CHÂTEAU DE CAUMONT SECONDE JEUNESSE - Mirabilibus
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MAISON DE FAMILLE CHÂTEAU DE CAUMONT SECONDE JEUNESSE Le château gersois qui domine la vallée de la Save accueille depuis quelques semaines une nouvelle Castelbajac… Et c’est tout le château, vieux de presque 500 ans, qui prend un coup de jeune. PAR MYLÈNE SULTAN (TEXTE) ET LUC CASTEL (PHOTOS) Depuis février, Ghislain et Mathilde de Castelbajac sont les heureux parents d’Athénaïs, une petite sœur pour Diane. 58 I JOURS DE FRANCE
MAISON DE FAMILLE Le grand salon a conservé le décor troubadour réalisé dans les années 1830. Il regorge de meubles anciens et de portraits de famille, comme celui du duc d’Épernon, petit-fils du bâtisseur du château de Caumont et grand ami d’Henri IV (ci-dessous). C e dimanche de printemps, Castelbajac, qui aimait les essences exoti- anciens, fresques en trompe-l’œil, objets les préparatifs vont bon ques », précise-t-elle avec assurance. entreposés au fil des générations… Depuis train au château de Caumont. Virevoltant d’une pièce à l’autre, Diane des siècles, rien ne semble avoir bougé Les salons en enfilade ont été vit le château de ses ancêtres comme dans la vaste demeure. Et la vie coule briqués de fond en comble un immense terrain de jeu où la petite et lentement sous le regard aimable des et le couvert est déjà dressé dans la salle la grande histoire se mêlent. Meubles illustres aïeux qui figurent en bonne place à manger, face au poêle de faïence… Tout sur les murs. Ici et là, des photos se sont l’édifice s’est mis sur son trente et un pour accumulées. Voici un banquet donné dans accueillir la famille de Ghislain et la galerie Louis XIII, voici les nurses avec Mathilde de Castelbajac, venue faire tous les enfants, voici encore, datant connaissance avec Athénaïs, la benja- de 1919, un cliché représentant les mine, née en février dernier, délicieuse « 36 employés du château » encadrant petite sœur de Diane, 5 ans. Vive et l’élégant majordome. espiègle, connaissant déjà sur le bout des doigts quelques épisodes fameux de CINQ SIÈCLES D’HISTOIRE la saga familiale, l’aînée aime jouer les On devine une destinée à la Downton guides. Ce grand buste de plâtre au centre Abbey, entre famille nombreuse et vie de la galerie latérale ? « C’est celui mondaine. Les immenses cuisines instal- d’Henri IV, ami du duc d’Épernon, lées à l’entresol en témoignent encore petit-fils du bâtisseur du château de avec une cheminée monumentale, un Caumont », précise la jeune demoiselle, tournebroche, un long potager de pierre tout de blanc vêtu. Le souverain y a en avec plusieurs feux de braise sur lesquels effet séjourné à plusieurs reprises. Le parc les plats mijotaient doucement, un four à romantique qui entoure la demeure ? « Il a pain, un plateau de marbre du Minervois été dessiné au milieu du XIXe siècle par réservé à la pâtisserie, une grande table Sophie de La Rochefoucauld, marquise de sur laquelle les domestiques prenaient 60 I JOURS DE FRANCE
Le salon de musique, avec son piano, et au-dessus le portrait de Sophie de La Rochefoucauld. Dans la salle à manger, le grand poêle en faïence a été offert par le tsar Nicolas Ier. La photographie de Queen Mum, venue déjeuner au château en mai 1989 (ci-dessous). leur repas, un vieux fauteuil près de la sous le nez ! – et avouant régulièrement C’est Jean et Michèle de Castelbajac qui la fenêtre, moult ustensiles de cuivre et, « avoir la gorge sèche » pour qu’on lui reçurent. Cela faisait dix ans que les région viticole oblige, un chai, attenant serve un nouveau verre de ce Pimm’s parents de Ghislain avaient acquis le châ- à l’arrière-cuisine. Là aussi, quelques qu’elle adorait… Sans compter l’impres- teau, resté jusque-là entre les mains d’une clichés racontent l’atmosphère du début sionnante armada d’officiers en charge de autre branche des Castelbajac. Ils menè- du XXe siècle, loin, bien loin des chasses sa sécurité. rent des travaux colossaux, notamment au trésor et autres escape games organisés dans la cour d’honneur qui, grâce à eux, désormais ici, à la grande joie des enfants. retrouva son aspect d’origine, lorsque Les parents, eux, s’attardent plus volon- Jean de Nogaret de la Valette entreprit, tiers dans les pièces au-dessus. À l’entrée en 1535, la construction d’une nouvelle du salon Troubadour, sur un buffet, trône demeure, en lieu et place du vieux châ- un portrait en noir et blanc de Queen teau médiéval… Ce premier castel de bois Mum, la mère d’Elizabeth II, grande appartenait à Gaston III de Foix-Béarn, dit amoureuse de la France. « Elle est venue Fébus (1331-1391), prince écrivain et ici en mai 1989 », rappelle Ghislain de poète, resté