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VOLUME I CHANGEMENTS CLIMATIQUES AU QUÉBEC : S’ADAPTER POUR UN MEILLEUR AVENIR Revue de littérature des indicateurs et études de cas pour inspirer les municipalités à agir Mai 2021
HABITAT Habitat, anciennement connu sous le nom Eco2Urb,est une société créée par essaimage uni- versitaire qui a pour mission de mettre en application les plus récentes avancées scientifiques en écologie, en économie et en gouvernance, afin de faciliter les prises de décisions concer- nant l’aménagement du territoire à l’échelle locale et régionale, ou à plus grande échelle. Les professeurs Dupras, Gonzalez et Messier ont lancé Habitat afin de répondre à une demande croissante en matière d’analyse et de gestion d’écosystèmes et de ressources naturelles. Parmi les services offerts, Habitat encadre la gestion des paysages et des ressources naturelles au moyen d’une approche holistique, notamment en utilisant des logiciels de modélisation innovants et en fournissant des recommandations ciblées qui visent à favoriser la résilience des écosystèmes par la diversité et la connectivité. L’équipe d’Habitat dirige des laboratoires de pointe en écologie et évolution, en science AUTEURS ET CONTRIBUTEURS DU RAPPORT forestière et en économie écologique. Elle propose des approches novatrices liées au développement de solutions pour l’aménagement du territoire. L’équipe met un accent particulier sur la planification à long terme et sur la prise en compte des risques associés à différents scénarios de changements climatiques et mondiaux et au changement de Rédaction : l’utilisation des sols. Félix Landry, M. Sc. (Habitat) Coordination & direction : Louise Hénault-Ethier, Ph. D. Sc. Env. (Fondation David Suzuki) FONDATION DAVID SUZUKI Révision : Établie en 1990, la Fondation David Suzuki a pour mission de protéger l’environnement et notre qualité de vie, maintenant et pour l’avenir. Par la science, la sensibilisation et l’engage- Mélanie LeBerre, M. Sc. Env DD. (Fondation David Suzuki) ment du public, et des partenariats avec les entreprises, les gouvernements et les acteurs Sylvain Perron, Ms Sc. Env (Fondation David Suzuki) de la société civile, la Fondation œuvre à définir et à mettre en place des solutions permet- Citation suggérée : tant de vivre en équilibre avec la nature. La Fondation compte sur l’appui de 300 000 sym- pathisants à travers le Canada, dont près de 100 000 au Québec. Landry, F. et L. Hénault-Ethier (2021). Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir. Volume I. Revue de littérature des indicateurs et études de cas pour inspirer les municipalités à agir. Fondation David Suzuki. P39. https://fr.davidsuzuki.org/publication-scientifique/ changements-climatiques-au-quebec-volume-1 < 2 >
TABLE DES MATIÈRES SOMMAIRE 4 INTRODUCTION 6 1.1. Les changements climatiques et globaux 7 1.2. Risque, vulnérabilité et résilience 7 1.3. Vulnérabilités dans les villes du Québec 8 1.4. Mitigation et adaptation 9 1.5. Le processus d’adaptation 10 1.6. Le processus d’adaptation : la planification 10 1.7. Le processus d’adaptation : le suivi et l’évaluation 10 LES INDICATEURS D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS GLOBAUX 11 2.1. Méthode 12 2.1. Définir les indicateurs d’adaptation 13 2.3. Recensement d’indicateurs d’adaptation aux changements climatiques 16 ÉTUDES DE CAS 23 3.1.Risque d’inondation à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse 25 3.2. Réduction du ruissellement par les infrastructures naturelles à Washington DC. (États-Unis) 26 3.3 Réduction de la vulnérabilité aux vagues de chaleur par l’infrastructure durable à New York (États-Unis) 27 3.4. Stratégie de gestion des espèces envahissantes de Colombie-Britannique 28 3.5. Programme de gestion des eaux pluviales du Metro Vancouver 29 3.6. Stratégie de résilience de Paris (France) 30 3.7. Plan climat 2020-2030 de la ville de Montréal 33 CONCLUSION 34 RÉFÉRENCES 36 < 3 >
SOMMAIRE Afin d’atténuer les effets néfastes des changements climatiques (CC), il convient de Ces cas recèlent d’exemples qui illustrent la mitigation des risques d’inondation, la déployer des mesures d’adaptation qui reflètent les réalités locales et les trajec- réduction du ruissellement de surface, la gestion des eaux pluviales, l’amoindris- toires anticipées des changements, car la mitigation à elle seule ne peut régler le sement de la vulnérabilité aux vagues de chaleur, des stratégies de gestion des problème global que posent les CC. Plus les vulnérabilités territoriales ou sociales espèces envahissantes et des plans de résilience plus englobants. sont grandes, plus les impacts des CC seront perceptibles. Les villes et villages du Cette étude a été lancée au cours de la période de consultation visant à cerner les Québec devront faire face à une intensification des épisodes de chaleur accablante, objectifs du Plan climat Montréal 2020, à la suite du constat que l’information tirée à des précipitations abondantes et à des tempêtes hivernales. Déjà, certaines villes de la littérature scientifique ou d’autres plans climat était trop peu accessible et ont proposé des mesures d’adaptation intégrées à leur planification de mitigation vulgarisée pour éclairer la prise de décision politique. Toutefois, comme l’étude a et d’adaptation aux CC (Plan climat, Ville de Montréal, 2020). Cette planification in- été révisée après la publication du Plan climat, les renseignements de ce dernier tégrée, qui touche tant les services et activités de la ville que leur gouvernance, est ont pu y être intégrés