COMMENT L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE TRANSFORME L'AGRICULTURE - CGSpace
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
INNOVATION ET IMPACT INTERVIEW AGRI-FINANCE Retour sur l’héritage Edward Mabaya : Des solutions d’avenir et l’influence de Spore “La numérisation agricole est pour le crédit et le financement un processus complémentaire” D e r ni er numéro N°195 | Décembre 2019 - Février 2020 spore.cta.int IA Te c h n o l o g i e n u m é r i q u e COMMENT L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE TRANSFORME L’AGRICULTURE Le développement agricole et agroalimentaire analysé et déchiffré
Briefings de Bruxelles sur le développement Sensibiliser la communauté du développement ACP-UE depuis 2007 aux défis agricoles et ruraux d’aujourd’hui www.bruxellesbriefings.net Les Briefings de Bruxelles sont une initiative du CTA et de ses partenaires : la Commission européenne (DG DEVCO), le Secrétariat ACP, le Comité des Ambassadeurs ACP et la confédération CONCORD.
SOMMAIRE ÉDITORIAL N°195 Le dernier numéro de Spore TENDANCES 4 | Retour sur l’héritage et l’influence de Spore – un héritage durable ENTREPRENEURIAT Michael Hailu, directeur du CTA 8 | À Sainte-Lucie, des jeunes champions du champignon 9 | Le prêt- à-manger séduit à Cotonou Cet éditorial de Spore est le dernier que j’écris. Mon mandat de directeur du CTA s’achève en effet SMART TECH & INNOVATION fin février 2020. Malheureusement, ce numéro est 10 | Du crowdfunding pour les producteurs aussi le dernier d’un magazine publié pendant ivoiriens 11 | L’apprentissage automatique 34 ans sans interruption : avec la fin de l’accord de pour des conseils en agronomie Cotonou entre l’UE et les pays ACP, le cadre financier et légal dans lequel opérait le CTA, et donc Spore, se termine. AGRICULTURE Pendant les dix ans où j’ai été directeur du CTA, j’ai rencontré CLIMATO-INTELLIGENTE d’innombrables partenaires qui me disaient apprécier particulièrement 12 | Relancer le café de qualité Spore, une précieuse source d’information pour leur travail. Le pour les producteurs du Zimbabwe 13 | Des sols restaurés par des intrants bio magazine a joué un rôle important dans l’échange de connaissances et le partage de diverses opinions, tout en faisant découvrir aux lecteurs INTERVIEWS les évolutions les plus récentes dans le domaine de l’agriculture. 14 | Edward Mabaya : “La numérisation Spore a servi de base à la conception de nouveaux programmes est un processus complémentaire” d’enseignement et de matériels de formation et a contribué à la 16 | Parmesh Shah : Pour des technologies agroalimentaires de rupture création de nouvelles activités entrepreneuriales et entreprises, tout en permettant à de nombreux lecteurs de se tenir au courant de l’actualité 17 | Dossier agricole. Des agents de vulgarisation qui ont accédé à des postes à responsabilités m’ont dit avoir tout autant apprécié Spore lorsqu’ils Technologie : l’intelligence artificielle travaillaient sur le terrain que depuis que leurs fonctions sont davantage transforme l’agriculture axées sur le conseil et la prise de décisions. Spore a été un magazine respecté pour les perspectives et les 29 | Agribusiness innovations qu’il a fait découvrir, ainsi que pour sa contribution à l’échange de bonnes pratiques entre praticiens des pays ACP. Pour beaucoup de lecteurs, le magazine fait partie du paysage de DÉBOUCHÉS COMMERCIAUX l’agriculture. Ces dernières années, avec l’arrivée d’une version 30 | Au Nigeria, la révolution des graines de caroube numérique du magazine, nous avons veillé à proposer les articles dans 31 | Une herbe locale à la place du plastique divers formats. Nous voulions que Spore soit accessible à un public plus en Ouganda jeune et davantage adepte du numérique, sans pour autant négliger notre lectorat traditionnel. SYSTÈMES AGROALIMENTAIRES Il n’est pas toujours évident de mesurer l’impact profond d’une 32 | Au Kenya, une ferme-école en lien avec le marché publication sur une longue période, mais nous savons que Spore 33 | Des fermes verticales pour des revenus est reconnu et apprécié pour la qualité de son journalisme agricole en hausse dans les pays ACP et pour la possibilité offerte à un réseau de correspondants francophones et anglophones de publier des 34 | FINANCE & ASSURANCE Crédit : des partenariats d’avenir reportages et des témoignages du terrain. Grâce à nos tribunes mensuelles, nous avons stimulé le partage de points de vue 36 | COMMERCE & MARKETING d’organisations respectées. Enfin, nos interviews exclusives ont permis Échanges intra-africains : à des experts de haut niveau et à des praticiens de l’agriculture et de tendances et opportunités l’agroalimentaire de faire connaître leurs opinions et idées. Je suis sûr que vous serez beaucoup à regretter notre magazine. Au 38 | LEADERS EN AGRIBUSINESS Isaac Sesi : “Soyez persévérant, le CTA, nous nous réjouissons d’avoir participé à des débats critiques sur succès ne se construit pas en un jour” des thèmes clés en rapport avec la transformation agricole, par le biais de cette publication. Spore laisse un héritage durable. 40 | PUBLICATIONS Ce fut un honneur et un privilège pour moi d’avoir été associé à Spore pendant si longtemps. 44 | OPINION PHOTO DE COUVERTURE : © NICOELNINO/ALAMY STOCK PHOTO & PERRINE POTHIER/INTACTILE DESIGN SPORE 195 | 3
