BILAN 2017 QUÉBEC PRODUCTIVITÉ ET PROSPÉRITÉ - Centre sur la ...
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Février 2018 PRODUCTIVITÉ BILAN Auteurs Jonathan Deslauriers Robert Gagné ET PROSPÉRITÉ QUÉBEC 2017 Jonathan Paré AU Mise en page Jérôme Boivin À propos du Centre sur la productivité et la Centre sur la productivité et la prospérité – prospérité – Fondation Walter J. Somers Fondation Walter J. Somers Le Centre sur la productivité et la prospérité – HEC Montréal Fondation Walter J. Somers mène une double mission. 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Il se consacre d’abord à la recherche sur la productivité Montréal (Québec) Canada H3T 2A7 et la prospérité en ayant comme principal sujet Téléphone : 514 340-6449 d’étude le Québec. Ensuite, il veille à faire connaître les résultats de ses travaux par des activités de transfert Dépôt légal : premier trimestre 2018 et d’éducation. ISBN : 978-2-924208-59-5 À propos de la Fondation Walter J. Somers Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018 Bibliothèque et Archives Canada, 2018 En hommage au fondateur de l’entreprise Walter Technologies pour surfaces, la famille Somers a mis sur Cette publication a bénéficié du soutien financier du ministère des Finances du Québec et de la Fondation Walter J. Somers. pied la Fondation Walter J. Somers. À travers différents dons, la Fondation perpétue l’héritage familial Les textes, opinions, renseignements et informations exprimés dans le document n’engagent que la responsabilité de leurs d’engagement envers la communauté et contribue auteurs et non celle du ministère des Finances. L’information présentée dans ce document ne reflète pas nécessairement les à la prospérité de la société québécoise, d’abord en opinions du ministère des Finances. veillant à améliorer sa productivité, mais également en appuyant l’excellence dans l’éducation des jeunes. Photo du drapeau : iStock @MarkPiovesan Illustrations : iStock @antoniokhr Pour en apprendre davantage sur le Centre, visitez le www.hec.ca/cpp ou écrivez-nous, à info.cpp@hec.ca. © 2018 Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers, HEC Montréal 2
MOT DU DIRECTEUR Depuis maintenant près de dix ans, le Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers (CPP) consacre ses recherches sur la question de la productivité et de la prospérité économique du Québec. Une soixantaine d’études ont ainsi été publiées autour d’un thème central, celui du retard économique cumulé par la province au cours des 35 dernières années. Pour illustrer l’ampleur de l’enjeu qui sous-tend ce retard, remettons les compteurs à zéro en 1981 en fixant un niveau de vie théorique de 100 $ par habitant pour toutes les économies avec lesquelles le CPP compare le Québec, et appliquons ensuite les taux de croissance enregistrés de part et d’autre pour évaluer dans quelle mesure le développement relativement lent de l’économie québécoise s’est répercuté sur le niveau de vie de la province. Le constat est alors frappant : après 35 ans, un écart de plus de 20 % séparerait le niveau de vie du Québec de la moyenne des 20 principaux pays de l’OCDE (OCDE20). Autrement dit, l’économie du Québec produirait toute proportion gardée 2 000 $ de moins pour chaque tranche de 10 000 $ produite ailleurs à l’OCDE. Là où le bât blesse, c’est que le Québec cumulait déjà un retard significatif au début des années 80. Les conséquences d’une croissance plus lente qu’ailleurs auront été encore plus importantes. En 2016, un écart de plus de 25 % séparait le Québec de la moyenne OCDE20, pour une différence globale de près de 12 500 $ par habitant. Cet écart est pratiquement neuf fois plus grand qu’il ne l’était 35 ans plus tôt. Bien que ces statistiques suffisent à elles seules à dresser un portrait préoccupant de l’état de l’économie québécoise, la situation devient franchement inquiétante lorsqu’on s’intéresse à la nature de ce retard. Au cours des décennies 80 et 90, l’écart entre le Québec et la moyenne OCDE20 s’est d’abord accentué parce que la province a été plus durement touchée par les deux récessions. Une fois les récessions passées, l’économie québécoise reprenait la cadence des pays qui composent le groupe OCDE20 ce qui permettait au Québec de maintenir un écart relativement constant avec la moyenne. Depuis le début des années 2000, l’écart s’accentue sans que la conjoncture économique ne soit en cause. De 2000 à 2007, l’écart de niveau de vie qui sépare le Québec des autres pays s’est accentué à un rythme préoccupant et pourtant, aucun choc ne menaçait l’économie de la province. Et bien que la province ait été moins durement touchée par la récession de 2008, l’écart de niveau de vie s’est accru à un rythme «le retard économique du alarmant une fois que les effets de la récession se soient dissipés ailleurs dans le monde. C’est donc dire que le retard économique du Québec est avant tout d’origine structurelle, c’est-à-dire que la structure de Québec est avant tout d’origine l’économie du Québec ne lui permet pas de suivre la cadence des autres pays. structurelle, c’est-à-dire que Lourd de conséquences, ce changement signifie que l’écart de niveau de vie qui sépare le Québec d’une vaste majorité de pays occidentaux augmentera inéluctablement si rien n’est fait pour corriger le tir. Fort de ce constat, le CPP aborde cette neuvième édition de Productivité et prospérité au Québec – Bilan en la structure de l’économie du proposant une série de fiches thématiques articulées autour de la question de la prospérité économique du Québec. En un coup d’œil, il vous sera possible de vous familiariser avec les principaux repères Québec ne lui permet pas de économiques et ainsi mieux comprendre les enjeux qui sous-tendent la situation économique du Québec. suivre la cadence des autres pays» Bonne lecture! Robert Gagné Directeur du Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers 3
