La fracture énergétique - LE JOURNAL DE LA FONDATION ABBÉ PIERRE #118 - Fondation Abbé Pierre
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« et les autres ? » ı #118 ı 02 15. L'absence de réponses 08. à un nombre croissant Hiver 2023 : de personnes en détresse La fracture énergétique est inacceptable. Sommaire 04. La Fondation agit 17. La Fondation observe « Aider, ça fait partie de ma vie » Christophe Robert : « Pour vaincre le mal-logement, il faut agir durablement » 08. La Fondation analyse Hiver 2023 : La fracture énergétique 18. Avec la Fondation « Saisons de la Solidarité » Olivier Sichel : « Mieux accompagner signé Eiffage Construction les ménages pour réussir la rénovation énergétique » 20. La Fondation se souvient 15. La Fondation réagit « Assurer le bien-être de tous » L'absence de réponses à un nombre croissant de personnes en détresse est inacceptable. « et les autres ? » est édité par la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des défavorisés : 3-5, rue de Romainville – 75019 Paris – Tél. : 01 55 56 37 00 — www.fondation-abbe-pierre.fr ISSN : n° 1245-3420. Publication trimestrielle Commission paritaire n° 0518 H89713. Abonnement annuel : 4 €, prix au numéro : 1 € / Service Donateurs : 01 55 56 37 25 / Président : Laurent Desmard / Directeur de la publication : Christophe Robert / Rédacteur en chef : Yves Colin / Journaliste et secrétaire de rédaction : Delphine Picard / Maquette : Tiens Donc ! / Impression : Agir Graphic, 96 bvd H. Becquerel 53022 Laval Cedex 9 / Routage : France Routage — 2, av. Gutenberg 77600 Bussy-St-Georges / Ce numéro comporte un encart sur une partie de la diffusion. © Couverture : Christophe Da Silva COMITE CHARTE ÉQUIVALENCE PANTONE ÉQUIVALENCE QUADRI COM_12_0000_Don_Logo 17/07/2012 24, rue Salomon de Rothschild - 92288 Suresnes - FRANCE Tél. : +33 (0)1 57 32 87 00 / Fax : +33 (0)1 57 32 87 87 Web : www.carrenoir.com PANTONE 287 C CYAN 100 % MAGENTA 90 % Ce fichier est un document d’exécution créé sur Illustrator version CS3.
Édito 17. UN BIEN TRÈS PRÉCIEUX Christophe Robert : « Pour vaincre le mal-logement, il faut agir durablement » e tenais avant tout, chers lecteurs, à vous remercier ici pour votre soutien et votre générosité qui sont pour les équipes de la Fondation, bénévoles et salariés, un bien très précieux dont elle saisit la mesure chaque jour. Grâce à votre fidélité, tout au long de l’année dernière, nous avons pu, ensemble, faire reculer l’exclusion et « faire la guerre à la misère », comme aimait à le dire l’abbé Pierre, notre fondateur. Production de logements très sociaux, accueil inconditionnel dans nos Boutiques Solidarité, logement et accompagnement dans nos Pensions de famille, lutte contre l’habitat indigne et précaire, accès « Grâce à votre fidélité, aux droits et prévention des expulsions locatives, solidarité interna- tout au long de l’année tionale… Grâce à vous, nous avons pu soutenir plus de 800 projets en 2022, partout sur le territoire, mais aussi à l’étranger, dans plus dernière, nous avons pu, d’une trentaine de pays. ensemble, faire reculer En ce début d’année et en plein hiver, nous le savons, les plus l’exclusion et “faire la guerre modestes, les plus fragiles d’entre nous auront encore plus besoin de notre soutien. 12 millions de personnes vivent en situation de à la misère” » précarité énergétique en France, l’une des plus grandes puissances Laurent Desmard mondiales. Et ce sont, encore une fois, les plus pauvres qui sont les plus touchés, le plus profondément affecté dans leur quoti- dien. Au-delà de ce constat inacceptable, nous devons aussi avoir conscience qu’aujourd’hui, lutter contre la pauvreté et le mal-loge- ment, c’est aussi lutter pour préserver notre planète et l’avenir des générations suivantes. Désormais, lutte sociale et lutte écologique sont étroitement et irrémédiablement liées. Laurent Desmard, Président de la Fondation Abbé Pierre
La Fondation agit « et les autres ? » ı #118 ı 04 « Aider, ça fait partie de ma vie » T ous les matins, à 6 heures 30, Daniel est à la Boutique Soli- darité de Saint-Denis. « Ça fait partie de ma vie d’aider les autres, si Jardin partagé je n’y vais pas, la journée est longue… La Boutique, c’est une nécessité ! Elle À Ambérieu-en-Bugey (01), la est la seule à proposer un petit-déjeu- Fondation soutient à hauteur ner tous les matins aux personnes à de 48 %, le développement du la rue. On a de plus en plus de monde, jardin partagé de l’Accorderie du et des personnes qui étaient “casées” Bugey, système d’échanges de reviennent en ce moment, la vie est services non monétaires créé en trop chère, elles n’y arrivent pas. » 2014. 