" Bertolt Brecht " - Érudit
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Document généré le 16 juil. 2022 02:18 Jeu Revue de théâtre Chroniques - Publications « Bertolt Brecht » Heinz Weinmann Numéro 14 (1), 1980 URI : https://id.erudit.org/iderudit/28941ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Cahiers de théâtre Jeu inc. ISSN 0382-0335 (imprimé) 1923-2578 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Weinmann, H. (1980). « Bertolt Brecht ». Jeu, (14), 177–179. Tous droits réservés © Cahiers de théâtre Jeu inc., 1980 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/
Bertolt Brecht, préparé sous la direc- «bertolt brecht» tion de deux brechtiens chevronnés: Bernard Dort et Jean-François Peyret. L'Herne, n° 35/1, dirigé par Bernard Dort et Jean- François Peyret, Paris, Éditions de l'H erne, 1979, D'emblée, on peut féliciter les deux 237 pages. responsables du Cahier pour l'heu- Les grandes doctrines, par une sorte de reuse initiative de faire précéder les dérive implacable, se détachent du études critiques d'entrevues avec des corps de leurs auteurs pour se consti- hommes de théâtre, français et alle- tuer en pratiques autonomes. C'est le mands (Collectif de Gennevilliers, Jac- destin du freudisme, du marxisme. ques Lassalle, Antoine Vitez, Mathias C'est également celui, toute proportion Langhoff, Peter Stein) qui, à un mo- gardée, du brechtisme, dans la mesure ment ou l'autre de leur vie théâtrale, justement où Brecht n'a pas cessé de ont eu affaire à l'oeuvre de Brecht. Loin faire se réfléchir son oeuvre dramati- d'être, comme c'est souvent le cas, des que dans un ensemble de doctrines escarmouches inoffensives qui prépa- censées l'expliquer. Or, la doctrine, rent le terrain à l'artillerie lourde des sous la poussée de son effet dénotatif, théoriciens, ces entrevues constituent, réduit les zones d'ombre, les ambiguï- au contraire, le centre de gravité de ce tés, l'«inquiétante étrangeté» qui font Cahier, parce qu'elles décapent l'oeu- la richesse connotative de l'oeuvre lit- vre de Brecht de l'épais vernis du téraire. C'est là un des dangers qui brechtisme. D'une entrevue à l'autre, guettent le théâtre brechtien: qu'il soit un thème se dégage qui devient celui aplati sous la masse doctrinaire de son du Cahier dans son ensemble: Brecht oeuvre théorique. Parfaitement clair, au-delà du brechtisme, ou Brecht avant lisse, maîtrisable, le théâtre de la matu- Brecht. rité de Brecht a rendu son sens (et donc rendu un peu sa vie) précisément «Par rapport à cette confiance relati- parce qu'il tend à se réduire à la doc- vement naïve à l'égard des vertus de trine dont il se veut l'illustration. Brecht, il y a une mise en cause du Brecht est entré dans l'Histoire, pire, il est devenu un classique. Il est des oeuvres qui survivent difficilement à L'Herne l'embaumement que l'Histoire leur fait subir. Celle de Brecht en est. Projeté pour être un théâtre «critique», «dia- lectique», un théâtre «intervenant», Bertolt comment sa dynamique d'intervention peut-elle lui être restituée? Comment l'oeuvre brechtienne, par une sorte Brecht d'«estrangement» (Verfremdung) au second degré, effet de sa propre dis- tanciation, peut-elle devenir de nou- veau insolite? Comment, autrement dit, Brecht peut-il survivre au brechtisme? Telles sont en effet les questions aux- quelles tente de répondre ce premier tome (un deuxième est sous presse) des Cahiers de l'Herne, consacré à 177
«brechtisme», du «style» Brecht» c'est la traduction allemande de l'os- (p. 27). Jacques Lassalle fait écho à traniénié russe, rendue souvent par cette «mise en cause» par le Collectif «désautomatisation», dont les Forma- de Gennevilliers. «Le brechtisme est à listes russes, Chklovski pour le récit et réinventer, à réactiver. L'équivoque, Meyerhold pour le théâtre, ont fait c'est d'enfermer Brecht dans la posture grand usage. Brecht a donc rencontré d'un maître à penser dont on a choisi la «distanciation» lors de son voyage à une fois pour toutes de mettre en Moscou... oeuvre moins les tensions que les ac- quis», (p. 40). Peter Stein et Mathias Le théâtre brechtien visant à agir sur la Langhoff modulent les témoignages de réalité, il doit être en prise directe sur leurs collègues français en nous rap- une certaine actualité sociale et idéolo- pelant que la dramaturgie allemande, gique, ne serait-ce que pour la dépas- plus encore que la française, parce que ser dialectiquement. Bernard Dort plus longtemps sous son emprise, doit montre bien les risques de ce théâtre secouer le joug d'un brechtisme doc- «intervenant» qui perd de son efficace trinaire afin de ne pas laisser étouffer lorsque changent les codes de réfé- sous sa chape de plomb toute la prati- rence socio-politiques du public. Ce qui que théâtrale. «Dans l'état actuel, a fait l'«éblouissement» dont a parlé Brecht a un effet plutôt répressif pour Barthes lors de la première parisienne notre art dramatique. Il est tellement de la Mutter Courage par le Berliner immuable dans ses exigences et il est Ensemble (29 juin 1954), c'est que la tellement considéré sous l'angle de sa grande guerre était encore proche et valeur marchande q u ' i l apparaît que celle de l'Indochine faisait rage. comme un produit en exclusivité. Par C'est toute cette toile historique qui se là il est coupé de toute nouvelle évolu- déployait derrière le spectacle, et le tion de la littérature et du théâtre ici» spectacle, au fur et à mesure de son (Mathias Langhoff, p. 63). Mais c'est déroulement, pouvait la trouer, la mo- sans conteste Antoine Vitez qui fait la difier. Il est permis de penser que, si critique la plus radicale de cette em- Mutter Courage avait été présentée à prise du brechtisme sur Brecht en un autre moment historique, moins éclairant les sources troubles de la stratégique, le sort de Brecht en France fameuse «distanciation brechtienne». n'aurait pas été le même: les Barthes Cette «archéologie» de la «distancia- et les Dort auraient réagi différem- tion» à laquelle se livre Vitez révèle ment... ou pas du tout. chez Brecht un esprit mystificateur, là précisément où tout l'énoncé de sa La question qui se pose dès lors est la démarche théâtrale nous préparait à suivante: le paysage politique et idéo- trouver un esprit critique. Que la pater- logique depuis les années soixante nité de la «distanciation» ne revienne ayant changé radicalement (mai 68, pas à Brecht, l'envergure de son oeu- démystification du socialisme de type vre, fût-ce après coup, n'en est nulle- soviétique à cause des Goulags dont ment amoindrie. Ce qui est en cause, Brecht déjà n'ignorait pas l'existence, c'est que Brecht ait systématiquement etc.), le théâtre brechtien ne s'en trou- occulté l'origine de la distanciation. ve-t-il pas en porte-à-faux? Le théâtre Dans l'espoir d'une «originalité» mal de Brecht peut-il être encore un théâtre comprise qui jure complètement avec «intervenant»? L'oeuvre de Brecht est sa conception même du théâtre? Quoi vaste et variée. Chaque époque doit qu'il en soit, le Verfremdungseffekt (lit- chercher en elle ce qui peut la rendre téralement l'«effet d'estrangement»), agissante. Aujourd'hui, l'espoir de 178
«débrechtiser» Brecht ne réside plus familiales difficiles. Son outil privilégié: dans les grandes machines théâtrales, la marionnette. mais dans les Lehrstùcke, négligées à tort. En effet, elles pourront donner du Son livre nous montre d'abord com- «tranchant au brechtisme», comme le ment la marionnette fut libératrice et remarque bien Jean-François Peyret efficace dans sa vie à elle. Puis, elle (p. 147). Parce que nous trouvons là, nous montre le fonctionnement de la comme notamment dans la Décision marionnette à travers une série de cas (Die Massnahme) un Brecht pas encore vécus à son atelier. Plus qu'objet de en pleine possession de sa théorie, un spectacle, la marionnette donne forme Brecht hésitant, expérimentant, qui se au monde intérieur, le rend visible, cherche encore. Et c'est la quête de ce apprivoisable. Elle devient porteuse de Brecht d'avant Brecht qui rend la lec- joie puisqu'elle s'alimente dans la ture de ce Cahier si passionnante. créativité. Pour l'enfant, c'est une image agissante, très près des origines heinz weinmann de la marionnette au moment où elle était encore un objet hautement magi- que. L'enfant, communiquant ainsi par l'image, le symbole, renoue sans dé- tour intellectuel avec la magie de la marionnette. Ainsi, un enfant lui souf- fle: «On peut tout faire en marionnette, même ce qui n'existe pas.» (p. 82) En somme, l'auteur nous fait vivre à travers son expérience intime et celle «la poupée des enfants de son atelier comment la marionnette peut agir comme double au petit nez» et particulièrement comme double li- bérateur. Essai d'Ursula Tappolet, Lausanne-Paris-Montréal, Delachaux et Niestlé, 1979, 118 pages, ill. Un petit bijou de photographie couleur sur la page couverture nous montre la la marionnette dans l'éducation tête blanche d'une poupée au regard À cause de leur rareté, les livres trai- intense et au petit nez. Cependant, les tant de la marionnette sont les bienve- quelques douze photos noir et blanc nus. En voici un sorti d'une expérience insérées dans le texte laissent beau- de dix ans dans un atelier de marion- coup à désirer. nettes dirigé par Ursula Tappolet, psy- chopédagogue, au contact d'enfants Dans sa préface au livre, le docteur dont la majorité avait besoin d'aide. Bertrand Cramer écrit: «Ce livre devrait intéresser ceux qui travaillent Que ce soit en éducation ou en situa- avec des enfants, ceux qui emploient les ma- rionnettes et tous ceux qui s'intéressent au tion d'aide thérapeutique, le problème problème de la représentation symbolique.» majeur consiste souvent à trouver un (p. 7). moyen de communiquer. L'auteur de- vait aider des enfants souffrant d'in- Il mise juste. Éducateurs, animateurs, somnies, de peurs incontrôlées, de marionnettistes ont là un objet de ré- troubles de langage ou de relations flexion plein de vécu, d'écoute atten- 179
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