Les formes graves du sepsis de l'enfant - SFMU

La page est créée Emmanuel Masse
 
CONTINUER À LIRE
Chapitre         17
                                              Les formes graves
                                            du sepsis de l’enfant

                                          S. DAUGER, F. LE BOURGEOIS, S. JULLIAND

Points essentiels

■   Malgré les importants progrès des 30 dernières années, la mortalité des états
    infectieux sévères de l’enfant varie encore aujourd’hui de 5 à 20 % dans les
    pays à hauts revenus.
■   Celle-ci dépend directement de la virulence du micro-organisme en cause et
    des caractéristiques intrinsèques du patient, mais aussi de la rapidité de mise
    en route d’un traitement efficace.
■   Afin de faciliter la conduite thérapeutique, celle-ci est artificiellement divisée
    en deux phases : la première heure suivant le diagnostic, et les six heures
    suivantes.
■   La reconnaissance et l’évaluation d’un état infectieux sévère de l’enfant
    reposent sur un examen clinique systématique et rapide, pratiqué chez un
    patient entièrement dénudé quel que soit l’âge.
■   Le traitement de la première heure vise à améliorer le transport en oxygène
    (oxygénothérapie au masque à haute concentration ; pose de deux voies
    d’abord veineuse périphérique, VVP, ou d’une voie intraosseuse, VIO ; trois
    expansions volumiques, EV, successives de 20 ml/kg chacune) et à injecter au
    plus tôt une antibiothérapie probabiliste, bactéricide et synergique, choisie

Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard
Sérurier, 75019 Paris.
Correspondance : Stéphane Dauger, Service de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques,
Hôpital Robert Debré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris et Université Paris Diderot, Paris 7,
Sorbonne Paris-Cité, 48 boulevard Sérurier, 75019 Paris.
Tél. : 01 40 03 21 87 – Fax : 01 40 03 47 60.
E-mail : stephane.dauger@rdb.aphp.fr

LES FORMES GRAVES DU SEPSIS DE L’ENFANT                                                          1
selon la fréquence des micro-organismes potentiellement en cause selon l’âge,
    le point d’appel clinique et les antécédents du patient.
■   Durant cette première heure, l’évaluation de l’efficacité du traitement est
    purement clinique, et s’attache, en renouvelant le même examen clinique
    systématique entre chaque EV, à confirmer l’amélioration de l’état
    neurologique et donc de la perfusion cérébrale, la diminution de la fréquence
    cardiaque et le rétablissement de l’hémodynamique périphérique.
■   Cet examen clinique répété vise aussi à rechercher systématiquement l’absence
    de survenue d’une défaillance cardiaque congestive associant galop, râles
    crépitants, et hépatomégalie, qui modifierait alors radicalement la conduite
    diagnostique et thérapeutique.
■   Après la réalisation de trois EV, correspondant à une augmentation théorique
    de la pression veineuse centrale aux alentours de 10 à 12 mmHg, on visera à
    maintenir une pression de perfusion adéquate, définie par une pression
    artérielle moyenne théorique pour chaque tranche d’âge, éventuellement à
    l’aide d’amines vasopressives perfusées sur VVP ou VIO.
■   Le transport médicalisé vers une unité de réanimation pédiatrique (URP), que
    ce soit durant ou après cette phase de réanimation initiale, est une période
    critique qu’il faut savoir anticiper par une collaboration étroite entre les
    médecins urgentistes, transporteurs et réanimateurs.
■   Les six heures suivantes en URP viseront à la réduction de la consommation
    inappropriée d’oxygène par : i) la mise en place d’une assistance ventilatoire,
    ii) la réévaluation clinique mais surtout paraclinique systématique de l’état
    hémodynamique par la réalisation d’une échocardiographie transthoracique,
    iii) la mise en condition technique afin d’assurer la perfusion continue des
    amines vasopressives et de surveiller régulièrement la réduction de
    l’hyperlactatémie et l’amélioration des principales dysfonctions d’organes.

