COMMUNICATION EFFICACE SUR LES RISQUES POUR L'ENVIRONNEMENT ET LA SANTÉ - Rapport stratégique sur les tendances récentes, les théories et les concepts
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COMMUNICATION EFFICACE SUR LES RISQUES POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA SANTÉ Rapport stratégique sur les tendances récentes, les théories et les concepts
COMMUNICATION EFFICACE SUR LES RISQUES POUR L’ENVIRONNEMENT ET LA SANTÉ Rapport stratégique sur les tendances récentes, les théories et les concepts
Résumé Ce rapport offre une présentation stratégique de la communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé dans le monde, tout particulièrement en Europe. Il survole les dernières tendances, les théories et les concepts sur ce sujet, et recense les principales difficultés et les bonnes pratiques. Les constats dressés par le rapport sont complétés par trois études de cas : sur la promotion de la qualité de l’air intérieur dans les écoles en Hongrie ; sur la contamination de l’eau dans la région de la Vénétie en Italie ; et sur l’action sanitaire contre la chaleur en Styrie (Autriche). Mots clés RISK COMMUNICATION ENVIRONMENT HEALTH WHO/EURO:2022-4208-43967-63404 © Organisation mondiale de la Santé 2022 Certains droits réservés. Les présents travaux sont disponibles sous la licence Creative Commons Attribution – Pas d’utilisation commerciale – Partage dans les mêmes conditions 3.0 IGO (CC BY-NC-SA 3.0 IGO ; https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/3.0/ igo). Aux termes de cette licence, vous pouvez copier, distribuer et adapter l’œuvre à des fins non commerciales, pour autant que l’œuvre soit citée de manière appropriée, comme il est indiqué ci-dessous. Dans l’utilisation qui sera faite de l’œuvre, quelle qu’elle soit, il ne devra pas être suggéré que l’OMS approuve une organisation, des produits ou des services particuliers. L’utilisation de l’emblème de l’OMS est interdite. Si vous adaptez cette œuvre, vous êtes tenu de diffuser toute nouvelle œuvre sous la même licence Creative Commons ou sous une licence équivalente. Si vous traduisez cette œuvre, il vous est demandé d’ajouter la clause de non responsabilité suivante à la citation suggérée : « La présente traduction n’a pas été établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS ne saurait être tenue pour responsable du contenu ou de l’exactitude de la présente traduction. L’édition originale anglaise est l’édition authentique qui fait foi : Effective risk communication for environment and health: a strategic report on recent trends, theories and concepts. Copenhagen: WHO Regional Office for Europe; 2021 ». Toute médiation relative à un différend survenu dans le cadre de la licence sera menée conformément au Règlement de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. (http://www.wipo.int/amc/en/mediation/rules/). Proposition de citation : Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé : rapport stratégique sur les tendances récentes, les théories et les concepts. Copenhague : Bureau régional de l’OMS pour l’Europe ; 2022. Licence : CC BY-NC-SA 3.0 IGO. Catalogage à la source. Disponible à l’adresse http://apps.who.int/iris. Ventes, droits et licences. Pour acheter les publications de l’OMS, voir http://apps.who.int/bookorders. Pour soumettre une demande en vue d’un usage commercial ou une demande concernant les droits et licences, voir http://www.who.int/about/licensing. Matériel attribué à des tiers. Si vous souhaitez réutiliser du matériel figurant dans la présente œuvre qui est attribué à un tiers, tel que des tableaux, figures ou images, il vous appartient de déterminer si une permission doit être obtenue pour un tel usage et d’obtenir cette permission du titulaire du droit d’auteur. L’utilisateur s’expose seul au risque de plaintes résultant d’une infraction au droit d’auteur dont est titulaire un tiers sur un élément de la présente œuvre. Clause générale de non responsabilité. Les appellations employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent, de la part de l’Organisation mondiale de la santé, aucune prise de position quant au statut juridique de tel ou tel pays, territoire, ville ou zone, ou de ses autorités, ni quant au tracé de ses frontières ou limites. Les lignes en pointillé sur les cartes représentent des frontières approximatives dont le tracé peut ne pas avoir encore fait l’objet d’un accord définitif. La mention d’entreprises et de produits commerciaux n’implique pas que ces entreprises et produits commerciaux sont agréés ou recommandés par l’Organisation mondiale de la santé, de préférence à d’autres, de nature similaire, qui ne sont pas mentionnés. Sauf erreur ou omission, une majuscule initiale indique qu’il s’agit d’un nom déposé. L’Organisation mondiale de la santé a pris toutes les dispositions voulues pour vérifier les informations contenues dans la présente publication. Toutefois, le matériel publié est diffusé sans aucune garantie, expresse ou implicite. La responsabilité de l’interprétation et de l’utilisation dudit matériel incombe au lecteur. En aucun cas, l’Organisation mondiale de la santé ne saurait être tenue responsable des préjudices subis du fait de son utilisation. Conception graphique : Veranika Ardytskaya