Section 1 LE QUÉBEC EN PERTE DE VITESSE Au cours des 35 dernières années, l’économie du Québec a progressé à un rythme relativement lent. Résultat : la province est désormais reléguée en peloton de queue lorsqu’on compare son niveau de vie à celui des vingt pays qui composent le groupe OCDE20 et à celui des neuf autres provinces canadiennes. 4
2016 à parité des pouvoirs d’achat PIB par habitant en dollars canadiens de POUVOIRS D’ACHAT EN 2016 NIVEAU DE VIE À PARITÉ DES GRAPHIQUE 2 En pourcentage D’ACHAT ENTRE 1981 ET 2016 VIE À PARITÉ DES POUVOIR MOYENNE DU NIVEAU DE CROISSANCE ANNUELLE GRAPHIQUE 1 Île-du-Prince-Édouard 42 289 Italie 1,0% Nouvelle-Écosse 43 986 Suisse 1,0% 7 Nouveau-Brunswick 45 187 Alberta 1,0% 2 Espagne 45 482 Colombie-Britannique 1,0% 1 Corée du Sud 45 751 Québec 1,2% 3 Québec 47 443 Ontario 1,2% 3 Nouvelle-Zélande 48 023 France 1,3% 3 Italie 48 053 Canada 1,3% 85 Manitoba 51 485 Nouvelle-Zélande 1,3% 02 France 51 802 Manitoba 1,4% 935 Japon 52 935 Belgique 1,5% 377 Royaume-Uni 53 377 Danemark 1,5% 284 Finlande 54 284 Saskatchewan 1,5% 428 Colombie-Britannique 55 428 Nouvelle-Écosse 1,5% 129 Canada 56 129 Allemagne 1,6% 870 Ontario 56 870 Islande 1,6% 8 368 Belgique 58 368 Pays-Bas 1,6% 8 668 Terre-Neuve-et-Labrador 58 668 Finlande 1,6% 0 416 Australie 60 416 États-Unis 1,7% 61 245 Suède 61 245 Australie 1,7% 61 298 Allemagne 61 298 Suède 1,7% 61 390 Danemark 61 390 Nouveau-Brunswick 1,7% 62 632 Islande 62 632 Japon 1,7% 63 293 Pays-Bas 63 293 Norvège 1,8% 65 525 Saskatchewan 65 525 Espagne 1,8% 72 131 États-Unis 72 131 Île-du-Prince-Édouard 1,8% 73 627 Norvège 73 627 Royaume-Uni 1,9% économies comparées (Graphique 2). En 2016, seules les provinces maritimes, l’Espagne et la Corée du Sud affichaient un niveau de vie inférieur à celui du Québec. 74 343 Alberta 74 343 Terre-Neuve-et-Labrador 2,5% 80 010 Suisse 80 010 Irlande 4,1% 90 776 Corée du Sud 5,5% LE QUÉBEC EN PERTE DE VITESSE Irlande 90 776 et l’Alberta ont enregistré une croissance inférieure à celle observée au Québec. Résultat : la province affiche désormais l’un des plus faibles niveaux de vie parmi les trente Entre 1981 et 2016, le Québec a enregistré l’une des plus faibles croissances au chapitre du niveau de vie (Graphique 1). En fait, seules l’Italie, la Colombie-Britannique, la Suisse 5
À PROPOS DU NIVEAU DE VIE Si la mesure du niveau de vie est utile lors de comparaisons internationales, on doit être conscient que cette mesure de la prospérité économique n’offre que peu de renseignements sur la qualité de vie ou sur la manière dont la richesse est distribuée dans l’économie. En somme, deux pays ayant des niveaux de vie identiques peuvent en théorie offrir une qualité de vie diamétralement opposée. Par exemple, un individu pourrait accaparer 99 % de la richesse produite dans l’économie A alors que dans l’économie B, la même richesse pourrait être répartie uniformément entre les citoyens. À terme, ces deux pays afficheraient un niveau de vie similaire, mais offriraient à leurs citoyens une qualité de vie pour le moins différente. Si de tels écarts ne sont évidemment pas observés parmi les pays avec lesquels le Québec se compare, on doit se rappeler que le niveau de vie tel que mesuré par le PIB par habitant est avant tout un indicateur de la capacité d’une économie à générer de la richesse plutôt qu’un indicateur de la qualité de vie. LA PARITÉ DES POUVOIRS D’ACHAT Pour être en mesure de comparer le niveau de vie du Québec à celui de certains autres pays, on doit s’assurer de comparer la performance des pays dans une monnaie commune. L’objectif est ici fort simple : savoir que le PIB par habitant de la Suède s’élevait à 443 894 couronnes par habitant en 2016 n’est pas très révélateur lorsqu’on cherche à déterminer si le Québec accuse un retard économique en affichant un niveau de vie de 47 443 $ par habitant. Pour convertir les niveaux de vie dans une monnaie commune, on peut utiliser un taux de change du marché, soit le taux à partir duquel une banque convertira les dollars en vue d’un déplacement à l’extérieur du Canada. Si cette approche a l’avantage d’être simple dans son application, elle comporte en revanche des limites importantes. Les taux de change du marché sont notamment sujets à des variations soudaines qui peuvent parfois s’avérer importantes. Dans la mesure où ces variations peuvent n’avoir aucun lien avec les conditions économiques d’un pays, elles pourraient biaiser les comparaisons internationales. Plus important encore, le taux de change du marché ne prend pas en considération le pouvoir d’achat de chaque devise, de sorte qu’on ne considère pas la quantité de biens et services qu’un dollar canadien peut acheter par rapport à une autre devise. Pour corriger cette importante limite, certains organismes tels que l’OCDE publient des taux de change de parité des pouvoirs d’achat. Ces taux de change tiennent compte des écarts dans le coût de la vie en mesurant le pouvoir d’achat des devises à partir d’un panier de biens normalisé. Les taux de change de parité des pouvoirs d’achat comparent donc la quantité de monnaie nationale nécessaire pour acheter une quantité déterminée de biens et services, quel que soit le pays. Il est ainsi possible d’évaluer les niveaux de vie en évacuant les différences de prix qui séparent les pays. POURQUOI 20 PAYS? Les pays qui composent le groupe OCDE20 ont été retenus selon l’accessibilité aux données historiques. Sur les 35 pays membres de l’OCDE, 20 pays ont ainsi été retenus pour les fins de l’analyse. La Grèce, l’Autriche, le Portugal, la Slovénie, la République tchèque, la Hongrie, l’Estonie, la Lettonie, la République slovaque, la Pologne, la Turquie, le Luxembourg, le Chili, le Mexique et Israël ne font pas partie de ce classement. 6