1. Introduction
La mortalité des états septiques de l’enfant a nettement diminué dans les pays à
hauts revenus depuis la fin de la seconde guerre mondiale (1). Elle semble
diminuer aussi dans les pays en développement (2, 3). Néanmoins, les formes
graves de sepsis de l’enfant et particulièrement du choc septique restent
aujourd’hui grevées d’une mortalité allant de 5 à 20 % d’après les études les plus
récentes (4-9), directement dépendante du micro-organisme en cause (1, 10), de
la susceptibilité individuelle du patient (11-13) mais surtout de la précocité de la
mise en route d’un traitement efficace (14, 15). La campagne « Survivre au
Sepsis » se propose depuis plusieurs années de réduire la mortalité des formes
graves de sepsis tant de l’adulte que de l’enfant à travers le monde, chaque pays
devant adapter les grands principes de la conduite thérapeutique proposée à sa
situation épidémiologique, économique et sanitaire. Nous résumons ici, à la
lumière des publications pédiatriques récentes, ses grands principes revus en 2013

2                                                                 ■ FIÈVRE CHEZ L’ENFANT
par un comité international d’experts (16). Ceux-ci sont fondés sur une mise en
condition rapide et un examen clinique systématique, une reconnaissance précoce
et une évaluation précise de la situation initiale, la pose urgente d’une voie
d’abord, la réalisation d’une antibiothérapie parentérale et de plusieurs
expansions volumiques (EV) suivant des critères précis de surveillance, puis le
recours aux amines vasopressives avant un transfert en unité de réanimation
pédiatrique (URP) où les pédiatres-réanimateurs poursuivront cette approche
systématisée.

2. Mise en condition et premier examen clinique
Pour remplir ces objectifs à la fois de qualité et de rapidité du premier examen
clinique, l’installation du patient est fondamentale. Celle-ci doit être pratiquée par
une autre personne que le médecin afin qu’il puisse se consacrer entièrement à
l’examen clinique de l’enfant. L’organisation du personnel intervenant auprès du
patient tend ainsi à se rapprocher de celle recommandée pour la prise en charge
initiale d’un polytraumatisé, avec des rôles précis dévolus à chacun, et un médecin
référent « chef d’orchestre ».

Tout patient pédiatrique suspect d'état infectieux sévère est examiné entièrement
dénudé quel que soit l’âge, tout en veillant à respecter son intimité. Le patient doit
être scopé pour mesurer de manière continue la fréquence cardiaque (FC), la
fréquence respiratoire (FR), la saturation transcutanée en oxygène (SpO2TC) et la
pression artérielle (PA) avec un brassard adapté à la taille de l’avant-bras, en se
méfiant des nourrissons « potelés » et des enfants obèses. On prendra sa
température. On mettra en place systématiquement une oxygénothérapie au
masque à haute concentration, quelle que soit la SpO2TC qui très souvent n’est
pas recueillie compte tenu du mauvais signal pléthysmographique liée à la grande
vasoconstriction. On posera une poche de recueil des urines quel que soit l’âge du
patient afin d’évaluer la diurèse.

L’examen doit s’attacher à vérifier au plus vite l’absence de tâches purpuriques
pouvant faire craindre la survenue d’un purpura fulminans (PF), forme
extrêmement sévère et très rapidement évolutive de sepsis, essentiellement liée à
Neisseria meningitidis. Puis l’examen clinique suit le plan de toute situation
d’urgence : liberté des voies aériennes, état ventilatoire (FR, murmure vésiculaire
clair et symétrique, ampliation thoracique), état circulatoire (FC, pouls
périphériques et centraux, temps de recoloration cutanée (TRC), diurèse, PA), état
neurologique (score de Glasgow adapté à l’âge, recherche de signes méningés,
d’hypertension intracrânienne, ou de localisation), état abdominal (respiration,
défense, douleur).

On vérifiera systématiquement la glycémie et la calcémie ionisée. Une
hypoglycémie peut aggraver franchement le pronostic neurologique d’un
nourrisson en état de choc septique.