et servir de base de comparaison avec les conclusions de la un projet louable. Cependant, sa portée actuelle est limitée en raison de l’absence revue de littérature afin de formuler des suggestions d’amélioration continue pour de littérature scientifique claire et du manque d’information accessible provenant ce plan novateur et précurseur. des plans climat déjà instaurés dans d’autres régions. C’est dans le but de recenser les connaissances disponibles sur les mesures Les études de cas constituent d’excellents outils pour bien comprendre comment d’adaptation en vue d’encourager la bonification des efforts d’adaptation au Québec les municipalités mettent en œuvre les mesures d’adaptation sur leur territoire et que la présente revue de littérature a été réalisée. Parmi les leçons les plus im- quels indicateurs ont été retenus pour leur évaluation, de façon à faire ressortir des portantes à retenir, notons le processus continu d’évaluation des vulnérabilités et enjeux émergents propices à l’appropriation dans d’autres localités. La présente des risques, de planification des mesures d’adaptation, d’implantation et de suivi revue de littérature propose donc sept exemples d’initiatives entreprises par des des mesures. Les vulnérabilités se déclinent généralement en composantes bio- métropoles ou des régions innovantes dans des climats tempérés et pouvant offrir physiques et socio-économiques. Pour être en mesure de suivre avec précision des pistes de réflexion pour les municipalités québécoises : l’atteinte des cibles ou l’efficacité des mesures proposées dans un projet d’adapta- 1. Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse (Canada) tion, il est primordial de recourir à un ensemble d’indicateurs. Les indicateurs d’ef- forts visent à déterminer l’efficacité de l’implantation d’une mesure (p. ex., atteinte 2. Washington DC. (États-Unis) des objectifs de plantation d’arbres sur une période donnée) et sont fréquemment 3. New York (États-Unis) utilisés lorsque la volonté d’action repose sur des principes généraux (p. ex., les 4. Colombie-Britannique (Canada) arbres fournissent de l’ombre et abaissent la température ambiante grâce à l’éva- potranspiration). Ils représentent également une occasion politique de démontrer 5. Metro Vancouver, Colombie-Britannique (Canada) un engagement manifeste à poser des actions. Cependant, un plan d’adaptation de- 6. Paris (France) vrait comporter plusieurs indicateurs de performance qui nécessitent quant à eux une évaluation objective (pertinence à la prise de décision, robustesse analytique 7. Montréal (Canada) et mesurabilité), afin de permettre de bien évaluer l’efficacité et la progression des cibles d’adaptation. < 4 >
SOMMAIRE À la lumière de cette étude, voici les recommandations proposées : • Publier des études de cas à partir des initiatives locales pour favoriser la com- La présente revue de littérature vise à offrir des pistes de réflexion pour l’élabo- munication et l’accessibilité des mesures phares. ration de plans d’adaptation au sein des municipalités québécoises. Elle constitue • Développer des indicateurs appropriés pour suivre l’efficacité de chaque plan, la première de deux études destinées à fournir un portrait à la fois scientifique et projet, règlement ou allocation budgétaire. pratique des priorités en matière d’adaptation aux changements climatiques, et à • Créer un outil cartographique universel pour la priorisation, l’implantation et présenter les mesures, cibles et indicateurs pouvant être préconisés pour favoriser l’évaluation des mesures d’adaptation. l’adaptation dans les municipalités québécoises. À la suite de la revue de littérature, un second rapport ayant comme finalité la compréhension des acteurs impliqués • Déployer les mesures d’adaptation en suivant un cycle d’amélioration continue dans le domaine de l’adaptation aux changements climatiques a été réalisé à l’aide qui comprend l’évaluation des vulnérabilités et des risques, la planification des d’entretiens semi-dirigés et d’un sondage auprès d’experts provenant des milieux mesures d’adaptation, ainsi que l’implantation et le suivi des mesures. scientifique et municipal, et d’organismes non gouvernementaux. Ensemble, ces • Adopter des cibles, mesures et indicateurs d’adaptation concrets et comparables deux rapports permettront de consolider le déploiement des mesures d’adaptation à ceux qui sont employés dans la lutte aux changements climatiques afin de dé- au Québec. velopper des plans d’adaptation pouvant être mis en œuvre par les municipalités. Parmi les mesures phares énumérées dans le Plan climat de la Ville de Montréal, certaines gagneraient à être améliorées, notamment en assurant leur adéquation avec les conclusions des travaux des comités d’experts qui ont débuté peu après sa publication initiale. Par exemple, il y est recommandé d’employer des indicateurs d’efforts qui ne sont pas liés à une évaluation d’efficacité de la mesure en matière d’adaptation (p. ex., plantation de 500 000 arbres), des cibles qui ne sont pas quan- titatives (p. ex., diminution de la superficie des îlots de chaleur) ou des cibles qui ne sont pas harmonisées avec les objectifs nationaux ou internationaux (p. ex., 10 % du Ceci est le VOLUME I d'une série de trois. territoire protégé pour 2030 au lieu de 30 %), sans justification des contraintes de Vous trouverez le VOLUME II à https://fr.davidsuzuki.org/ l’objectif choisi localement. Toutefois, on note également une démarche rigoureuse publication-scientifique/changements-climatiques-au-quebec-volume-2 d’acquisition et de mise à jour des connaissances concernant les données biophy- siques et socioculturelles, telles que les cartographies des zones de vulnérabilité. et VOLUME III à https://fr.davidsuzuki.org/publication-scientifique/ Celles-ci permettront à court terme d’avoir un portrait clair des enjeux territoriaux changements-climatiques-au-quebec-volume-3 afin de poursuivre des objectifs plus concrets que la diminution de la vulnérabilité. < 5 >