UN RETARD EN MUTATION En scindant la croissance des niveaux de vie par périodes, on peut voir que l’origine du retard économique du Québec a évolué à travers le temps. Au cours des décennies 80 et 90, le retard économique du Québec a d’abord été alimenté par les deux récessions qui ont durement frappé l’économie de la province. Depuis le début des années 2000, ce retard s’accentue de manière quasi-systématique, que l’économie soit en récession ou non. • Au début des décennies 80 et 90, le Québec et le Canada dans son ensemble ont été durement touchés par deux récessions 1981-1982 1988-1992 2007-2009 majeures (Graphique 3). De 1981 à 1982, le Corée du Sud Corée du Sud Corée du Sud niveau de vie du Québec a chuté de 4,26 %, Nouvelle-Écosse Irlande Nouvelle-Écosse alors qu’au cours des quatre années qui ont Danemark Japon Manitoba marqué la récession du début des années Japon Allemagne Australie 90, le niveau de vie du Québec a diminué de Finlande Espagne Île-du-Prince-Édouard 1,3 % par année. Royaume-Uni Pays-Bas Québec • En revanche, le Québec est parvenu à limiter France Belgique Nouveau-Brunswick les dégâts en soutenant une croissance Irlande Norvège Nouvelle-Zélande enviable de son niveau de vie une fois les Suède France Suisse récessions terminées (Graphique 4 à la page Terre-Neuve-et-Labrador Saskatchewan Pays-Bas suivante). De 1982 à 1988, le Québec a Islande Italie Belgique maintenu une croissance annuelle moyenne Espagne Île-du-Prince-Édouard Saskatchewan de 2,6 % de son niveau de vie. La province Belgique Danemark Norvège talonnait alors la Suède et le Danemark. Et au Nouveau-Brunswick États-Unis France cours de la majeure partie des années 90, le Italie Suisse Allemagne Québec a maintenu une croissance annuelle Nouvelle-Zélande Australie Canada moyenne de 2,9 % de son niveau de vie, une Île-du-Prince-Édouard Terre-Neuve-et-Labrador Colombie-Britannique croissance supérieure à la moyenne nationale Norvège Manitoba États-Unis et à celle observée dans de nombreux pays. Allemagne Royaume-Uni Ontario Pays-Bas Nouvelle-Écosse Espagne Suisse Suède Royaume-Uni États-Unis Alberta Danemark Manitoba Nouveau-Brunswick Japon Saskatchewan Colombie-Britannique Suède Australie Canada Italie GRAPHIQUE 3 Québec Québec Islande CROISSANCE ANNUELLE MOYENNE DU Canada Finlande Alberta NIVEAU DE VIE À PARITÉ DES POUVOIRS Ontario Nouvelle-Zélande Finlande D’ACHAT EN PÉRIODE DE RÉCESSION Alberta Islande Irlande En pourcentage Colombie-Britannique Ontario Terre-Neuve-et-Labrador -10% -5% 0% 5% -5% 0% 5% -5% 0% 5% 7
• La tendance s’est inversée au tournant des années • En rupture avec le passé, le Québec a • Une fois la récession terminée, la croissance du niveau de 2000. Avec une croissance annuelle moyenne ensuite été épargné par la récession de vie au Québec a été plus lente que dans une vaste majorité de 1,26 % de son niveau de vie de 2000 à 2007 2008. Même si l’économie s’est légèrement de pays et de provinces et ce même si les pays de l’OCDE (Graphique 4), le Québec a enregistré l’une des contractée en 2008 et 2009, le Québec ont été plus durement touchés et que la reprise a tardé à plus faibles croissances parmi les 30 économies a affiché une croissance économique se matérialiser. Entre 2009 et 2016, seuls quatre pays et analysées. Pourtant, aucun choc conjoncturel ne supérieure à celle d’une large majorité de les trois provinces maritimes ont enregistré une croissance menaçait alors l’économie de la province. provinces et de pays. inférieure à celle observée au Québec. 1982-1988 1992-2000 2000-2007 2009-2016 GRAPHIQUE 4 Corée du Sud Irlande Terre-Neuve-et-Labrador Irlande CROISSANCE Japon Corée du Sud Corée du Sud Corée du Sud ANNUELLE MOYENNE Royaume-Uni Terre-Neuve-et-Labrador Islande Colombie-Britannique DU NIVEAU DE VIE À Nouveau-Brunswick Finlande Irlande Suède PARITÉ DES POUVOIRS Ontario Norvège Finlande Allemagne D’ACHAT EN PÉRIODE États-Unis Saskatchewan Suède Islande HORS-RÉCESSION Finlande Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Zélande Japon En pourcentage Norvège Pays-Bas Colombie-Britannique États-Unis Espagne Alberta Nouveau-Brunswick Ontario Terre-Neuve-et-Labrador Ontario Royaume-Uni Royaume-Uni Italie Royaume-Uni Australie Nouvelle-Zélande Canada Québec Espagne Canada Nouvelle-Écosse Islande Saskatchewan Australie Australie Nouvelle-Zélande Île-du-Prince-Édouard Saskatchewan Île-du-Prince-Édouard Australie Nouvelle-Écosse Manitoba Danemark Canada Manitoba Danemark Suède Nouveau-Brunswick Norvège Terre-Neuve-et-Labrador Québec Espagne Belgique Suisse Irlande Suède Pays-Bas Alberta Allemagne États-Unis Suisse Pays-Bas Alberta Danemark Canada Belgique Colombie-Britannique Manitoba Allemagne France Islande Belgique États-Unis Québec Belgique Nouvelle-Écosse Alberta Nouvelle-Écosse Pays-Bas France Danemark Île-du-Prince-Édouard Manitoba Italie Québec Nouveau-Brunswick Suisse Allemagne Japon Norvège France Colombie-Britannique France Espagne Saskatchewan Suisse Ontario Finlande Nouvelle-Zélande Japon Italie Italie 0% 2% 4% 6% 8% 0% 2% 4% 6% 0% 2% 4% 6% 0% 2% 4% 6% 8
Section 2 POURQUOI UN TEL RETARD? À long terme, la quasi-totalité de la croissance du niveau de vie passe par des gains de productivité. La performance du Québec à ce chapitre ayant été désastreuse, on ne doit pas se surprendre si l’économie québécoise progresse plus lentement. 9