LES FORMES GRAVES DU SEPSIS DE L’ENFANT                                             3
3. Reconnaissance, confirmation, évaluation initiale
Si un état de choc a été évoqué, ce diagnostic est vrai jusqu’à preuve du contraire,
c’est-à-dire jusqu’à être totalement réfuté par le médecin prenant en charge le
patient. Tout doit donc être fait, de manière protocolaire et systématique pour
confirmer le diagnostic et évaluer l’état initial du patient.
Dans un contexte d’altération de l’état général avec hypo ou hyperthermie, la
présentation clinique la plus fréquente d’un état septique sévère du nourrisson est
celle d’un « choc froid » avec résistances vasculaires périphériques augmentées,
c'est-à-dire un profil hémodynamique hypokinétique associant tachycardie,
extrémités froides, avec gradient entre températures périphérique et centrale,
pouls périphériques mal perçus, allongement très prononcé du TRC, différentiel
tensionnel systolo-diastolique pincé et anurie. La pression artérielle est longtemps
conservée (17) et n’est pas un élément diagnostique nécessaire à ce stade. Par
contre, l’hypoperfusion cérébrale fait systématiquement partie du tableau et
survient bien avant l’hypotension artérielle. Son expression clinique, variable selon
l’âge, doit être parfaitement connue (conscience fluctuante, stupeur, coma,
agitation, agressivité). C’est typiquement la présentation : i) du PF, ii) des
infections néonatales tardives à Streptococcus agalactiae du groupe B et
Escherichia coli, d’évolution là aussi très souvent fulminantes.
Cette présentation clinique est totalement superposable à celle d’un état de choc
purement hypovolémique, comme lors d’une diarrhée à Rotavirus, d’un état de
choc cardiogénique à la phase initiale non encore congestive car hypovolémique,
ou même d’un état de choc hémorragique comme lors d’une hémolyse aiguë chez
un enfant drépanocytaire par exemple (on examinera systématiquement les
conjonctives afin de suspecter une anémie profonde). Il sera donc parfois difficile
de différencier formellement ces quatre états à leur phase initiale. Le traitement de
l’état de choc sera donc démarré au plus vite en le considérant comme un choc
septique, le diagnostic sera secondairement corrigé en fonction de la réponse au
traitement et des nouveaux paramètres de l’anamnèse, obtenus typiquement en
ré-interrogeant les parents.
Depuis plusieurs années, il semblerait que l’on assiste à une augmentation de
l’incidence des chocs toxiniques chez l’enfant et l’adolescent, essentiellement à
Staphylococcus aureus ou Streptococcus pyogenes β-hémolytique du
groupe A (18). La présentation est là en miroir de la précédente, avec un profil
hémodynamique hyperkinétique (19) : extrémités chaudes, érythrose diffuse, TRC
immédiat, pression artérielle diastolique effondrée avec élargissement de la
différence systolo-diastolique, pouls périphériques trop bien perçus. La composante
hypovolémique est très souvent importante en raison de vomissements et de
diarrhées fréquents et abondants dans les heures précédant l’admission.
Quelle que soit la nature de l’état de choc, l’examen clinique initial, en plus de
confirmer le diagnostic, voire de suspecter la nature septique de celui-ci,
s’attachera à enregistrer très précisément l’état du patient à la prise en charge. Cet
examen initial servira de référence tout au long du traitement afin d’affirmer
l’amélioration ou la détérioration de l’état du patient.