Au Québec comme ailleurs, les changements globaux (CG) préoccupent de plus en plus la population et les gouvernements. Ceux-ci menacent le bien-être des sociétés en ébranlant les fondements de nos villes, de nos institutions et de notre économie. La nécessité d’agir face aux CG est pressante, comme en témoignent de nombreux rapports d’experts internationaux, notamment les publications du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Ces mêmes rapports confirment que les impacts des CG déjà ressentis de même que les impacts prévus augmenteront en fréquence et en intensité dans l’avenir. Il est donc dans l’intérêt de tous les paliers de gouvernement de prendre en compte ces futures contraintes dans l’élaboration de politiques publiques adaptées aux CG. Les efforts de lutte contre les CG, qui s’inscrivent dans la réduction des émissions de GES, ont beaucoup retenu l’attention scientifique et politique, de sorte que la plupart des pays ou des juridictions infraterritoriales ont déjà mis en œuvre des plans assortis d’objectifs de réduction bien délimités. La société a d’abord répondu à l’urgence en tentant d’endiguer le phénomène. Malheureusement, les CG sont déjà bien enclenchés dans plusieurs endroits du monde et malgré nos ef- forts de lutte contre ce phénomène, nous devons amorcer une phase d’adaptation de nos sociétés. Il devient donc impératif de s’intéresser à la vulnérabilité et à la résilience de nos sociétés. La notion d’« adaptation » aux CG renvoie ainsi à une volonté de limiter les risques liés aux CG, et non à la réduction du problème à la source comme l’entend la « lutte ». Bien que certaines mesures d’adaptation aient déjà été mises en place par plusieurs communautés au pays (Richardson, 2010), il reste difficile de déterminer l’efficacité des efforts entrepris. Le présent document vise à faire état de la littérature scientifique et grise (rapports d’experts, rapports gouvernementaux, études de cas, etc.) pour relever les mesures d’adaptation et les indicateurs qui leur sont associés à l’échelle du Canada et ailleurs dans le monde. 1.1. Les changements climatiques et globaux chaudes (Odgen et coll., 2014; Bouchard et coll., 2019). multiples facteurs. À titre d’illustration, mentionnons En conséquence, les Québécois présentent un risque les populations riveraines, qui sont plus vulnérables à Les termes « réchauffement climatique » et « change- accru de contracter la maladie de Lyme. La multipli- la montée du niveau des eaux. Le risque s’accentue pour ment climatique » sont couramment employés dans cation des cas de maladies à transmission vectorielle les populations vivant dans des lieux où les services de les médias. Ils désignent des phénomènes largement figure d’ailleurs parmi les risques les plus importants base (eau, santé, services d’urgence, etc.) sont man- connus du public dont les effets découlent de l’aug- associés aux CG pour la population à l’échelle mondiale quants ou déficients, notamment dans les pays en dé- mentation de la concentration de CO2 dans l’atmos- qui ont été relevés par le GIEC (IPCC, 2014). Les risques veloppement. La piètre qualité de l’infrastructure bâtie phère par l’activité humaine. Le terme « changements d’inondations et d’infection à la maladie de Lyme font (habitations, routes, etc.) et une localisation sujette aux globaux » (CG) est quant à lui plus général. Il englobe Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I partie des effets indirects des changements clima- CG ajoutent au risque. L’érosion des berges à certains le réchauffement climatique ainsi que le dérèglement tiques sur le bien-être humain. L’ensemble des impacts endroits le long du fleuve Saint-Laurent, accélérée par d’événements liés au climat tels que les tempêtes, les directs (dont le réchauffement climatique) et indirects la montée des eaux, la fréquence accrue des tempêtes sécheresses et la fonte des glaces (IPCC, 2014; Mengel sont regroupés sous l’appellation « changements glo- et dans certains cas, le passage des navires, rendent les et coll., 2016). Certains de ces événements provoquent baux » (CG), de même que tous les changements envi- habitants des rives particulièrement vulnérables à ce d’autres effets de façon indirecte. Par exemple, l’aug- ronnementaux de cause anthropique. La prolifération phénomène (Bernatchez et Fraser, 2012; Porter, 2019). mentation de la température entraîne la fonte des glaces des espèces exotiques envahissantes, l’augmentation La géographie des lieux peut bien sûr influencer la gra- aux pôles et la dilatation thermique de l’eau des océans, de la pollution atmosphérique et des cours d’eau, les vité des impacts, mais il faut tenir compte de la vulné- deux phénomènes propices à la crue des eaux (Mengel changements d’utilisation des terres et la perte de la rabilité des populations elles-mêmes dans l’estimation et coll., 2016), qui cause à son tour des inondations plus biodiversité constituent d’autres phénomènes entrant des risques. En effet, le risque est plus grand chez les fréquentes. Un autre exemple de nature biologique dans la définition des CG. populations socioéconomiquement vulnérables. Les est la prolifération de la tique à pattes noires (Ixodes personnes âgées et moins nanties ainsi que les enfants, scapularis), vectrice de la maladie de Lyme, dans le sud 1.2. Risque, vulnérabilité et résilience entre autres, n’ont pas la même capacité de réponse du Québec. Cette espèce, autrefois absente du terri- Les CG affectent les populations de partout dans le face aux CG que d’autres populations plus résilientes. toire québécois, se propage maintenant vers le nord, en raison notamment des conditions climatiques plus monde. La gravité des impacts dépend toutefois de En effet, le manque d’accès à des espaces verts urbains < 7 >
