Currency Board et ajustements macroéconomiques : les leçons de l'expérience argentine

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Currency Board et ajustements macroéconomiques :
les leçons de l’expérience argentine

Emilie Laffiteau, Doctorante, CATT, UPPA.
Jean-Marc Montaud, Maître de Conférences, CATT, UPPA ; Membre associé du CED, Université
Montesquieu-Bordeaux IV.

(Version provisoire, ne pas citer)

Résumé
         Ce travail tente d’explorer, à travers l’expérience argentine récente, le lien entre les mécanismes
imposés par le système de Currency Board et les modes d’ajustements macroéconomiques, notamment sur le
marché du travail. Après avoir rappelé les conditions de mise en place d’un tel système monétaire en Argentine,
nous construisons un modèle EGC financier incorporant les mécanismes du Currency Board et les principales
caractéristiques de l’économie argentine. Trois groupes de simulations sont ensuite effectuées à l’aide du modèle
pour retracer les différentes conditions économiques qu’a pu connaître l’Argentine à la fin des années quatre-
vingt dix : un scénario de renforcement des politiques d’austérité, un scénario de crises financières et un scénario
de renforcement des processus d’intégration régionale avec les pays voisins. Chacune de ces simulations montre
alors comment réagit l’économie argentine dans un contexte où les mécanismes monétaires sont contraints par le
Currency Board.

Mots Clés : Argentine, Currency Board, Equilibre Général Calculable
Classification JEL : D58, E42, E58, G28

Introduction

         En janvier 2002, l’Argentine a sombré dans l’une des plus graves crises de son histoire
économique. Cette crise venait ainsi clore une décennie mouvementée durant laquelle, sur le
plan interne, l’Argentine avait expérimenté la mise en place d’un système monétaire original,
le Currency Board, et, sur le plan externe, elle avait affronté un environnement
particulièrement instable marqué par une succession de crises internationales. Dans ce
contexte, se pose alors avec acuité la question du lien entre les rigidités introduites par le
système de Currency Board mis en place en Argentine et les difficultés qu’a révélé ce pays
pour faire face aux différents chocs externes.

                                                         1
Historiquement, le système de Currency Board est apparu au dix-neuvième siècle
quand la Banque d’Angleterre souhaitait imposer une souveraineté monétaire dans ses
anciennes possessions territoriales. Dans un tel système, c’est une société privée qui émet,
sans délais ni limites, un numéraire convertible en une devise étrangère à un taux de change
fixe. Cette Caisse d’Emission est alors astreinte statutairement à conserver un volume de
réserves au moins égal à la totalité de la masse monétaire émise et, contrairement à une
traditionnelle, elle ne garantit plus ni la liquidité des banques commerciales ni le contrôle des
flux de capitaux. Avec l’indépendance des colonies, le Currency Board a progressivement
disparu car les nouveaux pays souhaitaient légitimement disposer d’une Banque Centrale
capable d’exécuter ses propres politiques monétaires. Depuis quelques années, il a toutefois
été de nouveau préconisé pour les pays en transition vers une économie de marché ou pour
ceux connaissant des problèmes d’inflation liés à la crédibilité de leur Banque Centrale
[Hanke, 1991]. S’il permet de lutter efficacement contre l’instabilité monétaire et financière,
ce système n’est toutefois pas sans conséquences sur les mécanismes d’ajustement
macroéconomique et sur les marges de manœuvre des gouvernements.

        La règle d’émission automatique suppose en effet que la monnaie soit créée
uniquement en contrepartie des réserves figurant à l’actif de la Caisse d’Emission, ce qui rend
impossible les autres sources de création monétaire (créances à l’économie ou à l’Etat). Au
final, la base monétaire est égale aux réserves de change détenues par la Caisse d’Emission et
le volume des liquidités fournies aux banques est entièrement déterminé par les flux de
devises entrants dans le pays. Dans un tel système, les politiques conjoncturelles
traditionnelles s’avèrent donc particulièrement difficile voire impossible à mener. La règle
d’émission automatique interdit toute politique monétaire et les marges de manœuvre en
termes de politique budgétaire sont limitées par l’impossibilité de monétiser les déficits
publics et par un endettement extérieur souvent déjà extrêmement lourd. Au total, dans un tel
système, on mise donc plutôt sur les forces du marché, à travers les variations de prix et de
salaire, que sur l’action de la Banque Centrale ou du gouvernement pour assurer les
ajustements macroéconomiques face à un choc extérieur1. Lorsque l’environnement est
particulièrement instable, comme celui qu’a connu l’Argentine, ces mécanismes d’ajustement
peuvent alors s’avérer extrêmement lourds, notamment sur le marché du travail.