Sommaire SIGLES ET ABRÉVIATIONS........................................................................................................................ iv REMERCIEMENTS.......................................................................................................................................... v INTRODUCTION............................................................................................................................................. 1 1. THÉORIES ET CONCEPTS....................................................................................................................... 7 1.1 Théories et concepts de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé................................................................................................................................................ 7 1.2 Difficultés de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé............................................................................................................15 1.3 Bonnes pratiques favorisant une communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé............................................................................................................17 2. ÉTUDE DE CAS N°1. PROMOUVOIR LA QUALITÉ DE L’AIR INTÉRIEUR DANS LES ÉCOLES EN HONGRIE......................................................................................................22 2.1 Contexte................................................................................................................................................22 2.2 Campagne de communication sur la qualité de l’air intérieur dans les écoles primaires...............................................................................................................................................23 2.3 Campagne de communication.....................................................................................................23 2.4 Canaux...................................................................................................................................................26 2.5 Résultats................................................................................................................................................29 2.6 Enseignements...................................................................................................................................30 3. ÉTUDE DE CAS N°2. CONTAMINATION DE L’EAU DANS LA RÉGION DE LA VÉNÉTIE (ITALIE)...............................................................................................................................33 3.1 Contexte................................................................................................................................................33 3.2 Contamination de l’eau dans la région de la Vénétie...........................................................34 3.3 Méthode de communication........................................................................................................34 3.4 Mesures adoptées après la crise et mesures en cours..........................................................37 3.5 Résultats................................................................................................................................................38 3.6 Enseignements...................................................................................................................................38 4. ÉTUDE DE CAS N°3. ACTION CONTRE LES EFFETS DE LA CHALEUR SUR LA SANTÉ EN STYRIE (AUTRICHE)..........................................................................................................40 4.1 Contexte................................................................................................................................................40 4.2 Protection contre les effets de la chaleur sur la santé en Autriche..................................41 4.3 Campagne de communication.....................................................................................................42 4.4 Résultats................................................................................................................................................48 4.5 Actions futures....................................................................................................................................48 4.6 Enseignements...................................................................................................................................49 5. CONCLUSIONS.........................................................................................................................................51 RÉFÉRENCES..................................................................................................................................................52 ANNEXE 1. ANALYSE DES DIFFICULTÉS ET DES BONNES PRATIQUES................................60
Sigles et abréviations ESB Encéphalopathie spongiforme bovine HERA Programme de recherche sur l’environnement et la santé MCJ Maladie de Creutzfeldt–Jakob NPHC Centre national de santé publique (Hongrie) PFAS Substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (code) QR Quick response ZAMG Zentralanstalt für Meteorologie und Geodynamik (Institut central de météorologie et de géodynamique, Autriche) iv
Remerciements Le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe adresse ses remerciements à toutes les personnes qui ont rendue possible la publication de ce rapport. Les auteurs du présent rapport sont deux chercheurs indépendants, le docteur Glenn O’Neil et le docteur Sarah Grosso. Le professeur Martin Bauer, directeur du Master of Science Social and Public Communication, du Département de science psychologique et comportementale de la London School of Economics and Political Science, a révisé le rapport et apporté sa contribution à la partie théorique et conceptuelle. Le docteur Sinaia Netanyahu et le docteur Julia Nowacki du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, ont participé à la structure et à l’élaboration stratégique du rapport et des études de cas, et à la révision de ses versions successives. Les auteurs sont reconnaissants du soutien apporté par les personnes ayant accordé un entretien en vue des études de cas et/ou fourni d’importantes informations et