ou à des services publics (centres communautaires, 1.3. Vulnérabilités dans les villes du Québec piscines) lors de vagues de chaleur est un facteur de Les villes du Québec et d’ailleurs dans le monde su- risque supplémentaire dans les quartiers plus pauvres bissent déjà les effets des changements climatiques. (Gago et coll., 2013). À l’autre extrémité du spectre, les Selon les prévisions à long terme, la situation devrait plus riches possèdent généralement les moyens de se s’aggraver. Les modèles climatiques prévoient no- prémunir contre les vagues de chaleur en achetant des tamment une hausse de la température moyenne es- systèmes de climatisation. Cela représente d’ailleurs tivale de 1,9 °C à 3,0 °C au sud du Québec d’ici 2050 une solution efficace, mais un exemple d’adaptation im- (Ouranos, 2010). Cette hausse, combinée au phéno- parfait, étant donné que le rejet d’air chaud important mène d’îlot de chaleur urbain, pourrait occasionner de ces appareils vers l’extérieur contribue à accroître davantage d’épisodes de chaleur extrême dans les l’iniquité sociale. Davantage de moyens financiers milieux urbains. D’après une étude réalisée par la ville permettent à ces populations de se rétablir plus ra- de New York, les vagues de chaleur par année iraient pidement à la suite d’un sinistre comme une tempête en augmentant, passant de deux (moyenne enregis- ou une inondation. Puisque les événements extrêmes trée entre 1970 et 2000) à sept en 2050 – les vagues se multiplient en raison des CG, la résilience des popu- de chaleur étant ici définies comme les périodes d’au lations plus aisées à leurs impacts est supérieure. La moins trois jours consécutifs où la température atteint situation biogéophysique des populations et le statut 32 °C (90 °F) (Rosenzweig et Solecki, 2013). Les préci- socio-économique figurent donc parmi les facteurs à pitations plus abondantes prévues au Québec (Mailhot ne pas négliger lors de l’évaluation de la vulnérabilité et coll., 2007) représentent également un enjeu de taille face au risque grandissant d’événements extrêmes. pour les villes. Les matières imperméables comme DÉFINITIONS l’asphalte et le béton occupent une partie considérable de la surface des zones urbaines, ce qui fait en sorte RISQUE : La réalisation aléatoire d’un danger dont que l’eau des précipitations ruisselle au lieu de percoler Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I les effets se font sentir sur la société et sur un terri- dans le sol, dans une proportion respective de 65 % et toire (Donze, 2007). 85 % pour les zones résidentielles et les infrastruc- VULNÉRABILITÉ : La propension à favoriser les tures routières. En ce qui a trait aux parcs et autres préjudices des personnes exposées à un aléa (évé- milieux ouverts, le pourcentage est inférieur, soit de nement d’origine naturelle ou humaine, potentielle- 20 % (Strom et coll., 2009). L’eau de ruissellement se ment dangereux) (D’Ercole, 1994). déverse dans le système d’égout pluvial dans le cas des municipalités dotées d’un réseau séparé, tandis qu’elles RÉSILIENCE : La capacité d’un système à conser- gonflent les volumes d’eaux usées dans les égouts sa- ver ses principales fonctions pendant et après une nitaires des municipalités dotées d’un système unitaire. perturbation, même si le système est appelé à se Il en résulte de plus grands volumes à traiter dans les réorganiser. Le concept a d’abord été utilisé en éco- usines de traitement des eaux usées (consommation logie (Holling, 1973), et sa définition a été étendue d’énergie, d’intrants chimiques, coûts, etc.) avant le à de nombreux domaines. La résilience englobe déversement dans les cours d’eau. Or ce système, qui en outre les notions de durabilité et de persistance était prévu pour gérer la majorité des événements de pluie à l’époque de sa construction, montre déjà des (IPCC, 2014). Photo : Louise Hénault-Ethier < 8 >
signes de surcharge régulière en période de précipi- 1.4. Mitigation et adaptation tations intenses. Les conséquences liées à un nombre Il y a de nombreuses manières d’envisager les CG climat actuel ou anticipé ainsi qu’à ses effets. Dans les accru de surverses d’égout (rejet d’eau usée non trai- tée vers les milieux naturels) pourraient comprendre et les risques qui leur sont associés. La plupart des systèmes humains, l’adaptation cherche à modérer ou une augmentation de la pollution des cours d’eau, initiatives de réponse aux CG mises en place partout éviter les dommages, ou à tirer profit des occasions des inondations et des interruptions des systèmes de dans le monde se classent toutefois dans deux grandes favorables. » (IPCC, 2014, traduction libre de l’anglais) transport (Ouranos, 2010). Ces impacts sont davantage catégories abordant chacune un aspect différent des En d’autres termes, l’adaptation aux CG ne consiste propres aux précipitations estivales. Cependant, les CG : la lutte (aussi appelée mitigation) et l’adaptation pas à agir sur la cause (à l’instar de la mitigation), tempêtes hivernales présentent aussi un fort risque (Larsen et coll., 2019). La lutte consiste à diminuer mais bien à réduire l’effet néfaste des symptômes sur de perturbation pour les villes. Les événements de le risque associé aux CG en misant directement sur les systèmes humains et/ou naturels et à augmenter verglas, comme la tempête de 1998, montrent que les les causes du phénomène. Certains gouvernements tempêtes hivernales peuvent causer des dommages la résilience de ces systèmes face aux répercussions tentent de réduire les émissions de gaz carbonique profonds et coûteux aux infrastructures et communau- futures des CG. À titre de rappel, la résilience corres- (CO2) et des autres gaz à effet de serre (GES) produits tés québécoises. Cet événement a en effet coûté la vie pond dans ce contexte à la capacité d’un système à à l’intérieur du pays. La mesure prise par le gouverne- à 35 personnes, en plus de priver une partie du Québec conserver ses principales fonctions pendant et après ment du Québec est d’ailleurs de réduire ses émissions d’électricité pendant plusieurs jours et d’engendrer une perturbation, même si le système est appelé à se de 37,5 % d’ici 2030 pour atteindre les niveaux de 1990 entre un et trois milliards de dollars de dommages réorganiser (IPCC 2014). Ainsi, la réduction des émis- matériels (Environnement Canada, 2017; Statistique (MELCC, 2019). Cette cible s’inscrit dans l’objectif du sions de GES ne constitue pas une mesure d’adaptation, Canada, 2004). Les épisodes de précipitations liquides gouvernement du Québec de respecter les engage- mais bien de mitigation. À l’inverse, la protection des et les redoux hivernaux étant susceptibles d’augmenter ments du protocole de Paris (MELCC, 2019). Dans le Plan milieux humides dans l’optique de réduire l’impact des en fréquence avec le temps (Ouranos, 2010; Bresson climat de la Ville de Montréal, un objectif plus ambitieux inondations qui deviendront plus fréquentes avec les et coll., 2017), ces nouvelles conditions climatiques de réduction des GES a été adopté, soit une cible de ré- CG constitue une mesure d’adaptation; cette mesure posent un défi d’adaptation majeur pour les villes. Les duction de 55 % pour la collectivité et des activités mu- permettrait par le fait même d’augmenter la résilience épisodes de chaleur accablante, les précipitations nicipales. Ces cibles de réduction des GES s’attaquent d’une zone habitée adjacente face aux inondations. abondantes et les tempêtes hivernales représentent directement à la cause du réchauffement climatique, ce Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I trois des grands défis d’adaptation auxquels devront qui atténue ultimement les risques environnementaux faire face les villes québécoises. Ces facteurs figurent qui lui sont associés. Cependant, bien que la lutte soit d’ailleurs parmi les six vulnérabilités qui orientent le essentielle pour assurer le maintien de conditions en- plan d’adaptation aux changements climatiques de la vironnementales viables à long terme, les impacts des Ville de Montréal, les trois autres étant les sécheresses, changements climatiques sont déjà présents. D’autres les crues et l’augmentation de la température moyenne mesures doivent donc être entreprises pour diminuer (Ville de Montréal, 2015). La métropole poursuit les en- leurs effets à court et à moyen terme. gagements mentionnés dans son Plan climat (2020) en bonifiant l’analyse de vulnérabilité précédemment réali- La science des CG fournit un éclairage sur les risques sée dans le cadre du plan de 2015. De plus, elle souhaite environnementaux éventuels. Ces connaissances de plus modifier la réglementation d’urbanisme afin de mieux en plus complètes permettent d’anticiper ces risques. Les tenir compte de l’intensité, de la fréquence et de la du- actions menées en fonction de ces contraintes futures re- rée croissantes de certaines perturbations climatiques présentent l’adaptation aux impacts des CG. Le GIEC dé- sur son territoire, telles que les pluies abondantes, les finit l’adaptation aux changements climatiques comme vagues de chaleur et les crues1. suit : « [L’adaptation] est le processus d’ajustement au Photo Louise Hénault-Ethier 1. Remarque : la présente étude a été réalisée avant la sortie du Plan climat de Montréal 2020. Toutefois, lors de la révision du présent document, il a été possible d’intégrer certains renseignements provenant du Plan climat, car celui-ci était alors disponible. < 9 >
1.5. Le processus d’adaptation décrites de façon exhaustive, car ce document porte de la mesure d’adaptation permet de déterminer si davantage sur la dernière étape, soit le suivi. ses objectifs ont été remplis. Il est ainsi possible de Les mesures d’adaptation sont les actions entreprises réajuster le tir au besoin et de partager les résultats avec par un acteur (p. ex., municipalité et province) pour 1.5.2 Le suivi et l'évaluation d’autres communautés si la mesure se révèle efficace, réduire les impacts anticipés des CG sur le bien-être ou au contraire, d’éviter de futures maladaptations (dans de sa population. La mise en place de ces mesures est La quatrième étape présentée dans la figure précédente le cas où elle n’augmenterait pas la résilience face aux un processus intersectoriel relevant de la collabora- est le suivi et l’évaluation de la mesure d’adaptation. Il CG). Cependant, pour pouvoir suivre avec précision l’ef- tion entre les experts, les décideurs et la