Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
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«Une plus grande consommation de légumes passe par une recherche de la diversité et de la variété des goûts, d’où l’importance d’encourager cette consommation auprès des enfants qui sont en plein développement de leurs préférences alimentaires.» N°1 Comment faire aimer les légumes aux enfants ? Dans un contexte inédit d’abondance de l’offre alimentaire, la question de l’émergence du goût chez l’enfant et de la formation du répertoire alimentaire est plus que jamais d’actualité. S’il est généralement admis que la consommation d’aliments variés est un facteur de promotion de la santé, il reste à ce jour à déterminer les conditions optimales favorables à sa mise en œuvre. Or, plus que l’adulte, le jeune enfant se montre particulièrement sélectif et réticent à consommer un certain nombre d’aliments, notamment les légumes. Mais cette tendance naturelle n’a rien de dramatique. Du développement du goût à l’analyse du comportement alimentaire avec de nombreuses astuces, la Fondation Louis Bonduelle vous livre dans ces quelques pages les différentes clés susceptibles de faire ouvrir la bouche des enfants face à une assiette de légumes ! A vant toute chose, posons nous la question : pourquoi les enfants n’aiment pas les légumes ? L’affectif et l’émotion- nel sont particulièrement importants dans la perception du certaine amertume ou encore des notes soufrées. C’est le cas, par exemple, des épinards, du fenouil, du chou-fleur ou des choux de Bruxelles. Certaines personnes seront plus sensibles goût et son apprentissage. Ainsi, une simple expérience néga- que d’autres à ces composés et percevront donc ces légumes tive (texture désagréable, amertume inhabituelle…) peut suffire comme dégageant une amertume plus ou moins forte. à provoquer un rejet. L’attitude négative qui en résulte peut être Une plus grande consommation de légumes passe donc plu- compensée par d’autres aspects plus attractifs (contexte de tôt par une recherche de la diversité et de la variété des goûts, la dégustation, présentation, saveur, texture, etc. ). Or, d’une d’où l’importance d’encourager cette consommation auprès manière générale, les légumes sont plutôt désavantagés par des enfants qui sont en plein développement de leurs préfé- rapport à d’autres catégories d’aliments. Première raison, ils rences alimentaires. Et, plutôt que de sombrer dans le fata- ont une charge calorique relativement faible et ont donc moins lisme, voyons l’aspect positif des choses : il est possible que la d’effets physiologiques perceptibles, comme la satiété ; alors subtilité et la complexité du goût des légumes constituent, non que l’enfant a un besoin calorique important pour son déve- pas des inconvénients incontournables, mais des atouts, par loppement. Ensuite, la plupart des légumes sont peu sucrés et exemple pour contrer les phénomènes de lassitude. z de nombreux végétaux comportent des composés qui ont une www.fondation-louisbonduelle.org
Faire évoluer durablement les comportements alimentaires. En théorie In utero et in lacto, former l’enfant au goût des légumes Les préférences sont le résultat du vécu alimentaire, mois qui avaient été allaités au sein appréciaient davan- qui commence in utero, et sont en constante évolution tage les légumes que ceux qui avaient été nourris avec tout au long de la vie. Les expériences chimiosensorielles des laits maternisés [1-2]. En cause : les arômes des ali- précoces de la fin de la vie foetale et lors de l’allaitement ments consommés par la mère qui se retrouvent dans maternel (expositions aux arômes des légumes) favorisent le liquide amniotique [3], puis dans le lait maternel [4]. la consommation de légumes au moment de la diversifi- Le goût et l’acceptation des légumes se construit donc cation alimentaire. A ce stade déjà, le goût s’acquiert… dès les premières années de la vie pour se transformer en goûtant ! Des études ont montré que des bébés de six ensuite en habitude alimentaire. z De fortes sensibilités gustative et olfactive peuvent expliquer certaines réticences Dès les premières heures de la vie, péenne et américaine). Ainsi, il a été phobe, sélectif...) se révélaient particu- voire en intra-utérin (autour du 8e mois montré que cette sensibilité au Prop va lièrement réactifs au plan olfactif. En de grossesse), le sucré est accepté, de paire avec une moins