est de commencer ce travail d’insertion plus long terme pour les exilés les plus vulné- dès que nous les rencontrons ». Dans les mai- rables, ceux qui se trouvent dans une situa- sons d’Utopia 56, les jeunes mineurs peuvent tion de vide juridique et institutionnel, dont rester jusqu’à 18 mois.
La Fondation analyse 12 « et les autres ? » ı #116 ı © Sadak Souici | Première Urgence Internationale Travailler sur la citoyenneté pour éviter le ce qui fonctionne en termes d’accueil digne, où P Une enfant et son non-statut et l’errance, est également l’am- que l’on soit. » chat dans l’un des bition d’Emmaüs International qui a tra- dortoirs aménagés vaillé dès 2013 sur cette thématique avec dans l’université un double objectif : tenir une conférence Citoyens du monde de Lviv, en juin internationale aux Nations Unies et créer 2022. Selon l’ONU, un passeport de citoyenneté universel pour Faire face aux crises migratoires actuelles l’Ukraine compterait dénoncer les politiques de non-accueil des ou à venir - la Banque Mondiale estime qu’il près de 8 millions de migrants. « Dès le début des années 2000, nous y aura 216 millions de déplacés climatiques réfugiés internes. avons pris position sur les questions d’accueil en 2050 - c’est rappeler sans cesse que la pau- inconditionnel et de libre circulation pour tous vreté n’est pas un crime et que la vie humaine les citoyens. En 2017, 400 organisations, dont doit être protégée. Faillites économiques et la Fondation Abbé Pierre, signaient avec nous politiques en Haïti et au Liban, coup d’État une lettre au Président Macron dans laquelle au Myanmar, déstabilisation de l’Irak, recul nous demandions un changement radical de sécuritaire au Burkina Faso… les situations la politique migratoire au niveau de la France d’urgence se multiplient et s’intensifient, et de l’Europe », précise Stéphane Melchiorri, nécessitant de plus en plus d’interventions responsable de la Solidarité Internationale. longues pour protéger durablement les réfu- À cette époque, pour conforter son action de giés, où qu’ils se trouvent. plaidoyer, Emmaüs International a mené un « On n’empêchera jamais quelqu’un qui se sent travail d’enquête de terrain auprès de nom- en danger de fuir son pays. Les migrations font breux migrants. « On s’est vite aperçu qu’il partie de l’histoire de l’humanité. Le problème, fallait d’abord communiquer à l’échelle mon- c’est le manque de concertation pour une poli- diale sur les bonnes pratiques qui réunissaient tique d’accueil digne. On le voit avec l’Ukraine, des Collectivités territoriales, des Villes, toutes l’intervention européenne commune a été posi- engagées contre la pauvreté. N’oublions pas tive. Des moyens ont été développés dans l’ur- que les premiers pays touchés par les migra- gence, il faut les pérenniser et en développer tions, ce ne sont pas les pays riches, souvent d’autres, notamment généraliser l’accès aux éloignés, ce sont les pays limitrophes, là où se dispositifs d’accès aux droits, créer des outils réfugient les plus pauvres, ceux qui ne peuvent de participation citoyenne », ajoute Stéphane. aller plus loin. C’est dans cette optique que nous Plus que jamais, à l’échelle nationale, comme travaillons avec des élus en France, à Lisbonne, au niveau mondial, aider les réfugiés, c’est à New-York ou Sao Paulo. Pour s’appuyer sur refuser l’indignité et l’exclusion.