ressources, outre la révision des études de cas (cf. ci-dessous). Les auteurs remercient également James Creswick et Cristiana Salvi du Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, pour la révision du rapport. Les membres du réseau du programme de recherche sur l’environnement et la santé (HERA) en Europe ont également eu l’opportunité de réviser la publication et d’apporter des commentaires. La présente publication entre dans le cadre du projet HERA, financé par le programme d’innovation et de recherche Horizon 2020 de la Commission européenne (accord de subvention n° 825417). Entretiens et révision des études de cas Étude de cas n° 1. Promotion de la qualité de l’air intérieur dans les écoles en Hongrie Dr Tamas Szigeti, chef du projet InAirQ, directeur du laboratoire Hygiène de l’air, Centre national de la santé publique, Budapest (Hongrie). Étude de cas révisée par le docteur Szigeti et Veronika Gál, directrice des communications, Centre national de la santé publique, Budapest (Hongrie). Étude de cas n° 2. Contamination de l’eau dans la région de la Vénétie en Italie Dr Gisela Pitter, Directrice médicale, UOC Screening and Health Impact Assessment, Azienda Zero, région de la Vénétie (Italie). v
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé Étude de cas révisée par le docteur Pitter, Leda E. Nemer, consultante au Bureau européen de l’OMS pour l’investissement en faveur de la santé et du développement, Venise (Italie), et par le docteur Francesca Russo, directrice des services de la santé publique et de la promotion du développement de l’hygiène, région de la Vénétie (Italie). Étude de cas n° 3. Action sanitaire contre la chaleur en Styrie (Autriche) Dr Eva Franziska Matthies-Wiesler, chercheuse principale, Helmholz Centre, Munich (Allemagne) Christian Pollhammer, fonctionnaire du gouvernement provincial de Styrie, Département 8 – Santé, soins infirmiers et gestion de la science et des soins, Division médicale, Graz (Autriche). Sonja Spiegel, directrice adjointe de la section VII – Systèmes de santé, département 2 – Prévention des radiations, environnement et santé, ministère fédéral des Affaires sociales, de la Santé, des Soins et de la Protection du consommateur, Vienne (Autriche). vi
Introduction Un environnement sain est essentiel à l’amélioration de la santé et à la protection de la vie. La riposte à la COVID-19 et à d’autres menaces sanitaires climatiques et environnementales a produit des recherches, de l’expérience et un savoir considérables à propos de la communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé. En guise de contribution à ces efforts, ce rapport offre une présentation stratégique de la communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé dans le monde, tout particulièrement en Europe. Le présent rapport décrit les principales théories, les concepts et les difficultés, de même que les bonnes pratiques inhérentes à une communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé. Il expose trois études de cas, qui permettent d’illustrer les pratiques et les difficultés actuelles d’une telle communication. Ce rapport a été commandé par le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, dans le cadre du programme de recherche sur l’environnement et la santé (HERA) en Europe, financé par une subvention au titre d’Horizon 2020, de la Commission européenne. Le projet HERA a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (accord de subvention n° 825417). Le but de ce projet est de fixer les priorités d’un programme de recherche sur l’environnement, le climat et la santé dans les pays de l’Union européenne, en adoptant une approche globale, systémique et inclusive face aux changements climatiques mondiaux, et en couvrant les principaux aspects de politique et de recherche stratégique. Définition La définition par l’OMS de la communication sur les risques est la suivante : Échange en temps réel d’informations, de conseils et d’opinions entre experts ou responsables officiels et personnes se trouvant face à une menace (un risque) contre leur survie, leur santé ou leur bien-être économique ou sociale. Son objectif ultime est que chaque personne exposée au risque soit capable de prendre des décisions informées pour atténuer les effets de la menace (le risque), telle qu’une flambée de maladie, et de prendre des mesures de protection et de prévention (OMS, s.d.). La communication sur les risques peut faire référence à un vaste ensemble de questions allant au-delà de la santé publique, notamment des risques et des menaces technologiques, environnementales, sociétales ou catastrophiques (Glik, 2007 ; 1
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé Leiss, 2004). La perception du risque est quant à elle, le jugement subjectif que des personnes se forment sur les caractéristiques et la gravité d’un risque, tel qu’un danger potentiel (Gellman & Turner, 2013 ; Sandman, 1989). Le présent rapport traite de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé. Les principaux aspects de ce type de communication sont les suivants (Gamhewage, 2014 ; Glik, 2007 ; WHO, 2013) : • La communication sur les risques concernait traditionnellement la diffusion d’informations au public sur les risques à l’investissement (cargos n’arrivant pas à leur port de destination, par exemple), les risques ou les menaces pour la santé (dus à un déversement de pétrole par exemple) ou les flambées de maladie (telles qu’une épidémie), mais elle a évolué jusqu’à prendre en compte actuellement une large gamme de risques et de menaces. • La communication sur les risques pour l’environnement et la santé couvre à la fois les risques graves, tels que les accidents industriels, et les risques chroniques de long terme, tels que la pollution atmosphérique. Bien que les mêmes théories et