bonne accep- d’autres termes, un enfant qui n’aime contrairement à l’acide et l’amer, uni- tation des produits amers [5]. pas, par exemple, le chou, n’est-il pas versellement rejetés. Le goût amer de Néanmoins, de nombreuses personnes, simplement plus sensible à l’un des certains fruits et légumes peut donc quoique sensibles génétiquement composés olfactifs participant à son expliquer leur rejet par la plupart des à l’amer, passent outre cette éven- goût ? En effet, les odeurs ne font pas enfants. Des composés soufrés dé- tuelle “aversion génétique” en raison l’objet de réponses hédoniques uni- sagréables en bouche, tels que le de leur goût pour l’aventure gusta- verselles. Chaque enfant possède un PROP (6-n-propylthiouracyl) ou la PTC tive. profil de sensibilité génétiquement dé- (phénylthiocarbamide), participent à Les chercheurs de l’étude Opaline terminé qui lui est propre. Les analyses l’amertume. Certaines personnes y (Observatoire des Préférences Alimen- sont en cours, mais les résultats pré- sont extrêmement sensibles (sujets taires de l’Enfant et du Nourrisson) liminaires laissent à penser que l’hy- dits «goûteurs»), tandis que d’autres ne ont, par ailleurs, cherché à savoir si pothèse se vérifie : les enfants les plus les perçoivent qu’à très forte concen- les enfants présentant une typologie difficiles au plan alimentaire seraient tration (sujets dits «non-goûteurs», spécifique au plan alimentaire (enfant effectivement les plus réactifs au plan environ 30 % de la population euro- difficile, avec de nombreux rejets, néo- olfactif. Pendant la diversification et après, répéter les expositions Pour comprendre la tendance naturelle de l’enfant des laitages, tandis que du côté des rejets, se trouvent à préférer les frites aux épinards, il faut admettre qu’il les abats, certains produits au goût très prononcé et la existe un profil sensoriel particulier des goûts de l’enfant. plupart des légumes. En grandissant, les enfants appren- Dans son livre «La naissance du goût» [6], Natalie Rigal, nent à dépasser leurs dégoûts sensoriels : les légumes psychologue-chercheur spécialiste du goût à l’université et les aliments forts en goût sont de mieux en mieux ac- Paris X Nanterre, a constaté, à la vue des données ob- ceptés. Pourquoi ? Au fil du temps, l’enfant a appris à tenues d’après enquêtes, l’existence de ce goût enfan- connaître et à apprécier ces aliments, grâce au proces- tin, au-delà des distinctions de sexe, d’origine sociale ou sus de familiarisation. Ainsi, la proposition quotidienne, géographique. sans toutefois forcer l’enfant, d’un légume peu apprécié Du côté des préférences se regroupent des aliments su- a des effets favorables en termes de goût et de consom- crés, des aliments salés et simples, certaines viandes et mation, et transformera le rejet en acceptation. >> www.fondation-louisbonduelle.org p. 2 - Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
© NiDerLander - Fotolia.com >> Agir avant 3 ans part, qu’à 2-3 ans les légumes étaient le groupe d’aliments Jusqu’à 18 mois environ, les enfants acceptent de goûter le moins fréquemment choisi par les enfants et pour le- l’ensemble des aliments qui leur sont proposés. Cette fa- quel les choix étaient le moins variés et, d’autre part, que cilité à accepter un aliment nouveau peut être renforcée les enfants qui choisissaient le plus de légumes à 2-3 ans par l’exposition à une plus grande variété d’aliments. Vers étaient aussi ceux qui en consommaient la plus grande deux ans, en revanche, la moitié des enfants deviennent variété quand ils avaient grandi», explique la chercheuse. difficiles et les comportements de néophobie (réticence Ainsi, dans la petite enfance, même si les légumes sont à goûter les produits inconnus) et de sélectivité (accepta- moins consommés que les autres aliments, leur niveau tion d’un nombre restreint d’aliments parmi les aliments d’appréciation est prédictif de leur appréciation ultérieure. connus) apparaissent. Cette phase de néophobie/sélec- Autrement dit, l’appréciation des légumes et la variété de tivité a des conséquences sur la consommation alimen- légumes consommés sont en partie acquises dès trois ans. taire : les enfants dits difficiles ont un régime moins varié. Pour ce qui est du nombre de répétitions, huit à dix expo- Entre deux et neuf ans, les enfants néophobes mangent sitions seraient nécessaires pour faire accepter un aliment moins de fruits et surtout