Contribution de la Chaire Desjardins pour le zero-draft
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Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Contribution de la Chaire Desjardins pour le zero-draft Dans le présent document, on entend par économie verte, une économie qui contribue au développement durable en entraînant une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale, tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie des ressources. L’économie verte et le développement durable ne peuvent survenir dans des délais impartis si les entreprises, formant le tissu économique des pays développés ou émergents, ne sont pas en mesure de bien comprendre le discours des cadres institutionnels. Le document préparatoire du sommet de RIO+20, Progress to date and remaining gaps in the implementation of the outcomes of the major summits in the area of sustainable development, as well as an analysis of the themes of the Conference (A/CONF.216/PC/7), 7-8 march 2011 dresse une liste d’éléments problématiques relatifs à la prise en compte des principes de développement durable par les sociétés. Entre autres, le document révèle la présence d’un décalage entre ceux qui rédigent les lois et les politiques, et ceux qui sont responsables de les mettre en œuvre. Il existe aussi un décalage entre ces responsables et les entreprises, agrandissant par le fait même l’incompréhension le système. Sans surprise, malgré la somme des efforts locaux, nationaux et internationaux, la magnitude des résultats ne démontre pas l’ampleur de la somme des investissements; le message ne passe pas facilement. Plusieurs raisons peuvent expliquer ces décalages. Les gouvernements s’inspirent des conventions internationales, où les concepts discutés, tel celui du développement durable, sont complexes. Le discours pour intégrer un tel concept doit se situer à un niveau élevé, soit celui d’une nation. Un tel discours se traduit par des lois, des principes, des normes et des codes. Les entreprises évoluent dans une réalité où les enjeux demeurent souvent à un niveau plus local. Elles ont besoin d’outils concrets leur permettant d’évoluer rapidement compte tenu de leur contexte particulier, tout en s’alignant sur les principes de la société. En somme, il est normal que les niveaux de discours que l’on retrouve dans une loi et à l’échelle d’une entreprise diffèrent. Au Canada, le gouvernement du Québec a adopté en avril 2006 la Loi sur le développement durable. La base première des 16 principes de développement durable formant le cœur de cette loi se fonde sur l’ensemble des 27 principes issus du consensus international du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992. Le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE), en concertation avec le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), a financé la réalisation d’un sondage permettant de mesurer le degré de prise en 1
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada compte du concept de développement durable par les entreprises québécoises, de même que la réalisation du projet pilote BNQ 21000. Cette expérimentation, menée auprès d’une cinquantaine d’entreprises sur une période de 24 mois, met en application le guide BNQ 21000. Ce référentiel, développé par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), propose aux entreprises, et plus largement aux organisations, une démarche de développement durable, qui mène à la prise en compte par les entrepreneurs de pratiques de gestion associées à des enjeux concrets pour eux (d’un niveau local, soit à l’échelle de l’entreprise), lesquels enjeux sont reliés aux principes de la Loi sur le développement durable (d’un niveau à l’échelle d’une loi, d’une convention internationale). L’organisme Neuvaction s’est associé à la Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, au Bureau de la normalisation du Québec (BNQ) et à une vingtaine de conseillers séniors provenant de différents bureaux d’étude afin de réaliser ce projet-pilote financé par le MDEIE. La substance des propositions de ce document émane de cette expérimentation enrichissante qui, jusqu’à maintenant, a mobilisé pas moins d’une soixantaine d’experts1 venant de partout à travers la province du Québec, provoquant par le fait même un échange d’expertise favorable au projet et aux intervenants. Le projet-pilote montre que l’approche décrite dans le guide BNQ 21000 possède définitivement le potentiel de clarifier les actions et d’accélérer l’implantation du développement durable dans les entreprises, et donc, de dynamiser l’accélération de la mise en œuvre de l’économie verte. Plus précisément, cette nouvelle approche constitue une réponse du cadre institutionnel du gouvernement du Québec visant à renforcer chacun des piliers du développement durable et leur intégration à différents niveaux, notamment envers les entreprises suivant une approche de déploiement nouvelle et porteuse. L'expérience entourant le guide et son implantation permet d’émettre un ensemble de constats relatifs à une prise en compte concrète du contenu de la Loi sur le développement durable du Québec par les entreprises issues de différents secteurs. Il est proposé par la Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke que les autorités responsables du développement durable dans les États, mettent de l’avant des mécanismes pour faciliter l’arrimage entre les politiques gouvernementales et les enjeux des entreprises et des organisations. Plus précisément, ces propositions présentent un ensemble de solutions visant à minimiser les problématiques de décalage soulevées en introduction et 1 Membres du comité de la normalisation : 20; Experts consultants : 16; Professeurs et spécialistes de l’Université de Sherbrooke et autres : 25; Membres du comité de direction représentant les partenaires et financiers du projet-pilote : 7. 2