1981-2016 QU’EST CE QUI EXPLIQUE LA FAIBLE CROISSANCE DU NIVEAU DE VIE AU QUÉBEC? Pour comprendre pourquoi la croissance économique au Québec a En somme, le niveau de vie d’une économie est déterminé en fonction été si faible au cours des 35 dernières années, on peut se référer à une de l’efficacité avec laquelle elle génère de la richesse (productivité du équation simple où le niveau de vie est déterminé par trois facteurs : travail), de la proportion de la population qui travaille (taux d’emploi) et du nombre d’heures travaillées en moyenne par emploi (intensité • La productivité du travail, qui mesure la richesse générée en du travail). En théorie, une société dispose donc de trois leviers pour moyenne par heure travaillée; stimuler la croissance de son niveau de vie : • L’intensité du travail, qui évalue le nombre moyen d’heures • Travailler plus efficacement en augmentant la richesse générée par travaillées par emploi; heure travaillée; • Le taux d’emploi, qui mesure la proportion de la population qui • Travailler plus longtemps en augmentant la durée moyenne du détient un emploi. temps passé au travail; • Travailler davantage en augmentant le nombre d’emplois. La pratique démontre toutefois qu’à long terme, la quasi-totalité de la croissance économique passera par des gains de productivité. NIVEAU DE VIE = PRODUCTIVITÉ × INTENSITÉ × TAUX D’EMPLOI DU TRAVAIL DU TRAVAIL GLOBAL FIGURE 1 LES TROIS DÉTERMINANTS DU NIVEAU DE VIE 10
95% DE LA TABLEAU 1 SOURCES DE LA CROISSANCE DU NIVEAU DE VIE À PARITÉ DES POUVOIRS D’ACHAT ENTRE 1981 ET 2016 CROISSANCE PIB par habitant en dollars canadiens de 2016 VARIATION DU NIVEAU DE VIE EXPLIQUÉE PAR UN CHANGEMENT DANS: EXPLIQUÉE PAR VARIATION DU NIVEAU DE LA PRODUCTIVITÉ L'INTENSITÉ LE TAUX D'EMPLOI VIE ENTRE 1981 ET 2016 DU TRAVAIL DU TRAVAIL GLOBAL DES GAINS DE IRLANDE 68 363 66 110 -9 030 11 283 CORÉE DU SUD 38 735 38 168 -6 585 7 152 TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR 33 725 22 848 -2 231 13 108 PRODUCTIVITÉ NORVÈGE 33 556 33 648 -5 170 5 077 ÉTATS-UNIS 31 985 28 249 917 2 819 SUÈDE 27 408 26 413 3 053 -2 058 PAYS-BAS 27 406 20 973 -3 766 10 200 En décomposant la croissance du niveau de vie des 30 économies analysées, on peut ISLANDE 27 057 27 070 -3 414 3 400 voir à quel point la productivité du travail joue un rôle déterminant : en moyenne, AUSTRALIE 26 888 22 203 -2 065 6 750 95 % de l’augmentation du niveau de vie enregistrée entre 1981 et 2016 provient d’une SASKATCHEWAN 26 647 23 890 -3 545 6 302 augmentation de la productivité du travail. Les pays et les provinces où les gains de ALLEMAGNE 26 384 28 217 -11 153 9 320 productivité du travail ont été importants ont ainsi enregistré une forte progression de ROYAUME-UNI 25 829 21 826 -648 4 651 leur niveau de vie - c’est notamment le cas de la Corée du Sud et de la Finlande – alors DANEMARK 24 812 27 441 -4 455 1 826 qu’inversement, les pays ou les provinces où les gains de productivité du travail ont JAPON 23 745 30 197 -8 239 1 787 été limités ont pour la plupart enregistré une augmentation relativement faible de leur FINLANDE 23 624 32 200 -5 217 -3 359 niveau de vie. C’est le cas du Québec : BELGIQUE 23 387 22 984 -3 898 4 302 • Entre 1981 et 2016, 80,6 % (12 785 $ sur un total de 15 860 $ par habitant) de SUISSE 22 820 25 663 -11 374 8 531 l’augmentation du niveau de vie au Québec s’explique par l’augmentation de ALBERTA 21 998 24 956 -4 551 1 593 la productivité du travail (Tableau 1). Seul le Nouveau-Brunswick affiche une contribution inférieure à celle du Québec et encore, le Québec ne devance la ESPAGNE 20 825 16 285 -3 477 8 016 province que par quelques dizaines de dollars par habitant. NOUVEAU-BRUNSWICK 20 265 12 748 -560 8 077 CANADA 19 849 18 430 -2 823 4 242 • En contrepartie, la contribution du taux d’emploi a été plus importante qu’ailleurs. ONTARIO 19 760 20 938 -2 283 1 105 Entre 1981 et 2016, 40,3 % (ou 6 393 $ par habitant) de l’augmentation du niveau de vie a été expliquée par une augmentation de la participation au marché du MANITOBA 19 584 19 472 -2 912 3 024 travail. Toutes proportions gardées, l’apport du taux d’emploi a été deux fois plus ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD 19 497 14 824 -1 905 6 579 important qu’il ne l’a été en moyenne parmi les 30 économies analysées. FRANCE 18 292 24 437 -6 627 482 • Finalement, la diminution de l’intensité du travail a ralenti la croissance économique NOUVELLE-ÉCOSSE 18 244 13 742 -2 150 6 652 par habitant (ou 20,9 % d’une augmentation globale de 15 860 $ par habitant). Le NOUVELLE-ZÉLANDE 17 521 17 286 -2 336 2 570 Québec ne fait toutefois pas figure d’exception. Seuls la Suède et les États-Unis COLOMBIE-BRITANNIQUE 16 871 16 045 -2 622 3 448 ont enregistré une augmentation du nombre d’heures travaillées en moyenne par QUÉBEC 15 860 12 785 -3 319 6 393 emploi depuis 1981. ITALIE 13 620 13 625 -3 126 3 121 11
PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL : GRAPHIQUE 5 CROISSANCE ANNUELLE MOYENNE DE LA PRODUCTIVITÉ AU CŒUR DU PROBLÈME DU TRAVAIL ENTRE 1981 ET 2016 En pourcentage Corée du Sud 5,4% Irlande 3,9% La faible contribution de la productivité du travail à l’accroissement du niveau de vie au Québec est le résultat d’une croissance particulièrement faible de la productivité de la province. Au cours des 35 dernières années, la croissance Finlande 2,2% annuelle moyenne de la productivité du travail québécoise n’a pas dépassé la barre du 1 %, reléguant de fait la province en Japon 2,2% queue de peloton. Désormais, le Québec accuse un important retard sur la moyenne OCDE20 en matière de productivité Norvège 1,8% - et dans une moindre mesure sur la moyenne canadienne - alors que 35 ans auparavant, ils étaient pratiquement à parité Allemagne 1,7% (Graphique 6) : France 1,7% Terre-Neuve-et-Labrador 1,7% • En 2016, les pays de l’OCDE généraient en moyenne • Le Québec accuse par ailleurs un retard de 