moins de légumes, à la fois en à un enfant de 2-3 ans [7]. Un chiffre qui semble se vérifier termes de variété et de quantité. En général, le réper- chez les enfants plus jeunes [8]. toire alimentaire s’élargit après la période de néophobie Par ailleurs, certaines conditions renforcent les effets alimentaire. Cependant, les enfants qui mangeaient le positifs de l’exposition répétée. Par exemple, un produit moins varié dans la petite enfance sont aussi ceux qui peu rassasiant, comme la plupart des légumes, sera plus mangent le moins varié ultérieurement, jusqu’au début apprécié en association avec un féculent. Cependant, de l’âge adulte. Ainsi, un aliment nouveau a davantage au-delà de cette période de la petite enfance, favorable de chances d’être apprécié s’il est présenté avant la à la découverte des légumes, et au cours de laquelle les période de néophobie/sélectivité que pendant cette pé- parents sont particulièrement attentifs à l’alimentation riode. L’accès à une variété d’aliments devrait donc être de leur enfant, on observe une diminution de la part des encouragé dès le plus jeune âge, en dehors du soupçon légumes si l’on ne reste pas vigilant. z d’allergies alimentaires. Quand l’enfant atteint l’âge de six mois, son alimentation passe d’un allaitement exclusif à l’introduction progres- Halte au conditionnement sauvage sive d’aliments solides. Sophie Nicklaus, chargée de re- cherche à l’INRA, au sein de l’unité mixte de recherche Influencer le choix alimentaire en utilisant les straté- FLAVIC (FLAveur Vision Comportement du consomma- gies de conditionnement traditionnelles doit être pru- teur) explique qu’à cet âge la présentation d’aliments dent… car peut vite s’avérer contre-productif. En effet, nouveaux est la plupart du temps bien accueillie : «Il a été une phrase du style «Si tu manges tous tes épinards, montré que plus un enfant a goûté des aliments différents tu auras une glace en dessert» constitue un condition- à cet âge, plus il appréciera la nouveauté par la suite. La nement sauvage qui abaisse davantage encore la pala- répétition et la variété des aliments jouent un rôle impor- tabilité des épinards et renforce celle de la glace. Tout tant dès le début de la diversification dans la formation du le contraire de ce qui était attendu. «Si tu ne manges goût et favorisent la consommation d’aliments nouveaux pas tes épinards, tu n’iras pas au manège cet après- et notamment de légumes.» midi»… un chantage qui abaisse également la palata- La petite enfance constitue également une période privilégiée bilité des épinards. de formation des préférences alimentaires. Sophie Nicklaus Il faut au contraire simplement exposer, sans forcer, a étudié les choix alimentaires d’enfants en crèche (à d’aucune manière. En la matière, la patience reste la 2-3 ans), puis les a suivi pendant plusieurs années (jusqu’à meilleure des vertus ! 22 ans pour les plus âgés). «Nous avons montré, d’une Comment faire aimer les légumes aux enfants ? - p. 3 www.fondation-louisbonduelle.org
Faire évoluer durablement les comportements alimentaires. Parents, professeurs, adopter les bons comportements Outre l’alimentation au sens strict, l’influence du contexte Limiter le temps passé devant la télévision familial global apparaît crucial chez l’enfant. Donner l’habitude de partir à l’école avec un fruit dans le cartable, voir ses parents Les données concernant les conditionnements extérieurs de consommer régulièrement des fruits et légumes, connaître les l’alimentation de l’enfant sont accablantes pour le petit écran : recommandations en matière de santé : autant de paramètres • les enfants en surpoids (et encore plus les enfants étroitement corrélés à la consommation observée chez des en- obèses) identifient mieux que les enfants minces la pu- fants de onze ans [9-10]. blicité pour des aliments [12] ; • tous les enfants augmentent leurs prises alimentaires Ni trop permissif, ni trop autoritaire devant la télévision, et les obèses davantage que les Les enfants, mieux que les adultes, sont capables d’ajuster leur autres [13-14] ; consommation d’un repas sur l’autre (par exemple s’ils ont pris • réduire le temps passé devant la télévision suffit à bais- un gros déjeuner, ils ne prendront qu’un petit goûter). Sauf en ser la corpulence [15] ; cas de chantage à l’alimentation, il est donc capital, pour res- • la télévision augmente la consommation de sodas ou pecter cette adaptation