200 habitants des quartiers Daniel, surnommé « Papi » par toutes populaires de la commune les personnes accueillies à la Bou- et des environs profiteront tique, vit à La Réunion depuis 2018 et pendant un an d’activités de a proposé ses services à la Fondation jardinage et de transformation dès son arrivée. « J’ai connu l’abbé des légumes, favorisant Pierre et Lucie Coutaz. À l’époque, sillonnant les mers du globe. « J’ai l’inclusion et le lien social. j’étais au Havre et je faisais des livrai- été à la rue pendant 9 mois aussi, sons de vivres non consommés tous je sais ce que ça fait… il ne faut pas les matins à Esteville. Je m’en sou- lâcher, pas un seul jour, et c’est ce que Hospitalité viens très bien ! », ajoute le retraité je dis aux personnes accueillies. Il faut qui fut scaphandrier-plongeur dans qu’elles restent actives tous les jours, Dans le Briançonnais, la Maison la Marine pendant toute sa carrière, pour elles. » Bessoulie est un lieu hybride dédié à l’hospitalité, qui s’adresse aux personnes exilées, aux travailleurs saisonniers, ainsi qu’aux touristes. Le fonctionnement de ce lieu 44 logements à La Havane d’hébergement financé à hauteur U de 20 % par la Fondation, permet n chantier de 3 ans vient de son haut niveau de détérioration du à une dizaine de personnes sans commencer dans le centre his- bâti. La Fondation soutient financiè- solution de logement d’avoir un torique de La Havane, zone d'in- rement l’association « Care France » toit et de se consacrer à leurs tervention d’urgence en raison de à hauteur de 60 % dans les travaux démarches d’insertion (accès aux de réhabi l itation d’une ancienne droits, cours de français…) en se banque « Aiguiar 360 » en 44 loge- sentant bien, avec la possibilité ments sociau x pou r des fam i l les de s’investir, de participer à vulnérables actuellement hébergées des activités ouvertes à toutes en logements de transit (financés en et tous. Géré par l’association partie également par la Fondation). « Quatorze », ce lieu souhaite Dans ces logements temporaires, des proposer bientôt des offres de familles contraintes par la Ville de tourisme responsable et solidaire quitter des immeubles trop vétustes promouvant la rencontre. et suroccupés en cours de rénovation, attendent d’être relogées. La Fonda- tion finance l’achat des matières pre- mières nécessaires à la réhabilitation Solidarité du bâtiment dont les matériaux de construction sont de bonne qualité À retenir : la 1re édition de (béton armé et sols de marbre) ; le « La Nuit de la Rue » organisée Bureau des Historiens, partenaire de par la Fondation, le 31 mars, à « Care France » assure la gestion des l’Olympia : concert exclusif avec travaux réalisés par des entreprises le rappeur Fianso, parrain de publiques et procédera à l’installa- la Fondation et tête d’affiche. tion de 176 occupants en 2024.
05 ı « et les autres ? » ı janvier 2023 La Fondation agit « Quitter la rue, c’est retrouver la vie. » La campagne d’hiver de la Fondation a été lancée le 15 novembre dernier. Solidarité Paysans Confiée à l’agence « Fred et Farid », elle s'est déclinée sous la L forme d’un court métrage réalisé a Fondation soutient financièrement l’association bretonne depuis 8 ans, par Arnaud Despléchin et sous lui permettant ainsi de maintenir ses permanences en Ille-et-Vilaine et 3 versions en affichage – celles dans le Finistère. Aujourd’hui, 120 bénévoles travaillent au repérage des de l’espoir, de la confiance situations de mal-logement. « Au début, notre association régionale intervenait et de la dignité retrouvés – auprès des entreprises agricoles en difficulté. Une fois le lien de confiance établi, signées par le photographe on essaye aussi d’intervenir sur les conditions de logement des occupants, on voit Aurélien Chauveau. de plus en plus de logements indignes, on fonctionne surtout avec le bouche-à- Elle sera visible partout oreille. Être bien dans son logement participe aussi au redressement de l’exploita- en France et à La Réunion tion agricole », note Morgane Guenegues, juriste de formation et animatrice de jusqu'en février. « Solidarité Paysans ». En 2021, grâce au soutien de la Fondation à hauteur de 45 %, 41 familles ont pu se maintenir dans leur logement et sortir de l’habitat indigne. Ce fut le cas d’Hervé : « Tout mon revenu partait dans l’exploitation. Avec le poêle, je n’ai plus froid, je vais mieux et j’arrive à faire mes journées. Je m’en sors et je peux rester chez moi. » Accueil solidaire et social A ccéder au logement, à la santé, bénéf ic ier de consei l s ju r i- État du mal-logement diques… plus de 1 000 personnes 2023 en difficulté bénéficient chaque année d’un accompagnement social et juri- La présentation nationale dique d’accès aux droits, à l’« Accueil du 28e Rapport sur l’État du solidaire et social Ozanam » (ASSOR), mal-logement en France se à Reims. À ce titre, « ASSOR » a été déroulera le 1er février prochain, soutenu par la Fondation à hauteur de à la Mutualité, à Paris. 44 % en 2022. « Nous avons beaucoup dans l’accès à leurs droits, dont l’accès Outre la présentation du de personnes en errance qui fréquentent au logement ; pour cela, nous travail- Rapport, 3 tables rondes l’accueil de jour, mais aussi de plus en lons étroitement avec un bailleur social se dérouleront l’après-midi plus de personnes qui travaillent et rémois. Cela représente 16 heures et aborderont la place du vivent dans leur voiture, au camping d’accompagnement par jour. Les ren- logement dans la société ou chez des tiers. Grâce au soutien de dez-vous sont pris 15 jours à l’avance française, la relance du la Fondation, 6 travailleurs sociaux tellement nous avons de demandes… », « Logement d’abord » et les accompagnent individuellement précise Yacine Karkare, le directeur. la régulation des marchés.