6,72 $ Danemark 1,6% 17,50 $ de plus par heure travaillée qu’au Québec alors par heure travaillée sur la moyenne canadienne qu’au début des années 80, le Québec détenait un léger alors qu’en 1981, cet écart n’était que de 1,38 $ par Suède 1,6% avantage sur la moyenne OCDE20. heure travaillée. Islande 1,6% Royaume-Uni 1,6% États-Unis 1,5% Belgique 1,4% Australie 1,4% 75,00 Moyenne OCDE 20 Espagne 1,4% Québec 70,00 Canada Manitoba 1,4% Île-du-Prince-Édouard 1,4% 65,00 Saskatchewan 1,3% 60,00 Ontario 1,3% 55,00 Nouvelle-Zélande 1,3% Pays-Bas 1,2% 50,00 Canada 1,2% 45,00 Nouvelle-Écosse 1,2% GRAPHIQUE 6 Alberta 1,1% 40,00 ÉVOLUTION DE LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL Suisse 1,1% 35,00 PIB en dollars canadiens de 2016 par heure travaillée Nouveau-Brunswick 1,1% Colombie-Britannique 1,0% 30,00 Italie 1,0% 2000 2004 2006 2009 2008 2002 2003 2005 2001 2007 1996 1990 1994 1984 1999 1998 1983 1988 1985 1986 1992 1993 1995 1989 1982 1991 1997 1987 2016 2010 1981 2014 2015 2013 2012 2011 Québec 0,9% 12
LA PRODUCTIVITÉ : GRAPHIQUE 7 COURROIE DE TRANSMISSION DE PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL EN 2016 PIB en dollars canadiens de 2016 LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE par heure travaillée Irlande 119,54 119,54 Norvège 97,57 97,57 En raison d’une croissance anémique échelonnée sur plus de • Dans l’éventualité où la croissance annuelle Belgique 91,56 91,56 trois décennies, le Québec affiche aujourd’hui un niveau de moyenne de la productivité du travail productivité particulièrement faible. En 2016, seuls deux pays québécoise avait été similaire à celle enregistrée Danemark 86,76 86,76 et trois provinces généraient moins de richesse par heure en Suède, le Québec afficherait aujourd’hui un Allemagne 85,14 85,14 travaillée (Graphique 7). niveau de vie supérieur à la moyenne nationale. Suisse 84,88 84,88 Actuellement relégué en peloton de queue, le Québec se • Et dans l’éventualité où la croissance Pays-Bas 84,29 84,29 trouverait aujourd’hui en meilleure position s’il avait été en annuelle moyenne de la productivité du France 83,47 83,47 mesure de stimuler adéquatement la croissance de sa productivité travail québécoise avait été similaire à celle du travail au cours des 35 dernières années. Les exemples de enregistrée en Finlande – qui affichait une États-Unis 79,42 79,42 la Suède et de la Finlande –des économies nordiques de petite productivité inférieure à celle du Québec en Alberta 77,35 77,35 taille où l’intervention de l’État est aussi importante qu’ici, sinon 1981 – le Québec se positionnerait aujourd’hui Suède 76,42 76,42 davantage – sont particulièrement révélateurs (Graphique 8) : en peloton de tête au chapitre du niveau de vie. Terre-Neuve-et-Labrador 75,07 75,07 Saskatchewan 73,37 73,37 NIVEAU DE VIE AU QUÉBEC SI LA CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ AVAIT ÉTÉ SIMILAIRE À CELLE DE: Finlande 72,50 72,50 90 000 GRAPHIQUE 8 Australie 70,42 70,42 80 000 NIVEAU DE VIE À PARITÉ DES LA SUÈDE LA FINLANDE POUVOIRS D’ACHAT EN 2016 Italie 68,07 68,07 70 000 PIB par habitant en dollars canadiens de 2016 Royaume-Uni 66,03 66,03 60 000 Espagne 65,42 65,42 50 000 Colombie-Britannique 64,95 64,95 Ontario 64,94 64,94 40 000 Canada 64,71 64,71 30 000 Manitoba 60,10 60,10 20 000 Islande 58,68 58,68 43 986 58 668 60 540 48 053 58 368 45 482 63 293 62 632 48 023 52 935 54 284 61 390 90 776 42 289 61 298 65 525 53 377 55 428 47 443 51 802 73 627 51 485 56 870 56 129 61 245 80 010 45 187 74 343 74 453 45 751 60 416 72 131 10 000 Japon 58,64 58,64 Québec 57,99 57,99 0 Espagne Québec Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Zélande Nouvelle-Écosse Corée du Sud Italie Manitoba Nouveau-Brunswick France Japon Royaume-Uni Finlande Canada Québec Ontario Belgique Australie Suède Allemagne Islande Pays-Bas États-Unis Norvège Québec Saskatchewan Alberta Colombie-Britannique Terre-Neuve-et-Labrador Danemark Suisse Irlande Nouveau-Brunswick 53,84 53,84 Nouvelle-Zélande 53,04 53,04 Nouvelle-Écosse 52,89 52,89 Île-du-Prince-Édouard 50,17 50,17 Corée du Sud 43,19 43,19 13
L’INTENSITÉ DU TRAVAIL : UN EFFET LIMITÉ GRAPHIQUE 9 INTENSITÉ DU TRAVAIL EN 2016 Heures travaillées par emploi Contrairement à une perception répandue, le fait de travailler davantage ne générera que des gains limités en termes de Corée du Sud 2 069 niveau de vie. Par exemple, si le Québec affichait une intensité du travail similaire à celle de Terre-Neuve-et-Labrador – Islande 1 883 la quatrième plus élevée des 30 économies analysées (Graphique 9) - le niveau de vie au Québec n’augmenterait que de États-Unis 1 848 4 359 $ par habitant (Graphique 10). Il s’agit d’un gain plutôt modeste considérant que 152 heures de travail additionnelles s’ajouteraient à chaque emploi, l’équivalent de quatre semaines de travail supplémentaires. Terre-Neuve-et-Labrador 1 803 Nouveau-Brunswick 1 775 Loin d’être surprenant, ce résultat est une des conséquences directes de la faible productivité du Québec. Dans la mesure où une heure travaillée au Québec génère moins de richesse qu’une heure travaillée ailleurs au Canada ou à l’OCDE, Île-du-Prince-Édouard 1 759 on ne doit pas s’étonner du fait que travailler davantage ne génère que des gains modestes en termes de niveau de vie. Alberta 1 759 Nouvelle-Zélande 1 752 100 000 Saskatchewan 1 740 GRAPHIQUE 10 Irlande 1 739 90 000 NIVEAU DE VIE À PARITÉ DES POUVOIRS D’ACHAT EN 2016 Australie 1 731 80 000 PIB par habitant en dollars canadiens de 2016 Italie 1 725 Nouvelle-Écosse 1 715 70 000 Ontario 1 714 SI LE QUÉBEC AFFICHAIT UNE 60 000 INTENSITÉ DU TRAVAIL SIMILAIRE À Japon 1 713 CELLE DE TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR 50 000 Canada 1 703 Espagne 1 701 40 000 1 689 Manitoba 30 000 Colombie-Britannique 1 676 Royaume-Uni 1 673 20 000 Québec 1 651 43 986 58 668 48 053 58 368 45 482 63 293 62 632 48 023 52 935 54 284 61 390 90 776 42 289 55 428 61 298 65 525 53 377 47 443 51 802 51 802 73 627 51 485 56 870 56 129 61 245 80 010 45 187 74 343 45 751 60 416 10 000 72 131 Finlande 1 635 Suède 1 626 0 Suisse 1 590 Espagne Québec Québec Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Corée du Sud Nouvelle-Zélande Italie Manitoba France Japon Royaume-Uni Finlande Colombie-Britannique Canada Ontario Belgique Australie Suède Allemagne Pays-Bas Saskatchewan États-Unis Norvège Alberta Terre-Neuve-et-Labrador Danemark Islande Suisse Irlande Belgique 1 546 France 1 503 Pays-Bas 1 437 Norvège 1 429 Danemark 1 409 Allemagne 1 359 14