naturelle à leurs besoins, de ne pas les d’aliments salés [16] ; inciter systématiquement à finir leur assiette. L’enfant qui a déjà • et réduit celle de fruits et légumes [17]. mangé la moitié de ses légumes doit avoir la liberté de dire «j’ar- rête, je n’ai plus faim». Il s’agit de préserver ses sensations de faim et de réplétion. De même, l’attitude de l’enfant qui refuse de finir ses brocolis mais réclame un dessert, ne doit pas être facteurs prédictifs de la sélectivité de l’enfant, à savoir l'utilisa- considéré sous l’angle de la supercherie, mais plus sous celui tion de la coercition et de l'alternative, sont les témoins d'un du plaisir. Tout en restant vigilant à ce que le dessert ne vienne comportement parental autoritaire visant à forcer l'enfant à goû- pas systématiquement remplacer ce que l’enfant apprécie un ter l'aliment rejeté. «Nos résultats vont dans la droite ligne des peu moins. précédentes études soulignant que les stratégies autoritaires et permissives sont, l'une comme l'autre, associées à une néopho- bie de l'enfant», résume le Dr Sandrine Monnery-Patris, char- Des consommations de fruits et gée de recherche à l'INRA, au sein de l'unité mixte de recherche légumes à augmenter chez les parents FLAVIC (FLAveur Vision Comportement du consommateur). Malgré l’importance que revêt le modèle parental sur le com- portement des enfants, force est de constater qu’en matière Montrer l’exemple d’alimentation les parents sont en majorité loin de montrer Les parents forts consommateurs de fruits et légumes, encou- l’exemple au quotidien. En Europe, un fort pourcentage de rageront leurs enfants tant par leurs recommandations que par mères consomme moins d’un fruit ou d’un légume par jour et leur propre comportement. De même, les enfants peuvent mode- seulement 27 % suivent les recommandations de l’OMS de ler leur comportement sur celui d’un tiers extérieur. Les garçons consommer plus de 400 g de fruits et légumes par jour [11]. seront facilement influencés par une réaction enthousiaste d’un professeur du même sexe face à un nouvel aliment, tandis que celle d’un autre élève n’aura que peu d’impact. En revanche, les filles se fieront avant tout à l’avis de leur bonne copine, et non à Les chercheurs impliqués dans le dispositif Opaline se sont in- celui de leur professeur. z terrogés sur l’existence d’un lien entre le degré de sélectivité ali- mentaire de l’enfant et les pratiques éducatives familiales. Peu d’études avaient jusque-là tenté de savoir si une éducation ali- mentaire permissive (respect de l’appétit et des préférences de Mettre des fruits et légumes à disposition l’enfant au point de lui préparer son menu propre), intermédiaire (encouragement à manger des quantités adaptées à l’appétit Les enfants choisissent souvent la facilité et il faut en profi- de l’enfant) ou autoritaire (parents qui forcent l’enfant à finir son ter. Pourquoi chercher partout un paquet de gâteaux pour assiette sans tenir compte de la faim ou de l’état de fatigue de le goûter s’il y a des fruits sur la table de la cuisine ? Et les l’enfant par exemple) avait une telle influence. études le prouvent : outre les préférences sensorielles, la Les résultats de l’étude indiquent que 25 % du degré de sélec- disponibilité et l’accessibilité aux fruits et légumes repré- tivité de l’enfant est expliqué par les pratiques familiales. Ainsi, sentent les plus forts déterminants de leur consommation parmi les cinq facteurs prédictifs d’une plus forte sélectivité de par les enfants de six à douze ans [18]. Une étude menée l’enfant, trois relèvent de la volonté de la mère de répondre aux auprès d’adolescents a même montré que lorsque le goût désirs de ce dernier : un style éducatif permissif, un comporte- pour les fruits et légumes était faible, les apports pouvaient ment alimentaire guidé par les préférences et une stratégie ali- augmentés si les produits s’avéraient disponibles [19]. mentaire basée sur les préférences de l’enfant. Les deux autres www.fondation-louisbonduelle.org p. 4 - Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