tactiques de communication s’appliquent, la nature des risques influence la façon de les aborder. • Le cœur de la communication sur les risques ne porte plus seulement sur la diffusion de l’information, mais également sur une meilleure compréhension du processus de communication menant à des changements de croyances et de comportements. • La communication sur les risques n’a pas de frontières et s’avère appropriée et applicable localement aussi bien que mondialement. • La communication sur les risques comprend à la fois la communication interne – avec les agents de santé de première ligne par exemple – et la communication externe, avec les publics affectés. • Les grandes tendances mondiales façonnent la communication sur les risques, accroissant sa visibilité et créant des difficultés significatives (cf. ci-dessous). • La communication sur les risques pour l’environnement et la santé s’appuie sur des perspectives interdisciplinaires incluant de nombreux domaines, notamment la gestion des risques, la gestion des catastrophes, la promotion de la santé, les études médiatiques, la communication de crise, et sur des champs plus vastes tels que la psychologie, l’anthropologie, la santé, le droit et la philosophie. Bien que communication sur les risques et communication de crise soient souvent utilisés de façon synonyme, les deux termes comportent des différences fondamentales. La communication de crise implique souvent de communiquer sur les risques, mais elle est en grande partie centrée sur le maintien ou la restauration de la réputation d’organisations touchées par des crises (Coombs & Holladay, 2011 ; Heath & O’Hair, 2010). 2
Introduction Par ailleurs, la communication sur les risques exécutée en situation de crise comporte un fort élément de préparation (Glik, 2007). La communication sur les risques peut être également appliquée à des risques chroniques et aigus pour la santé. Toutefois, les liens entre communications sur les risques et de crise sont puissants : un risque qui n’est pas géré correctement peut mener à une situation de crise (Coombs & Holladay, 2011), et la communication sur les risques pendant des crises telles que les situations d’urgence de santé publique est un centre d’intérêt fondamental (OMS, 2017a). Grandes tendances Un certain nombre de mutations et de changements majeurs (de « grandes tendances ») se sont produits au cours des décennies récentes et ont influencé la communication sur les risques pour l’environnement et la santé. Des risques de plus en plus complexes, mondiaux et incertains Bien que d’énormes progrès aient été réalisés en matière de santé de la population mondiale au cours du siècle dernier, les menaces et les risques environnementaux pour la santé publique se sont multipliés, et sont devenus plus complexes, incertains et mondiaux par nature (Martuzzi & Tickner, 2004 ; WHO, 2020b). Alors que la pandémie de COVID-19 a été la crise dominante de la période 2020-2021, des risques chroniques de plus long terme, tels que la pollution de l’air, les agents chimiques nocifs, les déchets et les sites contaminés continuent de menacer la santé et le bien-être des citoyens européens, en particulier les plus vulnérables (Jakab, 2017 ; WHO, 2020b). Tandis que les risques pour la santé publique liés à l’environnement persistent – tels que l’eau non potable et un assainissement déficient –, de nouveaux risques émergent rapidement ; la gestion des déchets électroniques et les dangers des microplastiques en sont de récents exemples (WHO, 2020a). Les conséquences du changement climatique sur la santé sont de plus en plus largement reconnues, tout comme les divers risques constatés dans les zones côtières, rurales et urbaines de l’Europe (WHO, 2018b). Recul de la confiance dans les experts et les autorités Dans le monde entier, les sondages montrent un recul de la confiance du public dans les gouvernements, les entreprises, les médias et les organisations non gouvernementales (ONG) ; le crédit accordé à ces institutions et à leurs systèmes a diminué (Edelman, 2021 ; Hosking, 2019). Bien que la confiance dans les professionnels de santé individuellement, soit traditionnellement élevée (Brownlie, 2008), des responsables politiques ont pendant la pandémie de COVID-19, publiquement mis en cause la véracité des mises en garde des experts en santé publique (Cairney & Wellstead, 2021). Le recul de la confiance dans les autorités et les responsables politiques est également lié aux incohérences des comportements de ces derniers dans la riposte aux menaces et aux risques. Un exemple 3
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé de cela a été constaté au Royaume-Uni, où le manquement aux règles de confinement imposées en raison de la COVID-19 aurait affaibli les messages de santé publique et la confiance du public dans les réponses gouvernementales (Fancourt, Steptoe & Wright, 2020). Toutefois, les preuves du « recul de la confiance » ne sont pas homogènes, et le risque existe d’une culture du « syndrome du déclin », qui le nourrirait : il est prouvé que certaines institutions, mais pas toutes, perdent leur bastion de confiance dans la société (certaines tendances sectorielles existent également, comme c’est le cas pour les médecins aux États-Unis depuis les années 1970). La confiance peut être perdue pendant une crise, puis revenir, comme cela a été le cas avec les spécialistes du climat pendant le « climategate » de 2009 – Bauer, Pansegrau et Shukla (2019) considèrent que le pouvoir des données scientifiques obéit au modèle du « saut à l’élastique ». Dans certains pays – par exemple, au Royaume-Uni et aux États-Unis –, la confiance globale dans la science est demeurée stable, voire a augmenté pendant la pandémie de COVID-19 ; elle n’a décliné que dans certains groupes, tels que ceux des