TENDANCES I N N O VAT I O N E T I M PA C T Retour sur l’héritage et l’influence de Spore En 34 ans de publication, Spore s’est installé dans le paysage agricole comme une référence au service d’une transformation durable. Dans ce dernier article Tendances, nous revenons sur l’héritage légué par le magazine phare du CTA et son évolution d’un simple bulletin technique à une publication exhaustive en ligne et sur papier. Susanna Cartmell-Thorp À son apogée, la version papier de magazine aussi, passant d’un bulletin Nigeria, en citant un article spécifique Spore était distribuée à plus de fournissant des conseils de production sur un projet au Kenya, présenté dans 60 000 abonnés (organisations agricole à une publication offrant une le numéro de juin/juillet 2012 (n° 159). et individus) des pays ACP et touchait couverture approfondie des sujets et L’information l’a aidé à concevoir son un lectorat encore plus vaste. En 2015, enjeux qui concernent l’agrobusiness projet de recherche visant à permettre une évaluation indépendante affirmait et l’agriculture durable et sont cruciaux aux petits agriculteurs d’utiliser plus que “le magazine Spore a amélioré les pour la transformation de l’agriculture. efficacement et sûrement les pesticides. connaissances et compétences de ses “Le contenu de Spore est riche et varié. “Ce projet en cours aura un impact lecteurs du monde entier. Les nouvelles J’aime en particulier le Dossier qui traite positif sur les utilisateurs de ces subs- connaissances acquises ont augmenté d’un problème de manière rigoureuse tances chimiques, car il encouragera les à long terme leurs compétences et leur et détaillée et donne ainsi beaucoup bonnes pratiques agricoles et améliorera effet s’est propagé bien au-delà des d’informations, ce qui favorise chez le la santé des agriculteurs”, soulignait le bénéficiaires directs puisque la plupart lecteur une réflexion plus générale sur chercheur. partagent le magazine, souvent avec plus les enjeux agricoles”, expliquait ainsi 1 500 de cinq personnes”. Souleymane Nacro, chercheur à l’Insti- D’abord publié sous la forme d’un bul- tut de l’environnement et de recherches letin à partir de 1986, Spore a été lancé en agricoles du Burkina Faso, lors d’un individus et organisations du anglais et français trois ans après la créa- atelier de lecteurs de Spore en 2015. Sud-Kivu, en RDC, recevaient Spore tion du CTA. Pour son premier numéro, L’étude menée à l’époque a montré que en 2014, contre 100 en 2010, après l’objectif affiché du bimensuel était le Spore servait à de multiples usages : pour que le CTA a noué un partenariat suivant : “Plutôt que de promouvoir le diffuser connaissances et améliora- de diffusion avec Proximédias Libres CTA, Spore vise à favoriser une diffusion tions pratiques des méthodes agricoles, aussi large que possible d’informations comme activateur de nouvelles entre- pertinentes pour le monde agricole, afin prises d’agrobusiness. En 2010, le numéro de juin/juillet de fertiliser les idées et de les faire ger- “Je vous écris pour vous indiquer à 2010 de Spore (n° 147) comprenait un mer. C’est de cette manière terre-à-terre quel point votre publication m’a inspiré court article sur un élevage de cailles en que Spore espère participer au processus et guidé dans mes recherches”, déclarait plein essor au Cameroun. L’information du développement rural.” dans un message au CTA John Gushit, a attiré l’attention de Thomas Munyoro, En trois décennies, la vision mondiale chargé de cours à la Faculté des sciences un policier kényan à la retraite et leader du développement agricole a évolué. Le naturelles de l’Université de Jos, au de l’ONG 2010 Strategic Self-Help Group. 4 | SPORE 195
© EDOUARD SANGO/MEDIAPROD Pendant 34 ans, Spore a fourni aux petits producteurs des pays ACP des informations sur les derniers développements en agriculture Soutenir la passion journalistique afin de les aider à augmenter leur productivité et leurs revenus. Correspondant de longue date de Spore, je peux dire que le soutien du CTA m’a permis de devenir journaliste agricole. Il y a plus de 20 ans, j’ai suivi une première formation en radio pour être Le retraité a fait circuler l’article au sein correspondant sur les dossiers de ressources des radios rurales (RRRP). Cela m’a de la fédération nationale des produc- permis de faire des reportages sur l’agriculture en Afrique et le rôle des petits teurs agricoles du Kenya. “Mes collègues agriculteurs dans la culture, la transformation et la commercialisation des produits et moi-même élevions des lapins, mais, alimentaires. C’est ainsi que j’ai développé des programmes radio qui ont été diffusés comme ils attrapaient toutes sortes de gratuitement dans toute l’Afrique. Ces programmes étaient souvent partagés sur maladies, nous explorions d’autres acti- cassettes et CD-Rom au sein des clubs d’agriculteurs. Certains d’entre eux m’ont vités”, se rappelle-t-il. L’article de Spore dit que ces informations leur avaient permis de diagnostiquer les maladies de leurs les a conduits à trouver à Nairobi un cultures et animaux et de chercher des traitements. Il s’agissait d’une aide de poids producteur de cailles pour les approvi- lorsque leur accès à des conseillers en vulgarisation était limité. sionner en poussins et leur permettre Lorsque les RRRP ont cessé d’être produits, ma longue association avec le CTA de créer une entreprise de vente d’œufs m’a donné l’occasion de devenir correspondant pour Spore. Cette expérience a de caille, très demandés pour leurs pro- été très instructive et m’a permis de combiner des recherches scientifiques en priétés médicinales. Thomas Munyoro agriculture, des récits d’agriculteurs, la vérification et l’analyse des faits et une est vite devenu propriétaire de plus de certaine créativité. La couverture de conférences majeures parrainées par le CTA 100 cailles pondeuses et son entreprise et la rédaction d’articles sur le travail du CTA dans les pays ACP ont également a prospéré. affûté mes compétences en écriture et permis aux agriculteurs de partager leurs expériences avec un vaste public. Ce travail – qui a été publié en ligne et sur papier, Élargir la portée de Spore dont des organes de presse internationaux comme Inter Press Service – a amélioré En tant qu’institution modeste mais mon profil professionnel. J’ai ainsi été invité à arbitrer les grands prix 2018 et 2019 dotée d’un large mandat, le CTA a de la Fédération internationale du journalisme agricole (FIJA), et en juillet 2019 j’ai noué des partenariats intelligents avec reçu une bourse de la FIJA conçue pour offrir un perfectionnement professionnel, des organisations d’agriculteurs, des une formation au leadership et des opportunités de réseautage à des journalistes organismes gouvernementaux, des agricoles des pays en développement. réseaux de recherche, des groupes de jeunes et de femmes et des représen- Busani Bafana tants du secteur privé. Des partenariats › SPORE 195 | 5
