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IND 6406 Ergonomie cognitive Cognition située, distribuée et socialement partagée Jean-Marc Robert, Ph. D. Dép. de math. et de génie industriel Le 23 janvier 2018 1
action située comportement situé cognition située apprentissage situé prise de décision située émotions situées 2
Origine et influence des travaux sur la cognition située • Concepts issus des travaux de : – Edwin Hutchins (anthropologue américain) – Lucy Suchman (anthropologue américain) – Terry Winograd (informaticien américain) • Influencent plusieurs chercheurs : – Pascal Salembier (France) – Kim Vicente (EID, Toronto) – John S. Brown (situated learning) – Garry A. Klein (decision making – E.U.) – L.B. Resnick Hutchins (1995), 408 p. – … 3
Définition : la cognition située • Un courant de pensée qui remet en question la conception classique de l’action humaine en affirmant que l’action ne peut être interprétée que par rapport aux données de la situation, en référence à un contexte. • L’action n’est pas déterminée par un plan pré- établi. Elle n’est pas aussi planifiée que l’on ne le prétend. 4
Contribution fondamentale de la théorie de la cognition située • Courant de pensée qui nous amène à – revoir, élargir la conception classique de l’action humaine, – élargir le cadre d’analyse de l’action humaine • Nouveau paradigme par rapport au cognitivisme orthodoxe 5
Tradition du cognitivisme orthodoxe (ex., les travaux de Sacerdoti 1977, 1978) • Met l’accent sur l’importance de la planification et du rôle fonctionnel des plans pour l’action humaine. • Le plan : c’est la référence pour le comportement, il joue un rôle tout puissant, il prescrit intégralement le comportement. • Le cadre d’analyse est limité à l’individu : ses représentations mentales et le traitement de l’information (symbolique). 6
3 grandes caractéristiques de la cognition située 1. Poids déterminant des facteurs contextuels dans l’action humaine – L’action est déterminée par différentes variables de la situation. – Elle ne peut être interprétée que par rapport aux données de la situation, en référence à un contexte physique, social, historique, culturel. 2. Limitations du rôle fonctionnel des plans – Le plan ne prescrit pas l’action. Il sert plutôt à orienter. – Est considéré plutôt comme un épiphénomène, comme émergeant de l’action située 3. Réalité et format des représentations internes – Forte remise en question de la représentation mentale de l’opérateur – C’est un point de divergence fondamentale avec le cognitivisme traditionnel 7
Impact de la théorie de la cognition située • On doit absolument tenir compte des éléments de la situation pour comprendre le comportement humain. • Remise en question de l’AHT comme méthode d’analyse de tâche 8
Diagramme AHT de la tâche Gestion de la petite caisse - : Séquence imposée d'actions 0.Gérer la petite , : Séquence variable d'actions caisse ( ) : Actions facultative [ ] : Actions regroupées : Action décomposée sur une prochaine page Plan 0: .(1)- 2 - 3 - (4 - 5) 3. Vérifier si 5. Classer 1. Avancer fonds 2. Recevoir une remboursement de 4. Renflouer documents pour la pour dépense facture caisse requis caisse période traitée Plan 1: 1- 2 , 3 - 4 Plan 2: .(1)- 2 - 3 - 4 - 5 -(6) 1.4. Ranger 1.1. Juger la 1.2. Noter 1.3. Donner 2.1. Juger 2.2. Recueillir 2.3. Noter 2.4. Donner 2.5. Ranger 2.6. Retirer note dans demande informations montant demande facture informations montant facture note caisse 9
Exemple de cognition distribuée 10
Exemple de cognition distribuée Photo : Julie Saulnier 2013
La théorie de la cognition distribuée • But : comprendre l’organisation des systèmes cognitifs • Fonctions des sciences cognitives : apprendre, mémoriser, résoudre des problèmes, raisonner • Processus cognitif : incluent tous les éléments qui participent à celui-ci et qui ont des relations les uns avec les autres • Événement cognitif : ex., telle chose a été mémorisée, calculée • Caractéristique fondamentals de la théorie : – étend la portée de ce qui est considéré comme cognitif au-delà de l’individu pour inclure les interactions entre les personnes et avec les ressources et le matériel dans l’environnement • Liée à 2 principes théoriques : – L’unité d’analyse de la cognition va au-delà de la personne – L’étendue des mécanismes qui participent aux processus cognitifs va bien au-delà de ceux qui sont dans la tête 12
Bien-fondé de la théorie de la cognition distribuée • Un processus n’est pas cognitif simplement pcq il se produit dans la tête d’une personne, et il n’est pas non cognitif simplement pcq il se produit dans les interactions entre plusieurs cerveaux. • La cognition distribuée s’intéresse aux processus cognitifs, où qu’ils soient, sur la base des relations fonctionnelles des éléments qui participent au processus • La théorie s’intéresse à une plus grande classe d’événements cognitifs que ceux qui se produisent dans le tête de la personne (traditionnellement la manipulation de symboles dans la tête de l’individu) • Les processus de mémoire dans un cockpit d’avion révèle que la mémoire implique un riche ensemble d’interactions entre des processus internes, la manipulation d’objets, et le trafic dans les représentations des pilotes. 13
Cognition distribuée • La cognition est distribuée entre : – les personnes et/ou les agents informatiques (système expert) qui réalisent une activité, et entre – les éléments de la situation : les objets présents dans l’environnement incluant l’info sur les écrans et autres dispositifs de présentation d’infos, les pense-bête, les listes de commandes ou mots clés, les documents papier, etc. 14
