Comorbidit e du trouble panique et des troubles du syst'eme de l' equilibre : etat de la question Panic disorder and vestibular/equilibrium ...
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L’Encéphale (2007) 33, 738—743 journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep MÉMOIRE ORIGINAL Comorbidité du trouble panique et des troubles du système de l’équilibre : état de la question Panic disorder and vestibular/equilibrium dysfunctions: State of the art L. Vaillancourt a, C. Bélanger a,b,∗ a Département de psychologie, université du Québec à Montréal, CP 8888, Succ. Centre-ville, Montréal, Québec H3C 3P8, Canada b Département de psychiatrie et centre de recherche, université McGill, hôpital Douglas, Montréal, Canada Reçu le 9 septembre 2005 ; accepté le 16 août 2006 Disponible sur Internet le 5 Septembre 2007 MOTS CLÉS Résumé À ce jour, nombre d’études portant sur des échantillonnages cliniques et des patients Trouble panique ; consultant pour des troubles de l’équilibre ont rapporté une forte proportion de co-occurrence Agoraphobie ; entre le trouble panique avec ou sans agoraphobie (TP/A) et les dysfonctions du système ves- Système tibulaire. Dans les écrits scientifiques sur le sujet, certains modèles explicatifs tentent de vestibulaire ; rendre compte de ce phénomène. L’évitement agoraphobique et des niveaux d’anxiété éle- Vertiges vés semblent être des marqueurs des patients qui souffrent des deux conditions. Toutefois, en dépit du nombre croissant de recherches effectuées dans l’optique de mieux comprendre cette comorbidité, les caractéristiques qui distinguent les individus aux prises avec les deux troubles demeurent peu définies. Le présent article dresse le portrait de ces caractéristiques et des critères qui permettent de suspecter qu’un individu puisse souffrir à la fois d’un TP/A et d’un trouble du système de l’équilibre. Des voies de recherches futures, portant à la fois sur ce problème de comorbidité et sur les interventions pertinentes à développer dans le traitement de ces troubles sont proposées. © L’Encéphale, Paris, 2008. KEYWORDS Summary This paper reviews the literature on the links between panic disorder with or without Panic disorder; agoraphobia and vestibular dysfunction. To date, it has been established that these condi- Agoraphobia; tions are encountered in high proportions in psychiatric samples and in patients consulting for Vestibular system; equilibrium problems. Three models have tried to hypothesize the mechanisms underlying this Vertigo co-occurrence. Agoraphobic avoidance and high anxiety level seem to be characteristics of indi- viduals affected by both conditions. Moreover, vestibular dysfunctions appear to be predicted ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : belanger.claude@uqam.ca (C. Bélanger). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2006.08.007
TP/A et troubles du système de l’équilibre 739 by individuals feeling uncomfortable in situations characterized by spatial and/or motor par- ticularities. Additional studies on that topic would be beneficial. Further studies should try to better understand people with both panic disorder and dysfunctions of the equilibrium system. These individuals who suffer from both conditions may avoid activities that particularly call upon the equilibrium system, such as walking on uneven surfaces or undertaking some forms of transportation. The cognitive substrates pertaining to the feared consequences of the physical symptoms may also differentiate this group from uncomplicated anxiety disorder patients. For example, these individuals with uncomplicated panic disorder may fear having a heart attack or suffocating as a result of a panic attack, whereas individuals suffering from both conditions may be more prone to apprehending falling or vomiting. The paper also proposes (1) the analysis of characteristics of individuals in remission from both conditions so that effective components of treatment are emphasized, and (2) targets for treatment for these comorbid patients. © L’Encéphale, Paris, 2008. Introduction