TENDANCES › stratégiques ont aussi participé à la TIC en agriculture et à la valeur ajoutée toujours un allié précieux dans mon diffusion de Spore, en particulier pour aux produits agricoles rend le secteur travail de conseiller du gouvernement… élargir la portée de sa version imprimée. agricole congolais de plus en plus et me permet de me tenir au courant des Le magazine peut s’enorgueillir d’avoir attractif pour les jeunes et stimule leur derniers développements en matière touché des endroits où d’autres ont eu intérêt pour l’agriculture.” d’agriculture.” du mal à conquérir un lectorat, tel le Suite à ce succès, le CTA a développé En 2006, pour les 20 ans du magazine, Sud-Kivu, en République démocratique un partenariat au Cameroun avec le l’équipe de rédaction a retrouvé certains du Congo (RDC), une région fortement journal mensuel La Voix du Paysan/ des lecteurs qui avaient manifesté leur affectée par les conflits armés pendant The Farmers’ Voice, qui distribuait Spore intérêt pour Spore en 2001, à l’occasion la période 1998-2003 et où les commu- gratuitement. C’est ainsi qu’entre 2010 d’une enquête de lectorat. Tibi Guissou, nications sont restées difficiles même et 2013 le nombre d’abonnés recevant microbiologiste à l’institut d’agriculture des années plus tard. Spore est passé de 3 000 à plus de 7 500. INERA, a indiqué qu’il citait fréquem- Malgré les connexions Internet Les enquêtes de lectorat au Cameroun ment Spore dans ses articles pour des faibles ou mauvaises au Sud-Kivu, le ont montré que le magazine fournissait magazines spécialisés. “Contrairement CTA a conclu un accord de distribu- à plus de 50 % des personnes inter- à d’autres publications trop axées sur un tion de Spore avec Proximédias Libres, rogées des informations utiles sur le sujet unique, l’approche de Spore est plus une entreprise locale disposant d’un développement agricole et rural dans le multidisciplinaire”, expliquait le cher- bon réseau de partenaires. Avant le monde entier et dans les pays voisins. cheur. Pour le Dr Frank E. Lawrence, un lancement du partenariat en 2010, Par ailleurs, environ 16 % ont bénéficié écologiste de Jamaïque, “Spore est l’une Spore ne comptait que 100 abonnés au des renseignements techniques propo- des sources les plus utiles pour trouver Sud-Kivu. En 2014, ils étaient 1 500, sés et 10 % des références et adresses des informations sur les moyens d’aider des individus, mais aussi des ONG, des utiles. En Ouganda, une enquête de et de motiver les petits producteurs”. églises, des clubs de radio, des écoles lectorat semblable a fourni de nom- Ces dernières années, pour répondre et des services gouvernementaux. Les breux exemples d’activités spécifiques aux demandes d’un public plus axé sur magazines étaient envoyés à la capitale inspirées par Spore, en particulier sur le numérique et attirer un lectorat plus régionale, Bukavu, et distribués par les pratiques après récolte, le biogaz, jeune, les articles étaient publiés en autobus, motocyclette et pirogue, cer- la culture fruitière, la pisciculture et la ligne, en plus de la version papier trimes- tains exemplaires étant aussi diffusés production légumière. trielle. Le contenu numérique augmenté par des stations de radio et des églises. propose un plus grand nombre d’articles “Je suis un lecteur assidu de votre Évoluer avec son temps publiés sur le site web de Spore, un bul- magazine, il nous apporte beaucoup, à Spore a toujours privilégié l’interaction letin bimensuel et une présence active moi et à ma petite communauté d’étu- avec ses lecteurs et l’échange d’idées. sur les réseaux sociaux. Depuis 2017, diants”, a fait part Arsène Birindwa, un Dans le numéro de décembre 2012/ Spore est aussi disponible sous forme lecteur de la région. “Je suis convaincu janvier 2013 (n° 161), un lecteur écri- d’ePub sur les principales plateformes que la sensibilisation à l’utilisation des vait ainsi : “Votre magazine a été et est d’e-lecture (Amazon, Apple et Google). Nombre de personnes recevant Spore Comment les lecteurs utilisent Spore 60 000 64 833 Une source d’information sur les tendances actuelles dans l’agribusiness et l’agriculture durable 50 000 89 % 40 000 Une source d’inspiration pour mon travail 63 % 30 000 30 600 27 884 Un matériel de plaidoyer en faveur de changements dans mon domaine 20 000 22 654 43 % 10 000 11 881 Un outil pour promouvoir mon travail auprès d’un large public 6 000 33 % 2015 Abonnés Utilisateurs Abonnés 2019 au magazine papier du site web à la newsletter 20 % 40 % 60 % 80 % SOURCE : CTA, 2019 SOURCE : CTA, 2018 6 | SPORE 195
À son apogée, les exemplaires papier de Spore étaient distribués à 60 000 abonnés des pays ACP. Une approche transformatrice La mise en lumière de l’impact et de l’innovation en agriculture est un axe essentiel des articles de Spore, qui s’articule autour de trois domaines thématiques cruciaux pour la transfor- mation agricole : l’entrepreneuriat, la numérisation pour l’agriculture et l’agri- culture intelligente face au climat (AIC). Pour compléter les analyses approfon- dies, de courts articles thématiques, reportages et interviews sont rédigés par un réseau de correspondants ACP. Plusieurs de ces correspondants (voir l’encadré) ont reçu le soutien du CTA tout au long de leur parcours journalis- tique et dans les médias, y compris par des formations à la diffusion radio et à la presse écrite. Si les lettres sur papier ont disparu, les réseaux sociaux de Spore sont très utiles pour interagir avec lecteurs et collaborateurs. Le tweet sur la présentation de © KUDZANAI CHIMHANDA/CTA Talash Huijbers, une jeune entrepreneuse, a été très repris : “Avez-vous mangé des insectes aujourd’hui au déjeuner de Huijbers sont deux des remarquables les rendements ont augmenté jusqu’à l’#AGRF2019 ? Excellente entrepreneurs présentés dans Spore. 