La Fondation agit « et les autres ? » ı #118 ı 06 Eau et hygiène pour les migrants Intervenant sur le bord de Manche auprès des personnes exilées en route vers le Royaume- Uni, l’association « Solidarités International », soutenue à hauteur Un ancien agriculteur logé dignement A de 77 % par la Fondation, met en place sur le littoral Nord, le lbert, retraité depuis un an, vivait jusqu’à l’année dernière sans eau 1er Observatoire des droits à l’eau courante, sans sanitaires, dans la maison familiale aveyronnaise où il potable et à l’assainissement est né, devenue dangereuse et plus que vétuste. Aujourd’hui, après des pour les exilés. Un soutien mois de travaux, le rez-de-chaussée a été entièrement rénové et isolé et les deux technique aux associations et étages supérieurs ont été condamnés. « Vu l’ampleur des travaux, nous avons institutions locales venant en seulement rénové l’espace de vie au rez-de-chaussée afin de pouvoir financer aide aux personnes migrantes des travaux de qualité assurant 75 % de gain énergétique », précise Guillaume sera également apporté tout au Bessière, responsable du service Habitat Aveyron, à l’association « OC’TEHA ». long de l’année (service de points Raccordement à l’eau courante, assainissement, installation de sanitaires, d’eau, articles d’hygiène, matériel changement des fenêtres, poêle à bois… Grâce à l’aide de l’Anah, de la région de plomberie…). 2000 personnes et de la Fondation dans le cadre de son programme « SOS Taudis » à hauteur exilées devraient en être de 16 %, Albert, a pu financer le reste à charge de la rénovation de la maison bénéficiaires sur les communautés familiale en vendant une partie de ses terres agricoles. À 83 ans, il est désor- du Calaisis et de Dunkerque. mais en sécurité et confortablement installé. « Sans l’aide de la Fondation, nous n’aurions pas pu boucler le financement de cette rénovation pourtant nécessaire, le propriétaire voulant finir ses jours chez lui. Dans une ferme, il y a beaucoup d’imprévus et on ne met pas l’argent dans le logement ». « Je ne regrette pas du Vivre ensemble tout ces travaux, j’ai bien plus de confort », complète Albert. La Facc ou Fabrique artistique culturelle et citoyenne, est l’université des décrocheurs scolaires et des jeunes en rupture sociale, de 6 à 30 ans. Des logements très sociaux Elle intervient dans les quartiers populaires des villes de Marseille à Deauville D et Strasbourg, développant des epuis 2014, la Fondation a sou- secondaires et très peu de logements activités artistiques liées aux tenu financièrement la rénova- vacants. Pour favoriser l’accès au cultures urbaines (rap, hip-hop, tion de 4 petites maisons des logement des plus modestes, la Ville, clips, web-series…). Les ateliers années 30, dans le centre historique. a acquis certains biens à l’abandon de pratique sont également Dernière opération en date, une mai- et les a confiés à l’association « Soliha proposés en milieu carcéral. Au son de 73 m 2 d’un étage avec jardin, Ter r itoi res en Nor mand ie » sous total, quelque 800 jeunes devraient occupée depuis 2019 par une mère la forme de baux à réhabilitation. bénéficier de ces pratiques isolée avec ses deu x adolescents. « Nous refaisons tout à neuf… l’objectif d’éducation artistique qui favorisent « C’est ma 1re maison. Avant, j’étais est de donner au logement rénové la le vivre-ensemble, financés à en studio, à 3, ce n’était pas tenable. meilleure performance énergétique hauteur de 12 % par la Fondation. Cette maison m’a permis de rebondir, afin de réduire les charges du loca- de reprendre confiance en moi et de taire au maximum », précise Murielle mettre mes enfants en sécurité » Demelun, chargée d’Études à « Soliha Deauville compte 70 % de résidences Territoires en Normandie ».
07 ı « et les autres ? » ı janvier 2023 La Fondation agit Un Domicile Fixe et Décent pour Tous Favoriser l’accès au logement des plus exclus L a coutume veut que l’on pair-aidance et de mobilisation des fixe l’âge de raison à 7 ans. acteurs et des personnes concernées À cet âge, le réseau « Un auront la part bel le. Entre autres « L’équipe de Totem Domicile Fixe et Décent expérimentations, celle du service a été formidable, pou r Tou s » ( U DF DP T ) prend en « Totem », à Grenoble, qui assure effet ses marques, accompagnant un accompagnement médico-social elle m’a accompagné les personnes très fragilisées de la à 25 personnes à la rue : « Visites et aidé chaque jour. » rue jusqu’au logement. Né en 2015 à à domicile, permanences hebdoma- l’initiative de la Fondation, ce réseau daires, accès aux droits, réduction compte 11 entités bien particulières des risques (addiction)… on est sur de cet accompagnement décloisonné, (Boutiques Solidarité, acteurs asso- l’accompagnement intensif et global, il en milieu urbain et en zone rurale. ciatifs isolés ou associés, services n’y a aucune injonction de notre part ; « Quand je suis entré dans le logement, sociaux…) qui partagent leurs pra- tout se fait au rythme de la personne c’était juste pour dormir. Je me sen- t iq ues de l’accompag nement des et à la carte », précise Lionel Thibaud, tais en cage, j’avais peur. J’étais tout grands précaires, souvent exclus des responsable du service. « Le soutien le temps dehors… L’équipe de Totem a dispositifs d’hébergement tradition- de la Fondation, c’est bien sûr l’ani- été formidable, elle m’a accompagné et nels (addictions, possession de chiens, mation du réseau national, mais c’est aidé chaque jour. Aujourd’hui, cela fait problèmes de comportement…). aussi un soutien financier qui nous 2 ans que j’habite dans mon logement, Accès à la santé, réduction des addic- permet de proposer une meilleure qua- j’y suis heureux, j’ai une compagne et tions, développement du lien social… lité de service, comme par exemple la j’ai trouvé un travail tout seul », pré- « Ce réseau a pour but d’aborder la plu- permanence “petit-déjeuner” d’accueil cise Axel, 29 ans, qui a vécu dix ans ridisciplinarité de l’accompagnement collectif, tous les jeudis matin… elle à la rue. et de partager les expériences ; de par- serait impossible avec nos moyens ». Permettant un autre regard sur l’ac- tager de bonnes pratiques à diffuser Faciliter l’accès au logement tout en compagnement à l’échelle humaine, sur l’ensemble du territoire », précise évitant l’isolement, aider à la créa- le réseau dégage des clés de réussite la Fondation Abbé Pierre. Début 2023, tion de lieux-repère pour encourager innovantes, disponi bles et acces- le réseau qui se réunit chaque tri- l’ancrage, favoriser la prise d’autono- sibles à tous les acteurs agissant en mestre, publiera la deuxième édi- mie et mobiliser les capacités ; par- faveur du logement des personnes tion de son guide pour l’accès au loge- tager les compétences et les acquis… à la rue. Une dynamique qui œuvre ment des grands exclus dans lequel actuellement, 200 à 300 adultes en dans le temps long et qui est en plein les principes de non-abandon, de très grande précarité bénéficient de devenir.
