Bilan prévisionnel de l'équilibre offre-demande d'électricité en France - ÉDITION 2019 - RTE

La page est créée Vincent Chevallier
 
CONTINUER À LIRE
Bilan prévisionnel
               de l’équilibre offre-demande
               d’électricité en France

               ÉDITION 2019

                                                                                  PRINCIPAUX RÉSULTATS

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                   1
Bilan prévisionnel
de l’équilibre offre-demande
d’électricité en France

ÉDITION 2019

                         PRINCIPAUX RÉSULTATS
RÉSUMÉ EXÉCUTIF

    La sécurité d’alimentation aujourd’hui
    Contrairement à certaines idées reçues, la sécu-            surdimensionné par rapport aux besoins à la pointe.
    rité d’alimentation en électricité n’équivaut pas au        La notion de rupture en approvisionnement élec-
    « risque zéro », par ailleurs inatteignable dans tout       trique est donc demeurée un concept théorique et
    secteur industriel.                                         inconnu du grand public, à la différence des coupures
                                                                d’électricité qui peuvent affecter certains consomma-
    Elle signifie que l’alimentation électrique est garantie    teurs à la suite d’incidents techniques ou météorolo-
    en permanence, à l’exception de certaines circons-          giques bien identifiables (tempête par exemple).
    tances particulières où RTE est susceptible d’intervenir,
    en dernier ressort, pour modifier la consommation :         Or, au cours des 15 dernières années, la France est
    uu via des moyens « post marché » (interruption de          passée de cette situation de surdimensionnement
       grands consommateurs industriels rémunérés à             à une situation de respect strict du critère de sécu-
       cet effet, diminution de la tension sur le réseau)       rité d’approvisionnement.
       n’ayant pas d’impact sur le consommateur ;
    uu en dernier recours, par des coupures ciblées et          Ceci est principalement le fait de fermetures d’installa-
       momentanées (les « délestages »).                        tions au fioul et au charbon. De nombreuses centrales
                                                                de ce type (pour une puissance cumulée de près de
    Ce type d’intervention n’est pas assimilable à un black­    12 GW) ont été mises à l’arrêt depuis 2012, pour des
    out et vise au contraire à en empêcher la survenue.         raisons environnementales (ces moyens étaient parmi
                                                                les plus émetteurs de gaz à effet de serre du parc) et
    Le « niveau » ou « critère » de sécurité d’alimentation     économiques (ils fonctionnaient très peu).
    retenu en France est fixé par le pouvoir réglemen-
    taire : il s’agit de la règle dite des « trois heures ».    Dans le même temps, la disponibilité du parc nucléaire
    Cette règle signifie que la durée moyenne pendant           lors des périodes hivernales a évolué à la baisse.
    laquelle l’équilibre entre l’offre et la demande ne
    peut pas être assuré par les marchés de l’électricité,      À l’issue de ces évolutions, la sécurité d’approvi-
    dans toutes les configurations modélisées par RTE,          sionnement demeure assurée au sens du critère
    est inférieure ou égale à trois heures par an.              réglementaire, mais sans marge supplémentaire.

    Avec un tel critère, le facteur de risque principal         Ceci explique que la question de la sécurité d’appro-
    (mais pas exclusif) demeure un épisode de grand             visionnement en électricité ait pris une importance
    froid comme il peut s’en produire tous les 10 à             croissante. Désormais, toute évolution défavorable
    20 ans. Les périodes de risque se situent alors en          sur le parc de production se traduit de manière
    hiver, non seulement en soirée vers 19 h, mais éga-         visible sur l’évaluation du niveau de risque du sys-
    lement en matinée. D’autres facteurs (indisponibi-          tème électrique.
    lité simultanée de plusieurs réacteurs nucléaires,
    situation de vent très faible commune à plusieurs           L’enjeu des Bilans prévisionnels successifs devient
    pays européens) peuvent également jouer.                    donc, sur une période de cinq ans, d’évaluer com-
                                                                ment mettre en œuvre les orientations de poli-
    Cette règle est d’autant plus difficile à appréhen-         tiques publiques tout en garantissant le respect
    der que le parc de production français était histori-       du critère national et l’ensemble des autres règles
    quement largement « surcapacitaire » – c’est-à-dire         d’exploitation du système électrique.

4
RÉSUMÉ EXÉCUTIF

L’évolution d’ici 2025

Au cours des prochaines années, les orientations                                                                1.	Dans un premier temps (jusqu’en 2021-2022),
publiques – désormais clarifiées par la loi énergie                                                                 le niveau de sécurité d’approvisionnement
et climat – doivent conduire à fermer près de 5 GW                                                                  peut être respecté y compris en intégrant les
de capacité de production pilotable : 1,8 GW avec                                                                   premières fermetures prévues en France. La
l’arrêt des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim                                                                 faculté de maintenir cet équilibre en 2021 est
et 3 GW de centrales au charbon.                                                                                    subordonnée à la maîtrise du planning nucléaire
                                                                                                                    actuel, à la mise en service de la centrale de
Ces fermetures s’effectuent dans un contexte où la                                                                  Landivisiau et de deux interconnexions avec
mise en service de l’EPR de Flamanville est désor-                                                                  l’Italie et le Royaume-Uni, et au respect de la
mais repoussée, où le parc nucléaire est engagé                                                                     trajectoire sur l’éolien terrestre.
dans un programme de maintenance et de réinves-
tissement occasionnant des arrêts de longue durée                                                               2.	Une seconde période s’ouvrira dès lors que les
sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, et                                                             dernières fermetures de centrales au charbon
où l’ensemble des pays européens se sont engagés                                                                   seront effectives (à partir de 2022 dans le cas de
de manière concomitante dans des programmes de                                                                     base du Bilan prévisionnel). Dans cette configu-
fermeture de capacités de production pilotables. Au                                                                ration, le critère national ne serait pas respecté
cours des dernières années, plusieurs hypothèses                                                                   dans la plupart des variantes étudiées dans le
fondamentales du Bilan prévisionnel ont ainsi été                                                                  Bilan prévisionnel, et le problème spécifique sur
révisées dans un sens défavorable.                                                                                 la tenue de tension dans l’ouest de la France
                                                                                                                   se renforcerait significativement. Cette période
L’analyse de RTE présentée dans le Bilan prévision-                                                                concentre en effet deux facteurs de risque
nel 2019 permet d’identifier trois moments clés sur                                                                importants : (i) un programme de maintenance
la période 2019-2025.                                                                                              du nucléaire particulièrement chargé avec de