TAUX D’EMPLOI : GRAPHIQUE 11 SEUIL DE RÉSILIENCE ATTEINT TAUX D’EMPLOI EN 2016 Nombre d’emplois sur la population totale La pression démographique ne cessant de s’accroître, le Québec ne pourra bientôt plus compter sur le dynamisme de Suisse 59,3% son marché du travail pour stimuler la croissance de son économie. En supposant que le Québec parvenait à élever son Islande 56,7% taux d’emploi à un niveau similaire à celui de l’Alberta -le plus élevé au Canada et le troisième parmi les trente économies Alberta 54,6% analysées (Graphique 11)- le niveau de vie au Québec n’augmenterait que de 4 877 $ par habitant (Graphique 12). Et pour afficher un tel taux d’emploi, le taux de chômage devrait être à 0 % et une partie de la population inactive devrait réintégrer Allemagne 53,0% le marché du travail et occuper un emploi. Autrement dit, le marché du travail atteindrait un point de saturation. Norvège 52,8% Japon 52,7% Pays-Bas 52,3% Nouvelle-Zélande 51,7% 100 000 Saskatchewan 51,3% 90 000 GRAPHIQUE 12 Corée du Sud 51,2% NIVEAU DE VIE À PARITÉ DES POUVOIRS D’ACHAT EN 2016 Ontario 51,1% 80 000 PIB par habitant en dollars canadiens de 2016 Colombie-Britannique 50,9% 70 000 Canada 50,9% 60 000 SI LE QUÉBEC AFFICHAIT UN TAUX Manitoba 50,7% D’EMPLOI SIMILAIRE À CELUI DE L’ALBERTA Danemark 50,2% 50 000 Australie 49,6% 40 000 Québec 49,6% Suède 49,3% 30 000 États-Unis 49,1% 20 000 Nouvelle-Écosse 48,5% Royaume-Uni 48,3% 43 986 58 668 48 053 58 368 45 482 63 293 62 632 48 023 52 935 54 284 61 390 90 776 42 289 52 320 55 428 61 298 65 525 53 377 47 443 51 802 73 627 51 485 56 870 56 129 61 245 80 010 45 187 74 343 45 751 60 416 72 131 10 000 Île-du-Prince-Édouard 47,9% 0 Nouveau-Brunswick 47,3% Espagne Québec Québec Île-du-Prince-Édouard Nouvelle-Écosse Nouveau-Brunswick Corée du Sud Nouvelle-Zélande Italie Manitoba France Japon Royaume-Uni Finlande Colombie-Britannique Canada Ontario Belgique Australie Suède Allemagne Pays-Bas États-Unis Norvège Alberta Terre-Neuve-et-Labrador Danemark Islande Saskatchewan Suisse Irlande Finlande 45,8% Irlande 43,7% Terre-Neuve-et-Labrador 43,4% France 41,3% Belgique 41,2% Italie 40,9% Espagne 40,9% 15
LE CAS DE LA FINLANDE (OU L’IMPORTANCE DE LA PRODUCTIVITÉ) Pour stimuler la croissance de son économie, le Québec GRAPHIQUE 13 devra invariablement miser sur une augmentation de sa ÉVOLUTION DU NIVEAU DE VIE ET DE SES PRINCIPALES COMPOSANTES productivité. Le cas de la Finlande est à ce chapitre fort ENTRE 1981 ET 2016, QUÉBEC ET FINLANDE instructif (Graphique 13) : • Au début des années 80, la productivité du travail finlandaise était Québec inférieure à celle du Québec. La Finlande comptait toutefois sur un 60 000 taux d’emploi et une intensité du travail plus élevés qu’au Québec, ce Finlande 70,00 qui lui permettait d’afficher un niveau de vie pratiquement identique à 50 000 60,00 celui du Québec. 40 000 50,00 • En s’appuyant sur une croissance soutenue de sa productivité, la Finlande est rapidement parvenue à distancier le Québec. À la fin des années 80, 40,00 le niveau de vie en Finlande était 14 % plus élevé que celui du Québec. 30 000 30,00 • Les économies scandinaves ont toutefois été durement touchées par 20 000 une récession au début des années 90. En moins de trois ans, le niveau 20,00 de vie en Finlande a diminué de près de 10 %. Résultat : le Québec et 10 000 Niveau de vie à parité des pouvoirs d'achat en 2016 Productivité du travail en 2016 (PIB par habitant en dollars canadiens de 2016) 10,00 la Finlande affichaient de nouveau un niveau de vie similaire en 1993. (PIB en dollars canadiens de 2016 par heure travaillée) • Grâce à des réformes axées sur la productivité et l’exportation 0 0,00 2009 2009 2003 2005 2003 2005 2007 2007 2001 2001 1999 1999 1983 1985 1993 1983 1985 1993 1995 1995 1989 1989 1991 1997 1991 1997 1987 1987 1981 1981 2015 2015 2013 2013 2011 2011 (voir encadré page suivante), la Finlande est rapidement parvenue à relancer son économie. Entre 1993 et 2007, la productivité du travail finlandaise s’est accrue au rythme moyen de 2,75 % par 1 850 60,0% année, une croissance deux fois plus rapide que celle observée au Québec (1,35 %). La progression du niveau de vie en Finlande a alors 1 800 50,0% été foudroyante. Entre 1993 et 2007, la Finlande a maintenu une 1 750 croissance annuelle moyenne de 3,66 %, une croissance 1,7 fois plus 40,0% rapide que celle observée au Québec (2,16 %). Avant la récession de 1 700 2008, la Finlande détenait une avance de plus de 12 500 $ par habitant 30,0% sur le niveau de vie du Québec. 1 650 20,0% • La Finlande a toutefois été durement touchée par la récession de 2008. 1 600 Le pays n’étant pas parvenu à relancer la croissance de sa productivité Intensité du travail 10,0% Taux d'emploi 1 550 du travail, la Finlande peine désormais à augmenter son niveau de vie. (Heures travaillées par emploi) (Nombre d'emplois sur la population totale) Malgré tout, la Finlande maintient une avance d’approximativement 1 500 0,0% 7 000 $ par habitant sur le niveau de vie du Québec. Comme quoi sans 2009 2009 2003 2005 2003 2005 2007 2007 2001 2001 1999 1999 1983 1985 1993 1983 1985 1993 1995 1995 1989 1989 1991 1997 1991 1997 1987 1987 1981 1981 2015 2015 2013 2013 2011 2011 gains de productivité, on ne peut espérer augmenter sa prospérité. 16