ou chaleurs, sensations de vertige, paresthésies, peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou, peur de La co-occurrence entre le trouble panique avec ou sans mourir et des sentiments de déréalisation. Lorsque ces agoraphobie (TP/A) et les dysfonctions du système vesti- attaques de panique sont répétées et qu’elles surviennent bulaire est bien établie dans les écrits scientifiques portant de manière fortuite, le diagnostic de trouble panique (TP) sur ces problèmes. Nombre d’études rapportent en effet la est considéré. Les individus qui souffrent de ce trouble présence de TP/A chez les individus qui consultent pour des appréhendent les sensations physiques qui sont vécues lors problèmes de vertiges. Inversement, des recherches rap- des attaques de panique ou les conséquences potentielles portent que plusieurs individus avec un TP/A présentent de ces dernières. Le mécanisme central de ce trouble des anomalies du système de l’équilibre. Certains cher- se situe précisément au niveau de cette hyperréactivité cheurs ont tenté d’expliquer les liens qui relient ces deux par rapport aux sensations physiques qui sont perçues de problèmes et plusieurs hypothèses ont été avancées. À façon menaçante. Certaines de ces réactions physiques, cet effet, certains modèles explicatifs combinant à la interprétées comme banales par la majorité des gens, seront fois des facteurs cognitifs, biologiques et émotionnels ont décodées, par les gens avec un TP, comme des stimuli dan- été proposés. Toutefois, les recherches effectuées afin de gereux et elles seront assimilées au prodrome d’une attaque comprendre cette comorbidité présentent toujours plus de de panique incontrôlable. Cette hypervigilance amène le questions que de réponses dans leurs mises en comparai- sujet anxieux à balayer son environnement à la recherche son des caractéristiques des individus aux prises avec ces de dangers potentiels et de réactions physiques de peur. Le deux conditions et celles de ceux affectés par seulement trouble représente donc une phobie intéroceptive, c’est- l’une de celles-ci. La présente recension d’articles scien- à-dire centrée sur les symptômes physiques [1,24]. De tifiques dresse le portrait des éléments qui permettent de façon générale, les individus qui présentent un TP/A sont suspecter qu’un individu puisse rencontrer de façon conco- donc prédisposés à paniquer à partir de variations physio- mitante les critères d’un TP/A et d’un trouble du système logiques minimes, qu’elles qu’en soit la nature. Elles ont de l’équilibre. Les deux problématiques sont décrites et les en outre tendance à croire que les sensations physiques données sur leur co-occurrence sont analysées. Des pistes de de l’anxiété peuvent avoir des conséquences négatives sur recherche qui semblent prometteuses pour l’étude de cette leur santé. Cette sensibilité à l’anxiété prédispose au TP/A comorbidité sont abordées, et des pistes de traitement sont [31]. Le Manuel diagnostique et statistique des troubles finalement suggérées. mentaux (DSM-IV) [2] regroupe certaines caractéristiques qui sont fréquemment associées à ce trouble. Notamment, plusieurs individus avec un TP ont des craintes quant L’attaque de panique et le trouble panique aux conséquences possibles des attaques de panique. Ils avec ou sans agoraphobie appréhendent parfois que leurs symptômes n’indiquent une dysfonction physique non diagnostiquée. Ainsi, bien qu’ils L’Association américaine de psychiatrie [2] définit l’attaque puissent chercher à être rassurés par des contrôles médicaux de panique comme étant un phénomène circonscrit fréquents, souvent ces craintes subsistent en dépit de ces dans le temps et qui se caractérise par l’apparition tentatives d’être rassurés. Certains individus avec un TP subite d’appréhensions, de peurs ou de terreurs de très pensent en outre que leurs attaques de panique laissent forte intensité. Ces sensations sont souvent couplées présager qu’ils sont sur le point de perdre la tête ou de àvec l’impression qu’une catastrophe est imminente. Les perdre la maı̂trise de leurs comportements. Nombre de attaques peuvent comporter les symptômes suivants : trem- personnes aux prises avec un TP deviennent déprimées et blements, augmentation du rythme cardiaque/palpitations, découragées de leur condition. Fréquemment, ces patients transpiration, sensation d’avoir le souffle court ou impres- vont aussi développer des comportements d’agoraphobie et sion d’étouffement, sensation d’étranglement, douleur ou ils vont éviter les situations et/ou les endroits propres à gêne thoracique, nausées ou gêne abdominale, frissons susciter les attaques de panique. Ils sont en conséquence