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada permettent, par un meilleur arrimage, d’accroître la rapidité et la compréhension de la mise en œuvre du développement durable, et par extension de l’économie verte, au niveau des entreprises. En substance, les quatre propositions de la Chaire visent respectivement à aligner pour clarifier, à évaluer pour apprendre et progresser, à outiller pour synchroniser et intégrer et, finalement, à mesurer pour planifier. Plus précisément : A. Aligner les enjeux des entreprises sur les principes de la société pour clarifier le discours (Gouvernance). Proposition d’une méthodologie de liaison entre les principes de développement durable et les enjeux auxquels sont confrontées les entreprises. De manière concise, cette proposition vise à soutenir les cadres institutionnels dans le renforcement des piliers du développement durable et leur intégration, en alignant d’une manière compréhensible et structurée, le niveau local sur le niveau national. a. La méthodologie présentée dans le document ci-joint est décrite de manière à permettre à d’autres cadres institutionnels de suivre les avancées réalisées au Québec et de faire la liaison entre leurs principes nationaux et leurs enjeux locaux. B. Évaluer l’intégration du développement durable dans les entreprises pour les aider à apprendre et à progresser vers les attentes de la société (Gouvernance et Économie verte). Proposition d’un outil, le guide BNQ 21000, qui permet aux entrepreneurs de réaliser un premier état des lieux de l’avancement du développement durable dans leurs entreprises. Ce guide fait la liaison entre les enjeux concrets du développement durable et les principes de la Loi sur le développement durable du Québec, et aligne, par le fait même, les entreprises vers les attentes de la société québécoise. a. Le fonctionnement de l’outil, qui prend la forme d’une autoévaluation, présenté dans le document ci-joint, est décrit de manière à permettre à toutes entreprises, et plus largement les organisations, de réaliser un autodiagnostic. b. La norme BNQ 21000 ainsi que l’outil d’autoévaluation (Annexe D, p. 33) est offerte à tous gratuitement. Pour l’obtenir, il suffit de laisser son adresse courriel sur le site suivant : http://www.bnq21000.qc.ca/guide-bnq-21000/description/ C. Mesurer au niveau national le taux de progression de l’adoption du développement durable dans les entreprises pour planifier les interventions gouvernementales (Gouvernance). 3
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Proposition d’un outil de mesure aidant les États et les cadres institutionnels à mesurer la progression nationale du développement durable dans les entreprises. Cet outil, synchronisé avec le guide BNQ 21000, permet de mieux comprendre et d’évaluer les différents stades du cycle de diffusion du développement durable dans un tissu économique. a. La méthodologie présentée dans le document ci-joint est décrite de manière à permettre à d’autres cadres institutionnels de suivre les avancées réalisées au Québec et de reproduire les résultats de l’étude menée au Québec. b. L’étude menée au Québec est disponible et gratuite. Il est possible de la trouver dans les publications Web du MDEIE2. D. Outiller pour synchroniser les efforts des entreprises et du cadre institutionnel et pour mieux intégrer le développement durable dans les entreprises (Gouvernance et Économie verte). Proposition d’un coffre à outils et du Manuel (Handbook) de bonnes pratiques de gestion en développement durable, synchronisés avec le guide BNQ 21000, facilitant la mise en œuvre du développement durable en entreprise. Cette synchronisation avec le référentiel, planifiée dès la conception des outils et de ce manuel, facilite la compréhension et l’entente entre les intervenants et les parties prenantes. Offrir des outils synchronisés aux responsables des institutions, aux consultants et aux entreprises permet de réduire les décalages entre les parties. a. Le projet-pilote se déroule actuellement. La documentation présente la liste des outils présentement en cours d’expérimentation. À la fin du projet, les outils seront disponibles auprès du BNQ à l’adresse suivante : http://www.bnq21000.qc.ca b. La Chaire Desjardins supervise la rédaction du Manuel (Handbook) des bonnes pratiques de gestion en développement durable, lequel est synchronisé avec le guide BNQ 21000 et la boîte à outils. Un extrait de ce document est présenté dans la documentation où il est possible de reconnaître la synchronisation avec le référentiel. La Chaire Desjardins a pour objectif de lancer le livre lors du Sommet de RIO+20. 2 http://www.mdeie.gouv.qc.ca/pageSingleCFile/bibliotheques/etudes-analyses/sondage-en-developpement-durable-a-lintention-des- entreprises-du-quebec-rapport- final/?tx_igfileimagectypes_pi1%5Buid%5D=1980&tx_igfileimagectypes_pi1%5BdlImage%5D=1&tx_igfileimagectypes_pi1%5Bindex%5D=0 &cHash=da636ad61c6aeb6af01adb24eef936f0 4