13 ı « et les autres ? » ı juillet 2022 La Fondation analyse Première Urgence Internationale L’aide humanitaire dans la confiance et la convergence Avec Première Urgence Internationale (PUI), la Fondation intervient depuis 4 ans auprès des plus vulnérables à l’étranger. Camille Kaboulou, chargée des partenariats, Olivier Routeau, directeur des opérations et Margaux Vulliod, chargée de mission, évoquent ce partenariat. Quels sont les atouts de votre Puis, nous sommes venus en appui sur le plus long terme, de partage collaboration avec la Fondation pour développer l’accès à l’eau dans des bonnes pratiques... Partout, nous Abbé Pierre ? les logements privatifs de réfugiés et nous appuyons sur des techniciens, D’abord, la réactivité en ce qui finalement, après discussion avec les des professionnels de santé et du bâti- concerne le déblocage des fonds et bénéficiaires, nous avons orienté notre ment, les artisans locaux. Nous nous l’espace de discussion dont on bénéfi- aide sur des structures collectives, attachons à développer les mêmes cie pour définir des opérations visant l’école et le dispensaire médical. Avec liens humains et de confiance avec les à l’amélioration des conditions de vie la Fondation, nous sommes vraiment communautés que nous venons aider des plus précaires. Cela s’est illustré dans la recherche de sens au niveau qu’avec nos partenaires. Cette relation dès 2018, en Haïti, où il a fallu tout local. Même si nos logiques d’inter- de confiance permet la réactivité et reconstruire et où la collaboration vention sont différentes d’un pays à l’efficacité ; elle assure la pertinence a permis de finaliser la construction l’autre, en Haïti, au Liban, en Irak ou et l’impact durable de nos opérations d’abris pour les plus pauvres qui ne bien en Pologne plus récemment, il humanitaires pilotées par de gros bail- pouvaient reconstruire leur logement. s’agit toujours de répondre à l’urgence leurs institutionnels. De plus, il faut Cette volonté conjointe d’agir auprès des besoins en s’inscrivant dans une bien avoir en tête que nous sommes de ceux qui n’avaient vraiment plus logique de durabilité. de plus en plus confrontés à des crises rien et qui étaient isolés a tout de suite humanitaires qui durent et que dans ce fonctionné alors que les financements contexte, quel que soit le pays, il faut institutionnels sont moins réactifs. intervenir avec l’objectif de pérenni- La réponse que nous avons apportée ser des conditions de vie dignes dans là-bas est venue compléter ce que pro- « Cette volonté conjointe des situations critiques. Au Liban par posaient d’autres urgentistes. En Haïti, d’agir auprès de ceux qui exemple, où nous intervenons avec la la Fondation nous a permis de trouver n’avaient vraiment plus rien Fondation, les réfugiés palestiniens et des solutions durables, au-delà de solu- syriens sont en sur-précarité depuis et qui étaient isolés a tout tions d’accès aux services de première des dizaines d’années. nécessité (dont la mise à l’abri) et d’al- de suite fonctionné » ler plus loin. Grâce à elle, des maisons Et les réfugiés ukrainiens ? antisismiques et anticycloniques ont Après 4 mois de guerre, nous élargis- été construites pour ceux qui avaient Comment procédez-vous sur place ? sons la mise à l’abri et notre soutien tout perdu lors du cyclone. Première Urgence Internationale psychologique car les besoins ont La relation de confiance que nous compte 3 000 collaborateurs, dont évolué : outre les camps de transit le avons nous permet aussi d’ajuster 2 900 sont impliqués dans 24 missions long de la frontière, des campements et de réévaluer les projets que nous à l’étranger. Chaque mission a toujours à l’intérieur des terres accueillent des finançons ensemble. En Irak, par une porte d’entrée en lien avec l’ac- réfugiés qui s’installent durablement. exemple, nous avions d’abord prévu cès aux services essentiels – la santé, La confiance mutuelle entre la Fonda- d’agir près de Bagdad, dans une large l’eau, l’abri… – à partir de laquelle nous tion et PUI a permis d’agir vite sur le zone de 6 camps informels de réfu- cherchons à associer les populations à terrain et de continuer à répondre aux giés qui allaient être démantelés. des logiques de retour à l’autonomie besoins de la population.