100 % (voir Au Kenya, une ferme-école en présentation sur l’#économie Nous aurions aussi pu citer Ngabaghila lien avec les marchés). Chatata, de Thanthwe Farmers circulaire de @HuijbersTalash (https://tinyurl.com/tyyqcb6). En Des adieux chaleureux à nos lecteurs favorisant les approches d’AIC, C’est avec beaucoup de tristesse que et sur l’utilisation d’#insectes Ngabaghila Chatata a transformé sa l’équipe de Spore prend acte de la fin pour l’#alimentation du bétail.” ferme horticole en centre d’agroentre- de l’aventure du magazine. Les articles prises qui sert annuellement archivés continueront à être accessibles d’incubateur pour plus de 3 000 jeunes en ligne. L’actuelle équipe de rédaction En tant qu’équipe de rédacteurs et petits agriculteurs et produit toute et ses correspondants ACP sont fiers et d’éditeurs, nous nous sommes fait l’année plus de 100 tonnes de fruits et d’avoir contribué à écrire l’histoire de l’écho du dynamisme de jeunes entre- légumes de grande qualité pour appro- Spore, publié des articles sur un aussi preneurs comme ceux-ci. L’interview visionner les hôtels et supermarchés vaste éventail de sujets et travaillé en d’Isaac Sesi, dans la section Leaders du Malawi. Ce numéro présente aussi le réseau avec de nombreux partenaires en agribusiness de ce numéro, reflète parcours de Rodgers Kirwa, un Kényan et organisations. Nous vous remercions, bien l’énergie et l’enthousiasme des de 28 ans, qui utilise les profits de ses vous, nos lecteurs : sans votre soutien et jeunes pour transformer l’agriculture. récoltes pour proposer, au sein de sa intérêt pour les informations proposées En partageant cette interview sur ferme-école iAgribiz Africa Model par Spore, le magazine n’aurait pas existé LinkedIn, Isaac Sesi a reçu plus de 250 Farm, des formations à plus de 2 000 aussi longtemps. Spore s’arrête mais réactions en une semaine. Lui et Talash agriculteurs locaux, grâce auxquelles lègue à tous un héritage durable. ■ SPORE 195 | 7
ENTREPRENEURIAT IMPORTATION ALIMENTAIRES À Sainte-Lucie, des jeunes champions du champignon Des technologies de contrôle de la température et des techniques agricoles durables ont permis à la coopérative Marquis River Farm de substituer aux importations de champignons une production nationale. Natalie Dookie P our alléger la facture des impor- tations de fruits et légumes de Sainte-Lucie et remédier au taux de chômage élevé des jeunes dans la région, le philanthrope Peter Dillon a fondé en 2014 Marquis River Farm, une coopérative gérée par des jeunes. En plus de fournir les terres et le capital nécessaires pour lancer la coopérative, Peter Dillon et son épouse Patie ont formé 15 jeunes hommes et femmes © JO BOXALL sans emploi à pratiquer l’agriculture de manière rentable. La coopérative est basée sur un modèle de participa- Une coopérative gérée par des jeunes vend tion aux bénéfices et de gestion par jusqu’à 900 kg de champignons par semaine à les travailleurs. Les profits nets sont Sainte-Lucie. répartis de trois manières : rembour- sement du prêt de démarrage sans betterave. Par ailleurs, Marquis River intérêt, alimentation des économies de Farm a récemment commencé à pro- l’exploitation, et partage des bénéfices duire un extrait d’algues liquide à partir entre les travailleurs. 680-907 kg/semaine de sargasse, une algue présente dans la Peter Dillon a créé la marque Simply région et qui constitue une nuisance Mushrooms afin de réduire les importa- de champignons sont vendus pour la vie côtière. Avec une production tions de champignons. Le pays en achète par Marquis River Farm d’engrais à base d’algues de 1 360 litres en effet pour 0,19 million d’euros par an. par mois, l’exploitation est en bonne Aux débuts de sa production en 2014, pressions environnementales dues au voie vers l’autosuffisance. la demande locale était de 205-227 kg climat tropical”, explique Peter Dillon. “Ce projet est rentable, mais il est par semaine, contre 680-907 kg par “Installés à proximité les uns des aussi durable, modulable et évolutif, ce semaine aujourd’hui. Les variétés culti- autres et sur des fondations solides, les qui le rend facile à mettre en œuvre. La vées sont le champignon de Paris blanc conteneurs sont également résistants substitution des importations agricoles (40 %), le champignon de Paris brun aux ouragans. Les climatiseurs sont s’accompagne de nombreux avantages, ou cremini (40 %) et le champignon alimentés par l’énergie solaire, ce qui comme des économies de devises portobello (10 %). Simply Mushrooms a fait baisser la facture d’électricité de étrangères et une hausse de l’emploi, vend principalement aux restaurants, l’exploitation de 8 000 EC$ (2 704 €) à en particulier dans les régions rurales aux hôtels et aux ménages privés, ainsi 4 000 EC$ (1 352 €) par mois.” et pour les jeunes et les femmes”, qu’aux supermarchés locaux. Depuis Les trois tonnes de déchets générés par justifie-t-il. Le philanthrope cherche 2018, Sainte-Lucie a cessé d’importer la production de champignons sont uti- désormais des investisseurs pour repro- des champignons. lisées comme compost pour cultiver des duire ce modèle de coopérative en vue “Les champignons sont cultivés légumes-feuilles et des micropousses, de produire des champignons bio à dans des conteneurs réfrigérés équipés comme de la roquette et des pousses Antigua-et-Barbuda, Grenade et Saint- de climatiseurs, ce qui les protège des de pois, de radis, de moutarde et de Vincent-et-les-Grenadines. ■ 8 | SPORE 195