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada De l’expérience issue du projet BNQ 21000, il est possible d’affirmer qu’une des clés permettant la réduction des décalages perçus en introduction réside dans la mise en évidence des enjeux locaux d’entreprises. Ces enjeux clarifient les discours et représentent l’origine des avancées réalisées, ainsi que la prémisse des propositions présentées dans ce document. Afin d’éviter que des politiques se développent mondialement sans coordination, il serait souhaitable que les conclusions de RIO+20 puissent proposer un premier bassin d’enjeux d’entreprises. Si toutes les nations puisent leurs enjeux à la même source, il sera plus simple de coordonner et d’uniformiser l’ensemble des ententes internationales futures, tout en respectant les individualités de tout un chacun. Il sera aussi plus simple de développer et de partager des outils et des solutions. Pour le cadre institutionnel, la création d’un bassin d’enjeux d’entreprises aura pour avantage de réduire les décalages perçus, d’accélérer la mise en œuvre du développement durable, et par extension de l’économie verte, et finalement, d’améliorer la synchronisation des actions mondiales. La Chaire Desjardins de l’Université de Sherbrooke propose d’utiliser, à titre de base de réflexion, les enjeux de l’entreprise définis dans le guide BNQ 21000. À ces quatre propositions s’ajoute un résultat attendu découlant de RIO+20 : Renouveler le bassin des principes de RIO et proposer un premier bassin d’enjeux d’entreprises (Gouvernance et Économie verte). L’ensemble des propositions ci-dessus forment une nouvelle base de réflexion favorisant la prise en compte des liens unissant les aspects d’ordre « micro » aux aspects d’ordre « macro » qu’amènent inévitablement des thématiques sociétales telles que le développement durable. Finalement, le projet-pilote pourra, l’espère-t-on, servir de base de discussion et d’ouverture d’horizon vers de nouvelles idées, voire inspirer une mise en œuvre ailleurs dans le monde. Le document ci-joint présente et développe chacune des propositions précitées. Pour toute question, le lecteur est invité à communiquer avec le soussigné qui se fera un plaisir de répondre à toute interrogation. Jean Cadieux, Ph. D. Professeur titulaire Chercheur principal sur la norme BNQ 21000 Chaire Desjardins en gestion du développement durable Faculté d'administration, Université de Sherbrooke 2500 boulevard de l'Université, Sherbrooke QC J1K 2R1 CANADA 5
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Introduction : Dans le cadre de ce document : « Les principes sont à la société ce que les enjeux sont aux entreprises. » Afin de clarifier le discours, il est impératif dans un premier temps de distinguer le niveau de pensée associé à chacun de deux mots-clés : principe et enjeu. Principe : Il est proposé que le mot principe soit utilisé de manière « macro » (ex. : macroéconomique, macro-environnement, …), notamment dans le sens de la réalité prise au niveau national ou sociétal. Enjeu : Il est proposé que le mot enjeu soit utilisé de manière « micro » (microéconomique, micro-environnement, …), notamment dans le sens de la réalité prise au niveau local, soit celui de l’entreprise. Sans être exacte, cette distinction des niveaux de pensée permettra de comprendre la nature des décalages, pour finalement mieux composer avec ces derniers. Un des éléments à la base de la problématique de décalages entre ceux qui écrivent les lois, ceux qui les appliquent et finalement ceux qui gèrent les entreprises provient du fait que leurs langages sont différents. Les premiers s’expriment en termes de principes, dans un langage davantage « macro », et les derniers s’expriment dans un langage « micro », laissant à ceux du milieu (soit ceux qui appliquent les lois) le fardeau de traduire les deux niveaux de pensée. Afin de diminuer les décalages, de faciliter l’arrimage et d’accélérer l’implantation des principes de développement durable dans les entreprises, il revient aux hautes sphères des États, du fait qu’elles disposent d’une vision plus globale des choses, de s’exprimer dans un langage davantage « micro » pour ce qui est des enjeux d’entreprises. . L’inverse, ne serait-ce que par le nombre, relève de l’impossible. 6
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Proposition A : Aligner pour clarifier Proposition d’une méthodologie de liaison entre les principes de développement durable (DD) et les enjeux auxquels font face les entreprises. Plus précisément, cette proposition vise à soutenir les cadres institutionnels dans le renforcement des piliers du développement durable et leur intégration, et ce, en alignant d’une manière compréhensible et structurée le niveau local au niveau national (Gouvernance). Ce texte expose une méthodologie qui permet de faire la liaison entre des principes de DD dont peut se munir un cadre institutionnel et les enjeux des entreprises œuvrant sur son territoire. Plus précisément, la méthodologie se divise en cinq étapes simples et distinctes : 1. Étudier, définir et énoncer les principes de DD auxquels une société aspire. 2. Étudier, définir et énoncer les enjeux caractéristiques des entreprises œuvrant sur le territoire de la société en question. 3. Associer chaque enjeu aux principes auxquels il se rapporte. 4. Choisir un modèle conceptuel de progression de la maturité des entreprises. 5. Pour chaque enjeu, étalonner les pratiques de gestion selon les stades de maturité du modèle conceptuel et de manière à atteindre une pratique de gestion qui, en progressant, s’aligne de plus en plus aux principes de la société. Étape 1 : Étudier, définir et énoncer les principes de développement durable auxquels une société aspire. Au Québec, la Loi sur le développement durable adoptée en 2006 contient 16 principes qui formalisent un engagement réel de la société québécoise envers le DD. Cette loi est basée sur les 27 principes de DD issus du consensus international du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992. Les 16 principes de la loi sont les suivants : a) santé et qualité de vie, b) équité et solidarité sociale, c) protection de l’environnement, d) efficacité économique, e) participation et engagement, f) accès au savoir, g) subsidiarité, h) partenariat et coopération intergouvernementale, i) prévention, j) précaution, k) protection du patrimoine culturel, l) préservation de la biodiversité, m) respect de la capacité de support des écosystèmes, n) production et consommation responsables, o) pollueur-payeur, p) internalisation des coûts. 7