4                                                                  ■ FIÈVRE CHEZ L’ENFANT
Tableau 1 – Proposition de conduite thérapeutique durant les six premières heures
suivant la suspicion d’un état de choc septique de l’enfant, d’après les dernières
recommandations de la SRLF [25] et de la campagne « Survivre au Sepsis » [16].
M : minute ; AEG : altération de l’état général ; Strepto B : Streptococcus
agalactiae du groupe B ; E.coli : Escherichia coli ; Pneumo : Streptococcus
pneumoniae ; MHC : masque à haute concentration en oxygène ; FC : fréquence
cardiaque ; FR : fréquence respiratoire ; PA : pression artérielle ; PF : purpura
fulminans ; Méningo : Neisseria meningitidis ; TRC : temps de recoloration
cutanée ; VVP : voie veineuse périphérique ; VIO : voie intraosseuse ; KTC :
cathéter veineux central ; EV : expansion volumique ; Strepto A : Streptococcus
pyogenes du groupe A ; Staph : Staphylococcus aureus ; IC : insuffisance
cardiaque ; HM : hépatomégalie ; CAT : conduite à tenir ; KTA : cathéter artériel ;
SU : sonde urinaire ; a métabolique : acidose métabolique ; BH : balance hydrique ;
IRA : insuffisance rénale aiguë ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée.
      Chronomètre            Phases                  Points-clés                        Pièges
          idéal          de la conduite             du traitement                      les plus
                         thérapeutique                                                fréquents
 1       M0 - M2       Suspicion          AEG avec hyper ou hypothermie –         Nourrissons < 3
                                          Contexte évocateur d’infection          mois (Strepto B, E.
                                          sévère – Patient à risque               coli) – Méningite
                                                                                  (Pneumo)
 2       M2 - M5       Mise               Décubitus dorsal – O2 au MHC –        Tâches purpuriques
                       en condition       Déshabillage complet - Scope (FC,     du PF (Méningo)
                                          FR, PA, SpO2TC) – Glycémie capillaire
                                          – Recueil urinaire
 3       M5 - M8       Confirmation       Hyper ou hypothermie – Tachycardie Choc toxinique
                                          – Troubles de conscience TRC        ou « choc chaud »
                                          allongé – Pouls mal perçus – Anurie (Strepto A, Staph)
                                          – HypoPA secondaire
 4      M8 - M15       Pose d’une voie    VVP de bon calibre –                    Retard à la pose
                       d’abord            VIO prétibiale (+++) –                  de la VIO
                                          KTC déjà en place
 5     M15 - M45       Expansion          20 ml/kg de sérum physiologique le      IC congestive
                       volumique          plus vite possible. Réévaluation        (galop, HM,
                       et réévaluation    systématique entre chaque EV            crépitants)
 6         M30         Antibiothérapie    Bithérapie intraveineuse,              Désescalade selon
                                          probabiliste, bactéricide, synergique, bactériologie à H48
                                          selon âge, point d’appel,
                                          antécédents
 7         M45         Amines             Noradrénaline sur VVP ou VIO après      Pas de KTC =
                       vasopressives      3 EV avec objectif tensionnel précis    pas d’amine
                       et réévaluation    pour l’âge – Réévaluation par 5         HypoPA persistante
                                          minutes
 8         M60         Transfert          Communication paramédicale          HypoPA persistante
                       médicalisé         et médicale entre urgentistes,      faute de
                                          transporteurs et réanimateurs – CAT transmissions
                                          précise prédéfinie
 9     M90 - M360      Admission et       1) Intubation-ventilation protectrice   IC non
                       soins en URP       2) Évaluation hémodynamique             diagnostiquée
                                          clinique ET échocardiographique         Choc septique
                                          3) Mise en condition (KTC, KTA, SU)     réfractaire
                                          et nursing + monitorage clinico-
                                          biologique (lactatémie, a
                                          métabolique, BH, IRA, CIVD)

LES FORMES GRAVES DU SEPSIS DE L’ENFANT                                                                 5
4. Voie d’abord et expansion volumique

À la limite prêt d’une étude réalisée en Afrique de l’Est rapportant une
surmortalité chez les enfants ayant été remplis (20), l’expansion volumique (EV)
demeure à ce jour un point fondamental du traitement d’un état de choc septique
du nourrisson et de l’enfant car leur débit cardiaque, composante majeure du
transport d’oxygène, est très dépendant de la précharge. C’est d’ailleurs aussi un
point majeur de la prise en charge en milieu d’urgence du sepsis grave de l’adulte
rapportée dans deux études très récentes (21, 22).

« Remplir un patient » sous-entend lui trouver une voie d’abord, qui doit être
posée le plus rapidement possible. Là non plus il ne faut pas perdre de temps. La
voie d’abord du meilleur calibre possible doit être mise en place en moins de cinq
minutes. Le médecin référent veillera rigoureusement au respect de ce délai. Que
ce soit pour la facilité de pose ou pour les débits très élevés possibles, la voie
intraosseuse (VIO) reste la voie d’abord d’urgence chez le nourrisson et le petit
enfant (23), la mise en place de deux voies veineuses périphériques (VVP) comme
il est encore fréquemment recommandé étant extrêmement aléatoire dans ce
contexte.