TRANSFORMATION Cotonou séduit par des légumes frais prêts à être cuisinés En s’attaquant à un problème de pertes post-récolte, le jeune Aldred Dogue a découvert le marché des légumes prêts à l’emploi. Son entreprise Africa Foods Mill répond à une demande croissante. Inoussa Maïga À Cotonou, Africa Foods Mill, l’en- il a décroché un prix de la Chambre de rentrer en contact avec une société qui treprise d’Aldred Dogue (23 ans), commerce du Bénin, accompagné de pourra me fournir des emballages qui commercialise des légumes frais 500 000 FCFA et d’une aide à travers un valoriseront au mieux mes produits”, nettoyés, découpés et surgelés prêts pour cabinet comptable pendant six mois. En assure-t-il. emploi dans une vingtaine de supermar- 2018, il s’est vu décerner le prix Anzisha Dans un avenir proche, Africa chés. “Mes clients sont surtout des gens d’une valeur de 7 500 USD (6 800 €). Foods Mill espère mobiliser environ qui travaillent, qui font leurs courses Avec ces aides matérielles et techniques, 280 000 USD (253 600 €) pour l’instal- dans les supermarchés et qui ont un cer- il espère faire prochainement construire lation de son usine. “Actuellement, nous tain pouvoir d’achat”, dit Aldred Dogue. sa propre usine. faisons presque tout manuellement, donc “J’ai commencé avec la carotte, le Aldred Dogue ne perd pas de vue les le rendement n’est pas encore à la hau- haricot vert et le chou. J’ai réalisé des défis qui lui restent à relever. “Je n’ai teur de la demande. Je veux aussi pouvoir prototypes de produits que je suis allé pas encore l’emballage que je souhaite commencer à transformer les fruits proposer à des supermarchés. À mes avoir. Quand je compare avec des pro- comme la mangue, l’ananas en fruits débuts, je transformais à peine 200 kilos duits importés, je trouve que ce n’est séchés et en jus”, explique Aldred Dogue. par mois”, explique-t-il. pas encore ça. L’objectif est de pouvoir Il ambitionne ainsi d’entrer sur le marché Deux ans après son lancement en nigérian avec ses légumes dans les cinq 2017, Africa Foods Mill transforme Fondée par Aldred Dogue, l’entreprise Africa prochaines années. “J’ai prévu d’acquérir chaque mois près de deux tonnes de Foods Mill travaille avec 300 petits des camions frigorifiques pour cela. Et légumes achetés auprès d’environ producteurs pour fournir les supermachés en au bout de 8-10 ans je répliquerai mon 300 petits agriculteurs regroupés dans légumes prêts à être cuisinés. modèle dans d’autres pays.” ■ quatre coopératives. “Nous avons un contrat. Je suis un client régulier pour ces agriculteurs. On s’entend sur un prix qui les arrange et qui m’arrange”, indique Aldred Dogue. En parallèle de ses études en nutrition et technologies alimentaires à l’Univer- sité d’Abomey-Calavi, Aldred Dogue travaillait avec des agriculteurs, qui lui ont demandé de les aider à réduire leurs pertes post-récolte. “J’ai fait une étude de marché et j’ai réalisé qu’il y avait un potentiel pour des légumes prêts pour emploi”, explique le jeune entrepreneur, © ADONIS DOGUE/AFRICA FOODS MILL qui a commencé en achetant à ces pro- ducteurs leurs légumes invendus pour les transformer. Aldred Dogue compte déjà plusieurs distinctions nationales et internatio- nales. En août 2017, soit trois mois après le lancement d’Africa Foods Mill, SPORE 195 | 9
SMART TECH & INNOVATION © SEEKEWA B O N S D ’A C H AT Du crowdfunding pour soutenir les producteurs En Côte d’Ivoire, la plateforme Seekewa propose à des consommateurs de soutenir financièrement des petits producteurs en échange de prix d’achat de leurs récoltes avantageux. Sophie Reeve et Vincent Defait Des consommateurs ou des organisations soutiennent des agriculteurs ivoiriens via la plateforme de crowdfunding Seekewa. E n Côte d’Ivoire, une plateforme communautaire permet à partenariats avec des fournisseurs qui nous font des prix de des consommateurs et des organisations internationales gros très avantageux”, explique Fréderic Zamblé, directeur de financer à taux zéro des agriculteurs, en échange de général de Seekewa. prix d’achat de leurs récoltes inférieurs à ceux du marché. À Brihiri, dans le sud du pays, Sanogo Awa et son mari culti- Fondée par les frères Frédéric et Serge Zamblé, l’entreprise vaient une parcelle de riz, trop petite pour vivre correctement. aide des petits producteurs à créer un profil sur la plateforme, “J’avais besoin d’étendre mon champ d’un hectare”, dit-elle. détaillant leur projet et leurs besoins matériels et financiers. Seekewa lui a permis de mobiliser les fonds nécessaires à Les investisseurs achètent des bons d'achat pour un l’achat d’une parcelle en plus et de bénéficier d’un suivi montant minimum de 25 USD (22,85 €), convertis pour améliorer sa productivité. “J’ai plus de bénéfices en points. Seekawa utilise ensuite les crédits obte- 102 et je peux aider à mon tour ma communauté.” nus pour financer des biens (machettes, engrais, projets ont été etc.) et services (formation, conseils), donnés financés en Des bons d’achat pour une école ou un hôpital gratuitement aux agriculteurs. Les producteurs Côte d’Ivoire via Entre 2018 et 2019, Seekewa a financé 102 pro- ont jusqu’à 12 mois pour les rembourser. Les Seekewa jets individuels pour un montant de 80 000 € points sont rétrocédés au contributeur si le projet levés auprès d’une cinquantaine de particuliers ne parvient pas à réunir la somme demandée. et des organisations comme l’assureur ASCOMA, la Seekewa a d’abord démarché les coopératives du pays. Compagnie ivoirienne d’électricité, la coopération alle- Lorsqu’un producteur est intéressé, un enquêteur Seekewa se mande, l’Organisation internationale pour les migrants. Un rend sur place pour évaluer ses besoins et le potentiel retour contributeur a le choix, depuis peu, de faire bénéficier une sur investissement à travers l’analyse des sols, l’évaluation des école ou hôpital, par exemple, de la récolte d’un agriculteur compétences de l’agriculteur, la facilité d’accès à sa parcelle, financé par ses bons d’achat. Il n’est donc pas nécessaire de la présence d’un point d’eau ou d’un dispositif d’irrigation, etc. séjourner en Côte d’Ivoire pour profiter de Seekewa. “L’enquêteur utilise notre application, Seekewa Insight, qui Seekewa emploie