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Les principes de la loi sont définis à la Section I de la loi sur le développement durable du Québec. L’annexe A présente les définitions de chacun des principes telles qu’ils ont été adoptés dans la Loi sur le développement durable. La loi est accessible à l’adresse Internet suivante : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2006C3F.PDF Étape 2 : Étudier, définir et énoncer les enjeux caractéristiques des entreprises œuvrant sur le territoire de la société en question. Les bases premières des enjeux utilisés dans la Norme BNQ 210003 fut l'ensemble des enjeux du référentiel SD 21000 de l’AFNOR, le GRI, le Global compact et la Loi sur le développement durable du Québec. Dans le cadre du développement du référentiel BNQ 21000, les enjeux des entreprises ont été divisés en quatre thèmes : économiques, sociaux, environnementaux et transversaux. Enjeux économiques : Contrôle de la rentabilité, Pérennité de l'organisation, Pratiques d'investissements, Pratiques d'achat ou d'approvisionnement, Impact sur le développement local Enjeux sociaux : Conditions de travail, Développement des compétences, Participation et relations de travail, Équité, Santé et sécurité au travail Enjeux environnementaux : Gestion des matières premières et résiduelles, Gestion de l'énergie, Gestion de l'eau, Gestion des émissions de gaz à effets de serre (GES), Gestion d'autres types de pollution, Gestion de l'impact environnemental local Enjeux transversaux : Vision, mission et valeurs, Stratégie de l’organisation, Éthique des affaires, Responsabilité sur les produits et services, Gouvernance L’annexe B de ce document présente les définitions des enjeux sélectionnés pour le BNQ 21000. Étape 3 : Associer chaque enjeu aux principes auxquels il se rapporte. En étudiant l’approche ascendante partant des enjeux « micros » des entreprises vers les principes « macros » de la société (Bottom-Up), il est possible de constater, en consultant l’annexe B, que 3 Sur le site Internet du Bureau de la normalisation du Québec (BNQ),il est possible de télécharger gratuitement le guide BNQ 21000 - norme P 9700-021-12 : Développement durable – Guide pour l’application des principes dans la gestion des entreprises et des autres organisations, http://www.bnq21000.qc.ca/guide-bnq- 21000/description/ 8
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada chacun des enjeux est généralement en lien avec plusieurs principes. Ces liens furent établis par le comité rédacteur de la norme BNQ 21000. L’approche (Bottom-Up), qui consiste à utiliser des enjeux comme points de départ, facilite grandement le développement d’outils liés aux pratiques de gestion. En effet, pour un enjeu donné, si le concepteur garde pour cible les principes sociétaux qu’il doit respecter en définissant un outil, il alignera par le fait même l’utilisateur, ici l’entreprise, aux exigences de la société. L’approche usuelle inverse, qui consiste à prendre comme points de départ les principes, et de dériver des outils de gestion pour l’entreprise (Top-Down), devait être un exercice un peu plus complexe. En effet, les enjeux (la cible, l’objet, la finalité) y sont inconnus ou, encore pire, indiscernables par le grand nombre d’enjeux d’entreprise se rapportant à un seul principe. Étape 4 : Choisir un modèle conceptuel de progression de la maturité des entreprises. Une fois que les enjeux ont été associés aux principes, il est alors possible de faire la liaison entre les réalités « micros » des entreprises vers les réalités « macros » du DD telles que souhaitées par une société. Cet arrimage se réalise par l’entremise de tout modèle conceptuel pouvant, en substance, graduer la maturité des pratiques de gestion d’une entreprise. Par exemple, en se basant sur la figure 1, pour un enjeu quelconque K et pour les principes auxquels il se rapporte (ex. : a, d et l), il est possible à partir de modèles conceptuels de graduer la progression de la maturité des pratiques de gestion d’une entreprise, les pratiques allant de peu consciencieuses à responsables. Les principes de la société représentent l’idéal à atteindre et la formalisation des attentes de ladite société. Principe a) Enjeu K : Principe d) Principe l) Figure 1 : Le rôle d’arrimage réalisé par un modèle conceptuel Les résultats des travaux menés en Santé et sécurité du travail (SST) par la Chaire d’étude en organisation du travail (CÉOT) ont mené les chercheurs de l’Université de Sherbrooke à développer un modèle conceptuel de progression de la maturité4 des entreprises en considérant, dans l’étude du portrait global, le relief de la culture en SST. Ce modèle fut simplement adapté et transposé au DD. Le modèle Sextant, la résultante de l’adaptation, est à la base du système de gradation des pratiques de la grille d’autoévaluation du guide BNQ 21000. 4 Mario Roy, Jean Cadieux, Lucie Fortier et Louise Leclerc (2008), Validation d'un outil d'autodiagnostic et d'un modèle de progression de la mesure en SST, Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail, o Montréal, Rapport n R-584, 36 pages, http://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-584.pdf 9