© Monkey Business - Fotolia.com Parents, professeurs, aborder la question de l’alimentation dans sa globalité En matière d’éducation alimentaire, les experts s’accor- A l’école, encourager une éducation alimentaire dent à dire qu’il est préférable de favoriser une éducation senso- pratique et ludique rielle, liée à l’histoire du produit, la façon de le réaliser et le plaisir Les pays montrent de fortes disparités, mais globalement les de le partager, dont l’objectif est d’amener l’enfant à apprécier chiffres soulignent que les jeunes européens ne consomment le goût des légumes, à une éducation nutritionnelle, consistant pas assez de légumes. En moyenne, la proportion des enfants à délivrer des conseils liés à la santé, souvent difficiles à intégrer de 11 à 15 ans en consommant moins d’une fois par jour se par l’enfant et donc peu efficaces. Cette conclusion part d’un situe autour de 65-70 %. Malte, l’Espagne et l’Italie se situent constat : l’amélioration des connaissances diététiques ne suffit en bas de tableau avec moins de 25 % de mangeurs quotidiens pas à changer les préférences, les choix et la consommation de de légumes. La France ne se classe pas trop mal avec de 33 fruits et légumes des enfants. à 50 % de mangeurs quotidiens de légumes, respectivement La Fondation Louis Bonduelle soutient une étude de l’Institut chez les filles de 11 ans et les garçons de 15 ans [21]. Pasteur de Lille sur le sujet. L’étude Sensored cherche à évaluer En vu d’améliorer ces consommations, la Fondation Louis- si une action d’éducation sensorielle, réalisée en classe auprès Bonduelle agit au niveau Européen en soutenant des actions de 500 élèves de 11 ans, entraîne une évolution bénéfique des d’éducation alimentaire en milieu scolaire. préférences en fruits et légumes chez ces derniers, ainsi qu’une Au Benelux, par exemple, c’est le professeur Louis Veggie amélioration des choix et une augmentation de la consomma- qui a pour mission d’informer les enfants de 3 à 12 ans de tion de ces aliments. Entamée en septembre 2008, cette étude l’intérêt nutritionnel des légumes dans le but de leur en faire livrera ses résultats en mars 2011. En attendant, il est intéres- consommer davantage. Depuis près d’un an, un site Inter- sant de noter que, selon l’enquête Crédoc CCAF (2007), les en- net accueille le laboratoire des légumes et des fruits. Ce site fants déclarent s’intéresser à l’alimentation tout d’abord pour peut être utilisé de deux manières différentes : soit l’enfant son intérêt nutritionnel, puis pour sa dimension plaisir [20]. D’où s’y promène librement et clique pour avoir des explications l’intérêt de parler de l’alimentation de manière globale. ou voir des vidéos, soit les enseignants utilisent les kits pédagogiques de différents niveaux mis à leur disposition. Faut-il parler de nutrition aux enfants ? Ce projet fait actuellement l’objet d’un partenariat avec des Pour Marlène Dreyfus, psychologue clinicienne à l’hôpital Ar- écoles aux Pays-Bas. mand Trousseau à Paris, les adultes doivent respecter les goûts En Italie, la Fondation Louis-Bonduelle a conclu un partenariat des enfants et leur parler de nutrition en tâchant de faire un afin de développer trois programmes d’éducation alimentaire enfant avec une «tête bien faite» plutôt qu’avec une «tête bien et de diffuser une culture gastronomique à haut profil qualitatif. pleine». La raison : sans une adhésion de l’enfant, c’est-à-dire Le programme Orto in condotta est une opération à destination sans tenir compte de ses aptitudes, de son affect et de son plai- exclusive des enfants de 6 à 14 ans. Objectif : les former à man- sir, l’approche éducative en matière nutritionnelle risque, dans ger sain tout en respectant l’environnement. Ce projet, en cours le meilleur des cas, de ne pas atteindre ses objectifs et, dans le d’attribution du logo Guadagnare Salute par le ministère de la pire, d’engendrer des troubles du comportement alimentaire. Santé italien (l’équivalent du logo PNNS en France), comprend Parents, enseignants, éducateurs… sont donc appelés à ne des activités en classe, en cuisine et dans le potager. L’enfant pas confondre enseignement et éducation. Les messages à découvre ainsi les différentes étapes du champ à l’assiette et le visée éducative ne doivent pas être enseignés comme des le- potager permet d’apprendre et d’expérimenter en s’amusant. çons à apprendre par cœur et à réciter, mais en utilisant des Le programme inclut également des formations pour les institu- outils et une méthodologie spécifiques. teurs et des réunions d’information avec les parents. z Comment faire aimer les légumes aux enfants ? - p. 5 www.fondation-louisbonduelle.org