sept personnes et cinq contractuels. “Nos comprend un questionnaire, pour établir le profil et les com- deux principales sources de revenus sont les remises obtenues pétences des agriculteurs. Pour qu’un projet soit éligible, il faut auprès de nos grossistes pour les achats des équipements et les qu’il soit porté par un agriculteur qui en a les compétences. marges réalisées lors de la revente des récoltes”, détaille Serge Nous nous assurons que le projet est faisable techniquement et Zamblé. sera rentable économiquement”, indique Serge Zamblé, pré- L’objectif est, d’ici 2021, de financer au moins 1 500 projets et sident de Seekewa. La start-up s’engage à racheter leur récolte de fournir en produits frais au moins 10 000 ménages en Côte aux agriculteurs – riz, tomate, piment, aubergine et oignon – d’ivoire. “Nous pensons étendre nos activités la même année pour la vendre à un prix avantageux aux contributeurs. au Bénin, au Nigeria et au Burkina Faso. D’ici cinq ans, nous Avec les sommes collectées, la start-up achète les biens et voulons être le premier fournisseur de produits alimentaires services dont ont besoin les agriculteurs. “Nous avons des frais en Afrique de l’Ouest”, ambitionne l’entrepreneur. ■ 10 | SPORE 195
APPRENTISSAGE AUTOMATIQUE Appli Des conseils agricoles et de Poissons surveillés UNE SOCIÉTÉ KÉNYANE de financement par téléphone technologie a conçu l’appli mobile “Samaki” (“poisson” en swahili) pour aider les pisciculteurs à surveiller l'état de leurs étangs et à recueillir des Au Kenya, une société de technologie financière fait appel données pour la tenue des registres à l’apprentissage automatique, à la télédétection et les prélèvements quotidiens. Ces données sont communiquées en et à la technologie mobile pour fournir des conseils temps réel aux pisciculteurs, sur leur et financements sur mesure. téléphone. La société Upande est spécialisée dans la conception de capteurs connectés et de caméras qui surveillent les principaux Bob Koigi paramètres de l’eau des étangs, dont le niveau et la température, D le pH, la teneur en oxygène et la epuis 2016, Apollo Agriculture Des appels à réponse vocale interac- concentration de nitrates. Des valeurs soutient de petits producteurs de tive (IVR) préenregistrés fournissent des limites sont fixées pour chaque maïs kényans grâce à des services conseils agricoles élaborés par l’équipe capteur et le pisciculteur est averti regroupés de financement, d’assurance, d’agronomes d’Apollo Agriculture via les automatiquement par e-mail ou de conseil et d’accès aux intrants. Pour téléphones des agriculteurs. Un centre SMS en cas d’anomalie. Les données recevoir un prêt d’Apollo Agriculture, les d’appels gratuit est aussi disponible. peuvent aussi servir à déterminer le agriculteurs envoient un message gra- Alfred Ayoko, cultivateur de maïs et rythme de croissance des poissons tuit à un code USSD. L’entreprise utilise de haricots, a ainsi pu sauver son maïs et suivre la productivité de son ensuite les données collectées par des lors d’une invasion de légionnaires d’au- exploitation. agents de terrain et l’imagerie satellitaire tomne en 2018. “Quand les chenilles ont pour déterminer la localisation et la taille commencé à dévorer notre production de l’exploitation et créer un profil unique en triple vitesse, Apollo Agriculture nous pour chaque agriculteur. Les données, a fourni des conseils sur la façon de gérer Vulgarisation traitées par apprentissage automatique, ce ravageur par des pratiques simples permettent à Apollo Agriculture d’éva- telles que les cultures intercalaires [plan- Des conseils à portée luer automatiquement la solvabilité de tation de haricots au sein des cultures l’agriculteur. Dès l’approbation du prêt, principales de maïs]”, se souvient-il. “De de main celui-ci prend livraison de ses intrants plus, l’entreprise a agi rapidement pour financés chez le fournisseur agroali- nous faciliter l’accès aux pesticides [via AU ZIMBABWE, l’application mobile mentaire le plus proche. De plus, une un prêt complémentaire] de ses firmes Kurima Mari fournit aux agriculteurs assurance couvre chaque prêt contre partenaires afin de juguler la propaga- des informations sur les avantages d’éventuelles pertes de rendement. tion de l’insecte.” D’après lui, les appels et les inconvénients des différentes vocaux ont comblé le vide laissé par les variétés de culture et des différents © APOLLO AGRICULTURE agents de vulgarisation, moins présents types de bétail, et sur les services en raison de restrictions budgétaires. financiers. Les exploitants y trouvent Benjamin Njenga, cofondateur aussi les coordonnées des négociants, et directeur d’exploitation d’Apollo ce qui simplifie leur accès aux Agriculture, explique que l’approche marchés. Depuis 2016, plus de 10 000 numérique de son entreprise a permis agriculteurs et 1 000 agents de de réduire le coût du travail exigé pour vulgarisation se sont abonnés à cette atteindre les agriculteurs, mais aussi application. Kurima Mari est également d’en toucher un plus grand nombre une boîte à outils pour les agriculteurs, en un laps de temps plus court. Apollo avec notamment des tutoriels. Ces Agriculture commence à étendre ses outils complètent les services offerts L’apprentissage automatique, l’imagerie activités à d’autres cultures, notamment par les agents de vulgarisation. satellitaire et des processus numériques la pomme de terre et le sorgho, et conclut L'application est disponible en anglais, permettent à Apollo Agriculture de fournir des des partenariats avec de nouvelles orga- en shona et en ndébélé, afin de faciliter intrants, des conseils et des assurances aux nisations afin d’améliorer l’accès aux l’accès des communautés agricoles de agriculteurs. marchés pour les agriculteurs. ■ l’ensemble du pays. SPORE 195 | 11