population s’agit d’une étape cruciale dans le processus, car elle ficacité d’un projet d’adaptation, il est primordial de se générale. Les étapes de mise en place sont le résultat permet de déterminer les effets réels de la mesure doter d’un ensemble d’indicateurs propres à la mesure. d’une analyse des risques et des vulnérabilités face aux d’adaptation, ceux-ci ayant seulement été prévus lors événements extrêmes, de la création d’un plan d’action, des étapes de planification. Le suivi de la performance de l’application d’une mesure d’adaptation appropriée à la situation et du suivi de l’efficacité de cette dernière. La figure 2 illustre les étapes relatives à l’élaboration d’une stratégie d’adaptation tel qu’elle est présentée par l’UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change). Ce cadre conceptuel montre une Évaluer les Vulnérabilité(s) progression d’étapes générales qui pourraient être impacts, reproduites dans tout projet d’adaptation. Les sections vulnérabilites suivantes traitent des quatre étapes. Toutefois, l’accent et risques est mis sur la planification de plans de suivi relatifs à l’efficacité des actions d’adaptation au moyen des indi- cateurs et cibles, sujet de ce document. Indicateurs Objectif(s) Suivi et Planifier les Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I 1.5.1 La planification et cibles PROCESSUS évaluation mesures des mesures D'ADAPTATION d'adaptation La première étape d’une stratégie d’adaptation est de constater une vulnérabilité face à un impact des CG d’ordre biophysique (p. ex., habitations en zone inondable) ou socio-économique (p. ex., incapacité d’une population à reconstruire en cas de sinistre). L’évaluation de la vulnérabilité peut passer par divers Implanter mécanismes (comités d’experts, consultations pu- les mesures bliques, etc.) et est nécessaire à l’élaboration d’une d'adaptation stratégie d’adaptation efficace dans cette situation par- ticulière. Les étapes suivantes consistent à planifier la mesure d’adaptation et à implanter la mesure sélection- née en réponse à la vulnérabilité. Ces trois premières Figure 1. Étapes du processus d’adaptation aux changements climatiques. Tiré, adapté et traduit de UNFCCC (2020). étapes, bien qu’essentielles au processus, ne sont pas Les cercles verts représentent les actions à réaliser dans la mise en place d’une mesure d’adaptation. < 10 >
2 LES INDICATEURS D’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS GLOBAUX Photo: Mathieu B. Morin < 11 >
2.1. Méthode Cette revue de littérature visant à soulever les vulné- qui renvoient souvent à d’autres rapports réalisés par rabilités, mesures et indicateurs dans le contexte de des gouvernements locaux, sont ensuite utilisées pour l’adaptation aux CC, les littératures grises et scienti- poursuivre la revue. Enfin, sont relevées les études de fiques ont été prises en compte. Les rapports d’experts, cas (menées par exemple par les municipalités) faisant les rapports gouvernementaux et les études de cas (lit- parfois partie de stratégies d’adaptation régionales ain- térature grise) couvrent généralement un large spectre si que les études scientifiques sur lesquelles ces me- allant de la planification stratégique à l’efficacité de la sures sont basées. Cette méthode, nommée « boule de mesure d’adaptation. Les études scientifiques, tout aus- neige », est souvent suivie dans les revues de littérature si pertinentes, s’attardent le plus souvent à un aspect scientifique. Elle permet de ratisser efficacement une spécifique du processus. Elles revêtent un intérêt par- vaste littérature pour en extraire les éléments perti- ticulier dans l’évaluation de l’efficacité ou de la perti- nents quant à l’objectif. nence des indicateurs. La méthode décrite ici s’applique Chaque texte doit d’abord faire l’objet d’une évaluation autant au texte de la revue de littérature qu’au tableau avant d’être intégré à la revue de littérature pour s’as- récapitulatif des indicateurs. surer de sa pertinence. La liste des critères utilisés fi- Dans le cadre de la méthode employée, la littérature gure au tableau 1. Le degré de correspondance avec les pertinente a donc comme point de départ les rapports critères est bien sûr suggestif et repose sur le jugement de grands organismes internationaux ou nationaux, du lecteur. Cependant, une attention particulière a été tels que le GIEC ou le gouvernement du Canada res- portée dans le choix des textes afin d’assurer la plus pectivement. Les références citées dans ces rapports, grande neutralité possible. Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I CRITÈRE DÉCISIONNEL EXEMPLE POSITIF Applicabilité à la Intégré si la situation Rapports produits par le situation Québécoise décrite dans le document gouvernement du Québec peut s’appliquer au Québec Année de publication Davantage de poids La version la plus accordé aux textes récents récente des rapports du GIEC sera choisie Citation dans un Davantage de poids Un rapport autre rapport accordé aux textes gouvernemental cité dans cités ailleurs un rapport du GIEC Tableau 1 : Base scientifique solide Intégré si le texte s’appuie Une étude de cas citant des sur des bases scientifiques articles scientifiques pour Critères décisionnels utilisés pour la justifier ses indicateurs sélection des études intégrées dans la présente revue de littérature Photo: Mathieu B. Morin < 12 >