La Fondation réunit « et les autres ? » ı #116 ı 14 Mme F, Lyon. M. D, Paris. « Je vous félicite et vous admire pour tout ce que vous faites « J’aimerais vous aider en donnant des meubles pour amé- pour les pauvres et les plus défavorisés de notre société. liorer les conditions de vie des mal-logés. Comment faire ? » J’espère que, d’où il est, notre cher Abbé est témoin de vos actions, il doit être “fier” de vous tous, pour tout ce que vous Nous vous remercions pour votre générosité et votre sou- entreprenez au nom de la solidarité et de l’humanité. tien à notre combat contre le mal-logement. Cependant, Son appel-radio du 1er février 1954 qui émut la France à la différence des communautés Emmaüs qui acceptent entière, est toujours (malheureusement) d’actualité et jus- tous types d’objets utilitaires ou décoratifs en bon état tifie l’existence de votre Fondation qui perdure depuis des (vêtements, meubles, équipements, électroménager…), décennies (bien heureusement !). De tout cœur avec vous nous ne disposons d’aucun service de stockage, de ramas- et bravo. » sage et de distribution. Pour connaître la communauté la plus proche de chez vous, vous pouvez joindre Emmaüs France au 01 41 58 25 00 ou sur leur site : www.emmaus- france.org/ou-donner-acheter/ Bon d’abonnement E116JABO au magazine « et les autres ? » À renvoyer à Fondation Abbé Pierre – Centre de traitement des dons 59898 Lille cedex 9 Si vous êtes donateur, inutile de vous abonner, vous recevez déjà chez vous le magazine trimestriel de la Fondation Abbé Pierre « et les autres ? ». ! OUI, je ne suis pas donateur mais je veux suivre les actions de la Fondation Abbé Pierre en m’abonnant au magazine « et les autres ? ». Je règle 4 € pour 4 numéros, par chèque à l’ordre de « Fondation Abbé Pierre ». ! Mme ! Mlle ! M. Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........................................................................... Code postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . J’accepte de recevoir des informations à mon adresse e-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . @ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Règlement : ! chèque bancaire ! chèque postal La Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, reconnue d’utilité publique par décret du 11 février 1992, SIREN 345 282 016, met en œuvre les traitements de données personnelles suivants : gestion des dons, envoi des reçus fiscaux, gestion des abonnements au Journal trimestriel des donateurs « Et les autres ? », appels à générosité. Conformément au Règlement (UE) 2016/79, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement et de portabilité de vos données, du droit de limiter ou de vous opposer à leur traitement. Vous avez en outre la possibilité de nous laisser vos directives spécifiques post-mortem dans les conditions à définir par décret. Vous pouvez adresser vos demandes d’exercice de droits par email à protectiondesdonnees@fondation-abbe-pierre.fr ou par courrier à Fondation Abbé Pierre RGPD, 3 rue de Romainville, 75019 Paris. En cas de réclamation, vous pouvez choisir de saisir la CNIL, 3 Place de Fontenoy, 75007 Paris. Pour plus d’informations, consultez notre politique de protection des données sur notre site Internet à l’adresse suivante : fondation-abbe-pierre.fr/protectiondesdonnees
La Fondation réagit 4 ou 5 boites aux lettres devant un pavillon en banlieue de Paris : une vision bien loin d’être anodine qui illustre en fait un phénomène inquiétant et de plus en plus répandu en Île-de-France, celui de la division pavillonnaire par des propriétaires qui achètent et divisent un ou plusieurs pavillons pour le louer à plusieurs ménages… ou pire encore, par des marchands de sommeil qui en font un marché scandaleux en logeant les personnes dans des conditions indignes. Dans la région francilienne, entre 2003 et 2013, le phénomène a touché en moyenne 1 maison sur 180… Un phénomène 2 fois plus intense en Seine-Saint-Denis où 1 maison sur 100 est concernée, allant jusqu’à représenter 38 % de l’offre nouvelle dans certaines communes* ! Des dizaines de personnes en grande vulnérabilité louaient parfois uniquement des lits Il y a un an, des locataires de Drancy et Bondy, en Seine-Saint- Denis, ont obtenu la condamnation du marchand de sommeil dont ils étaient victimes avec une trentaine d’autres locataires. Cette condamnation a permis de démanteler un véritable réseau constitué de 11 logements où des dizaines de personnes en grande vulnérabilité louaient parfois uniquement des lits, sous la surveillance d’une personne qui percevait les loyers et restait en lien permanent avec le marchand de sommeil. Face à ce fléau méconnu et mal maîtrisé qui touche aussi des logements en copropriété, les élus se sentent isolés et font parfois appel à des associations pour agir et protéger les vic- times mal logées qui se comptent aujourd’hui par centaines en Île-de-France. À Grigny, une permanence d’accompagnement socio-juridique ouverte en 2020 a engagé 8 procédures au civil et 6 procédures au pénal dans le cadre de divisions illégales de logements dont une a déjà abouti à une condamnation. Pour lutter contre la division pavillonnaire et éradiquer le fléau des marchands de sommeil, il est urgent de produire plus de logements abordables pour les ménages modestes et d’accom- pagner les victimes pour faire valoir leurs droits. *Selon une étude pilotée par la DRIHL en 2017.