AGRICULTURE CLIMATO-INTELLIGENTE MÉTHODES DURABLES Relancer le café de qualité pour les producteurs du Zimbabwe Des agriculteurs adoptent des techniques de gestion des terres durables et respectueuses de l’environnement afin de relancer la production de café et de développer de meilleurs moyens d’existence. Tonderayi Mukeredzi D ans l’est du Zimbabwe, le pro- nous avons eu beaucoup de mal à relan- d'autres régions productrices, comme la gramme de formation AAA cer la production de café, mais, grâce à Colombie et Porto Rico. Sustainable Quality™ (2017- TechnoServe, nous avons découvert des D’après Yann De Pietro, en charge du 2021), mis en œuvre par Nespresso avec méthodes de production respectueuses développement durable et du numé- l’entreprise TechnoServe, permet aux de l’environnement”, poursuit l’agricul- rique chez Nespresso, seuls 3 % des petits producteurs de café d’améliorer teur. Selon lui, la production des petits caféiculteurs suivaient plus de la moitié quantitativement et qualitativement caféiculteurs s’élève à 30 tonnes, contre des bonnes pratiques agricoles au début leurs récoltes en adoptant des pratiques 10 tonnes en 2018. du projet. Au terme de la formation dis- de gestion durable des terres comme “Avant, je transportais d’énormes sacs pensée en 2017 et 2018, la production de l'agroforesterie. à dos contenant du produit à pulvéri- café de qualité destiné à l’exportation est “Avant, nous épandions les engrais ser sur des cultures”, rapporte Miriam passée de 26 à 51 %. L’entreprise aurait de manière aléatoire, mais nous avons Mwarazi, membre du groupe de caféi- acheté 20 tonnes de café aux petits appris de nouvelles méthodes de nutri- cultrices Batanai. “On nous a appris les producteurs en 2018. “Ce projet ne se tion du sol, notamment l’utilisation de techniques et les principes de la lutte contente pas de stimuler la production compost”, explique David Muganyura, intégrée contre les nuisibles, notamment de quelques-uns des meilleurs cafés au qui cultive du café depuis 30 ans sur l’utilisation de pièges à insectes. Je ne me monde, il crée aussi de nouvelles oppor- une parcelle de deux hectares. Sous le sers donc plus des pulvérisateurs, qui tunités économiques dans des zones couvert de bananiers, ses plants de café sont nocifs pour l’environnement.” La rurales du pays durement frappées par la conservent un taux d’humidité suffisant technique de culture en terrasses a pro- crise”, affirme William Warshauer, PDG et sont à l’abri des températures trop éle- tégé les parcelles contre les glissements de TechnoServe. vées. “Pendant de nombreuses années, de terrain et l’érosion. “Nous avons aussi Par ailleurs, “nous avons créé, à appris à utiliser le paillage, qui maintient l’échelon des groupes, des pépinières Les caféiculteurs zimbabwéens utilisent de le taux d’humidité de nos cultures.” d’espèces d’ombre et d’espèces indi- nouvelles méthodes durables de caféiculture Même s’il n’implique pas de contrat, gènes adaptées aux conditions locales”, pour augmenter leur production de café. la participation au programme AAA explique Midway Bhunu, en charge de la permet aux produc- coordination du programme Nespresso teurs de vendre leur Zimbabwe Reviving Origins chez café à Nespresso pour TechnoServe. “Ces espèces apportent un prix plus élevé de l’ombre et cohabitent sans problème s’ils pratiquent l’agri- avec les plants de café pendant les lon- culture durable. Par gues périodes de sécheresse, lorsque ailleurs, l’entreprise les précipitations sont insuffisantes et devrait affecter plus de que les agriculteurs n’ont pas accès à 9 millions d'euros au l’irrigation.” Les 17 pépinières préparées programme Reviving permettront de planter 5 000 arbres Origins (“Revitaliser d'ombrage au début de la saison des © TONDERAYI MUKEREDZI les origines”) sur cinq pluies en novembre/décembre. Il a aussi ans. L’objectif est de été proposé aux agriculteurs des ateliers soutenir la produc- sur les techniques de récolte et de trans- tion de café de qualité formation, afin qu’ils produisent le café au Zimbabwe et dans de qualité recherché par Nespresso. ■ 12 | SPORE 195
Muraille verte RÉSILIENCE Contre la désertification Des sols restaurés UNE MURAILLE D’ARBRES longue de 8 000 km est en cours de par des intrants bio construction à travers une bonne vingtaine de pays, du Sénégal à Des petits producteurs kényans bénéficient d’une Djibouti, pour tenter de freiner formation aux bonnes pratiques de gestion des sols l’avancée de la désertification du Sahara. Dix ans après le lancement et à l’utilisation d’intrants 100 % biologiques. Résultat : du projet, la muraille est réalisée à une résilience acrue au changement climatique. hauteur de 15 %, avec 11,4 millions d’arbres plantés rien qu’au Sénégal. Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, © JAMES KARUGA plus de deux millions de semences Sophie Reeve de plus de 50 essences ont été mises A en terre. Cette barrière végétale devrait stabiliser le sol et retenir u Kenya, des producteurs de son humidité, ralentir les effets haricots, de café, de riz, de maïs desséchants et abrasifs du vent, et et de fruits utilisent des intrants créer un microclimat permettant des biologiques abordables pour améliorer la cultures dans les zones proches des santé des sols et leur résilience au chan- arbres. “C’est un mur d’espoir, un mur gement climatique. Ces intrants sont de vie”, affirme Almoustapha Garba, composés de matières biodégradables, ancien ministre de l’Environnement comme des extraits d’algues et de végé- du Niger. taux, qui contribuent à équilibrer le pH des sols, à améliorer le maintien de l’hu- midité des sols et à stimuler leur fertilité. KOFAR envisage d’étendre ses formations Depuis 2016, plus de 20 000 agri- et la vente de ses produits à tout le Kenya Maïs culteurs ont suivi une formation aux et à l’ensemble de l’Afrique de l’Est. bonnes pratiques de gestion des sols et Variétés résistantes à l’utilisation de ces intrants biologiques. des stimulateurs de croissance et des Cette initiative a permis aux producteurs oligoéléments essentiels spécifiques, à la sécheresse de bananes et de