personnes politiquement à droite (Bauer, 2018 ; Bauer, Pansegrau & Shukla, 2019). Au niveau mondial, la confiance dans les scientifiques demeure élevée (73 % d’après un sondage mondial début 2021, en baisse cependant par rapport aux 80 % de 2020) ; un examen des sondages mondiaux portant sur la COVID-19 et la confiance a conclu que « les scientifiques et les experts médicaux bénéficiaient d’une montée du soutien public » (Jensen, Kennedy & Greenwood, 2021). Quant à la confiance dans les responsables gouvernementaux, elle a été durablement faible – s’établissant à 41 %, en recul par rapport aux 43 % de 2020 (Edelman, 2021). Passage d’une communication unilatérale à une communication bilatérale, voire multidirectionnelle La communication entre des organisations et des publics n’est plus envisagée comme un processus unilatéral, dans lequel les organisations et leurs responsables officiels s’expriment, tandis que les publics écoutent et font ce qu’on leur dit. Qu’il s’agisse d’entreprises, d’institutions gouvernementales ou d’ONG, les organisations reconnaissent de plus en plus la valeur et la nécessité du dialogue avec les publics, au moyen d’interactions, d’engagements, d’écoute et de relations (Macnamara, 2016). En outre, la communication bilatérale et multidirectionnelle s’est montrée plus efficace que la communication unilatérale. En matière de communication sur les risques, il a été prouvé qu’une meilleure connaissance des positions des publics et l’écoute de leurs préoccupations rendaient ces derniers plus ouverts au dialogue et au changement (Renn, 2010 ; van Zwanenberg & Millstone, 2006). Les trois études de cas examinées aux fins de cette recherche (cf. chapitres 2 à 4 plus bas) révèlent toutes l’usage d’une communication multidirectionnelle et soulignent l’importance du dialogue avec les publics concernés. Perte d’influence des médias traditionnels et fragmentation des canaux médiatiques Les médias traditionnels, tels que la radio, la télévision et les journaux d’information, jouaient un rôle important d’« intermédiaires » et d’« élaboration de l’agenda » auprès des 4
Introduction publics, sélectionnant et filtrant effectivement ce qu’ils considéraient comme importants et appropriés pour leurs publics, et soutenant les questions politiques, sociales ou économiques qu’ils voyaient comme vitales. Pourtant au cours des décennies récentes, ce rôle influent des médias traditionnels a diminué à mesure que les canaux médiatiques se fragmentaient et se multipliaient ; les personnes reçoivent de plus en plus de nouvelles et d’informations de sources multiples, en provenance notablement, des réseaux sociaux. Aux États-Unis en 2020, un peu plus de la moitié (55 %) de la population compte « parfois » ou « souvent » sur les réseaux sociaux pour ce qui concerne les nouvelles, un chiffre qui était même un peu supérieur chez les moins de 30 ans (Infield, 2020). Une étude datée de 2017 établissait que 42 % des Européens consultaient les réseaux sociaux chaque jour et que ce chiffre augmentait chaque année de 4 % ; le même usage accru était constaté chez les jeunes aux États-Unis (Eurobaromètre, 2018 ; Infield, 2020). Les réseaux sociaux peuvent également créer un effet de « chambre d’écho », dans laquelle les personnes consomment des nouvelles conformes à leurs croyances politiques, sont rarement contestées et partagent des nouvelles et des opinions avec des personnes de même sensibilité uniquement (Malecki, Keating & Safdar, 2021). Bien que les personnes comptent sur les réseaux sociaux pour l’apport de nouvelles, ces réseaux sont invariablement la source la moins investie de confiance depuis 2016 ; l’utilisation des moteurs de recherche est la première source de confiance, devant les médias traditionnels (Edelman, 2021). La montée des fausses nouvelles, de la « malinformation » et de l’« infodémie » Aujourd’hui, la « mésinformation » (diffusion non intentionnelle de fausses informations) s’est transformée en « désinformation » (diffusion délibérée d’informations trompeuses), puis en quelque chose de plus sinistre, la « malinformation » (informations vraies réarrangées et diffusées pour nuire) (Baines & Elliott, 2020). Ce virage a été exacerbé par la pandémie de COVID-19 et « l’infodémie » – diffusion rapide d’une quantité excessive d’informations, vraies comme fausses – qu’elle a engendrée. De tels événements avaient été observés précédemment pendant la crise due à la flambée d’encéphalopathie spongiforme bovine (ou ESB) / maladie de Creutzfeldt-Jakob (ou MCJ), communément connue sous le nom de maladie de la « vache folle », dans les années 1980 et 1990 (Dora, 2006). Au début de 2020, il a été constaté que la quantité d’informations peu crédibles sur la COVID-19 ayant été diffusées sur la plateforme du réseau social Twitter égalait la quantité d’informations provenant de sources plus crédibles telles que les médias traditionnels et les centres de lutte contre les maladies (Buchanan, 2020). Les « fausses nouvelles » et la croyance dans les mensonges ou les allégations fallacieuses à propos de sujets tels que les vaccins et le changement climatique étaient déjà des motifs de préoccupation avant la COVID-19. Il a été montré que ce qui est en question n’est pas que les personnes soient mal informées ou ignorantes de faits scientifiques de base ; mais plutôt que cela reflète leurs croyances et idéologie plus profondes (Scheufele & Krause, 2019). Même lorsque les propos erronés sont corrigés directement chez les personnes qui les tiennent, ces personnes ne changent pas nécessairement d’opinions ; 5