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Comme l’illustre la figure 2, ce modèle étudie le lien unissant la progression du niveau d’attention porté à un enjeu donné de la part de la direction d’une organisation (axe des Y), en fonction de son mode de réactivité (typologie : peu concerné, réactif, accommodant, proactif et générateur — axe des X) ainsi que la résultante de cette combinaison sur la culture véhiculée en entreprise (courbe brisée et son interprétation inspirée du modèle de la progression en SST). Niveau d’attention Figure 2 : Le modèle conceptuel Sextant derrière le BNQ 21000, inspiré du modèle de la progression en SST Selon le modèle, voici les définitions liées à chacun des modes de réactivité d’une organisation. Niveau 1 a : Pas concerné (Zéro-centré) L’enjeu ne s’applique pas à l’entreprise. Par exemple, la pollution par les odeurs, le bruit ou la lumière ne représente pas vraiment un enjeu pour bon nombre d’entreprises de service. Il est donc normal que l’entreprise ne porte aucune attention à l’enjeu. Niveau 1 b : Peu concerné (Actionnairo-centré) L’entreprise connaît peu ou mal ses obligations. Par exemple, elle se sent peu ou pas concernée par la Santé et la SST, ce qui justifie son peu d’attention. Cette attitude de la direction rend l’entreprise candidate aux problématiques découlant d’un accident grave. La gestion de l’entreprise est totalement centrée sur l’augmentation de l’avoir des actionnaires, et ce, peu importe les conséquences : « Il n’y a pas de règlement interdisant la pollution? On engrange les profits, et on verra! ». Les responsabilités liées aux inactions sont rejetées en bloc, ce qui génère une culture de blâme où on recherche des coupables. Niveau 2 : Les réactifs (Économico-centré) 10
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada L’entreprise s’inscrit dans une culture de contrôle des pertes. Échaudée, elle se positionne seulement de manière à éviter les infractions. À ce stade, elle perçoit le DD comme une dépense ou au mieux comme une opportunité de refiler les factures aux clients (apparence de DD, greenwashing, …). La culture de l’entreprise est dictée par une logique de résultats à court terme, notamment financiers. Le manque de communication et de suivi caractéristique d’une gestion réactive fait en sorte que l’entreprise se laisse entraîner par d’autres dossiers urgents. Les responsabilités liées aux inactions sont rejetées et les parties prenantes ne sont entendues qu’en cas de crise; on éteint les feux. Par exemple, à ce stade on conteste systématiquement les dossiers SST. Niveau 3 : Accommodant (Légalo-centré) La gestion de l’entreprise progresse, se discipline et évolue vers la formalisation de ses pratiques. Elle s’inscrit alors dans une culture de conformité. La légalité et la vérifiabilité sont de mise. Les lois sont respectées à la lettre, mais pas plus. Le DD est un poste budgétaire à contrôler. Les parties prenantes internes demeurent sous « surveillance ». Les responsabilités liées aux inactions sont admises selon les dossiers. Par minimisation des coûts, peu d’attention est portée aux parties prenantes externes, mais lorsque l’une d’entre elles se présente, l’entreprise est accommodante et calcule tout. Niveau 4 : Proactif (Interno5-centré) La gestion interne de l’entreprise évolue vers un esprit d’amélioration continue et de prise de responsabilité. Prendre ses responsabilités relativement au DD (ou devant un enjeu, tel la SST par exemple) est un choix qui pousse l’entreprise au-delà des minimums requis et qui exige un fort investissement en temps et/ou en argent, d’où la présence du saut au niveau de l’attention. Proactive, l’entreprise agit de manière à devancer les problèmes. À ce stade, l’engagement de la direction est clair et se reflète dans ses valeurs et ses actes. Consciemment, elle va au-delà des normes et des exigences réglementaires. L’entreprise effectue des veilles stratégiques afin de se positionner dans son secteur. Le DD devient un investissement. À ce stade de maturité, la direction apprivoise ses parties prenantes internes, ce qui a pour impact de faire bondir, en raison des efforts collectifs, le niveau d’attention. La direction et les parties prenantes internes agissent ensemble, créant ainsi un processus, formel ou non, d’amélioration continue. Niveau 5 : Générateur (Sociéto6-centré) Pour cette entreprise, le DD n’est pas réservé qu’à sa mission, il fait partie intégrante de sa façon d’être dans les affaires; c’est une façon de vivre au travail. Plus précisément, toutes ses décisions tiennent compte du développement durable. Elle agit avec transparence et intégrité et utilise à bon escient son influence pour aider ses fournisseurs et la collectivité à progresser. Elle va à la rencontre de ses parties prenantes externes, notamment celles de la société. La gestion de l’entreprise est reconnue dans son domaine et elle est considérée comme étant responsable. Un exemple de gradation: 5 Centré sur les parties prenantes internes 6 Centré sur les parties prenantes externes 11