L’EV sera réalisée préférentiellement en utilisant la technique « pull and push » à
l’aide d’une seringue de 50 ou 60 ml (24). On réalisera trois EV successives avec
du sérum physiologique (16, 25) de 20ml/kg chacune, sans dépasser 500 ml par
EV, soit 20 ml/kg pour un patient de 25 kgs. Cette limite de 500 ml permet de
renouveler systématiquement l’examen clinique décrit précédemment avant
chaque nouvelle EV avec deux objectifs : i) confirmer la réponse au traitement sur
des critères cliniques précis d’amélioration, ii) rechercher l’apparition de signes
cliniques d’insuffisance cardiaque (IC) congestive (26, 27). Dès la fin de la seconde
EV, on contactera systématiquement une équipe d’URP afin d’envisager
conjointement la suite de la conduite thérapeutique (amines vasopressives,
organisation du transfert…).

5. Antibiothérapie

L’antibiothérapie doit être administrée le plus tôt possible, tout retard aggravant
la mortalité de l’état septique sévère de l’enfant comme chez l’adulte (28). La
première dose sera intramusculaire dans le PF, intraveineuse ou intraosseuse dans
tous les autres cas. C’est au minimum une bi-antibiothérapie, associant un
aminoside dans la plupart des cas, probabiliste, bactéricide, synergique, choisie
selon l’âge (infection maternofœtale, nourrisson de moins de deux ans), le point
d’appel clinique (pulmonaire, cutané, abdominal, méningé, ostéoarticulaire, sur
prothèses) et les antécédents du patient (suspicion de portage de bactéries
résistantes, neutropénie ou immunodépression). Un protocole interne regroupant
les principales situations pédiatriques aidera à une mise en route rapide. La

6                                                                 ■ FIÈVRE CHEZ L’ENFANT
désescalade thérapeutique avec réadaptation des doses après récupération des
résultats microbiologiques est fondamentale, au maximum à la 48e heure.

6. Réévaluation et confirmation de l’efficacité
La réévaluation hémodynamique est un point crucial. Cette évaluation a fait
défaut récemment au sein d’une équipe médicale et paramédicale pourtant
entraînée à évaluer et réévaluer les enfants en état de choc septique (29). Elle
mérite donc une attention permanente toute particulière du médecin référent.
L’évaluation hémodynamique est à ce stade purement clinique, sans recours à
aucun examen complémentaire. Seule la radiographie thoracique peut permettre
d’interpréter l’index cardiothoracique ou de confirmer un épanchement pleural ou
une pneumopathie. En renouvelant systématiquement entre chaque EV le même
examen clinique que celui réalisé à l’admission, le médecin référent s’attachera à
mettre en évidence des signes de bonne réponse au traitement, ou au contraire
des signes de dégradation voire d’aggravation.
La bonne réponse lors des EV se manifeste successivement par l’amélioration de
l’état neurologique et donc de la perfusion cérébrale, par la diminution de la FC et
par le rétablissement de l’hémodynamique périphérique. La réascencion voire la
normalisation de la PA et la reprise de la diurèse seront secondaires.
Il faut aussi systématiquement rechercher une aggravation sous forme d’une IC
congestive associant galop, râles crépitants et hépatomégalie (16). C’est le cas par
exemple d’une myocardite aiguë virale arrivant aux urgences en hypovolémie
modérée apparue progressivement les jours précédant par défaut d’apport (refus
des biberons par essoufflement) et augmentation des pertes insensibles (fébricule,
vomissements et diarrhée par bas débit mésentérique). Alors que la présentation
clinique est celle d’un état de « choc froid » mimant un choc septique, l’EV va très
rapidement dégrader la situation et non l’améliorer : agitation, augmentation de
la FC, dégradation de la SpO2TC, et signes d’IC congestive.