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé elles vont plus probablement s’auto-justifier et même renforcer leurs opinions initiales (Krause et al., 2020 ; Uscinski et al., 2020). Toutefois, être mal informé et professer ce type d’opinions est une chose ; les diffuser en est une autre : des études ont montré que les fausses nouvelles se répandaient plus vite que les informations vérifiées et – de façon inquiétante –, jusqu’à 100 fois plus largement (Vosoughi, Roy & Aral, 2018). La confiance dans toutes les sources d’information – médias traditionnels, réseaux sociaux et médias contrôlés (c’est-à-dire les sites Web d’entités officielles) – a reculé au niveau mondial entre 2020 et 2021, chute considérée comme étant le résultat de l’infodémie de COVID-19 (Edelman, 2021). L’importance de la communication sur les risques, soulignée par la COVID-19 La pandémie de COVID-19 a accéléré et cristallisé un grand nombre des tendances susmentionnées : la nature mondiale et incertaine de la menace, le manque de confiance dans les experts de la santé et dans les faits sanitaires de la part de certains publics, et la diffusion rapide d’informations erronées. La COVID-19 a illustré encore davantage l’importance d’une communication efficace sur les risques. Les études réalisées à ce jour sur la manière dont les personnes perçoivent les risques de la COVID-19 montrent l’importance des facteurs sociaux, culturels et de ceux liés à l’expérience dans la motivation des comportements de prévention en matière de santé (Abrams & Greenhawt, 2020 ; Dryhurst et al., 2020). Les perceptions se sont révélées encore davantage polarisées lorsque la réticence à adopter des comportements de prévention tels que le port du masque s’est trouvée renforcée par la foi dans les théories conspirationnistes et la confiance dans les médias conservateurs (Romer & Jamieson, 2020). Ce n’est pas seulement un phénomène « occidental » : une étude conduite en Afrique subsaharienne a montré que la croyance dans des informations erronées au sujet de la COVID-19 (telles que l’allégation selon laquelle la COVID-19 a été conçue pour réduire la population mondiale) était associée avec la non-application de mesures sanitaires (Osuagwu et al., 2021). Comme le démontre l’étude de cas n°3 sur l’action contre les effets de la chaleur sur la santé (cf. chapitre 4 ci- dessous), la COVID-19 a dominé les voies de communication et potentiellement réduit l’attention accordée par les publics aux autres risques pour l’environnement et la santé, tels que les vagues de chaleur. Ces grandes tendances ont des conséquences claires et concrètes sur la mise en œuvre d’une communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé, comme cela est discuté ci-dessous. 6
1. Théories et concepts 1.1 Théories et concepts de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé Les théories de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé s’appuient sur un certain nombre de disciplines, comme mentionné plus haut, et sur une combinaison de littérature et d’orientations spécialisées, associées aux pratiques constatées dans les institutions et chez les acteurs de la santé. Il n’est donc pas surprenant qu’il existe des théories et des approches concurrentes de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé (Covello, Slovic & von Winterfeldt, 1986 ; van Zwanenberg & Millstone, 2006). Il existe toutefois un consensus général sur la pertinence et l’importance de certains concepts pour ce type de communication, comme souligné dans ce chapitre. À un haut niveau, la communication sur les risques pour l’environnement et la santé peut être conceptualisée à l’aide des éléments du modèle de communication classique (Covello, Slovic & von Winterfeldt, 1986 ; Berry, 2007). Bien qu’il faille reconnaître les limites du modèle classique – qui est très simplifié et en grande partie unilatéral –, celui- ci offre un panorama des points communs et des particularités de la communication sur les risques, comparée à la communication en général (cf. Tableau 1). Tableau 1. Particularités de la communication sur les risques par rapport au modèle de communication classique1 Élément Particularités de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé • Multiples sources scientifiques/sanitaires • Désaccords entre experts • Sources pseudo-scientifiques et/ou non crédibles • Manque de confiance dans les sources Expéditeur • Intérêts différents (source) • Les publics pouvant être sources (par exemple, en situation de catastrophe) • Complexité ou nature extrêmement technique des messages • Incertitude du contenu du message Message • Messages concurrents sur les thèmes de l’environnement et de la santé 1 Modèle adapté de Covello, Slovic & von Winterfeldt (1986) et de Berry (2007), fondé sur le modèle de 1947 de Shannon–Weaver, avec addition par les auteurs actuels du « Contexte » et de la « Rétroaction » (ces éléments figurent dans de nombreux modèles ultérieurs). 7
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé Tableau 1 (suite) • Récits sélectifs ou tendancieux • Réseaux sociaux mettant plus en valeur les fausses informations que les informations vérifiées Canal • Attention particulière aux aspects sensationnels • Bruit interne considérable inhérent aux situations de crise, qui affectent la capacité à envoyer/recevoir des informations • Écrasante quantité d’informations disponibles • Bruit externe considérable (informations fausses et mensongères, Bruit notamment des théories conspirationnistes), inhérent à l’infodémie, qui distrait les récepteurs des informations vérifiées • Publics captifs et non captifs • Mauvaise compréhension/interprétation des informations Récepteur • Perception inexacte des risques • Rôle clé des facteurs sociaux, politiques, culturels et liés à l’expérience • Nécessaire adaptation locale en dépit des phénomènes mondiaux Contexte • Rôle des conditions, structure et systèmes en place • Présence de risque(s) aigu(s) et/ou chronique(s) • Compréhension des croyances/perceptions des risques par