740 L. Vaillancourt, C. Bélanger souvent anxieux lorsqu’ils se trouvent dans des lieux ou une vision instable [9]. Lorsqu’elles se chronicisent, de des circonstances où il pourrait être ardu ou embarras- telles dysfonctions sont habituellement compensées par sant de s’éclipser, où il pourrait être difficile d’obtenir de l’organisme. Ainsi, les informations qui sont fournies par les l’aide dans le cas où ils ressentiraient des symptômes de la systèmes intacts (i.e. vision et proprioception) prédominent panique. sur celles fournies par l’appareil vestibulaire. En résultante, les symptômes de la dysfonction sont plus à risque de se Prévalence et comorbidité du TP/A faire sentir dans des situations où l’information, en prove- nance du corps ou du système visuel, est insuffisante ou inadéquate. Finalement, il est à noter que les symptômes La prévalence du TP/A dans la population générale est ressentis causent un malaise qui, dans certaines situations, estimée à 5 % [32]. Plus spécifiquement, la prévalence peut aussi être éprouvé chez des gens sans dysfonction à vie dans la population générale française est estimée vestibulaire. Par exemple, lorsque l’information en prove- à 3,0 % pour le TP et à 1,8 % pour l’agoraphobie [21]. nance d’un système intact est inaccessible (e.g. absence S’il demeure non-traité, le TP/A peut devenir chronique de repère visuel fixe alors que le sol bouge) [10], lorsque et diminuer la qualité de vie [22], et les risques de le système vestibulaire est stimulé de façon intense (e.g. développer des troubles comorbides sont élevés. Dans les tête secouée) ou encore, lorsqu’il y a un mouvement inha- cas les plus sévères, l’individu peut être incapable de bituel d’accélération du corps (e.g. les manèges dans une sortir de son domicile [8]. La dépression majeure est fête foraine). fréquente et survient dans 60 % des cas [7]. De plus, le portrait clinique révèle souvent la présence d’autres troubles anxieux tels que : la phobie sociale (15—30 %) ; le trouble obsessionnel-compulsif (8—10 %) ; les phobies Le TP/A et les problèmes du système de simples (10—20 %) ainsi que le trouble d’anxiété généralisée l’équilibre (25 %) [2]. Les personnes qui souffrent de TP/A et celles qui sont Le système de l’équilibre et ses aux prises avec des dysfonctions du système vestibulaire présentent des portraits cliniques similaires par plusieurs dysfonctionnements aspects. Trois symptômes physiques sont fréquemment retrouvés chez ces deux troubles soit la sudation, les nausées L’équilibre résulte de l’intégration des informations sen- et les vertiges [26]. De plus, les gens avec des dysfonctions sorielles redondantes en provenance de la vision, de la du système vestibulaire adoptent fréquemment des com- proprioception et du système vestibulaire. La propriocep- portements d’évitement des situations appréhendées, entre tion réfère à la sensibilité propre aux os, aux muscles, autres par crainte de ressentir ces symptômes dans des lieux aux tendons et aux articulations, qui renseignent sur où il pourrait être difficile de sortir ou de recevoir de l’aide. la position qu’occupe le corps dans l’espace, qu’il soit Ce modèle comportemental peut s’apparenter à l’évitement immobile ou en mouvement [29]. Situé dans l’oreille agoraphobique retrouvé dans le TP/A [23,29,34,35]. Cer- interne, le système vestibulaire comporte un ensemble taines hypothèses exploratoires pouvant expliquer le lien de senseurs qui permettent de détecter les mouvements