Figure 1.                           Évolution des marges dans le cas de base du Bilan prévisionnel

                                               5 000
            Marges/déficits de capacité (MW)

                                               4 000

                                               3 000

                                               2 000

                                               1 000
                                                                                                                                                                             Cas de base
                                                   0
                                                                                                                                                                             Visite complète de
                                               -1 000                                                                                                                         l’EPR hors période
                                                                                                                                                                              hivernale
                                               -2 000                                                                                                                        Mise en service
                                                                                                                                                                              de l’EPR retardée
                                               -3 000                                                                                                                         après 2025

                                                        2020-2021            2021-2022        2022-2023         2023-2024          2024-2025        2025-2026

                                                        1                                      2                                    3
                                                               Critère respecté                     Situation de                        Situation stabilisée
                                                               mais sans marge                     forte vigilance                          roduction effective de l’EPR
                                                                                                                                           P
                                                             ermeture de Fessenheim et des
                                                            F                                       Fermeture des dernières                Mise en service de
                                                            premières centrales au charbon          centrales au charbon                    parcs éoliens en mer
                                                            Développement interconnexions          Retard de l’EPR                         Planning d’arrêts de
                                                             Mise en service de Landivisiau         Planning de VD très dense                réacteurs favorable
                                                                                                    Déclassements en Europe

                                                                                                Développement des EnR terrestres

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                                                                                             5
nombreuses visites décennales simultanées,               la fermeture de la centrale de Cordemais n’est pas
       (ii) l’arrêt définitif de la production nucléaire en     compensée par une entrée en service de l’EPR de
       Allemagne et la fermeture de centrales au char-          Flamanville.
       bon dans de nombreux pays européens.
                                                              L’analyse saisonnière du passage de l’hiver et le
    3. E
       ntre 2023 et 2025, notamment en fonction              Bilan prévisionnel comportent comme à l’accoutu-
       du calendrier définitif de l’EPR de Flamanville,       mée de nombreuses variantes, présentées dans le
       le niveau de sécurité d’approvisionnement en           rapport complet. Leur cahier des charges a été fixé
       France devrait tendanciellement s’améliorer.           à l’issue d’une concertation menée au printemps
       C’est, d’une part, durant cette période que            2019 auprès de toutes les parties intéressées. Les
       doivent se matérialiser une partie des projets         conclusions suivantes en émergent :
       engagés ces dernières années (mise en ser-             uu le niveau de sécurité d’approvisionnement
       vice de plusieurs parcs d’éoliennes en mer,               effectif dépend aujourd’hui de nombreux para-
       inflexions des trajectoires sur l’éolien terrestre        mètres, qui pris individuellement peuvent avoir
       et le solaire). À cet horizon, d’autre part, le           de l’importance sur le résultat. Parmi ces para-
       programme de maintenance du parc nucléaire                mètres, plusieurs ne résultent pas des orien-
       apparaît plus favorable, même si une approche             tations publiques (disponibilité effective du
       prudente est adoptée dans le Bilan prévisionnel.          nucléaire) ou dépendent de l’évolution de la
                                                                 situation dans les pays voisins ;
    Sur le plan local, les analyses de RTE aboutissent        uu dans toutes les variantes étudiées, la période
    aux résultats suivants :                                     2021-2023 est la plus sensible et concentre l’es-
    uu il n’existe pas de risque local spécifique en Alsace      sentiel des risques. L’importance du programme
       ou en Lorraine (avec la fermeture annoncée des            de maintenance du nucléaire et les évolutions
       centrales de Fessenheim et de Saint-Avold),               annoncées sur les parcs européens constituent les
       pas plus qu’en région Provence-Alpes-Côte                 principaux facteurs d’attention sur cette période ;
       d’Azur (centrale de Gardanne) ou en Normandie          uu il existe encore de nombreuses incertitudes à
       ­(centrale du Havre) ;                                    l’horizon 2022 qui sont susceptibles d’affecter,
    uu en revanche, il existe un risque spécifique sur           à la hausse ou à la baisse, le niveau de sécurité
       l’ouest de la France et notamment la Bretagne si          d’approvisionnement effectif.

    Les leviers d’amélioration

    Les analyses complémentaires sur l’équilibre              S’agissant de la maîtrise de la consommation, RTE
    offre-demande remis par RTE au ministre le 3 avril        approfondit le diagnostic et présente une évaluation
    2019 ont permis d’identifier trois leviers suscep-        chiffrée des différentes actions envisageables rele-
    tibles d’améliorer la sécurité d’approvisionnement        vant à la fois des actions structurelles ­(maîtrise de
    au niveau national :                                      la demande en énergie), conjoncturelles (maîtrise
    1.	la maîtrise de la consommation, notamment             des appels de puissance lors des pointes hivernales)
        lors des périodes de pointe ;                         et des éco-gestes.
    2.	l’optimisation du placement et de la durée des
        arrêts de réacteurs nucléaires ;                      RTE propose notamment de généraliser le disposi-
    3.	le maintien en disponibilité ou la conversion à la    tif d’information EcoWatt au niveau national pour
        biomasse d’un ou deux groupes de Cordemais.           l’hiver 2020 et d’approfondir les solutions permet-
                                                              tant d’agir ponctuellement sur certains types de
    Ces leviers font l’objet d’une nouvelle évaluation        consommation (panneaux publicitaires, etc.) lors
    dans le cadre du Bilan prévisionnel 2019. Chacun          des périodes de tension.
    peut conduire à un gain d’au moins 1 GW sur les
    marges à l’horizon 2022 et permettre ainsi le res-        S’agissant de l’optimisation du placement et de
    pect du critère de sécurité d’approvisionnement.          la durée des arrêts de réacteurs nucléaires, les