En 2021, 22 % des Français ont eu froid chez eux durant l’hiver 700 000 passoires thermiques 1 par an à rénover pour atteindre la neutralité carbone en 2050 750 millions d’euros/an, c’est le coût des passoires thermiques en dépenses de santé [1] Logements étiquetés F et G dans le diagnostic de performance énergétique.
09 La Fondation analyse Avant la crise, 12 millions de personnes étaient victimes de la précarité énergétique. Combien seront-elles cette année, alors que les prix de l’énergie ont augmenté de 28 % entre 2021 et 2022 ? Hiver 2023 : LA FRACTURE ÉNERGÉTIQUE P atricia est installée dans le Finistère, j’avais l’impression de manquer à mes devoirs en périphérie de Carhaix, dans une de mère », avoue Patricia qui se rappelle les maison où elle vit depuis 3 ans avec hivers derniers, emmitouf lée dans sa dou- ses deux adolescents. Une maison de doune à la maison pour lutter contre l’humi- 126 m 2 datant des années 70, dans dité et le froid. « Toutes les dépenses se sont laquelle aucune rénovation n’avait été effec- accumulées, je me suis retrouvée avec une tuée par les anciens propriétaires. « Quand je lourde dette et j’ai dû faire un dossier de suren- l’ai achetée, elle était “dans son jus” et inhabitée dettement, juste après ma séparation. J’étais depuis deux ans. À l’époque, j’étais en couple très mal, j’étais en dépression, en fait. J’avais et nous avions convenu que mon compagnon tout restreint, la nourriture, les vêtements et les prendrait les travaux à sa charge ; on voulait loisirs, depuis longtemps. J’essayais de rester en faire notre nid », précise l’aide-soignante debout, mais je ne m’en sortais plus. » C’est à aujourd’hui en arrêt maladie. Fenêtres en bois ce moment-là que le vent a tourné : Patricia en simple vitrage, chaudière vétuste, fuites a reçu la visite des « Locaux Moteurs », une d’eau… les factures énergétiques s’empilent association citoyenne venant à la rencontre et Patricia se retrouve seule, avec 1 700 euros/ des habitants pour repérer les besoins et mois, pour tout assumer, y compris les tra- lutter contre le non-recours aux dispositifs vaux dont les devis ont été signés. « Il faisait publics. « Quand j’ai commencé, en 2016, c’était 15 degrés dans la maison, je chauffais très peu, surtout pour venir en aide aux personnes non © Christophe Da Silva mes garçons prenaient des douches froides ; connues des services sociaux, qui passent sous on allait se laver régulièrement chez ma fille les radars de l’État… On s’est vite aperçu que ainée. Je voyais bien les moisissures dans les la problématique principale, c’était la précarité chambres, je savais que ce n’était pas sain, énergétique et l’adaptation du logement, et que mon fils et moi étions tout le temps enrhumés… cela touchait un public large, avec
La Fondation analyse 10 « et les autres ? » ı #118 ı © Ljubisa Danilovic un réel besoin d’information et d’accompa- angevine rayonne maintenant en Bretagne Informer, échanger, gnement », précise Claudine Pezeril, fonda- où elle travaille en étroite collaboration avec comprendre les trice de l’association. L’an dernier, 480 foyers les élus et 3 habitantes-relais, sous contrat situations de précarité ont été démarchés, dont celui de Patricia, sur 32 heures/mois. Michèle est l’une d’entre pour réaliser des une dizaine de communes du pays de Poher. elles : « On rencontre beaucoup de personnes travaux efficients âgées démunies et isolées. Avec la crise éner- et permettre un gain gétique, elles ont peur de l’hiver. Le fuel et le énergétique bois sont devenus un luxe, alors, penser à des conséquent. travaux, c’est difficile. On passe beaucoup de temps sur place, à expliquer les dispositifs et « Le fuel et le bois sont les accompagnements possibles. Il faut créer devenus un luxe, alors, penser la confiance, rassurer, conseiller… ». à des travaux, c’est difficile » Grâce aux « Locaux Moteurs », Patricia va bénéficier de l’aide de l’association régionale Michèle de l’association les « Locaux Moteurs » Soliha, « Solidaires pour l’Habitat », et pou- voir monter un dossier de rénovation globale. Et en urgence, avec son fonds « O abandon », la Fondation a financé l’achat de 3 radiateurs électriques pour chauffer la pièce à vivre Peur de l’hiver et les chambres. « Ça a été formidable d’être aidée si rapidement. Ce qui m’a fait beaucoup « On est sur un territoire où il y a très peu de de bien aussi, c’est d’avoir des personnes à qui logements locatifs sociaux, privés ou publics ; parler. J’ai pu partager mon fardeau ». Depuis où les personnes travaillent dans le tertiaire, novembre, Patricia surveille constamment souvent en contrat précaire. 80 % des habi- sa consommation électrique et chauffe au tants que l’on rencontre ont des revenus très minimum, à 17,5°c : « S’il fait froid cet hiver, modestes », note Claudine. Grâce au soutien on se réfugiera tous les 3 dans une chambre, ce de la Fondation Abbé Pierre, l’association sera le camping », précise-t-elle.