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Afin de formaliser la typologie et de montrer l’effet de liaison du modèle Sextant, étudions le résultat de la gradation portant sur la SST, comme le présente le référentiel BNQ 21000. Selon l’annexe B, cet enjeu est destiné à respecter trois des 16 principes de la Loi sur le développement durable de la société québécoise. La figure 3 illustre le rôle d’arrimage, ou de liaison, du modèle conceptuel, tandis que le tableau 2 montre le résultat de la gradation des pratiques de cet enjeu telle que proposée dans le guide. Il est possible de constater que plus l’entreprise évolue, plus elle s’aligne sur les principes de la société. Thème social Principes de la Loi du sur DD du Québec BNQ 21000 a) Santé et qualité Santé et de vie sécurité au travail i) prévention j) précaution Figure 3 : Rôle d’arrimage du modèle conceptuel Sextant Il est à noter que le modèle CMMI (Capability Maturity Model Integration7) possède aussi le potentiel de réaliser le pont entre les enjeux et les principes. Les similarités entre les deux approches, issues de sources différentes, représentent un caractère de validité nomologique fort, montrant que l’approche méthodologique est porteuse. Étape 5 : Pour chaque enjeu, étalonner les pratiques de gestion selon les niveaux de maturité du modèle conceptuel et de manière à atteindre un niveau de pratique de gestion qui, au niveau le plus élevé, respecte les principes de la société. Au final, une fois tous les enjeux gradués suivant la typologie proposée par le modèle Sextant, le résultat obtenu correspondant à une grille de conversion liant les enjeux des entreprises aux principes de la loi, le tout dans le langage des entreprises. Le tableau 3 illustre l’effet final complet : les enjeux sur la gauche, les principes à suivre sur la droite et, entre les deux, l’étalonnage des niveaux de maturité des entreprises. Ce tableau représente dans les faits une adaptation enrichie de la grille d’autoévaluation8 du guide BNQ 21000 (reproduite en annexe C). En somme, le projet-pilote montre qu’ « aligner pour clarifier » les discours des cadres institutionnels dans le langage des entreprises réduit définitivement le décalage. Cette grille peut ensuite être utilisée à titre de grille d’autoévaluation des entreprises afin de dresser un état des lieux de la maturité de l’entreprise en termes de DD. C’est justement l’objet de la seconde proposition. 7 http://fr.wikipedia.org/wiki/Capability_Maturity_Model_Integration 8 http://www.bnq21000.qc.ca/guide-bnq-21000/description/ Annexe D, p. 32 et ss. 12
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Tableau 2 : Résultat de la typologie Thème Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 Niveau 5 et enjeu 3.5 L’organisation ne tient L’organisation gère les L’organisation a mis en L’organisation prend des Reconnue comme une Santé et sécurité pas de registre dossiers de réclamations place des mécanismes de mesures visant à diminuer organisation en santé (ex. : au travail particulier à ce sujet. pour lésions prévention des maladies l’incidence des lésions norme BNQ 9700-800 [voir Elle se conforme aux professionnelles ou des lésions professionnelles. annexe F+), l’organisation exigences minimales de (accidents, maladies professionnelles (ex. : L’organisation se affiche des performances la Loi sur la santé et la professionnelles) et comité de santé et mieux- concentre sur des de classe mondiale en sécurité du travail (voir compile les résultats de être, comité de systèmes visant la gestion matière de santé, de annexe F). base. Lorsque cela prévention, programme de des risques et sécurité et de mieux-être s’applique, l’organisation santé) pour diminuer l’amélioration de ses employés. Elle affiche un taux l’impact des maladies continue (ex. : CSA Z1000 intègre ces critères à tous personnalisé semblable au professionnelles. [voir annexe F], OHSAS les niveaux de taux de son unité. L’organisation affiche une 18001 [voir annexe F], ILO- l’organisation et tient progression significative OSH ou autres systèmes). compte de ces aspects par rapport à son secteur. La santé et la sécurité du dans toutes ses décisions. travail constitue une Elle exerce une influence priorité pour positive dans son milieu l’organisation. par le partage de son L’organisation prend expertise. La santé et conscience de l’importance sécurité au travail est une stratégique de la santé et valeur de l’organisation et de la sécurité du travail. fait partie intégrante de sa culture. 13
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Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Tableau 3 : Adaptation d’un extrait de la grille d’autoévaluation du guide BNQ 21000 Principes de la loi sur le Thème Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 Niveau 5 développement durable du et enjeu Québec 2.1 L’organisation ne dispose pas L’organisation dispose d’un L’organisation utilise un L’organisation utilise un L’organisation utilise un d) efficacité économique, Contrôle de la de budget et les crises de budget. Les mécanismes de budget prévisionnel et intègre budget prévisionnel et procède budget prévisionnel et effectue i) prévention, rentabilité liquidité sont courantes. La suivis et de contrôles ne des notions de comptabilité de à l’analyse des écarts. Elle périodiquement une analyse lecture des soldes des comptes permettent pas de bien saisir gestion (ex. : le prix de dispose d’une comptabilité d’écarts flexibles. Elle prend en n) production et consommation suffit pleinement à la gestion la situation financière de revient). Il existe des tableaux analytique par produit et par compte les couts et les responsables, de l’organisation. l’organisation. Les crises de de bord comprenant les service. Ses analyses couts- bénéfices tant économiques, L’organisation ne dispose pas liquidité sont occasionnelles. principales données bénéfices intègrent les couts et sociaux qu’environnementaux o) pollueur-payeur, de l’information sur la économiques et financières les bénéfices sociaux et (triple reddition de comptes) rentabilité de chacun de ses pertinentes pour la gestion de environnementaux de ses de ses activités. Elle utilise des p) internalisation des couts. produits et services. Les crises l’organisation. Il lui est possible projets. Une réflexion sur tableaux de bord innovants de liquidité peuvent être de faire valoir sa situation l’internalisation des couts comprenant les données graves. financière. Il n’y a plus de crise environnementaux est bien économiques, sociales et de liquidité prévisible. amorcée. environnementales et prend en compte ses externalités. 