6
RÉSUMÉ EXÉCUTIF

discussions menées sous l’égide de l’État ne per-                présentées en avril 2019 sur la nécessité du maintien
mettent pas d’identifier à ce stade des marges de                en disponibilité ou de la conversion à la biomasse
manœuvre importantes sur le planning annoncé,                    d’un ou deux groupes de Cordemais (à standards
notamment en ce qui concerne les visites décen-                  inchangés en matière de sécurité d’approvisionne-
nales. Le respect strict des calendriers des visites             ment). Plusieurs modes de fonctionnement de la
décennales des réacteurs nucléaires, tels qu’ils                 centrale ont été évalués dans le rapport (incluant
sont annoncés par l’exploitant, offrirait un gain de             différentes limitations sur le nombre d’heures de
l’ordre d’un à deux gigawatts selon les hivers.                  fonctionnement) : tous peuvent conduire à sécuriser
                                                                 l’alimentation de l’ouest de la France et à respecter
S’agissant du troisième levier, les investigations               le critère de sécurité d’approvisionnement national.
menées conduisent à conforter les conclusions

Un système électrique en transition

L’analyse réalisée dans le cadre du Bilan prévision-             des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle
nel illustre la transformation du système électrique             européenne.
à l’œuvre au cours des prochaines années, au-delà
de la seule question de l’incidence de la fermeture              Dans ce contexte, et même en intégrant une révi-
de Fessenheim et des centrales au charbon.                       sion à la baisse de la production nucléaire (du fait de
                                                                 l’importance du programme de visites décennales), le
Elle montre que, même en considérant des trajec-                 caractère exportateur des échanges entre la France
toires de montée en charge progressive, les éner-                et ses voisins devrait perdurer, voire s’accentuer :
gies renouvelables devraient compter pour près                   uu la France devrait continuer à exporter l’essen-
de 30 % dans le mix de production d’électricité à                    tiel du temps, même en tenant compte des
l’horizon 2025, contre de l’ordre de 65 % pour le                    programmes de développement des énergies
nucléaire et environ 5 % pour le thermique fossile.                  renouvelables annoncés par les pays voisins ;
                                                                 uu le solde exportateur pourrait croître et atteindre
Avec un parc à 95 % décarboné et privé des unités les                des niveaux supérieurs à 80 TWh en fin d’hori-
plus émettrices, la réduction des émissions de gaz à                 zon (à température normale et à disponibilité de
effet de serre associées à la production d’électricité en            référence du parc nucléaire).
France devrait se poursuivre et celles-ci devraient se
stabiliser à un niveau compris entre 10 et 15 MtCO2 à            Enfin, les perspectives d’évolution de la consom-
l’horizon 2025 (à température normale et disponibi-              mation d’électricité intègrent bien la perspective
lité de référence du parc nucléaire). Il s’agit d’un des         de transferts d’usage selon les rythmes indiqués
niveaux les plus faibles d’Europe.                               dans les projets de PPE et de SNBC. RTE achèvera
                                                                 au cours des prochaines semaines le programme
Malgré la variabilité journalière et saisonnière de              de travail engagé dans le cadre de la concertation :
la production éolienne et solaire, leur développe-               uu sur le développement de la mobilité électrique
ment n’est pas tributaire, à ces horizons de temps,                 (principaux résultats publiés en mai 2019) ;
du développement de moyens de stockage. Dans                     uu sur la production d’hydrogène décarboné (prin-
la plupart des cas, la croissance de la produc-                     cipaux résultats à publier en décembre 2019) ;
tion renouvelable en France aura pour effet de se                uu sur les usages thermiques dans le bâtiment
substituer à des productions au gaz et au charbon                   (étude commune avec l’ADEME) (principaux
hors de France, et concourront donc à la réduction                  résultats à publier au printemps 2020).

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                        7
Le Bilan prévisionnel est établi chaque année par RTE
en application de l’article L. 141-8 du Code de l’énergie.

Son élaboration fait l’objet d’une concertation auprès
de toutes les parties prenantes intéressées, incluant
une consultation publique sur les hypothèses, une
présentation des résultats intermédiaires et une ana-
lyse collective des priorités d’études.

Il s’intègre à un programme de travail, évolutif en
fonction des demandes des parties prenantes, dis-
cuté au sein des réunions de concertation organisées
par RTE (Commission perspectives du système et du
réseau). Les analyses présentées dans le cadre du
Bilan prévisionnel peuvent, à ce titre, faire l’objet de
prolongements thématiques (comme par exemple sur
les imports/exports, la mobilité électrique, l’hydro-
gène, ou le secteur du bâtiment à l’horizon 2030-2035).
Ces rapports thématiques sont publics et disponibles
sur le site internet de RTE.

Le présent rapport constitue la version abrégée du
Bilan prévisionnel complet (qui comprend les résul-
tats sur l’ensemble des variantes).
SOMMAIRE

                                                               10
                                         L’état des lieux sur la sécurité
                                       d’approvisionnement électrique

                                                               16
                                   L’évolution des paramètres au cours
                                              des prochaines années

                                                               30
                                                       Le diagnostic

                                                               38
                                                  Les leviers d’action

                                                               46
                                     Les caractéristiques d’un système
                                              électrique en transition

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019   9
L’ÉTAT DES LIEUX
                SUR LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT
                            ÉLECTRIQUE