1
  Hanke [1998] parle du système de Currency Board comme d’un système auto-équilibrant ne nécessitant pas
l’intervention de l’Etat.

                                                   2
Pour souligner ce fait, nous avons choisi de revenir dans un premier temps sur
l’expérience argentine du Currency Board (section 1). Dans un deuxième temps, nous
construisons un modèle d’Equilibre Général Calculable financier incorporant les principales
caractéristiques de l’économie argentine et les mécanismes du Currency Board (section 2).
Enfin, nous procédons à plusieurs simulations permettant d’évaluer les impacts de différents
chocs extérieurs sur cette économie (section 3).

1. 1991-2001 : L’expérience argentine du Currency Board

         A la fin des années quatre-vingt, l’Argentine fait partie des pays émergents qui
connaissent une instabilité monétaire et financière majeure. Son inflation galopante2, ses
difficultés à surmonter la crise de la dette et sa faible croissance affaiblissent
considérablement l’économie et obèrent ses potentialités de développement. Lors de son
accession à la Présidence de la République en 1989, Carlos Menem propose alors un plan de
stabilisation économique3 destiné à briser la spirale inflationniste et à rétablir un meilleur
accès du pays aux financements extérieurs. L’un des principaux volets de ce plan est une
réforme monétaire fondée sur l’adoption d’un système de Currency Board ancré sur le dollar4.

    C’est le premier avril 1991 que la Loi de convertibilité est votée, marquant l’entrée de
l’Argentine dans le Currency Board. La Banque Centrale de la République Argentine
(BCRA) abandonne son statut de Banque Centrale traditionnelle pour devenir une simple
Caisse d’Emission. Le taux de change est fixé à 10.000 australes5 par dollar pour égaliser la
base monétaire existante avec les réserves détenues au passif de la BCRA. A partir du 1er
janvier 1992, l'Austral est remplacé par le Peso et, en septembre, l’indépendance de la Banque
Centrale est prononcée. C’est désormais le Congrès qui détient le pouvoir de dévaluation et
non plus le Ministère de l’Economie et des Finances.

2
  A la fin des années quatre-vingt, l’Argentine connaît des taux records d’inflation : 3079% en 1989 et 2314% en
1990.
3
  « Plano de Estabilisación Económica y Social 91 ».
4
  Les autres volets de ce plan sont la libéralisation de l’économie à travers la déréglementation des activités et
l’ouverture à la concurrence extérieure, la réforme de l’Etat à travers la privatisation des entreprises publiques
déficitaires et la réforme de la fiscalité et enfin le réaménagement de la dette par la reprise des paiements partiels
de la dette (1990) et la conclusion d’accords de rééchelonnement (1993).
5
  L’Austral est la monnaie de l’Argentine de 1985 à 1992.

                                                          3
Ce dispositif monétaire argentin n’est toutefois pas un système de Currency Board pur
au sens strict du terme. En effet, le gouvernement garde le pouvoir de décréter un contrôle des
capitaux ou d’interdire la conversion en devises de certains investissements étrangers. Par
ailleurs, 20% des réserves qui couvrent la base monétaire peuvent prendre la forme de bons
du Trésor. Cette fraction peut même être exceptionnellement augmentée à 30% en cas de crise
majeure. Les autorités gardent ainsi une certaine marge de manoeuvre pour développer le
crédit auprès des institutions financières. Cette flexibilité s’est d’ailleurs avérée primordiale
dans certaines circonstances telle que la crise mexicaine en 1995.