La Fondation observe 16 « et les autres ? » ı #116 ı Les promesses du candidat Macron 700 000 logements rénovés par an, la décentralisation d’une partie des compétences logement aux intercommunalités et aux communes, la création d’une caution publique prenant en charge les impayés de loyer des locataires du parc privé… telles étaient les principales promesses du Zéro coupure candidat Macron en avril dernier. O La Fondation restera très vigilante utre la fin de la trêve hivernale, le 1er avril dernier marquait aussi la quant à la suite qui leur sera reprise des coupures d’énergie. Or, les interventions pour ménages donnée en veillant à ce que les plus en impayés ont déjà explosé en 2021, atteignant un niveau historique précaires ne soient pas oubliés. (785 000 coupures ou réductions de puissance, contre 552 000 en 2020). Pour la Fondation, il faut doubler le montant du chèque-énergie, accélérer la rénova- tion des passoires énergétiques et abolir les coupures d’électricité. Délogés : quel devenir ? L a Fondat ion retrouvé un vrai logement et vivent et l’Un iversité encore à l’hôtel ou chez un tiers et de Paris 1 Pan- 29 % des personnes interrogées n’ont théon-Sorbonne ont pu poursuivre leur activité profes- mené une enquête sionnelle à cause de l’expulsion. Droit au logement sur le devenir de 66 Par ailleurs, le moment de l’expulsion ménages ex pu lsés génère des conséquences psycholo- La Fondation et plusieurs de leur domicile et giques sur le long terme : 71 % des associations ont publié en mai pour la plupart suivis par le réseau interrogés ont des problèmes de santé un 2e rapport sur l’accès au d’Accompagnement aux droits liés à ou des difficultés psychologiques liés logement social des ménages l’habitat (ADLH) ou la plateforme de à cette douloureuse expérience. Les à faibles ressources dans prévention des expulsions de la Fon- enfants en sont les premières vic- 12 métropoles régionales. dation. L’expulsion représente une times : 80 % des familles confient Ce rapport montre que, « plus on rupture personnelle et un évènement l’impact direct sur leur bien-être, est pauvre, moins on a de chances traumatique : 1 à 3 ans plus tard, et 43 % ont constaté un effet sur la d’accéder au logement social ». 32 % des ménages n’ont toujours pas scolarité de leurs enfants. Expulsions : plus de 20 000 en 2 ans C ontrairement à ce qui avait été initialement annoncé par le gouvernement de M. Castex, le nombre d’expulsions de ces deux dernières années a dépassé les 20 000 ménages (8 156 en 2020, 12 000 environ en 2021), mal- gré le contexte sanitaire et social et l’extension de la trêve hivernale. La crise sanitaire aurait pourtant nécessité une limitation bien plus importante et, ce, d’autant plus que les circulaires — qui ont enjoint aux préfets de reloger ou d’héberger les ménages avant de procéder à leur expulsion — n’ont été que très partiellement appliquées. Sans relâche, la Fondation continue de plaider pour le déploiement de moyens conséquents, notamment pour renforcer l’accom- pagnement administratif et juridique, abonder et simplifier les aides au loyer du Fonds de Solidarité Logement et le fonds d’indemnisation des bailleurs.