2.2 L’organisation ne dispose pas La structure du capital de L’organisation dispose d’une L’organisation dispose d’une L’organisation utilise le d) efficacité économique, Pérennité de d’une stratégie adaptée lui l’organisation est structure de capital lui structure du capital lui développement durable à titre e) participation et engagement, l’organisation permettant d’envisager une présentement défavorable et permettant d’envisager le permettant d’envisager de de levier de croissance et amélioration de la structure de lui interdit d’envisager de renouvèlement de ses nouveaux leviers de d’innovation à long terme. Elle n) production et consommation son capital. nouveaux investissements à équipements. croissance. Elle intègre les consulte et intègre les responsables, court terme. préoccupations des PP dans problématiques de PP et de ses critères de croissance son territoire (contrainte interne. environnementale) dans ses critères de croissance interne et externe. 15
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Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Proposition B : Évaluer pour apprendre et progresser Proposition d’un outil, le guide BNQ 21000, qui permet aux entrepreneurs de réaliser un premier état des lieux de l’avancement du DD dans leurs entreprises. Ce guide fait la liaison entre les enjeux concrets du DD et les principes de la Loi sur le développement durable du Québec et aligne par le fait même les entreprises vers les attentes de la société québécoise(Gouvernance et Économie verte). Cette proposition présente un outil d’autoévaluation avancé, qui permet aux entreprises d’obtenir un état des lieux quant à la maturité des pratiques de gestion de l’entreprise, et ce, sur les 21 enjeux. La figure 4 présente un extrait de la grille d’autoévaluation9 du guide BNQ 21000 s’adressant aux entreprises et plus largement aux organisations. Son utilisation est simple. Pour chacun des 21 enjeux du référentiel, le dirigeant d’entreprise n’a qu’à encercler le niveau qui s’apparente le mieux à ce qui se passe dans son entreprise. L’annexe C présente l’ensemble de la grille d’autoévaluation. Une fois l’autoévaluation complétée, l’entreprise dispose d’un premier état des lieux relativement à l’avancement du DD dans son entreprise. L’exercice permet aussi aux dirigeants d’étudier les comportements rapportés dans les cases correspondant aux niveaux plus avancés, ce qui les oriente dans leurs choix et leur progression. Sans être exhaustif, le projet-pilote visant l’implantation de la norme BNQ 21000 dans une quarantaine d’entreprises a montré que cette grille produit les effets positifs suivants sur les membres de la direction des entreprises : a) Elle est un puissant outil de formation au sens où elle présente, définit, distingue et clarifie les facettes du DD dans le langage des entreprises. b) Elle démontre que le DD n’est pas seulement une affaire d’environnement. c) Elle force une vision commune entre les membres de la direction qui, souvent, à cause de l’effet de silo qu’amènent les fonctions de l’entreprise (production, comptabilité, …), n’ont pas une idée claire de ce qui se passe dans les autres départements. d) Elle dresse un premier portrait (ou état des lieux) crédible du DD dans l’entreprise. e) Elle illustre à l’entreprise quelles sont ses forces et ses faiblesses. f) Elle mobilise la direction en brisant l’effet de silo; le DD est l’affaire de tout le monde, et toutes les spécialités doivent y adhérer. 9 http://www.bnq21000.qc.ca/guide-bnq-21000/description/ Annexe D, p. 32 et ss. 17
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada g) Elle oriente les actions à prendre (en lisant le contenu des cases plus évoluées). Figure 4 : Le résultat de la grille d’autoévaluation dresse un portrait des lieux de la maturité de l’entreprise L’autoévaluation permet de savoir où l’entreprise se situe, par quoi commencer, où arriver et comment progresser, le tout en évoluant vers les principes enchâssés dans la loi adoptée par la société. Cependant, bien qu’utile, cette grille comporte une limite. Certes, elle aligne les entreprises québécoises sur les 16 principes de la Loi sur le développement durable du Québec (laquelle correspond à un idéal sociétal). Cependant, les principes relatifs au DD peuvent être différents pour une autre nation. C’est pourquoi la proposition A de ce document expose, en 5 étapes, comment produire une telle grille d’autoévaluation. Appliquée avec soin, cette méthodologie produit une grille 18
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada qui fera la liaison entre des principes d’une société et des enjeux locaux (soit ceux des entreprises) œuvrant sur son territoire, et ce, peu importe la nation. En somme, en se basant sur l’apprentissage réalisé lors de la conception de la grille d’autoévaluation du référentiel BNQ 21000, la grille aligne les entreprises vers les principes de la société. Comme son nom l’indique, la méthodologie du Sextant tire son analogie de la fonction que cet outil avait auprès des capitaines de navires qui, au 18e siècle, utilisaient le sextant pour se guider, pour estimer leur position en mer relativement à la position céleste des étoiles afin d’arriver à bon port. Dans le cadre de cette analogie, la mer représente les enjeux, le navire est l’entreprise, le capitaine désigne le dirigeant, le sextant symbolise le modèle conceptuel, les étoiles figurent les principes de la loi et le port correspond au niveau maximum de responsabilité que la société désire que l’entreprise atteigne. 19