unissant les deux problématiques ont déjà été avancées ; la d’angulation et d’accélération linéaire de la tête. Le prochaine section présente les modélisations permettant la système visuel fournit quant à lui des informations sur la structuration de ces pistes de recherche. forme, la dimension, la texture et le mouvement des objets. L’équilibre est maintenu grâce à des activités réflexes adaptatives qui combinent des informations afférentes Modèles explicatifs des liens entre TP/A et issues de ces trois systèmes : visuel, proprioceptif et vestibulaire. problèmes du système de l’équilibre Les syndromes de désordres otoneurologiques (i.e. propres au fonctionnement de l’oreille et du système Dans une revue des écrits scientifiques effectuée en 1998, nerveux) sont classifiés de façon typique selon qu’ils Simon et al. [26] présentent les assises empiriques des trois impliquent le système vestibulaire périphérique ou cen- principaux modèles élaborés jusqu’à maintenant pour expli- tral. Les dysfonctions du système vestibulaire périphérique quer les liens entre le TP/A et les problèmes du système de comprennent des atteintes des structures de l’oreille l’équilibre. interne ou du nerf crânien numéro VIII. Par ailleurs, les dysfonctions du système vestibulaire central comportent des atteintes des structures comprises dans le cerveau ou La théorie somatopsychique dans le cervelet [16]. Un dysfonctionnement du système vestibulaire provoque des symptômes qui résultent d’une La première théorie dite « somatopsychique », stipule que incongruence entre les informations qui proviennent de la certains cas de TP sont déclenchés par une mauvaise vision, du système proprioceptif et de l’appareil vestibu- interprétation des sensations internes, notamment vestibu- laire [9]. L’inconfort ressenti est proportionnel à l’écart et laires, et sont associées à une sensation de danger imminent aux dissonances entre les informations en provenance de [26]. Par l’entremise d’un processus de conditionnement ces trois systèmes. La symptomatologie associée au système intéroceptif, ces personnes développent une hypersensibi- vestibulaire comporte des sensations de vertige (i.e. une lité aux sensations vestibulaires, ce qui accroı̂t l’anxiété et perception illusoire de mouvement [3], de déséquilibre et favorise le développement du TP/A.
TP/A et troubles du système de l’équilibre 741 La théorie psychosomatique de comorbidité élevés avec d’autres types de pathologies [14,28]. Selon la deuxième théorie dite « psychosomatique », les dys- fonctions vestibulaires sont une conséquence de l’anxiété La prévalence des dysfonctions du système de [26]. La sensibilité du réflexe vestibulo-oculaire, qui a comme fonction de maintenir une perception stable de l’équilibre chez les patients avec un TP/A l’environnement pendant les mouvements de la tête, serait ici augmentée par certaines réponses anxieuses telles que Une recension des écrits de Simon et al. [26] relève cinq l’hyperventilation et l’hypervigilance [10]. études qui évaluent la fonction otoneurologique des patients avec un TP/A. Malgré les différences existantes entre ces recherches (i.e. terminologie, tests réalisés, définitions), de La théorie du réseau d’alarme même que certaines limites reliées à l’absence de groupe témoin (trois études), des dysfonctions vestibulaires sont La troisième théorie dite « théorie du réseau d’alarme », est présentes de manière significative dans chaque échantillon de nature neuropsychiatrique [26]. Elle stipule qu’une struc- d’individus avec un TP/A. De plus, l’étude réalisée par Hoff- ture du cerveau, le locus coerulus, est plus sensible chez les man et al. [17] va dans ce sens. En effet, les 19 individus personnes qui ont des troubles de l’équilibre. Cette hyper- avec un TP/A évalués présentent des dysfonctions vestibu- sensibilité ferait en sorte que l’individu puisse ressentir plus laires. Plus récemment, Tecer et al. [30] ont investigué le facilement de l’anxiété en produisant de fausses alarmes en fonctionnement auditif et vestibulaire de 34 individus aux lien avec des