11 ı « et les autres ? » ı janvier 2023 La Fondation analyse © Ljubisa Danilovic À q uelq ues k i lomètres de là, Stéphane a acheté une longère en pierre pour changer de vie et se lancer dans le maraichage, il y « …financer la rénovation de la toiture avec a 5 ans. « On a d’abord installé un insert bois avec 1 800 euros/mois, c’était impossible, même pour économiser le fuel. Puis, il y a 3 ans, j’ai bénéficié de l’opération “pompe à chaleur à si on savait qu’on perdait beaucoup de chaleur. » 1 euro”, ça a permis des économies et on n’a Stéphane jamais été endetté, mais tout est serré et on chauffe au minimum. » Après des soucis de santé, Stéphane, la cinquantaine, a dû chan- ger de voie, il est désormais surveillant à temps partiel dans un lycée. « Ma femme est 45 000 euros de travaux avec un SMIC ? Recenser et aider en longue maladie, financer la rénovation de les ménages en la toiture avec 1 800 euros/mois, c’était impos- « La situation est paradoxale : avec la flam- détresse, souvent sible, même si on savait qu’on perdait beaucoup bée des prix, il y a urgence pour se chauffer isolés et peu informés. de chaleur. On n’avait pas de solution. Et puis, aujourd’hui et nécessité de se projeter dans en juillet, j’ai vu arriver une dame, elle m’a l’avenir, avec des travaux de rénovation glo- dit que les Compagnons Bâtisseurs pouvaient bale du logement pour qu’il soit performant venir faire un diagnostic énergétique de la énergétiquement. Grâce à nos partenaires, on maison et nous aider… une sacrée chance ! essaye d’agir sur ces deux temporalités, c’est En une semaine, ils étaient là : Ils ont posé très important », précise Claudine. Lutter des joints aux portes, installé une bâche sur eff icacement contre la précarité énergé- le toit, sécurisé l’électricité et la Fondation tique, c’est aussi réduire au maximum le nous a permis d’acheter un frigo neuf, le nôtre reste à charge des occupants, toujours trop consommait beaucoup, on le savait, mais on lourd dès qu’il s’agit penser à une rénovation n’en trouvait pas d’occasion… Avec tout ça, on globale du logement. Un reste à charge qui a gagné 50 euros/mois sur la consommation s’est encore alourdi avec l’augmentation du électrique, un soulagement ! » coût des matières premières.
La Fondation analyse 12 « et les autres ? » ı #118 ı « J’ai failli tout abandonner. Heureusement, le Graal a trouvé une solution avec la Fondation ! » Mme S. mère isolée l’aide et l’accès au logement (GRAAL) de Rou- baix, où de nombreuses maisons datant des années 30 sont aujourd’hui énergivores et dégradées. Depuis 2015, M me S., mère isolée de 34 ans, habite l’une d’elles : 107 m2 répartis sur 2 étages et 2 800 euros à débourser chaque année pour le gaz et l’électricité. « Les travaux sont terminés depuis novembre, je suis enfin tranquille. Pour être franche, je me privais de tout, le budget alimentaire était très serré car mon fils a de nombreuses allergies alimen- © Yann Levy taires. Dès qu’il pleuvait, j’étais stressée par la fuite de la toiture dans sa chambre, le plafond était tout gondolé, j’avais peur qu’il s’effondre. Je n’invitais jamais personne pour éviter les « Dès qu’il pleuvait, j’étais stressée par la fuite de la dépenses. J’espère pouvoir reprendre une vie toiture, le plafond était tout gondolé, j’avais peur qu’il sociale », avoue la propriétaire, titulaire d’un s’effondre. Je n’invitais jamais personne pour éviter Master de droit depuis l’an dernier. « Cela les dépenses. J’espère pouvoir reprendre une m’a permis de changer de travail et de gagner un peu plus ; il le fallait, je ne m’en sortais plus vie sociale… » avec 1 100 euros/mois. Mais du coup, mon dos- Mme S. mère isolée sier Anah a été réactualisé et soudainement, on m’a demandé de participer à hauteur de 6 000 euros pour les travaux. C’était impos- À la veille de En moyenne, il fallait compter 25 000 euros sible, un vrai coup de massue à la veille des l'hiver, chacun fait pour rénover un logement énergivore d’envi- travaux ! » Réfection complète de la toiture et ses calculs pour ron 100 m 2 en 2018. « Aujourd’hui, on atteint isolation, installation de fenêtres en double savoir comment faire 45 000 euros pour refaire une toiture et son vitrage, changement de la chaudière, le tout face à la hausse des isolation, changer les fenêtres et le mode de pour un gain énergétique de 51 %. « J’ai failli prix de l'énergie. chauffage. Les coûts explosent depuis 2 ans. tout abandonner. Heureusement, le Graal a Or, notre philosophie, c’est de ne pas faire de trouvé une solution avec la Fondation ! » L’an l’urgence pour de l’urgence, mais de prendre le dernier, le Graal a accompagné 380 ménages logement dans sa globalité pour atteindre des en situation de précarité énergétique, 50 % gains énergétiques durables d’au moins 40 %. d’entre eux sont « passés à l’acte », les autres On réalise des visites à domicile en binôme, ont été bloqués par le montant du reste à un technicien et un travailleur social, afin de charge. Pour faire du sur-mesure, le Groupe coupler le diagnostic avec l’accompagnement a fortement besoin de financements complé- social, juridique et budgétaire. On a la chance mentaires aux aides de l’État (via l’Agence d’avoir une volonté politique forte, au niveau Nationale de l’Amélioration de l’Habitat), et de la Métropole européenne de Lille (MEL), qui des collectivités territoriales (Fonds de Solida- finance nos accompagnements auprès des pro- rité pour le Logement) qui sont conséquentes, priétaires mal logés, qui manquent de confort, mais devenues insuffisantes aujourd’hui. en plus de nos partenaires qui nous aident « Certains dossiers sont très lourds et peuvent à boucler nos dossiers. Grâce à tout cela, on nous prendre jusqu’à 4 ans, avec des problèmes arrive pour l’instant à intervenir efficacement. d’isolement et de mobilité dans le logement pour La MEL met aussi à notre disposition des loge- les personnes âgées. La situation devient de ments temporaires pour loger les habitants plus en plus limite et je sais que les demandes lorsque l’on est sur une rénovation globale d’aide et d’accompagnement vont exploser en de plusieurs mois », explique Sébastien Noe, mars, à la sortie de l’hiver. Les gens auront des responsable du Groupe de recherche pour factures exorbitantes, on va les voir affluer. »