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Proposition C : Mesurer pour planifier Proposition d’un outil de mesure aidant les états et les cadres institutionnels à mesurer la progression nationale du développement durable dans les entreprises. Cet outil, synchronisé avec le guide BNQ 21000, permet de mieux comprendre et d’évaluer les différents stades du cycle de diffusion du développement durable dans un tissu économique (Gouvernance). Comme précisé au paragraphe [102] de la documentation préparatoire, pour un gouvernement, le cœur de la problématique est de pouvoir mesurer à quel point les lois et/ou les politiques ont un effet réel sur le terrain. À cet égard, la proposition C présente un outil de gouvernance national dont la méthodologie permet de mesurer la progression de l’adoption du DD dans les entreprises formant un tissu économique. Une fois ces informations en main, il est possible pour tout cadre institutionnel de planifier des interventions, et ce, même s’il n’utilise pas le guide BNQ 21000. La méthodologie permettant de produire un graphique comme celui de la figure 1, et de l’interpréter, se décompose en trois étapes : 1. Élaborer un questionnaire : les enjeux des entreprises forment la substance des questions et les niveaux de progression du référentiel BNQ 21000 forment la substance des modalités de réponses. 2. Estimer les taux d’adoption du DD : établir et justifier la table de conversion des réponses permet d’isoler, pour chacun des enjeux sous enquête, une estimation du taux d’adoption du DD en entreprise. 3. Interpréter les taux d’adoption : l’utilisation du modèle de Rogers traite justement du taux d’adoption du DD. Étape 1 : Élaborer le questionnaire En 2010, le ministère du Développement économique, Innovation et Exportation (MDEIE) avait pour projet de mesurer la progression de l’adoption du DD dans les entreprises du Québec. L’organisme à but non lucratif (OBNL) Neuvaction et la Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke ont développé un outil de mesure qui a permis d’atteindre cet objectif10. 10 Le rapport est public et accessible à l’adresse Internet suivante : http://www.mdeie.gouv.qc.ca/bibliotheque/publications/page/etudes-et-analyses- 20
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Afin que les résultats du sondage soient en lien avec le guide BNQ 21000, le questionnaire est fondé sur le modèle conceptuel Sextant (Étape 4, proposition A) à la base de la progression des niveaux de maturité du référentiel. La figure 5 présente un exemple de question11 et de modalités où il est possible de voir les traces du modèle Sextant. Progression de l'adoption du développement durable au Québec (Tous les secteurs) Moyenne générale (n=3353) Changement de profils Mission, vision, valeurs Variation du taux d'adoption Éthique Stratégie Responsabilités sur les produits et services Contrôle de la rentabilité Pratiques d'investissements Pratiques d'achats et d'approvisionnement Développement local Ressources humaines Production des produits et services Gestions des matières premières et résiduelles Gestion de l'énergie Gestion de l'eau Gestion des GES Temps d'adoption d'une idée nouvelle Graphique 1 : La progression de l’adoption du DD dans les entreprises québécoises. 13969/?no_cache=1&tx_igaffichagepages_pi1%5Bmode%5D=single&tx_igaffichagepages_pi1%5BbackPid%5D= 88&tx_igaffichagepages_pi1%5BcurrentCat%5D=573&cHash=a0e54274a764a5287afbce079fdbf92f 11 L’outil de mesure est présenté en entier à l’annexe 2 du rapport disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.mdeie.gouv.qc.ca/bibliotheque/publications/page/etudes-et-analyses- 13969/?no_cache=1&tx_igaffichagepages_pi1%5Bmode%5D=single&tx_igaffichagepages_pi1%5BbackPid%5D= 88&tx_igaffichagepages_pi1%5BcurrentCat%5D=573&cHash=a0e54274a764a5287afbce079fdbf92f 21
Chaire Desjardins en gestion du développement durable de l’Université de Sherbrooke, Canada Figure 5 : Extrait du questionnaire Étape 2 : Estimer les taux d’adoption du développement durable Ensuite, afin de faire ressortir des données le caractère du taux d’adoption (et non celui de la maturité de l’entreprise), l’analyse des résultats a été réalisée sous l’angle du modèle de diffusion des innovations de Rogers (2003)12. Le tableau 4 présente la conversion des résultats permettant d’isoler les taux d’adoption du DD. Tableau 4 : Les modalités de réponses et le lien avec le modèle conceptuel du Sextant : L’entreprise : Mode de réactivité % de ceux qui ont adoptés une approche DD pour un enjeu donné N’a pas encore amorcé de réflexion (aucune politique) Peu ou pas concerné % Réfléchit présentement (en développement) Réactif % A intégré et applique des outils (en vigueur) Accommodant % Cherche à se distinguer dans son secteur (avant-gardiste) Proactif % Est la référence dans l’industrie (c’est sa façon de faire Générateur % des affaires) Comme l’illustre la figure 2 de la proposition A, selon le modèle Sextant, il existe un saut entre l’accommodant, qui investit le minimum d’attention requise afin de répondre minimalement aux exigences, et le proactif, qui investit davantage d’effort pour se dégager de la masse. Cet effort de distinction amène l’émergence de nouvelles pratiques de gestion et représente, selon la définition de Rogers (2003) 13, une réelle innovation pour l’entreprise. Sous cet angle, la somme des % liés aux proactifs et aux générateurs (en vert) représente alors une estimation du % d’entreprises ayant 12 ROGERS, E. M. (2003), Diffusion of innovations (5th ed.). New York : Free Press. 13 Selon Rogers (2003), tout ce qui est nouveau représente une innovation. 22
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