2.1. Définir les indicateurs d’adaptation Les indicateurs sont des éléments mesurables rendant relever des possibilités dans l’évaluation de l’efficacité performance). Cette situation est résumée à la figure 2. compte de l’état d’une situation (Klopp et Petretta, 2017). des mesures d’adaptation, il s’attardera sur deux d’entre Dans les deux cas, ces indicateurs s’avèrent essentiels Ils servent entre autres à : évaluer certaines conditions eux : les indicateurs d’effort et de performance. Les à la rétroaction sur les actions entreprises, car ils per- dans le temps ou l’espace (p. ex., niveau de l’eau sur indicateurs d’effort visent à suivre le déroulement de mettent de répondre à deux questions distinctes : un territoire, depuis 1970); à informer le public et les l’implantation d’une mesure d’adaptation. Les indica- • L’implantation de la mesure d’adaptation se déroule- décideurs de l’état d’une situation; à sensibiliser la po- teurs de performance visent quant à eux à déterminer t-elle comme prévu? pulation; et à favoriser la communication (Holden, 2006; l’efficacité de la mesure après sa mise en œuvre. Par Moreno Pires et coll., 2014). Dans le cas de l’adaptation • Les résultats obtenus correspondent-ils aux résul- exemple, une ville qui souhaite planter 100 000 arbres aux CG, les indicateurs jouent un important rôle de suivi tats escomptés? sur cinq ans pour réduire l’effet des îlots de chaleur de l’efficacité des mesures d’adaptation. urbains pourrait mesurer le nombre d’arbres effective- ment plantés chaque année (indicateur d’efforts) et la Divers types d’indicateurs peuvent être utilisés à chaque différence de température engendrée par la plantation étape du processus d’adaptation, dès l’évaluation des avant et après l’application de la mesure (indicateur de vulnérabilités. Cependant, comme ce document vise à VULNÉRABILITÉ MESURES INDICATEUR DE OBJECTIF CIBLE PERFORMANCE PERFORMANCE D'ADAPTATION Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I Réduire l'effet d'Îlot Température au Réduction moyenne de chaleaur sol avant/après de 2�C Chaleur Planter extrême des arbres en ville en ville INDICATEUR OBJECTIF CIBLE DE EFFORT EFFORT Plantation de Nombre d'arbres Moyenne de 20 000 100 000 arbres sur 5 ans plantés par année arbres par année Figure 2 : Distinction entre indicateurs d’effort et indicateurs de performance dans le processus d’adaptation. Exemple hypothétique. < 13 >
Les indicateurs, peu importe leur type, comportent un simultanément pourrait permettre de rendre compte de déplacées, de la valeur économique des biens perdus ou biais d’interprétation inhérent. Ils sont par définition phénomènes plus complexes. Par exemple, le nombre de l’état d’endommagement de la berge. Mesurer tous une mesure unique du phénomène complexe qu’ils ré- de maisons en zone côtière sinistrées après une tem- ces facteurs plutôt qu’un seul procurera une meilleure sument (p. ex., l’adaptation d’une communauté aux CG) pête ne rend pas compte du nombre de personnes compréhension de la situation dans son ensemble. (Niemeijer, 2002). L’utilisation de plusieurs indicateurs Atténuation Variabilité Changement du climat climatique Information, Planification, Surveillance, Impacts prise de Mise en oeuvre conception évaluation conscience Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I Pratiques de gestions existantes Autres Critères Objectifs facteurs Politiques d'élaboration de stress Adaptation Figure 3 : Cadre conceptuel indiquant les étapes à suivre pour planifier l’adaptation au changement et à la variabilité clima- tique (inspiré de Lemmen et coll., 2007). Les quatre étapes de ce processus d’adaptation (zone grisée) suggéré par le gou- vernement du Canada sont similaires aux étapes suggérées par l’UNFCCC de la figure 2. < 14 >
Les indicateurs de performance des mesures d’adap- Cependant, viser à en incorporer le plus possible de- tation aux CG doivent respecter plusieurs critères vrait assurer la sélection d’indicateurs de bonne qualité. avant d’être jugés acceptables, notamment la perti- Les indicateurs d’effort doivent quant à eux demeurer nence à la prise de décision, la robustesse analytique mesurables et pertinents à la prise de décision, mais et la mesurabilité. Ces trois catégories découlent d’une le critère de robustesse scientifique est de moindre étude réalisée pour la ville de New York par Jacob et importance. En effet, l’indicateur d’effort est généra- coll. (2010) (voir encadré 1). Il est très difficile de faire lement lié à des variables ne dépendant pas de fac- en sorte qu’un indicateur respecte tous ces critères. teurs naturels ou socio-économiques complexes. ENCADRÉ 1 - CRITÈRES D’ÉVALUATION DES INDICATEURS (JABOB ET COLL., 2010) Pertinence à la prise de décision : Les indicateurs doivent fournir une image représentative des conditions actuelles pour décrire un état de base (baseline), et rendre compte efficacement des changements à venir. Ils doivent être faciles à interpréter et à intégrer à des échelles spatiales et/ou temporelles pertinentes pour les acteurs. Analytiquement robustes : Les indicateurs doivent posséder une base scientifique et technique solide, repo- ser sur des standards locaux, régionaux et internationaux, et être intégrables dans des modèles biophysiques et socio-économiques. Mesurables : Les indicateurs doivent être basés sur des données fiables, en quantité suffisante pour évaluer des tendances, facilement disponibles et régulièrement mis à jour. Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I Exemple 1 : Plan d’adaptation aux changements climatiques de l’agglomération de Montréal 2015-2020 – Mesures d’adapta- tion aux pluies abondantes – Arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. (Ville de Montréal, 2015, p. 100) Afin de limiter le ruissellement des eaux de pluie, en fait un indicateur d’effort utile. Par contre, comme il l’arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de- s’agit d’un indicateur d’effort, il ne permet pas de juger Grâce s’engage à « [p]rivilégier l’emploi de revêtements de l’efficacité de la mesure. Un indicateur de perfor- perméables (asphalte poreux, béton poreux, pavés en mance devrait être associé à cette mesure de manière béton et systèmes alvéolaires en béton ou plastique) à pallier cette lacune. Le nombre de surcharges du dans les projets municipaux ». L’indicateur relatif à cette réseau d’égout pluvial à l’échelle de l’arrondissement mesure est la surface de revêtement perméable instal- pourrait rendre compte de l’efficacité de la mesure. Des lé (en m2). Cet indicateur est facilement mesurable lors dispositifs de suivi du débit de ruissellement à proximi- de la réalisation de chaque projet. À plus long terme, té des nouvelles installations pourraient permettre d’en il permettra de suivre la superficie de revêtement déterminer l’efficacité à une échelle plus fine. perméable appliqué à l’arrondissement complet. Cela Photo : Lise Gobeille < 15 >
Exemple 2 : Réduction du ruissellement – Installation de fosses d’arbres biorétentrices et d’asphalte perméable sur Elm Drive – Toronto. L’organisme Credit Valley Conservation, en collaboration au ruissellement et à ses caractéristiques pertinentes) avec la ville de Toronto, propose des mesures d’adap- et mesurables (à l’aide d’équipements sur place ou de tation favorisant le développement de routes à « faible prélèvements ponctuels). Une réduction de 85 % à 93 % impact » (Credit Valley Conservation, 2014). L’un des des solides en suspension dans l’eau de ruissellement projets réalisés est l’installation d’asphalte perméable et de 90 % de la charge sur le réseau pluvial a été ob- Photo : wes-hicks-zcc90bFevGQ-unsplash et de fosses d’arbres en béton capables de retenir la servée. De plus, les indicateurs permettent d’établir un sédimentation et le lessivage de certains polluants sur état de la situation avant et après l’application de la me- certains axes routiers. Le projet réalisé sur l’avenue sure d’adaptation. À terme, cela permet aux décideurs Elm Drive comporte deux indicateurs de performance de déterminer si la mesure est suffisamment efficace concernant le ruissellement : le volume d’eau parve- pour poursuivre le projet ailleurs. Les deux indicateurs nant du projet à l’égout et la qualité de cette eau rejetée. de suivi choisis représentent donc de bonnes options Ces deux indicateurs sont robustes (directement liés selon les critères énoncés précédemment. 2.3. Recensement d’indicateurs d’adaptation aux changements climatiques Une liste d'indicateurs d'adaptation aux changements des mesures d’adaptation. L’information présentée dans d’effort. Par exemple, la mesure « planter des arbres » climatiques a été recensée afin de dégager leur me- le tableau a donc dû être remaniée selon le jugement visant l’objectif « augmenter la surface de canopée » Changements climatiques au Québec : s’adapter pour un meilleur avenir // volume I sures d'efficacité ou de suivi (voir Tableau 2). Ces me- de l’auteur pour des besoins de concision et de classi- est mesurée par l’indicateur d’effort « proportion de la sures ont été mises en place ou suggérées par divers fication. Le tableau est par ailleurs divisé en trois thé- surface couverte par la canopée ». La même mesure organismes : municipalités, experts, groupes paragou- matiques, soit écologique, physique et socioéconomique, visant cette fois l’objectif de « diminution des cas de vernementaux, chercheurs, etc. Précisons que par sou- qui sont elles-mêmes sous-divisées selon qu’il s’agit maladies respiratoires » est mesurée par l’indicateur ci de concision, ce travail de recensement d’indicateurs d’indicateurs d’effort ou de performance. de performance « nombre de cas ». n’est pas exhaustif. Le travail de collecte a par ailleurs Le choix d’un indicateur dépend directement de la Le tableau est structuré comme suit : débuté au printemps 2020 et s’est achevé en septembre mesure et de l’objectif d’adaptation. C’est pourquoi la de la même année. Ainsi, les indicateurs propres au • Catégorie de mesure : Pour classer la mesure majorité des indicateurs appartiennent au type « per- plan climat de Montréal n’y sont pas présentés. d’adaptation dans trois grandes catégories : formance » : ils ont été sélectionnés par le décideur Un indicateur est utile pour suivre l’évolution d’une ac- parce qu’ils permettent d’évaluer l’atteinte de l’objectif. 1. Écologique, si la mesure concerne principalement tion d’adaptation et n’est pas nécessairement significatif Puisque l’objectif final de toutes les mesures d’adapta- des enjeux écologiques. seul. Par conséquent, le tableau suivant intègre à la fois tion est, à terme, de maintenir le bien-être des popula- 2. Physique, si la mesure concerne principalement l’action et l’indicateur. Il est à noter que dans certains tions pendant ou après une perturbation, les mesures des enjeux physiques ou biophysiques. cas, la référence citée décrit une situation de façon et objectifs qui visent davantage le suivi de l’implanta- 3. Socioéconomique, si la mesure concerne princi- qualitative au lieu d’exprimer clairement des objectifs et tion de la mesure (et non un effet sur un facteur affec- palement des enjeux sociaux ou économiques. tant le bien-être) seront classés parmi les indicateurs < 16 >
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