Faire évoluer durablement les comportements alimentaires. En pratique Au jardin, sur le marché, en cuisine… leur faire mettre la main à la pâte C’est en se familiarisant peu à peu avec les légumes un pas, car il sent qu’on ne lui impose pas le légume, au que les enfants finissent par les apprécier. La familiarisa- contraire, c’est lui qui sait et qui décide. tion de l’enfant avec les différents aliments peut se faire soit à long terme, comme présenté précédemment, via Cuisiner avec lui une exposition répétée, soit à court terme autour de l’ap- Les plus grands pourront éplucher les carottes à l’aide prentissage de ce que sont les aliments, leur forme, leur d’un économe et les plus petits pourront laver, égout- provenance, etc. , ainsi que de la préparation du repas. ter et jeter les légumes dans la casserole à l’aide d’un Il s’agit de développer tout contact entre l’enfant et l’ali- adulte. Ils peuvent également aider à préparer des as- ment avant que celui-ci ne soit présenté dans l’assiette. siettes composées appétissantes, ce qui leur permet, qui Dans le cas des crudités, par exemple, il existe quelques plus est, de ressentir la fierté du résultat qui se voit. astuces efficaces que la Fondation Louis-Bonduelle a testées auprès d’enfants et d’adolescents. Adapter le plat à leurs goûts Pour les crudités, il est important de les présenter à l’enfant Le familiariser avec la matière brute en quantité réduite et en petits morceaux, en les incorporant Sur les étals des primeurs, au marché, amenez l’enfant à à ce qu’il aime : salade de pâtes, pommes de terre, fruits, apprécier les couleurs, les parfums et les formes des lé- etc. Il est également conseillé de les assaisonner avec des gumes. Apprenez-lui à identifier les fruits et les légumes. sauces qui les adoucissent. Par exemple, battre un yaourt Puis, demandez-lui son avis : «Qu’est-ce qui te tente ?», avec deux cuillerées a soupe d’huile, du jus de citron, un «De quoi tu aurais envie ?», «Regarde les brocolis...», etc. peu d’échalote hachée, des herbes fraîches (persil, cerfeuil, Une autre possibilité est d’aller cueillir avec lui des lé- ciboulette, basilic), sans oublier une pincée de sel. Et tenter gumes dans un potager. Le fait d’être impliqué est déjà les associations crudités/fruits et dur/tendre. z A table, rendre les légumes attractifs La manière dont les légumes sont préparés a son im- peu près à tous les coups. portance. Dans le cadre de sa thèse en neurosciences • en purée : les couleurs qui d’ordinaire les rebutent et cognition, David Morizet, de l’Institut Paul Bocuse à (le vert bien souvent) ont tendance, au contraire à les Lyon, a évalué la représentation des légumes par les amuser lorsqu’il s’agit de purée. Astuce : pour adoucir enfants de 8 à 11 ans. «Les mélanges de légumes sont le goût, ajouter un peu de fromage fondu (type Vache globalement peu appréciés et, pour un légume unique, la qui rit). forme culinaire compte beaucoup, explique le chercheur. • en flan ou mousse : la texture crémeuse leur plaît Par exemple, les carottes râpées sont plébiscitées alors et, pour limiter les matières grasses, on peut utiliser du que la purée de carottes l'est moins.» Autre constat : les fromage blanc en remplacement de la crème fraîche. enfant semblent préférer les plats dans lesquels ils sont • en tarte ou quiche : les légumes y passent facile- capables de reconnaître les produits qui les composent. ment avec l’avantage de constituer un plat complet. • en omelette : encore un plat complet dans lequel Des légumes sous toutes les formes n’importe quel légume, ou presque, trouvera sa place. Forts de ces connaissances sur les perceptions des en- • en farcis : ce plat peut être préparé avec l’aide des fants face aux légumes, une solution s’impose pour faire enfants, la farce faisant office de «pâte à modeler». As- changer d’idée les réfractaires au gratin de chou-fleur, à tuce : la farce à la viande peut être remplacée par du la soupe de poireaux et autres haricots vapeur : changer thon, mais aussi par des céréales (riz, blé, semoule...). les formes. Et ce ne sont pas les options qui manquent. • en bricks, samousas ou nems : des formes dont Les légumes peuvent se préparer : l’avantage majeur est qu’elles se mangent avec les • en galettes : ces palets de légumes râpés (cour- doigts. On peut limiter les matières grasses en les ba- gettes, pommes de terre, carottes, etc. ) marchent à digeonnant légèrement d’huile avant de les cuire au >> www.fondation-louisbonduelle.org p. 6 - Comment faire aimer les légumes aux enfants ?