problèmes d’équilibre somme toute triviaux, prises avec un TP/A et de 20 sujets témoins. Les résultats mais perçus à travers une lunette grossissante [20]. ont démontré une proportion significativement plus élevée Certains chercheurs qui ont établi les assises des modèles de dysfonctions vestibulaires chez le groupe TP/A clinique explicatifs pouvant rendre compte des relations entre le (50 %) comparativement au groupe témoin (15 %). TP/A et les problèmes du système de l’équilibre ont finalement postulé que certains liens neurologiques et neu- rochimiques unissant le système vestibulaire et le système Caractéristiques des individus ayant un nerveux autonome puissent rendre compte de la simul- trouble du système de l’équilibre comorbide à tanéité des symptômes du TP et des étourdissements (i.e. un TP/A pertes de conscience passagères, vertiges, sensations de gri- serie) [5,6,15]. Plus spécifiquement, Balaban [4] suggère Le repérage d’anomalies du système vestibulaire chez plu- que l’un des circuits d’informations du cerveau, soit le noyau sieurs groupes de patients a poussé certains auteurs à se raphé dorsal, puisse jouer un rôle important dans cette asso- questionner quant à la spécificité des dysfonctions ves- ciation entre les dysfonctions vestibulaires et les réponses tibulaires par rapport au TP/A [33]. Ces chercheurs ont anxieuses. Ce circuit regrouperait les informations motrices soulevé la possibilité que les dysfonctions vestibulaires et sensorielles relatives aux mouvements du corps. De plus, puissent constituer un facteur de vulnérabilité commun en fonction des aspects aversifs du mouvement, le noyau à plusieurs maladies psychiatriques [26,30]. À ce propos, raphé dorsal serait responsable de l’ajustement de la sensi- Jacob et al. [18] ont relevé la proportion de dysfonctions bilité des réponses affectives de l’individu. vestibulaires présente chez des gens souffrant de divers problèmes affectifs ou anxieux. Ils ont comparé des indivi- dus aux prises avec un TP/A, une phobie sociale, un trouble La prévalence du TP/A chez les patients qui d’anxiété généralisée, une dysthymie ou une dépression consultent pour des problèmes de vertiges majeure. Ils ont aussi constitué un échantillon de sujets témoins (i.e. exempts de psychopathologie). Les résultats Le TP/A semble être tout particulièrement prévalent chez obtenus révélèrent qu’en comparaison avec tous les autres les patients qui consultent pour des vertiges. Dans une étude groupes de patients, ceux qui présentaient un TP avec de réalisée par Simpson et al. [27] auprès des patients qui l’agoraphobie modérée à sévère rapportaient significative- présentent des vertiges sans cause organique identifiable, ment plus de dysfonctions vestibulaires. Alors que plusieurs 76 % rencontraient les critères du TP/A. Frommberger et études ont confirmé une telle association [18,25,33,36], les al. [14] ont mené une étude similaire auprès de 76 per- recherches ne sont cependant pas toutes unanimes sur ce sonnes aux prises avec des problèmes d’équilibre. Dans cet point. À cet effet, l’étude de Tecer et al. [30] rapportée échantillon, 30 % rencontraient les critères du TP/A. Quatre antérieurement n’entérine pas ce lien puisque dans cette autres études recensées entre 1990 et 1997 rapportent des étude la présence de vertiges entre les attaques de panique taux de TP/A variant de 14,9 à 41 % chez des patients qui était la seule condition qui prédisait les dysfonctions du ont reçu une évaluation pour des symptômes de trouble de système de l’équilibre. l’équilibre [11,12,14,28]. Ces taux, même s’ils sont plus bas Clark et al. [11] se sont pour leur part intéressés aux que ceux rapportés par Simpson et al. demeurent néanmoins patients qui consultaient à la fois pour des vertiges et de cinq à 15 fois plus élevés que dans la population générale une perte auditive. Seule une certaine proportion de ce [19]. Notons cependant que, tel que rapporté, la majorité groupe rencontrait les critères du TP/A (20 %). Ces personnes des recherches démontrent que le TP/A est fréquemment présentaient significativement plus d’évitement phobique lié aux problèmes de vertiges, certaines études sont moins et d’anxiété, suggérant un niveau de détresse plus élevé et concluantes. Ces recherches, portant aussi sur des patients handicapant. L’étude d’Eckhardt-Henn et al. [13], menée qui présentent des vertiges, indiquent plutôt des taux auprès de 202 patients qui consultaient pour des ver-