7. Les amines vasopressives
Maintenant que le patient est correctement rempli, c’est-à-dire que sa pression
dans l’oreillette droite est en théorie montée aux alentours de 8 à 12 mmHg suite
aux trois EV (30), on visera à maintenir une pression de perfusion correcte. Les
objectifs tensionnels deviennent alors primordiaux et sont définis selon l’âge en
visant une pression artérielle moyenne de 50 mmHg avant l’âge de un mois,
55 mmHg de un à 12 mois, 60 mmHg de 12 à 24 mois, et 65 mmHg au-delà de
l’âge de deux ans (16). Il faut aussi tenir compte de la PA habituelle du patient : à
l’instar de l’adulte, certains enfants sont hypertendus de manière chronique et
vont nécessiter des objectifs tensionnels plus élevés que ceux des

LES FORMES GRAVES DU SEPSIS DE L’ENFANT                                            7
recommandations usuelles pour l’âge. Ce point doit être systématiquement vérifié
dans les antécédents.
Le recours à la mise en route d’une perfusion continue d’amines vasopressives sur
la voie d’abord disponible sera le plus rapide possible, que ce soit une VVP, une
VIO ou par défaut un cathéter central déjà en place, et ce malgré le risque
potentiel que ce cathéter central soit le point de départ d’une éventuelle
bactériémie, compte tenu de la difficulté à mettre en place une voie d’abord en
urgence chez un nourrisson en état de choc.
La campagne « Survivre au Sepsis » recommande la dopamine en première
intention en cas de « choc froid », puis l’adrénaline. La Société de Réanimation de
Langue Française recommande la noradrénaline en première intention depuis
2006 que le choc soit « froid » ou « chaud » (24). La majorité des équipes
françaises utilise la noradrénaline en première intention. Le point crucial de la
conduite thérapeutique est l’augmentation par paliers de trois à cinq minutes du
débit de perfusion continue afin d’atteindre les objectifs tensionnels prédéfinis
pour l’âge et la situation. En cas de doute sur l’apparition d’une dysfonction
myocardique, le médecin référent peut adjoindre une perfusion continue
d’inotrope type dobutamine, dans l’attente d’une évaluation hémodynamique
paraclinique plus précise à l’arrivée en URP. C’est typiquement une situation que
l’on peut discuter avec l’équipe médicale de l’URP avant le transfert.

8. Le transport médicalisé
Le transfert d’un enfant en état infectieux sévère nécessite toutes les précautions
habituelles du transport d’une situation avec risque vital engagé. Le risque majeur
du transport est de perdre de vue les objectifs tensionnels prédéfinis avec les
équipes de soins ayant pris en charge le patient initialement et de ne pas adapter
les traitements, laissant le patient hypotendu durant plusieurs dizaines de minutes
voire plusieurs heures. La communication inter-équipes, médicales et
paramédicales, entre urgentistes, transporteurs et réanimateurs est fondamentale
pour organiser au mieux cette étape cruciale de la conduite thérapeutique.

9. La suite en réanimation pédiatrique
Les grands principes de la poursuite de la conduite thérapeutique en URP durant
les six heures suivant l’admission sont: i) discuter l’intubation et la mise en route
d’une ventilation assistée d’emblée protectrice, pour diminuer la consommation
d’oxygène dont le premier « poste » est la ventilation dans ce contexte, surtout
chez le nourrisson de moins de deux ans en raison de ses particularités
physiologiques et anatomiques ; ii) réévaluer systématiquement l’état
hémodynamique du patient dès l’admission puis toutes les deux heures, en
associant à chaque nouvel examen clinique une échocardiographie

8                                                                 ■ FIÈVRE CHEZ L’ENFANT
transthoracique (31). Celle-ci permet de confirmer, si le patient demeure
hypotendu, l’existence d’une réserve d’EV sur des marqueurs statiques mais
surtout dynamiques (32, 33), l’absence d’HTAP survenant facilement en cas de
dysoxie dans les deux premiers mois de vie, et enfin l’absence de dysfonction
ventriculaire gauche essentiellement systolique qui pourrait bénéficier d’un
support inotrope (la dysfonction diastolique est en cours d’évaluation dans ce
contexte chez l’enfant (34) ; iii) mettre en place un cathéter veineux central
multilumière, un cathéter artériel et une sonde urinaire, afin de surveiller
régulièrement la réduction de l’hyperlactatémie (35) et l’amélioration des
principales dysfonctions d’organes, tout en débutant une alimentation entérale
précoce sur sonde naso-gastrique, une surveillance métabolique, et un nursing
infirmier rigoureux dans le but de prévenir au maximum toutes les complications
de réanimation (infections liées aux soins sur prothèses, complications de
décubitus, inconfort, douleur et anxiété).