     La sécurité d’approvisionnement : un terme générique mais plusieurs défis liés

     La notion de sécurité d’approvisionnement renvoie             2.	
                                                                      la sûreté d’exploitation en temps réel
     à la faculté d’assurer un niveau de service donné                (réglage de la fréquence) : il s’agit de vérifier
     pour l’alimentation des consommateurs d’électri-                 qu’en cas d’aléa sur l’équilibre offre-demande
     cité en France.                                                  européen (aléa entraînant par exemple la perte
                                                                      d’un ou plusieurs moyens de production),
     Il s’agit d’une notion très large qui peut recouvrir des         les capacités de production et les flexibilités
     problématiques différentes. S’agissant de l’alimenta-            (effacement, stockage) présentes dans le mix
     tion en électricité et sans même intégrer les enjeux             électrique entreront en action suffisamment
     d’indépendance énergétique, de sécurisation de l’ap-             rapidement pour stabiliser la fréquence ;
     provisionnement en combustible ou en matériaux
     critiques, on peut a minima distinguer :                      3.	la maîtrise du plan de tension : il s’agit de
                                                                      vérifier que les infrastructures de production et
     1.	le dimensionnement du parc de production                     de réseau permettent de maintenir la tension
        et d’effacement : il s’agit de vérifier que le                à son niveau nominal sur l’ensemble du terri-
        mix électrique dispose d’assez de capacités pour              toire français. Cette problématique est liée à la
        assurer l’équilibre offre-demande dans la plu-                répartition géographique des moyens de produc-
        part des situations (hors évènements exception-               tion. Certaines zones parmi les moins dotées en
        nels) telles que des vagues de froid, des avaries             moyens de production peuvent ainsi faire l’objet
        imprévues de moyens de production ou encore                   d’une vigilance spécifique face au risque d’écrou-
        des épisodes de vent faible. Un critère statistique           lement de tension dans des situations extrêmes
        fixé par les pouvoirs publics définit le niveau de            (vague de froid ou indisponibilités simultanées
        risque accepté par la collectivité en matière de              de moyens de production de la zone ou indispo-
        déséquilibre entre l’offre et la demande ;                    nibilités sur le réseau de grand transport).

        1                                       2                                      3
            Le dimensionnement                      La sûreté d’exploitation
                                                                                                La maîtrise
            du parc de production                        en temps réel
                                                                                             du plan de tension
               et d’effacement                      (réglage de fréquence)

          COMBIEN de capacités de                   COMMENT ces capacités               OÙ sont situés les moyens
          production et d’effacement                 réagissent-elles en cas            de production ? Est-ce que
            sont nécessaires pour                    d’aléa en temps réel ?               cette répartition permet
         passer certains événements                   Est-ce suffisant pour               de maintenir la tension
          extrêmes (vagues de froid,                stabiliser la fréquence ?            à son niveau nominal sur
         indisponibilité de réacteurs,                                                       tout le territoire ?
               vent faible…) ?

10
L’ÉTAT DES LIEUX   1

Pour assurer l’équilibre du système électrique                                       Certains leviers (comme l’interruptibilité) peuvent
(équilibre offre-demande, fréquence et tension),                                     être utilisés pour différentes problématiques.
RTE dispose de différents leviers d’exploitation
« normaux » (sollicitation des capacités de produc-                                  En dernier recours, RTE peut procéder à des cou-
tion et d’effacement via le marché et le mécanisme                                   pures de consommateurs, momentanées, loca-
d’ajustement) ainsi que de leviers dits « post mar-                                  lisées et tournantes afin de préserver la sécurité
ché » (appels aux gestes citoyens, sollicitation des                                 d’alimentation du plus grand nombre (il ne s’agit
gestionnaires de réseau européens dans le cadre                                      donc pas d’une situation de blackout).
des contrats de secours, dégradation des marges
d’exploitation, interruptibilité, réduction de la ten-
sion sur les réseaux de distribution…).

Le dimensionnement du parc de production : une conformité stricte au critère
réglementaire des « trois heures »
Le dimensionnement du parc de production en                                          Au cours des dernières années, la fermeture des
France a toujours permis le respect du critère                                       centrales au fioul et au charbon a néanmoins
de sécurité d’approvisionnement tel que défini                                       entraîné une résorption des surcapacités et une
par les pouvoirs publics, c’est-à-dire une durée                                     réduction des marges du système électrique
de défaillance inférieure à trois heures par an en                                   et rapproche désormais le niveau de sécurité
espérance1.                                                                          ­d’approvisionnement du critère réglementaire.

Figure 2. Évolution des capacités installées du parc thermique fossile en France continentale au 31 décembre de
l’année (données historiques et projections)

                        30

                        25

                        20
                  GW

                        15

                        10

                         5

                         0
                             2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025

                                                                   Charbon         Fioul       Gaz

1. D
    ans le cadre du projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie, le Gouvernement précise le critère de sécurité d’approvisionnement historique (critère
   dit « des trois heures ») en spécifiant la notion de défaillance, définie comme une situation de déséquilibre entre l’offre et la demande nécessitant l’appel aux
   moyens post marché, et en le complétant avec un critère sur le niveau de délestage, dont la durée moyenne devra rester inférieure à deux heures par an. Les
   premières analyses menées par RTE montrent qu’étant donné le volume de moyens post marché disponibles en France, les deux critères sont équivalents.

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                                                                 11
Le respect du critère de sécurité d’approvisionne-        diagnostic) illustre ainsi les situations extrêmes
     ment signifie que le niveau de risque de déséqui-         présentant un risque de déséquilibre entre l’offre
     libre entre l’offre et la demande d’électricité, aussi    et la demande.
     appelé « défaillance », est conforme à celui défini
     par la réglementation.                                    Dans de telles situations, RTE procède à l’activa-
                                                               tion des moyens post marché cités précédemment,
     À l’heure actuelle, ce risque se matérialise              de manière à éviter ou à limiter le recours au
     pour l’essentiel dans des situations extrêmes             délestage de consommateurs. L’activation de ces
     de vague de froid ou d’indisponibilités simul-            moyens post marché ne constitue pas la traduction
     tanées affectant le parc nucléaire, comme l’ar-           d’une vulnérabilité subie, mais correspond à une
     rêt de plusieurs réacteurs par le producteur ou           situation choisie : dans un système équilibré à trois
     sur demande de l’Autorité de sûreté nucléaire.            heures, la probabilité d’avoir recours au moins une
     L’analyse des stress tests menée dans le cadre du         fois dans l’année à un moyen post marché est de
     Bilan prévisionnel 2019 (voir la partie dédiée au         l’ordre de 25 %.