L’observation de l’activité humaine sur le terrain mène aux constats suivants • 3 sortes de distribution des processus cognitifs: – Les processus cognitifs peuvent être distribués parmi les membres d’un groupe social – Les processus cognitifs peuvent impliquer la coordination entre la structure interne et externe (matérielle, environnementale) – Les processus peuvent être distribués dans le temps de sorte que les résultats des événements passés peuvent transformer la nature des événements qui se produisent plus tard 15
Dans la cognition distribuée • On s’intéresse à une plus grande unité que le seul individu : le groupe et toutes les formes de représentations utilisées dans le travail – La granularité d’analyse est plus grande que dans la cognition individuelle Méthode d’analyse • Ethnographie cognitive (Hutchins, 1995): on fait une analyse détaillée du milieu de travail pour comprendre le rôle des humains, de différentes formes de représentations et des pratiques de travail. 16
Origine des travaux sur la cognition distribuée • Remise en question des capacités du modèle computationnel classique centré sur l’individu à rendre compte des activités cognitives dans des situations naturelles. – Il ne tient pas compte des représentations externes dans l’environnement – Il ne considère pas les aspects socio-culturels 17
But du cadre théorique de la cognition distribuée • Dépasser le niveau d’analyse classiquement adopté en science cognitive (l’individu) – Dans le pilotage, on va s’intéresser au cockpit plutôt qu’au pilote seulement • Parvenir à la caractérisation d’une cognition située et incarnée dans son contexte d’occurrence 18
Objectifs de la cognition distribuée (P. Salambier) • Analyser la façon dont les différentes composantes d’un système fonctionnel sont coordonnées • Analyser comment l’info est propagée à travers le système fonctionnel en termes d’états représentationnels et technologiques distribués • Examiner à un niveau micro la façon dont ces représentations se déplacent à travers le système fonctionnel 19
Implications de la théorie de la cognition distribuée • Le cadre d’analyse est + large que l’individu : • on pense en terme de système fonctionnel qui comprend un ou des agents humains et des objets de l’environnement (artefacts) • On reconnaît le rôle cognitif déterminant des objets présents dans l’environnement. • On remet en question la notion de contrôle centralisé (dans la mémoire d’un individu) • On s’intéresse à la façon dont l’info se propage à travers le système fonctionnel (+ agents) • Les ressources environnementales jouent un rôle important dans la coordination entre opérateurs en permettant la reconnaissance d’intentions et l’actualisation d’un contexte partagé pour le travail d’équipe. 20
Les représentations externes (Zhang et Norman 1994) • Peuvent constituer des aides à la mémorisation • Peuvent fournir une info qui peut être directement perçue et utilisée sans être interprétée et formulée explicitement • Peuvent structurer le comportement cognitif (ex., en limitant le champs des comportements possibles) • Sont une partie indispensable du système de représentation de toute tâche cognitive distribuée 21
Cognition socialement partagée • Met l’accent sur l’influence de la culture sur la cognition, c.-à-d. sur la façon de poser les problèmes, de les approcher, de les résoudre. – Ex. : culture de qualité totale; culture d’entreprise (entrepreneurship, souci de performance, d’excellence); culture d’ingénieurs, culture des étudiants de Polytechnique, …. – Question d’histoire, de tradition intellectuelle, … • Dans le cadre du travail collaboratif, une partie des connaissances se trouve chez nos collègues. – Il y a des connaissances communes (mutuelles, partagées) – Il y a des connaissances de relais (conn. complémentaires) 22
Conclusion • Le cadre d’analyse de la cognition, de l’activité de travail, ne doit pas se limiter à la personne seule, mais s’étendre au milieu dans lequel elle baigne, elle travaille. 23
Références • Hollan, J., Hutchins, E., Kirsh, D. (2001). Distributed cognition : toward a new foundation for human-computer interaction research. (chap. 4), in Carroll, J.M. (ed.). Human-computer interaction in the new millennium. ACM, New York, pp. 75-92 • Hutchins, E. (1995). Cognition in the wild. MIT Press, Cambridge, MA. • Norman, D. (1993). Things that make us smart. Reading: MA: Addison-Wesley. (1 chap. sur la cognition distribuée) • Perry, M. (2003). Distributed cognition (chap. 8), in J.M. Carroll (Ed) (2003). HCI Models, Theories and Frameworks. Morgan Kaufmann, p. 193- • Rogers, Y., Ellis, J (1994). Distributed cognition : an alternative framework for analysing and explaining collaborative woirking. Journal of Information Technology, 9, 119-128. • Salambier, P. (1995). Cognition : située, distribuée, socialement partagée. GRIC ARAMIIHS, Toulouse. Document inédit, 13 pages. • Suchman, L. (1987). Plans and situated actions: The problem of Human-Machine Communication. Cambridge University Press. • Young, M.F., McNeese, M.D. (1995). A situated cognition approach to problem solving (chap. 12). Dans Hancock, P., Flach, J., Caird, J., Vicente, K. (Eds). Local applications of the ecological approach to human-machine systems. LEA, Hove,UK, p. 359-391. 24
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