10. Conclusion
La conduite thérapeutique en cas d’état infectieux sévère du nourrisson et de
l’enfant doit débuter dans la minute où le diagnostic est évoqué. Dès
confirmation, les premières mesures thérapeutiques doivent être exécutées en une
heure. La réévaluation clinique permanente de l’efficacité des traitements
entrepris et la parfaite coordination entre les différents intervenants sont les
points-clés de cette prise en charge. Ce diagnostic précoce et cette continuité des
soins rigoureuse tout au long des six premières heures devraient pouvoir encore
faire baisser la mortalité du choc septique à cet âge.

Références

1.    Carcillo J.A., Tasker R.C. Fluid resuscitation of hypovolemic shock: acute medicine’s
      great triumph for children. Intensive Care Med 2006 ; 32 : 958-61.
2.    Wang Y., Sun B., Yue H., et al. An epidemiologic survey of pediatric sepsis in regional
      hospitals in China. Pediatr Crit Care Med 2014 ; 15 : 814-20.
3.    Jaramillo-Bustamante J.C., Marín-Agudelo A., Fernández-Laverde M., et al. Epidemi-
      ology of sepsis in pediatric intensive care units: first Colombian multicenter study.
      Pediatr Crit Care Med 2012 ; 13 : 501-8.
4.    Wolfler A., Silvani P., Musicco M., et al. Incidence of and mortality due to sepsis,
      severe sepsis and septic shock in Italian Pediatric Intensive Care Units: a prospective
      national survey. Intensive Care Med. 2008 ; 34 : 1690-7.
5.    Inwald D.P., Tasker R.C., Peters M.J., et al. Emergency management of children with
      severe sepsis in the United Kingdom: the results of the Paediatric Intensive Care
      Society sepsis audit. Arch Dis Child. 2009 ; 94 :348-53.
6.    Thompson G.C., Kissoon N. Sepsis in Canadian children: a national analysis using
      administrative data. Clin Epidemiol 2014 ; 6 : 461-9.

LES FORMES GRAVES DU SEPSIS DE L’ENFANT                                                    9
7.    Schlapbach L.J., Straney L., Alexander J., et al. Mortality related to invasive infections,
      sepsis, and septic shock in critically ill children in Australia and New Zealand, 2002-
      13: a multicentre retrospective cohort study. Lancet Infect Dis 2014 Nov 28.
      pii: S1473-3099(14)71003-5.
8.    Balamuth F., Weiss S.L., Neuman M.I., et al. Pediatric severe sepsis in U.S. children's
      hospitals. Pediatr Crit Care Med 2014 ; 15 : 798-805.
9.    Vila Pérez D., Jordan I., Esteban E., et al. Prognostic factors in pediatric sepsis study,
      from the Spanish Society of Pediatric Intensive Care. Pediatr Infect Dis J 2014 ; 33 :
      152-7.
10.   Nadel S. Arch Dis Child 2012 ; 97 : 993-8.
11.   Brouwer M.C., Read R.C., van de Beek D. Lancet Infect Dis 2010 ; 10 : 262-74.
12.   Wong H.R. Genetics and genomics in pediatric septic shock. Crit Care Med 2012 ;
      40 : 1618-26.
13.   Jabandziev P., Smerek M., Michalek J., et al. Multiple gene-to-gene interactions
      in children with sepsis: a combination of five gene variants predicts outcome of life-
      threatening sepsis. Crit Care 2014 ; 18 :R1.
14.   Chong S.L., Ong G.Y., Venkataraman A., et al. The golden hours in paediatric septic
      shock-current updates and recommendations. Ann Acad Med Singapore 2014 ; 43 :
      267-74.
15.   Randolph A.G., McCulloh R.J. Pediatric sepsis: important considerations for diagnos-
      ing and managing severe infections in infants, children, and adolescents. Virulence
      2014 ; 5 :179-89.
16.   Dellinger R.P., Levy M.M., Rhodes A., et al. Surviving Sepsis Campaign Guidelines
      Committee including The Pediatric Subgroup. Surviving Sepsis Campaign: interna-
      tional guidelines for management of severe sepsis and septic shock, 2012. Intensive
      Care Med 2013 ; 39 : 165-228.
17.   Plenderleith L. Hypovolemia. Anesth Intensive Care Med 2007 ; 8 : 60-2.
18.   Rodríguez-Nuñez A., Dosil-Gallardo S., Jordan I., et al. Clinical characteristics of
      children with group A streptococcal toxic shock syndrome admitted to pediatric
      intensive care units. Eur J Pediatr 2011 ; 170 : 639-44.
19.   Bierley J., Peters M.J. Distinct hemodynamic pattern of septic shock at presentation to
      pediatric intensive care. Pediatrics 2008 ; 122 : 752-9.
20.   Maitland K., Kiguli S., Opoka R.O., et al. Mortality after fluid bolus in African children
      with severe infection. N Engl J Med 2011 ; 364 : 2483-95.
21.   The PROCESS investigators, Yealy DM, Kellum J.A., et al. A randomized trial of proto-
      col-based care for early septic shock. New Engl J Med 2014 ; 370 : 1683-93.
22.   ARIZE investigators, ANZICS Clinical Trials Group, Peake S.L., et al. Goal directed
      resuscitation for patients with early septic shock. New Engl J Med 2014 ; 371 : 1496-
      506.
23.   Voigt J., Waltzman M., Lottenberg L. Intraosseous vascular access for in-hospital
      emergency use: a systematic clinical review of the literature and analysis. Pediatr
      Emerg Care 2012 ; 28 : 185-99.
24.   Harvey G., Foster G., Manan A., et al. Factors affecting pediatric fluid resuscitation
      efficiency : a randomized controlled trial evaluating the impact of syringe size. BMC
      Emerg Med 2013 ; 13 : 14-23.
25.   Groupe transversal sepsis. Prise en charge initiale des états septiques graves de
      l’adulte et de l’enfant. Réanimation. 2007 ; 16 : S1-S21.