17 ı « et les autres ? » ı juillet 2022 La Fondation observe Point de vue « Il faut un droit minimal à l’électricité » Olivier Challan Belval, Médiateur national de l’énergie depuis novembre 2019, à la tête de © Kim Redler l’autorité publique indépendante créée en 2006. Prix de l’énergie en forte hausse, chiffre éloquent, les fournisseurs d’effectuer une simple réduction de augmentation de la précarité d’énergie ont réalisé 785 000 inter- la puissance délivrée, cette mesure énergétique... Êtes-vous plus ventions pour impayés auprès des est déjà très incitative. Le lendemain sollicité ces derniers mois ? consommateurs en 2O21, ce qui repré- de la parution de mon communiqué Oui. Je rappelle que la loi m’a confié sente une augmentation de 17 % par demandant de mettre un terme aux deux missions principales, d’abord rapport à 2019 (l’année 2020 étant coupures pour impayés, le fournis- aider au règlement des litiges entre les mise à part, du fait de la crise Covid). seur EDF, qui alimente près de 70 % fournisseurs d’énergie (une trentaine) des consommateurs, a annoncé qu’il et les particuliers (nous avons reçu Le 19 octobre dernier, la Fondation agirait ainsi. Mais je pense que c’est 30 000 demandes en 2021), mais aussi demandait l’abolition des coupures aussi à la loi de le dire afin que cette informer les consommateurs, depuis d’électricité pour les personnes en interdiction s’applique à tous les four- notre site Internet et par un numéro impayés. Qu’en pensez-vous ? nisseurs d’électricité. vert (3,5 millions de personnes infor- Cette demande est légitime et je l’ai mées l’an dernier). formulée à mon tour dans un com- Êtes-vous favorable à En plus de ces deux missions, je for- muniqué de presse, le 10 novembre, à l’augmentation du chèque-énergie, mule des propositions pour améliorer l’occasion de la Journée nationale de comme la Fondation ? les pratiques sur les marchés de l’éner- lutte contre la précarité énergétique La fin des coupures d’électricité relève gie et faire évoluer les textes quand que la Fondation avait organisée. Il selon moi de la solidarité la plus élé- cela s’avère nécessaire. faut en finir avec ces coupures d’élec- mentaire, il s’agit d’un droit pour tous. Pour mieux faire connaître les pro- tricité dont les conséquences sont sou- Ce n’est pas la même chose qu’une blématiques rencontrées par les vent dramatiques. Que faites-vous, par aide financière. La priorité pour moi consommateurs, le médiateur natio- exemple, si vous devez conserver au est donc d’instaurer ce droit à une ali- nal de l’énergie publie chaque année frais des médicaments ? Aujourd’hui, il mentation minimale en électricité. Il un baromètre du marché de l’énergie. faut défendre le droit minimal à l’élec- faut donc réunir rapidement tous les La dernière enquête* parue en sep- tricité. Pour se chauffer, cuisiner, se interlocuteurs pour définir le niveau tembre 2021 est révélatrice d’une aug- laver, recharger son téléphone pour de puissance le plus juste (selon moi, mentation de la précarité : 60 % des pouvoir faire ses démarches… Dans entre 1 et 2 kVa) et décider les moda- personnes interrogées ont réduit leur le contexte de l’augmentation très lités de son financement. Cela ne me chauffage pour limiter leur facture ; forte des prix de l’énergie et du déve- semble pas impossible à court terme. 79 % ont confirmé que les dépenses loppement de l’usage de l’électricité Quant à l’argument selon lequel la fin d’énergie sont une part importante de qui est un bien de première nécessité, des coupures entrainerait l’augmen- leur budget ; 84 % se disaient « préoc- il faut arrêter de couper l’électricité tation des impayés, il ne tient pas, car cupées » par leur facture d’énergie. dans les foyers toute l’année. La cou- une réduction de la puissance d’élec- La privation est un phénomène qui a pure est une mesure particulièrement tricité délivrée reste une situation augmenté depuis 2 ans. Avec la hausse brutale qui place les consommateurs inconfortable. Je suis persuadé que des prix de l’énergie, il est à craindre concernés dans une situation encore nous arriverons à convaincre, un com- qu’en septembre prochain, ces chiffres plus précaire. Or, à la place des cou- bat légitime doit être mené, il n’est soient encore plus importants. Autre pures, en cas d’impayés, il est possible jamais perdu ! * Baromètre « énergie-infos », septembre 2021 : enquête auprès d’un panel de 1 500 personnes.
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