Chromogrammes - Mimesis Journals
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Chromogrammes C’est toujours avec un sentiment de réserve et de pudeur que je parle de mon travail, conscient qu’expliquer, raconter, c’est un peu trahir. Je ne vous raconterai pas le chemin qui m’a conduit à la rencontre avec les pigments naturels, ni les techniques de manipulation et les secrets qui s’y rapportent, mais je tenterai d’expliquer comment la symbiose avec ces derniers bouleverse complètement les paradigmes habituels de la peinture. Mon intention est de dépasser à la fois le dualisme inhérent à la représentation et toute tautologie linguis- tique stérile et autoréférentielle, pour regagner un espace de « vérité » originaire, entre le cosmique et le pictural. Ici se précise le recours, ou mieux, le secours, des éléments naturels qui deviennent récit, couleur, indice, parfum. Il n’y a pas de séparation entre la matière et la couleur, les pigments sont vivants, ils se trans- forment métaboliquement, ils portent en eux une mémoire ancienne, puissante et vivante. L’application chromatique s’effectue par continuité et non par synthèse, car l’intention est de redonner la sensation que l’œuvre peut se déployer à l’infini et transcender la dimension temporelle ordinaire, le rythme imprimé par les grilles qui définissent le champ géomé- trique, pour faire allusion à l’intemporalité, en retrouvant la nature qui marque le rythme du « récit ». Tout se joue, en renonçant à toute médiation linguistique, en procédant le long d’une crête subtile entre le naturel – ce qui relève de l’ordre inéluctable de la nature – et l’artificiel – ce qui est le propre de l’homme, entre la nature directe et la nature récupérée par la peinture. La manipulation des éléments que je documente souvent avec des photographies, tout en étant un témoignage procédural de ce que je fais, fait partie intégrante de mon travail car c’est là que se crée l’énergie que j’essaie ensuite de transférer sur la grande toile comme si elle était la peau même de la terre. Les mains témoignent de la tentative de surmonter les barrières qui divisent les sens, participant à la « mise en scène ésotérique » de la méta- morphose des pigments, sorte de rituel germinatif d’un alphabet que j’essaie de maitriser de manière analytique et rationnelle. Un peu comme s’il s’agissait de la rencontre et de la distinction entre la nature et le langage. Les éléments naturels qui composent mon langage sont des racines et des parasites et ils constituent le lien avec le monde des profondeurs, avec l’idée d’archétype et avec le symbolisme qui lui est lié, la terre et ses cavités d’où surgit l’énergie du renouveau. Ce n’est pas un hasard si j’appelle certains cycles de mes œuvres « germination chthonienne » et d’autres « miroirs », en tant que reflet de l’image primordiale idéale. Le désir de perturber la perception habituelle du spectateur en surmontant le dia- phragme qui le sépare de l’œuvre fait certainement partie de mes intentions. Je me souviens, par exemple, d’expositions en l’absence d’œuvres, uniquement olfactives, où l’espace d’exposition était imprégné des arômes des racines ou, au contraire, de « camere picte » où ceux qui entraient étaient enveloppés à la fois par la couleur et les odeurs. J’ai délibérément ignoré toute référence au contexte « artistique » étant donné le cadre particulier dans lequel j’ai l’honneur d’être accueilli, ce qui me donne un espace de liberté certainement différent. Renata Boero renataboero@fastwebnet.it Bachelard Studies / Études Bachelardiennes / Studi Bachelardiani, n. 1, 2021 • Mimesis Edizioni, Milano-Udine Web: https://mimesisjournals.com/ojs/index.php/bachelardstudies • ISBN: 9788857581644 © 2021 – MIM EDIZIONI SRL. This is an open access article distributed under the terms of the Creative Com- mons Attribution License (CC-BY-4.0).
256 Note biographique Renata Boero (1936, Gênes), après ses études humanistes en Suisse, revient à Gênes et s’inscrit au Liceo Barabino pour suivre les cours d’Emilio Scanavino. Elle a commencé à exposer en 1959 à la Quadriennale de Rome, où elle est revenue en 1986 et 1999. Depuis la fin des années 60, elle a commencé à explorer les éléments naturels, qu’elle a ensuite traduits dans ses célèbres séries intitulées Chromogrammes et Germina- tions, une recherche qui est toujours en cours. Iconography, Iconographie, Iconografia Ses œuvres ont été présentées pour la première fois en 1970 par Jacques Lepage à Toulose, puis à la Galleria Martano de Turin, à l’ICC d’Anvers, à la Biennale de São Paulo au Brésil, à la Biennale de Venise en 1982 (où elle est revenue en 1993, 2008 et 2009) et au Musée national d’histoire du Bélarus à Minsk. En 2012, elle a organisé une série de conférences et d’expositions personnelles en Argentine, à l’Université de Tucuman, à Cordoba et au musée de Salta. Elle poursuit une intense activité d’exposition dans des espaces publics et privés, en Italie et à l’étranger, parallèlement à ses activités d’enseignement au NABA et à l’Académie Brera à Milan, et à Bergame avec Mario Cresci. Elle vit et travaille entre Milan et Gênes. Ses dernières expositions comprennent en 2018 Villa Croce à Gênes, sous le com- missariat de Carlo Antonelli et Anna Daneri, en 2019 son exposition personnelle sous le commissariat de Iolanda Ratti et Anna Daneri au Museo del 900 à Milan, en 2021 I SAY I, à la Galleria Arte Moderna de Rome sous le commissariat de Cecilia Canziani, Paola Ugolini, Lara Conte ; à la Galleria d’Arte Moderna e Contemporanea de Bergame (du 14 octobre 2021 au 12 février 2022) « Rien est perdu. L’art et la matière en transformation », organisé par Alessandra Daneri et Lorenzo Giusti.
263 Iconography, Iconographie, Iconografia “Dualismo - Radici e parassiti” ‘70 “Kromo-Kronos” Museo del 900, 2019
264 Iconography, Iconographie, Iconografia “L’orizzontale” ‘70 GNAM Roma 2021 “Terra” Museo Nazionale della Storia e Cultura del Belarus-Minsk 2008
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