LES ANNÉES 90 EN FINLANDE : L’HEURE DES DÉCISIONS L’économie finlandaise a été durement éprouvée au tournant des années 90. À la fin des années 80, l’assouplissement des règles de crédit et l’ouverture des marchés des capitaux ont d’abord produit des bulles financières et immobilières qui ont fini par éclater lorsque le coût du crédit a augmenté et après que la Finlande ait subit de nombreuses attaques spéculatives. Rappelons qu’à cette époque, la Finlande était dans un régime de change fixe. Pratiquement au même moment, la Finlande perdait l’un de ses principaux partenaires commerciaux suite à l’éclatement de l’URSS. Les effets de la crise bancaire se sont dès lors accentués et ont mené à une récession majeure. Pour endiguer la crise, la Finlande a d’abord modifié sa politique monétaire en optant pour un régime de change flottant. Le gouvernement finlandais a également modifié sa politique budgétaire de manière à réduire ses dépenses et restreindre son endettement. S’en sont suivies des réformes qui ont considérablement réduit le poids de l’État sans compromettre le filet social finlandais. En parallèle, la Finlande a axé sa politique économique vers l’internationalisation de son économie et sur l’innovation, notamment en misant sur le secteur des technologies et sur la qualité de son capital humain. Les résultats n’ont pas tardé à se faire sentir, la Finlande ayant enregistré la quatrième plus forte croissance économique au cours de la majeure partie des années 90. Évidemment, ces réformes ont été rendues possibles par la contribution de tous les acteurs économiques finlandais, et par la participation et la compréhension des Finlandais. 17
Section 3 POURQUOI LA SITUATION DU QUÉBEC S’EST-ELLE DÉTÉRIORÉE AU COURS DES 15 DERNIÈRES ANNÉES? Depuis le début des années 2000, le retard économique du Québec s’accentue à un rythme préoccupant. Tout indique que la structure de l’économie du Québec ne lui permet pas de suivre la cadence des autres pays. 18
2000-2016 QU’EST CE QUI EXPLIQUE LA FAIBLE CROISSANCE DU NIVEAU DE VIE AU QUÉBEC? Depuis le début des années 2000, l’écart de niveau de vie qui sépare le Québec des autres économies s’accentue sans qu’un choc économique n’affecte l’économie de la province. En somme, tout indique que la province est confrontée à un problème d’ordre structurel, en ce sens où la structure de l’économie du Québec ne lui permet plus de suivre la cadence des autres pays et de la plupart des provinces canadiennes. Trois éléments intrinsèquement liés seraient en cause (Graphique 14): 1) Le déclin du secteur manufacturier : 2) La chute des exportations : 3) La fluctuation du taux de change : Après avoir culminé en 2000, la production Au cours des années 90, la croissance de l’économie L’appréciation du dollar canadien n’est pas étrangère manufacturière québécoise a rapidement décliné. En québécoise a d’abord été stimulée par l’activité au déclin du secteur manufacturier et à la baisse 2016, le secteur manufacturier générait 13 % du PIB manufacturière et ses exportations. Au tournant des exportations. Avant que le dollar canadien de la province, un recul important considérant que ce des années 2000, la tendance s’est inversée: l’activité ne s’apprécie par rapport au dollar américain, les secteur générait à lui seul 23 % de l’activité économique manufacturière s’est repliée et les exportations exportations manufacturières représentaient 90 % des de la province au début des années 2000. ont chuté. La crise de 2008 a accéléré ce déclin et exportations québécoises, et 85 % des exportations il a fallu attendre 2010 pour que les exportations québécoises étaient destinées au marché américain. Le québécoises s’accroissent de nouveau. Actuellement, Québec a donc été durement touché lorsque la devise les exportations réelles sont 15 % plus faibles qu’elles canadienne s’est appréciée par rapport à la devise de GRAPHIQUE 14 ne l’étaient au début des années 2000. son principal partenaire commercial. ÉVOLUTION DU POIDS ÉCONOMIQUE DU SECTEUR MANUFACTURIER, DU TAUX DE CHANGE ET DES EXPORTATIONS RÉELLES 140 000 1,2 25% 120 000 1 20% 100 000 0,8 80 000 15% 0,6 60 000 10% 0,4 40 000 5% 0,2 20 000 0% 0 0 2000 2004 2006 2000 2004 2006 2009 2009 2008 2008 2002 2003 2005 2002 2003 2005 2000 2004 2006 2007 2007 2001 2001 2009 2008 2002 2003 2005 2007 2001 1994 1996 1996 1984 1990 1999 1984 1990 1994 1999 1988 1998 1998 1985 1986 1992 1993 1995 1985 1986 1988 1992 1993 1995 1989 1989 1991 1997 1991 1997 1984 1990 1994 1996 1999 1987 1987 1998 1985 1986 1988 1992 1993 2010 2016 2010 2016 1995 1989 2014 2015 2014 2015 2012 2013 2012 2013 1991 1997 1987 2010 2016 2011 2011 2014 2015 2012 2013 2011 Poids du secteur manufacturier dans le PIB (En pourcentage) Exportations internationales (En millions de $CA de 2016) Taux de change ($É-U par $CA) 19