     Le fonctionnement en temps réel du système : des enjeux désormais plus
     perceptibles du fait de l’activation des capacités interruptibles en 2019
     En temps réel, le système électrique est en perma-        leviers d’exploitation peuvent entrer en action tels
     nence confronté à des variations de l’offre et de la      que l’interruptibilité de grands consommateurs
     demande.                                                  industriels. Il s’agit d’un service faisant ­l’objet
                                                               d’une contractualisation annuelle, qui prévoit la
     Ces variations sont dues à des aléas (par exemple,        possibilité d’interrompre en quelques secondes
     déconnexion fortuite d’un moyen de production,            la consommation des sites concernés, en cas de
     variation rapide des programmes de produc-                tension sur le système ou en cas d’écarts sur la
     tion…) ou à des écarts de prévision (par exemple,         fréquence du système électrique européen par
     écart par rapport à la prévision sur la tempéra-          rapport au niveau nominal de 50 Hz.
     ture influant sur la prévision de consommation).
     Elles peuvent affecter l’équilibre entre production       Ce levier a été activé pour réguler la fréquence,
     et consommation et faire dévier la fréquence du           de manière automatique, à deux reprises au cours
     système électrique européen.                              de l’année 2019, le 10 janvier et le 7 octobre.
                                                               Contrairement à certaines explications relayées
     Pour y faire face et ajuster à tout instant l’équilibre   dans la presse ou sur les réseaux sociaux, l’acti­
     du système, RTE dispose de différentes réserves           vation de ce dispositif ne signifie aucunement
     pouvant être activées avec des délais plus ou             que la France aurait frôlé le blackout lors de ces
     moins rapides. Parmi celles-ci, la réserve pri-           journées. Elle témoigne simplement que ces dis-
     maire, ou réglage primaire de fréquence, est celle        positifs aux délais d’action très rapides peuvent
     qui dispose du temps de réaction le plus rapide           constituer, dans certaines circonstances, des dis-
     et permet de réguler la fréquence de manière              positifs appropriés pour gérer certaines situations
     automatique en l’espace de quelques secondes.             d’exploitation du système électrique.
     Les autres réserves contractualisées par RTE
     (réserves secondaire, rapide et complémentaire)           L’écho de ces activations dans la presse spécialisée
     peuvent ensuite prendre le relais pour équilibrer         a néanmoins permis d’illustrer la complexité des
     le système dans la durée.                                 mécanismes mis en jeu.

     Dans les (rares) cas où l’activation de ces réserves      Ces activations sont en effet intervenues hors
     ne suffit pas à rétablir l’équilibre entre l’offre et     des configurations le plus souvent décrites
     la demande et stabiliser la fréquence, d’autres           comme susceptibles d’occasionner des ruptures

12
L’ÉTAT DES LIEUX     1

Figure 3.                 Modulation de la fréquence lors de la journée du 7 octobre 2019

                       50,20

                       50,15

                       50,10
      Fréquence (Hz)

                       50,05

                       50,00

                       49,95

                       49,90

                       49,85                                                                                                           Baisse de fréquence
                                                                                                                                    ayant entraîné l’activation
                                                                                                                                        de l’interruptibilité
                       49,80
                           00:00   02:00   04:00   06:00   08:00   10:00   12:00     14:00    16:00     18:00    20:00     22:00     00:00

d’approvisionnement. Au contraire, le 10 janvier                                   La survenue d’écarts de fréquence de cette ampleur
et le 7 octobre 2019, de nombreuses capacités de                                   n’est pas un élément nouveau :
production et d’effacement étaient disponibles :                                   uu de tels écarts sont régulièrement observés
les activations automatiques de l’interruptibilité                                    depuis plusieurs dizaines d’années, en parti-
dans ces circonstances ne traduisent donc pas                                         culier aux heures rondes, à des moments où
un déficit d’offre, mais plutôt une différence de                                     les programmes de production et d’échanges
dynamique entre l’évolution de la production,                                         aux interconnexions connaissent des variations
qui s’adapte à la logique de fonctionnement des                                       importantes2 ;
marchés, et l’évolution de la demande d’électri-                                   uu ces écarts de fréquence ne sont pas liés
cité, et ce à la maille de la plaque continentale                                     au développement des énergies renouve-
européenne.                                                                           lables et seraient intervenus également
                                                                                      dans un mix électrique constitué exclusi-
Ces déséquilibres structurels consomment une                                          vement de moyens nucléaires, thermiques
partie plus ou moins importante des réserves                                          et/ou hydrauliques.
nécessaires à la stabilisation de la fréquence en
cas d’aléa, en particulier sur la production.                                      En collaboration avec ses homologues européens,
                                                                                   RTE étudie des solutions ou évolutions des règles
Ainsi dans ces situations survenant autour des                                     de marché, visant à améliorer la régulation de la
heures rondes, il faut pouvoir répondre à un besoin                                fréquence et limiter les risques de déviation impor-
rapide de régulation de la fréquence en particulier                                tante. Plusieurs éléments concourent à la maîtrise
lorsque la situation est marquée par la concomi-                                   de ces situations :
tance entre (i) des variations importantes des pro-                                uu renforcer la rapidité de réaction de la réserve
grammes de production et d’échanges d’électricité                                     primaire, premier levier de maîtrise des écarts
aux interconnexions et (ii) un ou plusieurs aléas                                     de fréquence, pour répondre aux dégrada-
affectant la production ou le réseau électrique                                       tions rapides qui se produisent en quelques
européen.                                                                             secondes ;

2. V
    oir le rapport de l’association des gestionnaires de réseau européens ENTSO-E publié début 2019 : Continental europe significant frequency deviations –
   January 2019

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                                                            13
uu disposer de leviers d’ajustement de la produc-       Dans un premier temps, RTE a décidé de renfor-
        tion adaptés à la temporalité de l’équilibrage de    cer le contrôle de l’aptitude technique des groupes
        ces situations pouvant être mis en œuvre très        assurant le réglage primaire, de manière à interdire
        rapidement et sur des courtes durées ;               progressivement la participation au réglage de fré-
     uu réduire le pas de programmation des échanges         quence à des unités de production ne présentant
        transfrontaliers aujourd’hui majoritairement au      pas les caractéristiques requises en matière de rapi-
        pas horaire et lisser les variations associées de    dité d’action (par exemple pour certains groupes
        la production.                                       hydrauliques fonctionnant « au fil de l’eau »).