        Cette période de convertibilité durera dix ans en Argentine. Sur le plan monétaire, les
contraintes imposées par le fonctionnement de la Caisse d’Emission ont largement rempli leur
objectif de stabilisation des prix. Un an après la mise en place du Currency Board, l’inflation
est ramenée à 24% et restera inférieure à 1% à partir de 1994. Sur la sphère réelle, elles se
sont toutefois avérées extrêmement lourdes en termes de croissance dans un contexte
international particulièrement instable, marqué par une succession de crises financières
(graphique 1).

                              Graphique 1- Croissance et inflation en Argentine
       30

       25

       20

       15

       10                                                            Crise asiatique

        5

        0
             1992     1993       1994     1995    1996      1997      1998      1999          2000   2001
        -5

       -10
                             Crise mexicaine                  Crise brésilienne
       -15

       -20
                                                 croissance du PIB                inflation

        Source : INDEC, Argentine.
   .
        Mais au final, c’est sur le marché du travail que ces contraintes vont se révéler les plus
lourdes. En effet, en présence de rigidités sur les salaires nominaux, les ajustements se sont
effectués à travers le volume de l’emploi et le chômage est ainsi progressivement devenu le
problème structurel majeur de l’Argentine de la convertibilité. Dès la mise en place du

                                                     4
Currency Board, alors que le pays affichait avec succès des taux de croissance élevés (10.6%
en 1991 et 9.6% en 1992), le chômage persistait (6.5% en 1991 et 9.6% en 1993). Tout au
long de la décennie, ces taux n’ont cessé d’augmenter6 pour atteindre 18.3% en octobre 2001.
Ce chômage, qui touche l’ensemble de la population sans distinctions, voit alors sa durée
moyenne augmenter et conduit à une paupérisation croissante des ménages7. Face à cette
difficulté, les autorités argentines ont engagé de nombreuses réformes structurelles pour
flexibiliser le marché du travail favorisant la mobilité des actifs, les contrats à durée
déterminée ou à temps partiel et les procédures de licenciements8. Loin de régler le problème,
ces réformes ont surtout contribué à renforcer le processus de précarisation de l’emploi. Au
début de la convertibilité, le sous-emploi9 est de 7.9%. Il atteint 16.3% à la veille de la crise,
en 2001 (Graphique 2).

                    Graphique 2- Evolution du taux de chômage et du taux de sous-
                      emploi en Argentine pendant la période du Currency Board

       20
       18
       16
       14
       12
       10
        8
        6
        4
        2
        0
             1991     1992    1993     1994    1995     1996    1997     1998     1999   2000   2001

                                              Taux de Chômage      Sous-emploi

Source: Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité Sociale, Argentine.

2. Un modèle EGC du Currency Board Argentin

        Pour évaluer l’impact du Currency Board sur les mécanismes d’ajustement de
l’économie argentine, nous avons choisi de construire un modèle EGC financier permettant de

6
  En octobre 1996, le taux de chômage atteint 18.8%, taux le plus élevé de toute l’Amérique latine.
7
  En 1996, 40% des chômeurs appartiennent aux catégories socio-économiques moyennes et hautes (INDEC,
enquête Ménage, 1996). 78% des chômeurs restent au chômage pendant plus d’un année (Divisíon de Estudios
Laborales du Ministère de l’Economie et des Finances,1996 )
8
  Ley de Empleo, 1991.
9
  Selon Altimir et Becarria [1999], entre 1991 et 1997, 90% des nouveaux emplois générés correspondent à des
cas de sous-occupation visible.

                                                        5
rendre compte des contraintes imposées par ce système et calibré sur l’année 1997. Ce modèle
s’inscrit dans la lignée de ceux de Branson, Bourguignon, De Melo, [1991] ou encore Fargeix,
Sadoulet [1994]. Les listes des équations, des variables et des paramètres sont présentées en
annexe.