10                                                                          ■ FIÈVRE CHEZ L’ENFANT
26.   Raj S., Killinger J.S., Gonzalez J.A., et al. Myocardial dysfunction in pediatric septic
      shock. J Pediatr 2014 ; 164 :72-7.
27.   Carmona F., Manso P.H., Silveira V.S., et al. Inflammation, myocardial dysfunction,
      and mortality in children with septic shock: an observational study. Pediatr Cardiol
      2014 ; 35 : 463-70.
28.   Weiss S.L., Fitzgerald J.C., Balamuth F., et al. Delayed antimicrobial therapy increases
      mortality and organ dysfunction duration in pediatric sepsis. Crit Care Med 2014 ;
      42 : 2409-17.
29.   Paul R., Melendez E., Stack A., et al. Improving adherence to PALS septic shock guide-
      lines. Pediatrics 2014 ; 133 : e1358-66.
30.   Aneja R., Carcillo J. Differences between adult and pediatric septic shock. Minerva
      Anestesiol 2011 ; 77 : 986-92.
31.   Ranjit S., Aram G., Kissoon N., et al. Multimodal monitoring for hemodynamic cate-
      gorization and management of pediatric septic shock: a pilot observational study.
      Pediatr Crit Care Med 2014 ; 15 : e17 26.
32.   Durand P., Bailly-Salin J., Roulleau P. Non-invasive hemodynamic assessment in criti-
      cally ill children. Réanimation 2013 ; 22 : 164-72.
33.   Ranjit S., Kissoon N. Bedside echocardiography is useful in assessing children with
      fluid and inotrope resistant septic shock. Indian J Crit Care Med 2013 ; 17 : 224-30.
34.   Sankar J., Das R.R., Jain A., et al. Prevalence and outcome of diastolic dysfunction in
      children with fluid refractory septic shock: a prospective observational study. Pediatr
      Crit Care Med 2014 ; 15 : e370-8.
35.   Kim Y.A., Ha E.J., Jhang W.K., et al. Early blood lactate area as a prognostic marker
      in pediatric septic shock. Intensive Care Med. 2013 ; 39 : 1818-23.

LES FORMES GRAVES DU SEPSIS DE L’ENFANT                                                   11
Vous pouvez aussi lire