742 L. Vaillancourt, C. Bélanger tiges, révèle des conclusions apparentées. En effet, les nostic, certaines questions devront aussi être adressées en sujets qui présentaient un trouble de l’équilibre résultant ce qui a trait aux comportements dysfonctionnels adoptés d’une lésion organique et un trouble psychiatrique (patho- comme stratégie de gestion du trouble. Notamment, les logies anxieuses : 37 %, somatoformes : 40 %, et dépressives : individus avec un TP/A avec et sans dysfonction vestibu- 23 %) démontraient significativement plus de détresse, de laire évitent-ils le même type de situations ? L’hypothèse, plaintes, de difficulté à travailler et d’absentéisme au tra- selon laquelle les individus avec un TP/A couplé à un trouble vail. de l’appareil vestibulaire puissent éviter certaines acti- Par ailleurs, certains individus avec un TP/A res- vités sollicitant particulièrement le système de l’équilibre, sentiraient de l’inconfort dans certaines situations où peut être posée. Par exemple, le fait de marcher sur des l’information proprioceptive ou visuelle est inadéquate pour surfaces inégales, d’être assis dans un véhicule en mou- une bonne orientation dans l’espace. Ce type de réaction, vement ou de se trouver en hauteur et de regarder vers connu sous l’appellation d’inconfort spatiomoteur (traduc- le bas sont toutes des situations propres à effrayer la tion libre de space and motion discomfort), corrèlerait personne souffrant d’un trouble de l’équilibre. Cette per- positivement avec la présence de dysfonctions vestibulaires sonne devrait, toutes proportions gardées, éprouver plus [18]. Cette réaction se présenterait dans des environne- de craintes dans ces situations, par opposition aux situa- ments caractérisés par un des éléments suivants : tions plus générales évitées par l’agoraphobe. Hormis le caractère différent des situations évitées, il serait aussi • une richesse de stimuli visuels ou encore des patrons plausible que les assises cognitives des craintes portant sur visuels répétitifs (par exemple les centres d’achats ou les les symptômes physiques puissent différer chez les individus allées des supermarchés) ; avec un TP/A selon qu’ils présentent ou non une dysfonction • une instabilité visuelle (par exemple les vitesses de du système de l’équilibre. En effet, les premiers pourraient locomotion différentes entre le sujet et des objets en par exemple craindre de perdre l’équilibre, de tomber ou mouvement lors de déplacements dans une foule ou en encore d’avoir la nausée, alors que les seconds pourraient automobile) ; également appréhender des symptômes cardiaques ou res- • une exigence à devoir réorienter son corps par rapport à la piratoires. De plus, en fonction du système impliqué dans gravité (par exemple devoir pencher la tête vers l’arrière le trouble de l’équilibre (i.e. système visuel, propriocep- afin de regarder le sommet de hauts bâtiments) ; tif ou vestibulaire), la proportion d’individus qui présentent • l’observation de distances visuelles très longues (par un TP/A diffère-t-elle ? La similarité dans la symptomato- exemple regarder à l’horizon à partir d’un observatoire logie des deux troubles semble suggérer que les individus situé en hauteur). L’inconfort spatiomoteur serait dans dont le système vestibulaire est dysfonctionnel sont plus ces situations caractérisé par les nausées, les vertiges, propices à présenter un TP/A. Tel que discuté, il serait les étourdissements ou par des pertes d’équilibre. concevable que les symptômes de ces deux pathologies se voient associés par un mécanisme de conditionnement d’une phobie intéroceptive. Même s’il est possible de Conclusion poser l’hypothèse de symptomatologies