     La problématique de maîtrise du plan de tension concerne aujourd’hui
     exclusivement la zone du Grand Ouest

     À l’échelle régionale, la notion d’équilibre offre-­    En France, seule la zone du Grand Ouest, qui
     demande n’a généralement pas de sens, car les           couvre l’ensemble du quart nord-ouest de la
     réseaux électriques permettent de mutualiser les        France, est aujourd’hui concernée par une telle
     capacités de production et d’effacement et de           vigilance. Cette situation a été décrite en détail
     gérer cet équilibre à l’échelle nationale voire euro-   dans les dernières publications relatives à la sécu-
     péenne, ce qui est beaucoup plus efficace sur les       rité d’approvisionnement (Bilan prévisionnel 2018,
     plans technique et économique.                          volet régional « Pays de la Loire », rapport d’ana-
                                                             lyses complémentaires d’avril 2019). Elle conduit
     Cet équilibre plus large est tributaire des capacités   à des préconisations spécifiques pour l’évo-
     d’acheminement du réseau, qui ne sont pas infinies.     lution de la production à Cordemais au cours
                                                             des prochaines années (voir la partie dédiée au
     En particulier, le maintien de la tension sur le        diagnostic).
     réseau électrique, facilité par la présence de
     moyens de production, peut conduire à une vigi-         L’est de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur,
     lance spécifique dans des zones présentant une          autrefois considéré comme une « péninsule élec-
     forte consommation et peu dotées en moyens de           trique » au même titre que la Bretagne, n’est plus
     production. Dans de telles zones, en cas de vague       aujourd’hui dans cette situation. Son alimentation
     de froid intense et/ou d’indisponibilité de certaines   a été sécurisée par le renforcement du réseau
     capacités, il peut exister un risque que les moyens     (« filet de sécurité PACA ») et le développement de
     de production ne parviennent pas à maintenir            production dans la zone de Fos.
     la tension, pouvant entraîner des déconnexions
     en cascade et des coupures sur une large partie         Enfin, l’est de la France est une région où la pro-
     du réseau (phénomène d’écroulement de ten-              duction est très développée et le réseau fortement
     sion). Pour éviter un tel incident généralisé, RTE      maillé : aucun problème de sécurité d’approvision-
     peut alors procéder à l’activation des leviers post     nement local n’est à signaler ou à envisager.
     ­marché, selon la séquence ci-dessus.

14
L’ÉTAT DES LIEUX   1

Figure 4.     Carte du réseau de transport et des principaux moyens de production sur la zone du Grand Ouest

                                                                                                                                                          DK6
                                                                                                                                             GRAVELINES
                                                                                                                                         IFA 2000

                                                                                                                       DIEPPE -
                                                                                                                     LE TRÉPORT
                                                                                                     IFA 2
                                                                                                                              PALUEL
                                                                                                                    FÉCAMP
            Nucléaire                                                          FLAMANVILLE 1 ET 2                                         PENLY
                                                                                                    COURSEULLES-
            CCG                                                           Éolien terrestre
                                                                                     : 52 GW(115 TWh) SUR-MER
                                                                         Environ
                                                                               300
                                                                                 14éoliennes repowering
                                                                                               (sans)
                                                                           Éolien en:mer
                                                                                      15 GW(47TWh )
                                                                              Environ 3 000 éoliennes
            TAC gaz                                                                                                             AMFARD
                                                                       FLAMANVILLE 3                               LE HAVRE
            TAC fioul
                                                                                                                                                            VAIRES
            Cogénération                                                      LA RANCE
                                              LANDIVISIAU
            Centrale au charbon                                                                                                          GENNEVILLIERS

            Hydraulique                                                                                                                                 ARRIGHI
                                      DIRINON
            Éolien marin                               BRENNILIS                                                                                    MONTEREAU

          	Principales zones de
                                                                                                                                       SAINT-LAURENT-
            développement                                                                                                                 DES-EAUX
            de l’éolien terrestre
            En service
            En projet                                          MONTOIR                                                                                  DAMPIERRE

           Fermeture prévue ou envisageable
          	
           Ligne 400 kV                                                         CORDEMAIS
           Ligne 225 kV                                       SAINT-NAZAIRE                                           CHINON
           Interconnexions

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                                                                       15
L’ÉVOLUTION DES PARAMÈTRES
                       AU COURS DES PROCHAINES ANNÉES