13 ı « et les autres ? » ı janvier 2023 La Fondation analyse Olivier Sichel « Mieux accompagner les ménages pour réussir la rénovation énergétique » © Sophie Palmier Directeur de la Banque des Territoires, Olivier Sichel a remis au gouvernement un rapport sur la réhabilitation énergétique des logements privés, en mars 2021. La flambée des prix de l’énergie assaillis de demandes. À l’époque de rénové qui aura pris de la valeur. Ce constitue-t-elle un électrochoc pour la parution du rapport, j’avais chif- prêt fonctionne aujourd’hui et per- la rénovation énergétique ? fré le budget de l’accompagnement à met aux plus modestes de rénover Oui, la crise est un électrochoc écono- 310 millions d’euros. Je pense qu’il faut leur logement, d’améliorer leur santé, mique qui fait exploser les demandes encore faire plus. leurs conditions de vie et la qualité de partout sur le territoire. Quand nous Une fois le diagnostic posé, il faut leur bien. avons travaillé sur la question de la répondre à la question du coût : quelles réhabilitation énergétique des loge- sont les aides auxquelles la personne a Peut-on accélérer la cadence de la ments privés, j’ai tout de suite insisté droit ? C’est à ce moment-là que les col- rénovation énergétique du parc privé ? sur le fait qu’il nous fallait avoir une lectivités locales interviennent et que Le chantier est immense, rénover les approche qui parte avant tout des des choix politique sont faits, donnant 5,2 millions de logements énergivores besoins des ménages, qui ne soit pas leur spécificité aux territoires. prendra au moins quinze ans. Nous uniquement financière et technique. rencontrons deux freins aujourd’hui ; J’avais été soutenu en cela par la Fon- Avec la crise énergétique, les d’abord, l’accompagnement des per- dation qui participait au groupe de propriétaires très modestes ne vont sonnes face à des travaux intrusifs et travail. La première chose à faire, c’est pas pouvoir assumer un reste à charge longs quand la rénovation du loge- en effet d’accompagner celles et ceux de travaux devenu bien trop lourd. ment est globale et qu’elles ne peuvent qui vivent dans l’une des 5,2 millions Effectivement, la question du reste à rester dans leur logement. Ensuite, le de passoires thermiques que compte charge est centrale. Le prêt à taux zéro manque de bras qualifiés et de com- notre pays. Rénover son logement est couplé au dispositif public d’aide à la pétences. C’est l’un des paradoxes de une démarche complexe, qui peut faire rénovation énergétique « MaPrimeRé- notre pays, nous avons de grandes peur, et qu’il faut bien comprendre. Il nov' » lancé le 17 novembre est une entreprises professionnelles (Saint faut savoir que 60 % des personnes qui bonne chose, mais il va concerner les Gobain, Legrand…) mais un tissu arti- vivent dans un logement énergivore ménages solvables. Et les autres ? Je sanal constitué de petites entreprises ont plus de 60 ans ! Il faut commencer l’ai dit, 60 % des propriétaires de pas- qui peinent à recruter. Pour pallier ce par répondre à toutes leurs questions : soires thermiques ont plus de 60 ans, manque, la Banque des Territoires a Que faut-il faire ? Quelle priorité ? avec souvent de petites retraites. C’est financé une école de la rénovation Comment le faire ? Combien cela va pour cela que j’ai proposé la mise en énergétique, à Bordeaux. Elle n’a pour coûter ? Des accompagnateurs com- place d’un « prêt-avance rénovation » l’instant aucun équivalent sur le terri- pétents doivent établir un diagnostic gagé sur le bien, destiné aux 5,2 mil- toire, mais il y a urgence à dupliquer fiable pour informer les occupants. lions de ménages exclus des prêts cette initiative. Il ne s’agit plus unique- C’est le cas aujourd’hui, avec l’Anah bancaires classiques. Le notaire récu- ment d’un enjeu climatique, comme (Agence nationale pour l’amélioration père le montant du prêt au moment ce fut le cas lorsque le gouvernement de l’habitat) qui est à la tête du réseau de la vente du bien ou de la succes- m’a demandé de rédiger ce rapport. Il « Mon accompagnateur Rénov’ ». Avec sion. La capacité du ménage n’est s’agit aussi d’une urgence économique l’explosion des prix de l’énergie, les pas déterminée par son revenu, mais et sociale. accompagnateurs sont aujourd’hui par son patrimoine… un patrimoine
La Fondation réunit « et les autres ? » ı #118 ı 14 M. U., la Roche sur Yon Mme V., Angers Je souhaiterais faire une donation de J’ai appris qu’une biographie de l’abbé mon vivant à la Fondation. Où puis-je Pierre était récemment parue. Pourriez- trouver des informations ? vous m’indiquer où me la procurer ? Bonjour Monsieur, nous vous remercions de Bonjour Madame, nous avons le plaisir de l’intérêt que vous portez à nos actions et vous vous confirmer qu’une biographie inédite de confirmons que vous pouvez effectivement l’abbé Pierre est parue en octobre dernier, à tout moment effectuer une donation à la aux éditions Gallimard : « L’abbé Pierre », Fondation Abbé Pierre. Pour en savoir plus, a été rédigée par l’autrice Sophie Doudet, nous tenons à votre disposition, notre bro- maître de conférences en littérature fran- chure « Offrir la dignité en héritage », vous çaise à l’Institut d’études politiques d’Aix-en- présentant comment faire un legs, une dona- Provence où elle enseigne la culture générale tion ou désigner la Fondation comme béné- et l’histoire des idées. Vous pourrez vous la ficiaire d’une assurance-vie. Cette brochure procurer dans le réseau Fnac ou dans toute peut vous être adressée sans engagement et autre librairie, sur commande, au prix de en toute confidentialité, sur simple demande. 9,90 euros. N’hésitez pas à prendre contact avec notre responsable des relations testateurs, Joëlle Garnier : jgarnier@fondation-abbe-pierre.fr ou au 01 55 56 37 27. Bon d’abonnement au magazine « et les autres ? » E118JABO À renvoyer à Fondation Abbé Pierre – Centre de traitement des dons 59898 Lille cedex 9 Si vous êtes donateur, inutile de vous abonner, vous recevez déjà chez vous le magazine trimestriel de la Fondation Abbé Pierre « et les autres ? ». OUI, je ne suis pas donateur mais je veux suivre les actions de la Fondation Abbé Pierre en m’abonnant au magazine « et les autres ? ». Je règle 4 € pour 4 numéros, par chèque à l’ordre de « Fondation Abbé Pierre ». Mme Mlle M. Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ........................................................................... Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Code postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . J’accepte de recevoir des informations à mon adresse e-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . @ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Règlement : chèque bancaire chèque postal La Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, reconnue d’utilité publique par décret du 11 février 1992, SIREN 345 282 016, met en œuvre les traitements de données personnelles suivants : gestion des dons, envoi des reçus fiscaux, gestion des abonnements au Journal trimestriel des donateurs « Et les autres ? », appels à générosité. Conformément au Règlement (UE) 2016/79, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement et de portabilité de vos données, du droit de limiter ou de vous opposer à leur traitement. Vous avez en outre la possibilité de nous laisser vos directives spécifiques post-mortem dans les conditions à définir par décret. Vous pouvez adresser vos demandes d’exercice de droits par email à protectiondesdonnees@fondation-abbe-pierre.fr ou par courrier à Fondation Abbé Pierre RGPD, 3 rue de Romainville, 75019 Paris. En cas de réclamation, vous pouvez choisir de saisir la CNIL, 3 Place de Fontenoy, 75007 Paris. Pour plus d’informations, consultez notre politique de protection des données sur notre site Internet à l’adresse suivante : fondation-abbe-pierre.fr/protectiondesdonnees
La Fondation réagit J’ai très peur d’accoucher dans la rue » : ce témoi- gnage d’une femme, recueillie par un quotidien parisien le 19 novembre dernier, laisse sans voix et illustrait tragiquement, à la veille de l’hiver, de la saturation de l’hébergement d’urgence. À Strasbourg, fin août, 89 % des personnes en détresse appelant le 115 restaient sans solution d’hébergement d’urgence. À Paris, à la même période, 11 % des appelants ne se sont vus proposer aucune solution, parmi eux, 84 femmes enceintes et 24 enfants de moins de 3 ans. Dans le Rhône, 350 personnes en très grande vulnérabilité avant l’été (enfants, femmes victimes de violence, personnes âgées) n’avaient reçu aucune proposition d’hébergement au début de l’automne et sont restées sans solution plusieurs mois… Ces chiffres honteux se répètent malheureusement sur tout le territoire. Et il faut y ajouter la multiplication des fins de prise en charge hôtelières un peu partout, de plus en plus de personnes, adultes et enfants, se retrouvant à la merci de décisions et de changements qu’ils ne maitrisent pas, du jour au lendemain. L’absence de réponses à un nombre croissant de personnes en détresse est inacceptable L’État est responsable de la mise à l’abri des personnes contraintes de vivre dans la rue. Conséquence de ces drames humains insupportables, hommes, femmes et enfants laissés sans solution par la puissance publique, se regroupent parfois dans des lieux de vie informels, où les conditions d’habitat – et peut-on encore parler d’habitat ? – sont précaires et déplorables. À Bordeaux, près du lac, une centaine d’hommes et de femmes isolés vivent sous des tentes. Dans l’Hérault, les squats ou abris de fortune se sont multipliés, faute de réponse institution- nelle. Dans la métropole rennaise, la Ville a fourni de l’eau, des extincteurs, des pièges à rats et des poubelles-containers dans certains campements, mais les conditions de vie restent plus que précaires pour les habitants. Et pour comble, alors que des milliers de personnes en détresse sont contraintes de se replier là où elles le peuvent pour survivre, les expulsions de lieux de vie informels se multiplient dans de très nombreux territoires. © Yann Levy
La Fondation observe 16 « et les autres ? » ı #118 ı © pierre Faure © Ljubisa Danilovic « Plus aucun enfant dehors cet hiver mais avec quels moyens ? » CNR : lancement du volet logement À la suite de l’interpellation L du 17 octobre du Collectif ancé le 28 novembre, le Conseil national de la refondation (CNR) consacré des associations unies (CAU), au logement co-animé par Véronique Bédague, directrice générale du de l’Unicef, de la FCPE et de promoteur Nexity, et Christophe Robert, délégué général de la Fondation « Jamais sans Toit », le Ministre Abbé Pierre, ambitionne d’élaborer des propositions opérationnelles d’ici du Logement Olivier Klein et le printemps prochain sur trois grandes questions portées par 3 groupes de la Secrétaire d’État chargée de travail : « Comment redonner aux Français du pouvoir d’habiter ? », centrée l’Enfance Charlotte Caubel se sont sur les besoins, notamment sociaux, des Français en matière de logement. engagés à organiser toutes les La deuxième question portera sur « réconcilier les Français avec l’acte de semaines une réunion de suivi pour construire », faisant écho aux difficultés rencontrées pour répondre aux atteindre cet objectif. besoins en logement dans de nombreux territoires. Enfin, la troisième Le gouvernement s’est également réflexion sera orientée autour de la transition écologique et énergétique. engagé au maintien des Le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, a indiqué que le 200 000 places d’hébergement travail réalisé donnera « probablement lieu à des traductions législatives ». d’urgence, alors qu’il était prévu dans le Projet de Loi de Finances 2023 d’en supprimer 14 000. Peut mieux faire « logé dans un logement L a Fondation a publié le 27 octobre inadapté à son handicap » dernier, son 2e baromètre de l’ob- servatoire de l’encadrement des La loi du 21 février 2022 (dite loyers. Elle constate que le dispositif loi 3DS) contient un article passé s’améliore, mais que la loi n’est pas largement inaperçu : il ouvre le encore assez appliquée. Elle a par ail- recours Dalo (Droit au logement leurs étendu son étude à de nouvelles opposable) aux personnes vivant collectivités expérimentatrices : Lille, dans un logement inadapté à Lyon, Villeurbanne et les Établisse- leur handicap ou à celui d’une ments publics territoriaux (ETP) de agglomérations tendues, en commen- personne à leur charge. Plaine Commune et d’Est ensemble, çant par celles qui sont volontaires en banlieue parisienne. Là où les (Grenoble, Rennes…) mais auxquelles loyers dépassent les plafonds légaux, le gouvernement refuse sa mise en la Fondation appelle l’État à renforcer œuvre. La Fondation salue également les contrôles et les sanctions et rap- dans ce baromètre, les initiatives des pelle que la loi Alur de 2014 prévoyait mairies pour repérer et signaler les l’extension de ce dispositif à toutes les annonces frauduleuses.