les publics • Écoute et suivi sociaux pour faciliter la compréhension Rétroaction • Mettre en place des canaux pour recevoir les réactions du public Les quatre types d’effets (ou objectifs) visés par la communication sur les risques peuvent être résumés en quatre catégories générales (Covello, Slovic & von Winterfeldt, 1986 ; Gamhewage, 2014 ; Renn, 2010). La fonction d’explication : développer une compréhension des risques, des évaluations des risques, des menaces et des dangers, en rassurant et dans l’idéal, en tenant compte des perceptions dominantes du risque par les publics ; La fonction de changement de comportements : encourager l’adoption de comportements réduisant les risques par les personnes, et réduire ou éliminer le risque pour leur vie, leur santé, et celle des autres ; La fonction de construction de la confiance : promouvoir la crédibilité des institutions en charge des risques ; 8
Théories et concepts La fonction de participation : impliquer les publics dans la planification de la décision en matière de gestion des risques ; permettre le dialogue, comprendre et améliorer les relations. En vue d’obtenir les effets voulus, deux questions essentielles sont considérées de l’avis général comme des points importants de la communication sur les risques pour l’environnement et la santé : le risque et la confiance. 1.1.1 Perceptions du risque La notion du risque existe à la fois dans l’évaluation des experts – c’est-à-dire dans les perceptions des experts – et dans les perceptions du public. L’un des points cruciaux dans la question du risque consiste à savoir comment les perceptions diffèrent chez les experts et dans le public. Le public pensant (et les responsables politiques et les décideurs) sont influencés non seulement par les faits scientifiques, mais par d’autres facteurs et contraintes différentes, qui peuvent être groupés comme suit (Dryhurst et al., 2020 ; Gamhewage, 2014 ; WHO, 2013) : • facteurs et contraintes cognitifs : connaissances et compréhension de la situation à risque et compétences à la prendre en charge ; • facteurs et contraintes liés aux émotions et à l’expérience : expérience personnelle directe et celle des amis et de la famille ; et • contraintes socioculturelles : influences et valeurs sociales, religieuses et culturelles donnant la priorité à certains dangers plutôt qu’à d’autres – le choix d’accorder une attention particulière à certains dangers et d’en ignorer d’autres est influencé par le sexe, l’éducation, les croyances économiques et politiques, l’idéologie et la classe sociale. Sandman (1989) soutient que la perception du risque est un jugement subjectif formé de deux éléments : le danger et l’indignation. Plus le sentiment d’indignation est élevé, plus l’intensité avec laquelle les personnes percevront le risque sera forte (pouvant même prévaloir sur le danger réel). Même un danger insignifiant peut être perçu comme étant à haut risque lorsque l’indignation est forte (Gilk, 2007 ; WHO, 2013). Les perceptions du risque et des avantages sont fortement influencées par le contenu du message, qui a peu à voir avec les faits. Dans le cas d’un danger inconnu et émergent tel que la pandémie de COVID-19, l’indignation accompagnée d’une réaction émotionnelle commandera davantage la perception que les faits scientifiques (Malecki, Keating & Safdar, 2021). Comme le montre l’étude de cas n°1 sur la lutte contre la pollution de l’air intérieur dans les écoles en Hongrie (cf. chapitre 2 plus bas), lorsque la perception du risque est faible, la pression exercée par le public sur les responsables politiques pour qu’ils agissent contre ces risques 9
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé est également inférieure. Un ensemble de facteurs pouvant déclencher l’indignation a été identifié (Gamhewage, 2014 ; Gilk, 2007 ; Sandman, 1989) ; ceux-ci comprennent : • la méconnaissance ou la nouveauté d’un danger ; • la nature involontaire du problème ; • un danger affectant les générations futures ; • la nature artificielle (industrielle) du risque ; • un danger qui ne peut être vu ni pressenti ; • les tentatives d’étouffement de l’affaire ou le silence ; • des résultats potentiellement mortels et/ou catastrophiques ; • les tentatives de persuasion des publics au sujet de l’affaire ; • la survenue d’accidents ; • deux vérités simultanées à propos de l’affaire ; • le désaccord entre experts ; • des conflits d’intérêt ; • des types de comportement contradictoires ; et • la répartition inéquitable du risque. À un même instant, la perception du risque et l’indignation varient fortement d’une personne à une autre. La lutte contre la pandémie de COVID-19 a nettement montré l’influence des croyances, des conceptions du monde et de l’idéologie sur le risque perçu. Cela n’est pas nouveau : une corrélation forte avait été trouvée précédemment entre les valeurs culturelles et les risques perçus des déchets nucléaires et du changement climatique (Balog-Way, McComas & Besley, 2020). Les personnes tendent à percevoir les risques comme étant plus menaçants si leurs autres croyances contiennent des connotations négatives, et comme moins menaçants si celles-ci contiennent des connotations positives (Renn, 2010). C’est pourquoi la compréhension des perceptions du risque par les publics dans le but de concevoir des messages plus efficaces est une préoccupation constante en communication sur les risques ; c’est également l’une des raisons principales de l’intérêt pour le développement du dialogue et des relations avec les publics (Glik, 2007 ; WHO, 2013). 1.1.2 Gagner et maintenir la confiance Une communication sur les risques efficace implique bien davantage qu’une bonne appréhension des chiffres (Fischhoff, 1995) ; le risque comprend les expériences des personnes, les valeurs et la confiance dans les institutions (Dryhurst et al., 2020). La perte de confiance dans les autorités et les experts, telle qu’elle est décrite plus haut, est une 10