© Ilike - Fotolia.com >> four, au lieu de les faire frire. des haricots verts pour les sourcils et la bouche, des • en lasagnes : divers mélanges sont envisageables champignons de Paris pour les oreilles. Attention tou- pour ces pâtes aux légumes (chèvre/épinards, sau- tefois : certains enfants s’identifient et ne veulent pas mon/poireaux, jambon/brocoli, thon/carottes...). manger le personnage… • Laissez-les se servir eux-mêmes. Ils apprendront En touche sucré dans les desserts progressivement à doser selon leurs envies et leur ap- Certains légumes peuvent également trouver leur place pétit, et c’est une marque de confiance à laquelle ils dans les desserts. Beaucoup sont sucrés ou contiennent seront sensibles. des fibres qui donnent une texture onctueuse, sans pour • Accommodez les pâtes avec de très petits dés de autant avoir un goût trop prononcé. tomate, de haricots verts, de courgettes… pour chan- C’est le cas par exemple de : ger du ketchup. • la courge et la courgette : dans un gâteau, elles • Face à une soupe ou à une purée, jouez à retrouver apportent une texture moelleuse et permettent de ré- les goûts. Les enfants adorent les devinettes. duire la matière grasse. Très bon en association avec Et pour compléter : il est important de valoriser le rôle de du miel et des noix. l’enfant face à son alimentation. De le complimenter de • la carotte et la betterave : naturellement sucrées, son choix, de le remercier pour son aide s’il a participé à leur douceur rend les gâteaux fondants. Le gâteau la préparation du repas ou de la table. De façon générale, de carotte peut se décliner à la noix de coco, aux les parents doivent se montrer convaincus et convain- amandes, à la semoule, etc. Les betteraves sont cants. Et ils peuvent également accepter la critique, en conseillées dans les fondants type brownies. demandant à l’enfant récalcitrant des suggestions pour • le fenouil : son petit goût anisé s’accorde parfaite- la prochaine fois. z ment avec du miel. • le potiron et la patate douce : pour ces deux lé- gumes, pas de limite, toutes les formes peuvent être en- visagées (tarte, gâteau, flan, gaufres, crumble...). «Le jour du légume» Quelques astuces de plus Pour patienter en attendant l’heure du repas, au lieu de En 2005, la Fondation Louis-Bonduelle lançait l’opéra- donner un biscuit ou un morceau de pain, faîtes-leur tion «Le jour du légume» ™. Depuis, tous les mardis, goûter un haricot vert, des petits pois, une rondelle de en restauration commerciale et collective, les légumes carotte cuite… Et si justement les légumes ne sont pas prennent la première place dans l’assiette et sortent encore cuits : ouvrez une boîte d’asperges ou de jeunes de leur rôle habituel de simple accompagnement. Le carottes, servis froids, à manger du bout des doigts. but : (re)donner goût aux légumes, en faire découvrir Une fois à table, une astuce pour les plus petits : mettre la multiplicité des saveurs et des usages. «Le jour du en scène leur menu. légume» est particulièrement présent en restauration • Racontez une histoire autour de son plat de lé- scolaire, qui représente 68 % des 700 restaurants par- gumes. tenaires de l’opération. Les chefs qui adhèrent à l’opé- • Faites vivre son assiette, par exemple, avec des ration reçoivent des recettes et des kits permettant de personnages à dévorer : pour les crudités, dessiner décorer leur cantine. 73 % d’entre eux constatent une les cheveux avec des copeaux de carotte, les yeux augmentation de la consommation de légumes, soit avec des rondelles de concombre, le nez avec une to- 20 points de plus que les chefs interrogés ne partici- mate cerise et la bouche avec une lamelle de poivron ; pant pas à l’opération. pour la purée, quelques petits pois pour faire les yeux, Comment faire aimer les légumes aux enfants ? - p. 7 www.fondation-louisbonduelle.org
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