DÉCLIN DU SECTEUR MANUFACTURIER : LE QUÉBEC, UNE EXCEPTION Les années 2000 ont été marquées par le déclin rapide GRAPHIQUE 15 du secteur manufacturier québécois. En à peine 15 ans, ÉVOLUTION DU PIB MANUFACTURIER un emploi manufacturier sur cinq a disparu et le poids du 1984 = 100 secteur manufacturier dans le PIB a chuté de près de 43 %. S’il s’agit d’une tendance généralisée à la plupart des pays occidentaux, le déclin observé au Québec est pour le 220 Italie moins singulier. En comparant le Québec aux six principaux producteurs manufacturiers occidentaux (Graphique 15), Royaume-Uni on constate que : 200 France • Au Québec, la production manufacturière réelle a diminué de manière quasi-systématique depuis États-Unis le début des années 2000 alors que du côté des 180 Allemagne principaux producteurs manufacturiers occidentaux, il a fallu attendre la récession de 2008 pour observer Québec une baisse. • Une fois les effets de la récession de 2008 dissipés, Japon 160 la production manufacturière s’est accrue de manière significative chez quatre des six principaux producteurs manufacturiers alors qu’au Québec, la production manufacturière tarde à reprendre son envol. 140 En somme, le poids du secteur manufacturier au Québec a diminué parce que la production manufacturière réelle a chuté alors que chez les principaux producteurs 120 occidentaux, le poids du secteur manufacturier a diminué parce que la croissance a été plus rapide dans les autres secteurs d’activité. 100 2000 2004 2006 2009 2008 2002 2003 2005 2001 2007 1996 1990 1994 1984 1999 1988 1998 1985 1986 1992 1993 1995 1989 1991 1997 1987 2016 2010 2014 2015 2013 2012 2011 20
BAISSE DE L’ACTIVITÉ MANUFACTURIÈRE AU QUÉBEC: UNE QUESTION DE NIVEAU TECHNOLOGIQUE La spécificité du déclin du secteur manufacturier 25 000 GRAPHIQUE 16 Faible technologie 1,4 québécois prend origine dans la structure même TAUX DE CHANGE ET PIB MANUFACTURIER SELON Moyenne-faible technologie du secteur (Graphique 16). Historiquement, LE NIVEAU TECHNOLOGIQUE AU QUÉBEC En millions de dollars de 2007 et en $É-U par $CA Moyenne-haute technologie l’activité manufacturière au Québec s’est Haute technologie 1,2 concentrée dans des industries du secteur faible 20 000 technologie, c’est-à-dire dans les industries où l’intensité de la R-D est faible : textile, vêtement, 1 papier, meuble, etc. Traditionnellement considérés comme des secteurs mous, la surreprésentation 15 000 de ce type d’industries a précipité le repli du 0,8 secteur manufacturier, ces industries étant particulièrement vulnérables aux fluctuations des taux de change en raison de leur forte exposition 0,6 10 000 à la concurrence des pays émergents. 0,4 • Entre 2002 et 2013, la production réelle des industries manufacturières du secteur faible 5 000 technologie a diminué de plus de 30 %. Notons que le déclin du PIB manufacturier 0,2 du secteur faible technologie s’est amorcé Taux de change - Axe de droite ($É-U par $CA ) précisément au moment où le dollar canadien s’est apprécié. 0 0 2000 2004 2006 2009 2008 2002 2003 2005 2001 2007 1996 1990 1994 1984 1999 1988 1998 1985 1986 1992 1993 1995 1989 1991 1997 1987 2016 2010 2014 2015 2013 2012 2011 • Le PIB manufacturier du secteur haute technologie a chuté dès le début des années 2000 en raison de l’éclatement de la bulle technologique. FAIBLE MOYENNE-FAIBLE MOYENNE-HAUTE HAUTE TECHNOLOGIE TECHNOLOGIE TECHNOLOGIE TECHNOLOGIE • Épargnées par l’appréciation du dollar canadien, les industries du secteur moyenne-faible fabrication d’aliments, fabrication de produits du fabrication de produits fabrication de produits technologie ont vu leur production chuter de boissons, de tabac, pétrole, de produits en chimiques, de machines, informatiques et suite à la récession de 2008. de vêtements, de produits plastique et en caoutchouc, de matériel électronique, électroniques, de produits du cuir, de textile, de produits minéraux non de matériel de transport pharmaceutiques et de • Les industries manufacturières du secteur de produits du bois, métalliques et métalliques médicaments, de produits moyenne-haute technologie n’ont pas été de papier, de meubles et et transformation aérospatiaux affectées par l’appréciation du taux de change. de l’impression des métaux 21
BAISSE DE L’ACTIVITÉ MANUFACTURIÈRE: LA SPÉCIFICITÉ DU QUÉBEC Deux éléments structurels font en sorte que la production manufacturière réelle s’est repliée prématurément au Québec: Au début des années 2000, 41 % du PIB manufacturier au Québec était produit par En contrepartie d’une présence plus importante des industries du secteur faible des industries du secteur faible technologie, traditionnellement considérées comme technologie, une part plus faible de la production manufacturière québécoise des secteurs mous. La prédominance de ce type d’industrie plaçait alors le Québec provenait des industries du secteur moyenne-haute et haute technologie. en tête du classement des six principaux producteurs manufacturiers occidentaux. • Au début des années 2000, moins de 40 % de la production manufacturière • La France et l’Italie talonnaient alors le Québec en raison de la prédominance des était générée par les industries du secteur moyenne-haute et haute industries du vêtement et du textile en Italie, et de l’importance du secteur agro- technologie. Seule l’Italie affichait un poids inférieur à celui du Québec. alimentaire en France. • Avec une production manufacturière représentant plus de 50 % du PIB • Le Québec se démarquait nettement de l’Allemagne, du Japon et des États-Unis. manufacturier, les États-Unis, le Japon et l’Allemagne déclassaient alors le Le poids des industries du secteur faible technologie au Québec était alors jusqu’à Québec. Toutes proportions gardées, le poids de ces industries était jusqu’à 1,78 fois plus important que dans ces pays. 46 % plus important qu’ici. Moyenne-haute et 54% Faible technologie Moyenne-faible technologie 52% 51% Haute technologie 42% 41% 39% 39% 38% 37% 36% 36% 28% 26% 24% 23% 23% 22% 22% 22% 22% 21% États-Unis États-Unis Allemagne Japon Royaume-Uni États-Unis Italie Japon Italie Italie France Québec Royaume-Uni France Allemagne Québec Québec France Royaume-Uni Japon Allemagne GRAPHIQUE 17 RÉPARTITION DU PIB MANUFACTURIER SELON LE NIVEAU TECHNOLOGIQUE EN 2000 En pourcentage 22
Vous pouvez aussi lire