17 ı « et les autres ? » ı janvier 2023 La Fondation observe Point de vue « Pour vaincre le mal-logement, il faut agir durablement » © Ljubisa Danilovic Christophe Robert, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre Quel bilan peut-on faire de l’année Pourtant l’État est intervenu pendant faveur du logement (État, collectivités écoulée sur le front du logement ? la crise sanitaire et a su aider les plus locales et partenaires sociaux) n’ont L’année 2022 a été difficile pour beau- modestes… jamais été aussi basses, comparées à coup, et particulièrement pour les Oui, des mesures qui allaient dans le notre Produit intérieur brut (PIB). La plus fragiles d’entre nous. Ils ont été bon sens ont été prises pendant la crise question du logement n’est pas traitée frappés de plein fouet – et le sont sanitaire. Mais elles sont restées ponc- comme elle le devrait. Ce ne sont pas encore – par les conséquences éco- tuelles et limitées. Quant au bouclier des pansements qu’il faut appliquer, ce nomiques et sociales de crises et tarifaire, il sera prolongé cette année sont des mesures structurelles et une de tensions internationales succes- sous la forme d’une hausse des prix volonté politique forte dont nous avons sives qui se sont superposées : crise du gaz et de l’électricité limitée à 15 %, besoin pour agir efficacement et dura- sanitaire, crise écologique, guerre mais cette hausse n’aura pas le même blement contre la crise du logement en Ukraine, crise énergétique, flam- impact sur tout le monde. Encore qui touche 14,6 millions de personnes. bée des prix des biens de 1re néces- une fois, ce sont les plus fragiles qui sité… Dans ce contexte très tendu, la devraient être plus fortement soutenus. Peut-on faire évoluer la situation ? crise du logement s’ancre davantage Oui, non seulement on le peut, mais et fait de plus en plus de victimes. on sait comment faire. Prenons, par C’est un fait, nous le savons, le loge- exemple, la politique du « Logement ment est devenu le premier poste de d’abord », qui a permis à 280 000 per- dépenses des ménages. Pour les plus « la politique du sonnes sans domicile d’accéder à un modestes, c’est parfois 40, 50 voire “Logement d’abord” logement, entre 2018 et fin 2021. La 60 % du budget qui est affecté aux doit être accélérée mise en place de cette politique doit dépenses liées au logement (loyer, être accélérée partout sur le terri- charges, assurance…) et aujourd’hui, partout sur le territoire. » toire. Autre sujet sur lequel l’État doit ces mêmes personnes qui ont déjà mieux faire : l’Aide personnalisée au du mal à joindre les deux bouts, ont Des enjeux forts, comme ceux de la logement aurait dû augmenter de peur de ne pas pouvoir se chauffer construction et de la rénovation éner- 10 %, avec un doublement du forfait cet hiver. Nous assistons à un vrai gétique des logements vétustes ne charges pour compenser l’inflation et décrochage entre le coût du loge- sont pas pris en compte à leur juste les baisses des années précédentes. La ment et les ressources des ménages. mesure. De fait, l’intervention de l’État revalorisation de 3,5 % qui a eu lieu en 1 er poste de dépense, le logement et plus largement de la puissance juillet dernier ne suffit pas. De même, devrait donc être le premier souci du publique, reste bel et bien insuffisante il faut mettre bien plus de moyens gouvernement ! Et à l’extrême, il y a alors que plus de 2 millions de ménages financiers pour accélérer la rénova- le non-logement : notre pays compte attendent un logement social et que tion des quelque 5 millions de pas- 300 000 personnes sans domicile fixe, l’on dénombre 5,6 millions de ménages soires énergétiques en faisant en sorte un chiffre qui a doublé en dix ans. en situation de précarité énergétique. qu’il y ait un reste à charge le plus Dans notre société, le logement reste Ces chiffres sont très inquiétants... proche possible de zéro pour les plus un facteur d’exclusion et d’inégalités À la Fondation, nous tirons la sonnette précaires. Et dès maintenant, il faut qui fragilise dangereusement les plus d’alarme : le logement social a été porter le montant du chèque énergie modestes. Peut-on se satisfaire d'une très malmené depuis cinq ans avec un à 800 euros annuels (aujourd’hui, il telle situation ? État qui a privé les organismes Hlm de varie entre 48 et 277 euros/an), afin 6 milliards d’euros entre 2018 et 2022. que les plus pauvres puissent se Et en 2021, nos dépenses publiques en chauffer cet hiver.
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