     La consommation d’électricité reste stable
     Depuis le début des années 2010, la consommation                        sur les neuf premiers mois de l’année par rapport à
     française d’électricité est entrée dans une phase de                    la même période de l’année précédente.
     relative stabilité. Ce ralentissement structurel de la
     consommation, constaté également dans la plupart                        La tendance générale à la stabilité ou à une légère
     des pays européens, s’explique essentiellement                          diminution pour les prochaines années est donc
     par l’effet des actions d’efficacité énergétique et la                  conservée dans le Bilan prévisionnel 2019.
     « tertiarisation » de l’économie (le secteur tertiaire
     étant moins énergivore que l’industrie à niveau de                      Pour les prochaines années, le cas de base du
     production équivalent).                                                 Bilan prévisionnel 2019 repose, comme l’année
                                                                             précédente, sur une hypothèse de stabilité de la
     Cette tendance s’est confirmée en 2018 avec une                         consommation électrique en France à l’horizon
     consommation d’électricité corrigée des aléas cli-                      2025. Plusieurs variantes sont également étu-
     matiques stable par rapport à l’année précédente,                       diées afin de refléter le cône d’incertitude autour
     voire en légère baisse (-0,3 %) du fait de facteurs                     de cette hypothèse et d’évaluer la sensibilité des
     conjoncturels, notamment une croissance écono-                          résultats en matière de sécurité d’approvisionne-
     mique moins soutenue qu’en 2017 et des mou-                             ment à l’évolution de la consommation.
     vements sociaux importants dans le transport
     ferroviaire au printemps.                                               Le Bilan prévisionnel 2019 comprend par ailleurs
                                                                             une analyse approfondie des actions de maîtrise
     Selon les données provisoires disponibles à fin                         de la demande et de leur impact potentiel sur la
     septembre, cette tendance semble également se                           pointe de consommation (voir partie sur les leviers)
     confirmer sur l’année 2019, voire pourrait s’inflé-                     ainsi qu’un focus sur l’accueil des nouveaux usages
     chir, puisque la consommation intérieure d’électri-                     électriques (véhicule électrique, hydrogène, chauf-
     cité corrigée des aléas s’inscrit en baisse de 0,5 %                    fage…) au cours des prochaines années.

     Figure 5. Évolution de la consommation intérieure d’électricité corrigée de l’aléa météorologique
     France continentale hors enrichissement d’uranium

                       600

                       500

                       400
                 TWh

                       300

                       200

                       100

                         0
                             2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018

16
L’ÉVOLUTION DES PARAMÈTRES   2

Une filière effacements toujours en cours de structuration
Les effacements de consommation constituent un                                      Les analyses récentes confirment que la fiabilité
moyen technique particulièrement adapté au trai-                                    des effacements est inférieure à celle de la pro-
tement de la pointe de consommation.                                                duction avec une tendance à la surestimation de
                                                                                    la puissance disponible ainsi qu’une imprécision à
Depuis plusieurs années, un travail technique et                                    l’activation. Ce déficit de fiabilité reste un sujet de
réglementaire a été effectué en profondeur pour                                     vigilance quant à la contribution des effacements
ouvrir tous les mécanismes à l’effacement (proposé                                  à la sécurité d’approvisionnement et à l’équilibrage
par des fournisseurs ou des opérateurs d’efface-                                    en temps réel du système électrique.
ment indépendants) : ce travail a été couronné de
succès et une véritable concurrence est à l’œuvre                                   Ce déficit de fiabilité peut s’expliquer en partie par
sur ce segment.                                                                     les spécificités de la filière (la puissance effaçable
                                                                                    dépend du niveau de consommation, qui est par
Ce travail technique s’accompagne d’une politique                                   nature variable). Il n’est pourtant pas une fatalité.
explicite de soutien à l’effacement de manière à                                    Les analyses de RTE montrent une forte disparité
atteindre des objectifs spécifiques pour la filière,                                en matière de fiabilité entre les différents acteurs
inscrits dans la PPE.                                                               de la filière, y compris parmi ceux agissant sur des
                                                                                    sites aux profils similaires. Plusieurs opérateurs
La montée en puissance de l’effacement et de sa                                     ont des niveaux de fiabilité nettement supérieurs
contribution à la sécurité d’alimentation en élec-                                  à la moyenne de la filière. Par ailleurs, la tendance
tricité a néanmoins été plus lente qu’initialement                                  à la dégradation des performances a été interrom-
espéré. Trois raisons y contribuent.                                                pue (avec même une légère amélioration de la fia-
                                                                                    bilité au premier semestre 2019 selon des chiffres
D’une part, le gisement à mobiliser au cours                                        provisoires).
des prochaines années fait l’objet d’une révi-
sion de manière à gagner en réalisme. Le pro-                                       Enfin, un des objectifs actuels poursuivi par
jet de PPE confirme l’objectif de développement de                                  les pouvoirs publics consiste en un « verdisse-
la filière, avec un objectif de 6,5 GW de capacité                                  ment » des effacements bénéficiant du soutien
d’effacement à l’horizon 2028, tout en retenant                                     public. En effet, une partie importante des efface-
une approche plus progressive en ramenant le                                        ments enregistrés dans les précédents appels d’offres
point de passage à 2023 à 4,5 GW. Cet objectif de                                   dédiés étaient réalisés au moyen de groupes électro-
développement reste ambitieux, la capacité d’effa-                                  gènes, et conduisaient à ce titre à des émissions de
cement actuelle étant estimée à 2,9 GW (2,3 GW                                      CO2 supplémentaires3. Une partie de la transition en
de capacités certifiées sur 2019 et 0,6 GW d’effa-                                  cours consiste ainsi en une modification de la nature
cements implicites).                                                                des effacements recherchés et en une augmentation
                                                                                    du volume des « effacements verts ».
D’autre part, les problèmes de fiabilité de la
filière effacements identifiés depuis plu-                                          Dans ce contexte, le Bilan prévisionnel 2019
sieurs années, ne sont pas encore résolus. Les                                      retient une approche prudente dans l’évalua-
remèdes apportés (durcissement des contrôles)                                       tion du gisement d’effacements au cours des
n’ayant pas permis d’améliorer significativement la                                 prochaines années. Ainsi, dans le cas de base de
fiabilité, un second train de mesures a été mis en                                  l’étude, les objectifs de la PPE sont en voie d’être
place par RTE pour consolider une vision glo-                                       atteints à l’horizon 2023, avec la potentialité d’un
bale sur la fiabilité (mise en place de processus                                   léger retard ou d’une fiabilité en progrès par rapport
de suivi « rapproché » de la performance des effa-                                  à aujourd’hui mais sans atteindre la cible théorique.
cements, tests d’activation).                                                       Des variantes encadrantes sont également testées.

3. L’activation d’un groupe électrogène est plus émettrice que l’activation d’une turbine à combustion au fioul pour passer la pointe, par exemple.