          La structure du modèle repose sur une désagrégation des branches et des produits
(indicés i) en fonction de leur caractère échangeable (e) ou non-échangeable (ne). Cinq types
d’agents représentatifs résidents sont définis: les Ménages (h) les Firmes (f) les
Administrations Publiques (g), les Banques Commerciales (bq) et la Banque Centrale (Bc),
ainsi qu’un agent représentatif du Reste du Monde (r). Deux sphères, réelle et financière, sont
distinguées. La modélisation de la sphère réelle reste relativement standard. Sa principale
originalité tient dans la distinction entre plusieurs régions pour l’origine et la destination des
flux commerciaux. La modélisation de la sphère financière reprend les principaux points de la
Loi de Convertibilité argentine.

Sphère réelle de l’économie argentine

          Du coté de l’offre, la production des branches est modélisée par une fonction CES du
travail et du capital supposé spécifique (équations 1 et 2). La demande de facteur travail se
déduit de la maximisation du profit sous contrainte (équations 3 et 4).

          Dans les branches échangeables, les biens domestiques sont exclusivement destinés
aux marchés argentins et considérés comme substituables avec les biens importés10 (équations
5 à 8). De même, une fonction à élasticité de transformation constante (CET) est spécifiée
entre ces biens domestiques et les exportations (équations 9 à 12). Les importations et les
exportations peuvent concerner trois zones géographiques. Une première distinction est faite
entre le Brésil, premier partenaire commercial de l’Argentine et membre du Mercosur, et le
reste du monde (équations 13 à 16). De même, compte tenu de l’influence des USA dans
l’économie argentine (part dans les flux commerciaux, ancrage de la monnaie avec le dollar)
une seconde distinction est faite au sein des produits en provenance du reste du monde entre
les USA et les autres pays (équations 17 à 20).

10
     Armington [1969].

                                                  6
Du coté de la demande, les dépenses de consommation finale des ménages prennent la
forme d’un système de dépense linéaire et celles des Administrations Publiques se
déterminent en volume, à travers une clé de répartition exogène, à partir d’un niveau global
supposé être une variable de politique économique (équations 21 à 24). La consommation
intermédiaire en volume se déduit de la matrice des coefficients techniques (équations 25 et
26). Les demandes d’investissement public sont déterminées en valeur à partir d’une clef de
répartition et d’un niveau global supposés exogènes. Celles des firmes se déterminent en
volume en fonction des taux de rentabilité dans chaque branche. Celles des ménages, dont le
montant est déterminé par solde à partir des conditions d’équilibre sur les marchés financiers,
se répartissent entre les différents produits selon une clef exogène (équations 27 à 32).

       Il existe plusieurs sortes de prix dans le modèle. Les prix à la valeur ajoutée dépendent
des prix à la production (diminué d’un impôt) et des prix des consommations intermédiaires
en produits composites (équations 33 et 34). Les prix des produits composites se déduisent de
la fonction d’Armington et les prix à la production se déduisent de la fonction de
transformation CET (équations 35 à 38). Ces derniers forment par ailleurs l’indice des prix de
notre modèle (équation 39). Les prix étrangers des biens exportés sont exprimés dans la
monnaie dominante de la zone d’échange : dollar pour les USA, réal pour le Brésil, autre
monnaie pour la dernière zone. Contrairement aux hypothèses traditionnelles du commerce
international, ils sont considérés spécifiques à chaque zone mais, selon l’hypothèse du petit
pays, toujours supposés exogènes pour l’Argentine (équations 40 à 45). Les prix des produits
importés sont également posés exogènes et spécifiques à chaque zone (équations 46 à 51).

       Du coté des revenus, les ménages perçoivent les revenus du travail, une part des
revenus du capital, la rémunération des dépôts à terme qu’ils ont effectué à la période
précédente ainsi que des revenus de transfert de la part de l’Etat et du reste du monde
(équation 52). Le paiement de l’impôt sur le revenu et des intérêts débiteurs domestiques et
étrangers détermine leur revenu disponible dont ils épargnent une proportion fixe (équations
53 et 54). Les firmes perçoivent les revenus du capital non distribués ainsi que des
subventions publiques. Leur épargne se détermine par solde, une fois versés l’impôt sur les
sociétés et les intérêts débiteurs sur les crédits contractés à la période précédente (équations
55 et 56). Les Administrations Publiques reçoivent les différents impôts et des transferts en
provenance de l’étranger. Le niveau de l’épargne publique se détermine par solde après
paiement des différentes dépenses publiques courantes (équations 57 et 58). L’épargne des

                                                7
banques commerciales est déterminée par leur activité d’intermédiation de la période
précédente (équations 59).