café de doubler leurs qui améliorent la santé des végétaux et rendements. Les producteurs de hari- diminuent leur stress. LES AGRICULTEURS éthiopiens cots, de riz et de maïs ont enregistré une “Ce qui me motive dans mon travail, abandonnent progressivement augmentation d’au moins 40 % de leurs c’est de voir que des petits exploitants les anciennes variétés de maïs, rendements après une saison d’utilisa- qui dépendent totalement de l’agricul- qui supportent mal la sécheresse, tion d’engrais biologiques. ture peuvent améliorer leurs revenus, et cultivent une nouvelle variété Ces intrants ont été mis au point par mais aussi de savoir que ceux qui ont résistante à ce facteur climatique. la start-up kényane KOFAR, en collabo- utilisé nos produits peuvent consommer Le BH661 est une variété hybride ration avec l’Université du Texas et des des aliments plus sains et plus sûrs”, développée par l’Institut éthiopien instituts de recherche kényans. Le K-Tiba explique Francescah Munyi, fondatrice de recherche agricole (EIAR). Lors (régénérant) est un biostimulant du sol de KOFAR. d’expérimentations, la variété utilisé pour remédier aux effets néfastes L’utilisation accrue de ces intrants BH661 a montré une augmentation de l’utilisation continue d’intrants incite les agriculteurs à abandonner les de 10 % du rendement en grains chimiques et stimuler la croissance engrais chimiques, ce qui contribue à sur exploitation, une production des cultures en diminuant la teneur en diminuer les émissions d’oxydes nitreux, de biomasse plus élevée et une sodium dans la zone racinaire. Un autre un gaz à effet de serre. “Avant, j’utilisais réduction de 34 % de la verse (état produit, Tawi Plus, est un traitement sept sacs d’engrais chimique par saison”, des tiges inclinées vers le sol) par foliaire qui augmente la teneur des végé- s’exclame Joseph Munene, un riziculteur. rapport aux variétés précédentes. taux en hydrates de carbone et améliore “Je n’en utilise plus qu’un aujourd’hui !” “Les conséquences de la sécheresse les rendements. Un flacon de 120 ml de KOFAR envisage d’étendre ses forma- pourraient être moins graves grâce Tawi Plus coûte 1 200 KES (10,46 €). Il tions et la vente de ses produits à tout à la variété BH661”, espère Sequare contient des souches de varech, une le Kenya et à l’ensemble de la région de Regassa, un agriculteur local. algue très riche en nutriments, ainsi que l’Afrique de l’Est. ■ SPORE 195 | 13
INTERVIEWS E D W A R D M A B AYA “La numérisation est un processus complémentaire” Directeur du développement de l'agro-industrie à la Banque africaine de développement, Edward Mabaya analyse la mise à l’échelle des projets de numérisation dans le secteur alimentaire africain. Susanna Cartmell-Thorp Pourquoi la numérisation est-elle si im- de soleil, de terre et d’eau. Ce qui est nou- © BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT portante pour l'agriculture ? veau avec la numérisation, c'est que nous L'agriculture est au cœur du développe- pouvons fournir des solutions à moindre ment économique du continent africain. coût, plus rapidement et plus efficace- Une grande partie de la population vit de ment que jamais aux petits agriculteurs. l’agriculture et, malgré l’énorme poten- Les solutions numériques servent donc de tiel de production agricole, la facture catalyseur et il convient de ne pas perdre des importations africaines de produits de vue que la numérisation ne remplace transformés atteint encore 50 milliards pas nos activités antérieures, mais qu'elle de dollars (45 milliards d'euros) par an constitue un processus complémentaire. environ. Cependant, d’ici 2030, la valeur de ses marchés alimentaires devrait Quels sont les principaux défis à relever atteindre quelque 1 000 milliards de dol- pour mettre à l'échelle les solutions nu- lars (900 milliards d'euros). mériques afin qu’elles aient un impact ? Et Ainsi, même si l'Afrique n'a pas comment faire ? La start-up Investiv a reçu le soutien de la BAD encore réalisé sa révolution verte, elle est Les perspectives offertes par cet éven- afin d'adopter des technologies lui permettant bien placée pour tirer parti de la révolu- tail de solutions innovantes apportent d'augmenter sa productivité. tion de la numérisation. Ces dernières une bouffée d'air frais au secteur agricole, années, le développement de la connec- qui semble faire face depuis toujours aux supplémentaires dont l’Afrique a besoin tivité Internet et la pénétration de la problèmes de la faible productivité, des pour transformer son agriculture. téléphonie mobile ont progressé plus ravageurs, des maladies et aujourd’hui du La plupart de ces solutions sont pour rapidement qu’ailleurs dans le monde changement climatique. Selon le rapport l’instant encore testées à l’échelle pilote. et les innovations se multiplient sur le du CTA et de Dalberg Advisors sur La Il nous faut des projets qui peuvent être continent. Le contexte actuel offre une digitalisation de l'agriculture africaine, on mis rapidement à l’échelle. Et ici, les chance unique d’exploiter cette dyna- dénombrait en 2018 au moins 365 solu- défis sont nombreux. Le rapport met mique et d’utiliser cette nouvelle ère tions d’agriculture TIC et numériques sur en exergue certains d’entre eux mais du numérique pour faire en sorte que le le continent, utilisées par quelque 32 mil- j’aimerais souligner deux problèmes secteur agricole alimente le développe- lions de petits exploitants agricoles. Ce clés : le manque de fonds et l’absence de ment de l’Afrique. sont des chiffres impressionnants pour plateforme à grande échelle. L'agriculture n’a pas fondamentale- quelque chose de relativement nouveau, Concernant le manque de fonds, ment changé : les cultures ont toujours mais on est encore loin des centaines de chaque révolution nécessite des finan- besoin d’engrais, de semences de qualité, millions de petits exploitants agricoles cements pour que les changements et 14 | SPORE 195
Vous pouvez aussi lire