Théories et concepts préoccupation majeure de la communication sur les risques. La confiance dans les autorités sanitaires par exemple, peut compenser une perception négative du risque, tandis qu’un manque de confiance peut s’ajouter à la négativité des perceptions (Renn, 2010). Les problèmes causés par la perte de confiance sont aggravés en situation de crise car lorsque des personnes sont angoissées, elles deviennent souvent méfiantes et moins susceptibles d’accepter la validité des messages de communication (Glik, 2007). L’expérience de la COVID-19 a également démontré l’inverse, lorsque la confiance des personnes dans les scientifiques et les agents de santé a augmenté (Jensen, Kennedy & Greenwood, 2021). En outre, lorsque les personnes ont peu de connaissances sur un risque, et seulement une expérience indirecte, la confiance dans les autorités et les experts est encore plus importante, quoiqu’il existe des rôles variés pour ce que l’on nomme les « élites », tels que les responsables politiques, les personnalités médiatiques et les célébrités (Siegrist & Cvetkovich, 2000 ; Uscinski et al., 2020). Lorsque les personnes ont confiance dans les autorités – si elles sont convaincues que les autorités « s’occupent » d’elles –, elles peuvent également avoir une perception moindre du risque et moins s’intéresser à le connaître. La confiance comprend de multiples facettes, qui peuvent être décrites à travers six composantes (Renn, 2010 ; Renn & Levine, 1991) (cf. Figure 1). Figure 1. Les 6 composantes de la confiance Équité Cohérence Objectivité Sincérité Bonne Compétence perçue Confiance foi – « bonne volonté » Gagner la confiance n’implique pas nécessairement pour les autorités de remplir toutes les composantes, mais des incohérences persistantes peuvent mener à la méfiance ; si les publics ne font pas confiance aux autorités, ils ne feront pas confiance au message (van Zwanenberg & Millstone, 2006). Paradoxalement, la méfiance peut également avoir des effets positifs pour la communication sur les risques, dans certains situations ; par exemple, une moindre confiance dans le gouvernement de la part de certains citoyens pendant la pandémie de COVID-19 a été un facteur de motivation du respect des distances sociales et du port du masque, car certains responsables politiques conseillaient 11
Communication efficace sur les risques pour l’environnement et la santé le contraire (Cairney & Wellstead, 2021). Des études montrent que la création et le gain de la confiance sont des tâches complexes, que la diffusion d’informations et l’empathie avec les publics ne pourront mener à bien seules ; l’écoute, des réactions systématiques et le dialogue sont nécessaires (Glik, 2007 ; Macnamara, 2016 ; Renn, 2010). Les prédispositions des publics sont liées aux concepts de risque et de confiance. Comme l’a illustrée la pandémie de COVID-19, les prédispositions des personnes, telles que leurs croyances et leurs opinions se sont révélées prédictives de leurs attitudes et de leurs comportements vis-à-vis des mesures sanitaires de prévention de la COVID-19 (Dryhurst et al., 2020 ; Green et al., 2020 ; Romer & Jamieson, 2020). Il est de plus en plus admis que l’éducation du public par des informations scientifiquement valides n’aura qu’un succès limité si elle ne tient pas compte de leurs prédispositions, au coté de leurs perceptions du risque et de leur confiance (Ho et al., 2019). Les faits scientifiques dénués d’émotions seront concurrencés par des histoires chargées en émotions, qui accompagnent l’indignation et attirent l’attention, comme cela a été constaté pendant la pandémie de COVID-19 (Krause et al., 2020). Lors du traitement d’informations scientifiques (ou erronées), les personnes comptent souvent sur des approches « heuristiques » – des raccourcis mentaux permettant de rendre plus digestes des informations complexes –, ce qui ne mène pas toujours aux croyances, et comportements conséquents, les plus rationnels ou les meilleurs, en raison de l’influence potentielle des prédispositions et des arguments émotionnellement chargés (Krause et al., 2020). 1.1.3 Communiquer la complexité et l’incertitude La communication sur les risques pour l’environnement et la santé amène souvent à avoir affaire aux concepts de complexité et d’incertitude, en particulier dans les situations d’urgence. L’une des préoccupations initiales de la communication sur les risques était le sentiment de devoir expliquer des sujets scientifiques complexes à des publics pour contrecarrer leur incompréhension, leur manque de savoir scientifique ou leur pure ignorance (Glik, 2007 ; van Zwanenberg & Millstone, 2006). Mais le « modèle du déficit de connaissance », dans lequel le public, considéré comme un tout, peine pour comprendre des faits scientifiques, a été largement discrédité (Krause et al., 2020). En outre, des études conduites au Royaume-Uni montrent qu’en réalité, la connaissance des faits scientifiques par le public augmente (Bauer, 2018). Un sondage réalisé au niveau mondial début 2021 a montré que le désir du public d’« accroître (sa) culture scientifique » a augmenté de 43 % entre 2020 et 2021 (Edelman, 2021). L’obligation d’expliquer des sujets scientifiques complexes a été remplacée par la nécessité de mieux connaître ce que les publics savent déjà, où sont leurs lacunes de connaissances et comment le risque communiqué trouve sa place parmi leurs prédispositions, leurs perceptions du risque existant et leur niveau de confiance (Abrams & Greenhawt, 2020 ; Renn, 2010). En Europe par exemple, le niveau de connaissance du changement climatique 12
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