distinctes pour les deux problématiques sous étude, tel que précédemment La recension des écrits portant sur le trouble panique exposé le syncrétisme de ces concepts est susceptible avec ou sans agoraphobie et sur les dysfonctions vesti- de générer certaines confusions dans l’établissement de bulaires permet donc de confirmer les hypothèses selon ces diagnostics. Une opérationnalisation plus fine de ces lesquelles il existe des facteurs communs propres aux concepts pourrait donc aider les cliniciens à être alertes deux syndromes. Il convient néanmoins de noter que les aux indicateurs pouvant pister vers l’existence de dysfonc- connaissances portant sur la comorbidité des deux troubles tionnements du système de l’équilibre chez certains clients. sont encore fragmentaires. Il est probable que cet état Le développement d’une nosologie plus fine des caractères de faits s’explique partiellement par le syncrétisme des distinctifs de ces deux problématiques demeure donc un concepts sous étude. Les symptômes hétérogènes propres objectif pour les prochaines recherches portant sur le sujet. aux deux problématiques n’étant pas toujours clairement L’état des connaissances actuelles en ce qui a trait au distingués entre eux. Ainsi, l’inconfort ressenti lors de cer- chevauchement des symptômes du TP/A et des troubles de taines situations où le système de l’équilibre est sollicité, et l’équilibre est-il susceptible d’apporter un éclairage nova- où des caractéristiques spatiales et motrices particulières teur sur la prise en charge de ces troubles ? Il semble exister sont présentes, prédirait les troubles de l’appareil vestibu- un rapprochement entre les composantes actives comprises laire. Il serait cependant tout aussi possible que les mêmes dans les traitements respectifs pour chacun de ces deux symptômes puissent prédire le TP/A dans un autre environ- troubles [9]. L’analyse de l’efficacité des diverses compo- nement. Il devient dès lors difficile de poser un diagnostic santes sur les symptômes des deux troubles n’a cependant exact en se fondant sur une symptomatologie distincte. De encore jamais été réalisée. Ce type de recherche évaluative ce fait, peu de paramètres pour le diagnostic et pour le trai- pourrait permettre de préciser les éléments actifs du trai- tement sont accessibles pour le clinicien qui suspecte qu’un tement, en précisant quels symptômes pour chacun des individu aux prises avec un TP/A puisse avoir un trouble troubles sont traités par quelle(s) composante(s) du trai- du système de l’équilibre, et plus particulièrement une tement. Le but ultime étant d’offrir à chaque client le dysfonction vestibulaire. Plusieurs questionnements concer- traitement le plus adapté à sa condition. nant cette interrelation demandent donc à être explorés et Une dernière piste de recherche se dessine par rapport raffinés. Outre le problème posé par la surimpression des à l’examen de l’influence d’une dysfonction vestibulaire symptômes précédemment décrit et qui brouille le diag- chez les personnes qui suivent un traitement pour le TP/A ;
TP/A et troubles du système de l’équilibre 743 cette piste n’a encore jamais été investiguée. En effet, reflexes in panic disorder. Otolaryngol Head Neck Surg il serait intéressant d’examiner non seulement si les dys- 1994;110:259—69. fonctions vestibulaires peuvent constituer un facteur de [18] Jacob RG, Furman JM, Durrant JD, et al. Panic, agoraphobia, maintien du TP/A, mais aussi de préciser les composantes du and vestibular dysfunction. Am J Psychiatry 1996;153:503—12. [19] Kessler RC, McGonagle KA, Zhao S, et al. Lifetime and 12- traitement qui auraient avantage à être intégrées dans les month prevalence of DSM-IV-R psychiatric disorders in United interventions auprès de ces individus. L’objectif ultime de States: results from the national comorbidity survey. Arch Gen cette démarche intégrative est le développement de trai- Psychiatry 1994;51:8—19. tements mieux coordonnés et intégrés dans les cas de la [20] Krystal JH, Deutsch DN, Charney DS. 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