fameux dans la légende pyré- Castelbajac qui se souvient du repas néenne. Il s’élevait à l’emplacement d’un concocté par André Daguin, chef du oppidum romain, dont les vestiges ont été mythique Hôtel de France, à Auch. « Il déposés au musée d’Eauze. C’est dire avait préparé le menu que les chefs d’État combien ce site, un éperon rocheux allaient savourer peu après sous la dominant la vallée de la Save, était straté- pyramide du Louvre, lors de la célébra- gique. Cette position enviable explique la tion du bicentenaire de la Révolution destinée défensive de Caumont. L’édifice française… » Évidemment, Queen Mum est massif, solide, entouré de douves, a marqué les esprits, souriant toujours percé de nombreuses bouches à feu pour – même lorsqu’un paparazzi déguisé en tirer sur l’ennemi, doté de tours d’angle serveur lui a brandi un appareil photo conçues pour mieux faire ricocher ●●● JOURS DE FRANCE I 61
MAISON DE FAMILLE 1 2 3 4 1. Les anciennes cuisines, restées dans leur jus. 2. La chapelle de style gothique, créée dans la chambre où Caroline de Mac-Mahon ferma les yeux. 3. Près de la cheminée du salon, un coffre fort du XVIe siècle (à g.). 4. Plafond peint par des artistes italiens dans les années 1830. ●●● les boulets de canon. Mais il a aussi devenu l’ami du futur Henri IV, a été le sont étendus sur les terres voisines, se été pensé pour l’agrément et, en cela, personnage le plus déterminant de Cau- portant acquéreurs de châteaux à Barba- annonçait la Renaissance. mont. L’autre figure phare, c’est celle zan, Loubersan ou Lauret. C’est Jean-Louis, petit-fils du bâtisseur de d’Armand de Castelbajac, qui devient Caumont et duc d’Épernon, qui entreprit propriétaire de Caumont en 1819. Ce GALERIE DE PORTRAITS cette transformation. Il a allégé la struc- général, nommé ambassadeur de France Lorsqu’il s’installe à Caumont avec ture, embelli la façade, amélioré le confort en Russie sous le Second Empire, est issu Caroline de Mac-Mahon, sa première du château, en installant de belles chemi- d’une puissante maison originaire de la épouse, Armand de Castelbajac découvre nées de marbre rouge, remplacé les Bigorre voisine, dont l’origine remonte à un château qui a été modifié depuis la vieilles tuiles par un toit d’ardoises… Ce l’an mille. Au fil des siècles, tout en res- Renaissance : baies en ogive, créneaux et jeune noble gascon, parti étudier à Paris et tant fidèles à la région, les Castelbajac se échauguettes sur la façade de l’orangerie 62 I JOURS DE FRANCE
L’orangerie, avec ses échauguettes, ses créneaux et ses fenêtres en ogive, dans le goût néogothique. Moment de pur bonheur pour Mathilde de Castelbajac et sa fille Diane, entourant la petite Athénaïs (ci-dessous). ont été ajoutés et lui donnent des airs avaient enlevé. Et d’autres personnages néogothiques. Lui-même apporte sa marquèrent le lieu, comme Arnaud de marque : vers 1830, une mosaïque est Castelbajac, ancien champion olympique posée dans la galerie, le plafond à caissons de tir dans les années 20, qui s’entraînait est peint dans le style pompéien et le sur les girouettes de l’orangerie. Le châ- grand salon adopte le décor troubadour teau traversa d’autres aventures, connut qu’on lui connaît aujourd’hui. Armand de des revers de fortune. Il fut vidé de son Castelbajac a également légué nombre de mobilier, puis le retrouva, grâce à la souvenirs : le grand poêle peint de la salle générosité d’une tante bienveillante. à manger offert par le tsar Nicolas Ier, des Fidèle à la devise peinte sur les murs du portraits de nobles russes, et un inestima- salon – « Fais ce que dois, advienne que ble paravent en laque de Coromandel, pourra » –, il tint bon. C’est ici que Jean et parti depuis au musée Cernuschi, à Paris… Michèle de Castelbajac vécurent jusqu’à Quant à la chapelle de style gothique leurs derniers jours. Ici que Ghislain et flamboyant du premier étage, elle doit son Mathilde se marièrent. Ici que sera bapti- origine à un drame : la mort en couches de sée la petite Athénaïs, comme l’a été sa la jeune Caroline. Plus heureux souvenir, sœur Diane avant elle, et tant d’enfants de c’est grâce à la seconde épouse, Sophie, la famille, dans la chapelle du château. que le visiteur se promène avec bonheur Car ainsi va la ronde de la vie chez les dans le parc, entre micocouliers, arbres de Castelbajac. ♦ Judée, palmiers et cèdres du Liban. Château de Caumont, à Cazaux-Savès (Gers) Il y eut encore d’autres travaux pour Ouvert du 15 avril au 1er novembre. redonner à Caumont le cachet Renais- Plus d’infos : caumont.org sance que les excès du XIXe siècle lui Tél. : 05 62 07 94 20. JOURS DE FRANCE I 63
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