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                                                      17
De nouveaux objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables
     publiés dans le projet de PPE et une contribution non négligeable à la sécurité
     d’approvisionnement
     En novembre 2018, RTE a fait le constat dans le                                consolider durablement le développement de la
     Bilan prévisionnel que la tenue des trajectoires                               filière et de se rapprocher des objectifs de la PPE.
     de développement des énergies renouvelables ne                                 Depuis 2016, le développement de l’éolien n’a
     constituait pas uniquement un enjeu de « verdis-                               entraîné aucune réévaluation négative sur la sécu-
     sement » du mix, mais était également nécessaire                               rité d’approvisionnement.
     pour la sécurité d’approvisionnement.
                                                                                    Le développement de la filière éolienne en
     Ce constat demeure : la situation tendue analysée                              mer semble désormais amorcé. Le 7 juin 2019,
     dans le Bilan prévisionnel 2019 nécessite que les                              après des années de procédures, le Conseil d’État
     trajectoires annoncées soient effectivement tenues                             a rejeté le dernier recours contre le parc éolien de
     sur l’éolien (terrestre et en mer), et requiert une                            Saint-Nazaire. Un certain nombre d’autres recours
     accélération forte pour le solaire.                                            concernant les parcs de Fécamp, Courseulles-sur-
                                                                                    Mer et Saint-Brieuc ont également été purgés. Le
     L’énergie hydraulique représente aujourd’hui la prin-                          Bilan prévisionnel retient dans son cas de base une
     cipale forme d’énergie renouvelable. Au cours des                              trajectoire cohérente avec les plannings des projets
     prochaines années, le Bilan prévisionnel retient une                           des premiers appels d’offres, intégrant une mise en
     hypothèse de très faible progression du productible                            service du premier parc éolien en mer en 2022, puis
     (les ambitions affichées dans le projet de PPE visent                          des cinq autres parcs prévus par les appels d’offres 1
     essentiellement la pérennisation du productible                                et 2 entre 2023 et 2025, pour une capacité totale
     hydraulique, aucune nouvelle installation de grande                            installée de près de 3 GW à cet horizon.
     ampleur n’étant envisagée), de second ordre par
     rapport à la capacité actuellement installée.                                  En revanche, le développement actuel de la filière
                                                                                    photovoltaïque reste bien en deçà du rythme
     Le développement de la filière éolienne                                        nécessaire à l’atteinte des objectifs publics
     terrestre française s’inscrit ces dernières                                    annoncés. Ainsi, le Bilan prévisionnel retient dans
     années dans une véritable dynamique de                                         le cas de base une trajectoire de développement plus
     hausse. La mise en place du cadre réglemen-                                    prudente pour cette filière, cohérente avec le rythme
     taire complet et les mesures de simplification et                              historique constaté pour les deux prochaines années
     d’accélération identifiées devraient permettre de                              et intégrant une inflexion au-delà.

     Figure 6.         Trajectoires d’évolution des filières éolienne terrestre et solaire

          40                                                                             50
          35                                                                             45
                                                                                         40
          30
                                                                                         35
          25                                                                             30
     GW

                                                                                    GW

          20                                                                             25
          15                                                                             20
                                                                                         15
          10
                                                                                         10
           5                                                                              5
           0                                                                              0
               2014    2016     2018       2020   2022     2024     2026     2028             2014     2016    2018       2020    2022    2024     2026     2028

                      BP19 tendanciel        BP19 médian          BP19 PPE haut                      BP19 tendanciel        BP19 médian          BP19 PPE haut
                              Historique     objectifs projet PPE 2018                                       Historique     objectifs projet PPE 2018  

18
L’ÉVOLUTION DES PARAMÈTRES   2

Figure 7.    Mix de production observé le 28 février 2018 à 19 h

                            100

                             80

                             60
                       GW

                             40
                                                                                                          Hydraulique
                                                                                                          Gaz
                                                                                                          Charbon
                             20                                                                           Fioul
                                                                                                          Nucléaire
                                                                                                          Solaire
                                                                                                          Éolien
                              0                                                                           Bioénergies
                                     Consommation            Échanges             Production

                          Focus sur la                         Focus sur                         Focus sur
                          consommation                         le nucléaire                      l’éolien

                Conso. instantanée : 96,6 GW        Prod. instantanée : 51,6 GW     Prod. instantanée : 10,3 GW
                       3e pic historique             7 réacteurs indisponibles        Facteur de charge : 75 %

Ces filières, dont la production est par nature                     Cette situation n’est pas généralisable et ne garan-
variable, ont une contribution non négli-                           tit pas la disponibilité de l’éolien sur les périodes
geable à la sécurité d’approvisionnement.                           hivernales : il existe en effet, symétriquement,
                                                                    des périodes où la contribution de l’éolien est très
À titre d’exemple, le mix de production du 28 février               faible, avec des facteurs de charge significative-
2018 illustre la contribution de l’éolien terrestre à               ment en dessous de 10 %. Cet exemple illustre
la sécurité d’approvisionnement, dans une situation                 néanmoins le fait que dans certains cas, la produc-
présentant une forte consommation (troisième pointe                 tion de cette filière à la pointe peut être significa-
de consommation annuelle la plus haute en France)                   tive et utile à la sécurité d’approvisionnement.
et une disponibilité nucléaire réduite (sept réacteurs
indisponibles). Le facteur de charge éolien très                    La représentation utilisée dans le Bilan prévision-
important, de l’ordre de 45 % le matin et 75 % le                   nel permet de représenter des épisodes de vent
soir, a permis d’assurer l’équilibre entre l’offre                  faible (comme de forte production) sur la base
et la demande. La situation, bien que tendue,                       d’une modélisation climatique très détaillée.
n’a pas été proche du blackout : elle n’a nécessité
l’activation d’aucun levier post marché.

BILAN PRÉVISIONNEL de l’équilibre offre-demande d’électricité en France I ÉDITION 2019                                             19
Vous pouvez aussi lire