Sphère financière de l’économie argentine

           Une partie de l’épargne des ménages est convertie en encaisses monétaires (équation
60). Le reste est déposé auprès des banques commerciales11. Conformément aux dispositions
de la loi de convertibilité, ces dépôts peuvent être libellés en pesos argentins ou en dollars US.
Ces deux types de placement produisant le même rendement, le partage entre les deux est
supposé dépendre d’un paramètre mesurant la préférence pour la monnaie nationale ou pour le
dollar (équations 61 à 63). Les ménages financent leurs investissements grâce aux crédits
argentins ou étrangers selon une proportion supposée fixe. Comme pour les dépôts, ils ont le
choix entre des crédits domestiques en dollars et des crédits domestiques en pesos (équations
64 à 67).

           Le besoin de financement des firmes se détermine en fonction des dépenses
d’investissement et de l’épargne préalable de celles-ci. Il peut être satisfait par des crédits
étrangers ou domestiques, libellés en pesos ou en dollars (équations 68 à 72). La même
logique est adoptée pour les Administrations Publiques (équations 73 à 77).

           Dans le système de Currency Board, en l’absence de réserves obligatoires des banques
commerciales auprès de la BCRA, la base monétaire est strictement égale aux réserves en
devises. Cette base monétaire représente les pièces et billets émis par la Banque Centrale qui
serviront pour les transactions des ménages (équations 78 et 79). Les réserves en devises
détenues par la Caisse d’Emission correspondent à la somme des soldes de la balance des
opérations courantes et de la balance des capitaux. La première se détermine à travers les flux
commerciaux et les revenus de transferts entre l’Argentine et le reste du monde ; la deuxième
est déterminée par l’offre de crédits en provenance de l’étranger (équations 80 et 81).

           Enfin, concernant les banques commerciales, l’offre de crédit domestique est
largement contrainte par le volume des dépôts que les ménages y ont déposé. En effet, attendu
qu’en régime de Currency Board, les réserves obligatoires et le refinancement ne sont plus

11
     Le ratio Liquidité-Dépôt est alors supposé fixe. Voir sur ce point, S. Hanke, L. Jonung and K. Schuler, (1993).

                                                           8
assurés par la Banque Centrale, la masse de crédits que les banques peuvent offrir est limitée
par leur capacité d’acquérir et de maintenir des réserves suffisantes. L’ensemble de ces
mécanismes sont résumés dans les comptes suivants.

                Ménages                          Firmes                              APU

      ∆MON h         Sh                  BESFf        ∆CD D f
                                                                             BESFg     ∆CD D g

      ∆DEPh                                           ∆CE   D
                                                                                       ∆CE   D
                                                            f                                g

          Banques                                                             Reste du monde
        Commerciales                             BCRA

      ∆CD$Sus      ∆DEPh                 ∆RC         ∆MON h                  ∆CEh    − BOC
                                                                             ∆CE g   ∆RC
      ∆CD$S        S bq
                                                                             ∆CE f

Conditions d’équilibre sur les marchés et modes de bouclage

       L’équilibre sur les marchés des biens et services se détermine grâce aux variations des
prix (équations 82 à 85) considérés comme flexibles en Argentine, compte tenu des réformes
de libéralisation engagées à partir de 1991.

       Sur le marché du travail, en revanche, deux modes de bouclage alternatifs sont
envisagés. Dans le premier, le salaire réel est supposé flexible et l’économie est toujours au
plein-emploi (équations 86 et 87). Dans le second, une rigidité de salaire est introduite par
souci de mieux rendre compte de la réalité argentine [Diaz-Bonilla et al., 2003]. Dans ce cas,
c’est le chômage qui assure l’ajustement du marché (équations 86’ et 87’).

       Le bouclage financier du modèle se fait en premier lieu, à travers l’égalisation du
niveau des recettes de change avec la somme des soldes de la balance des opérations
courantes et de la balance des capitaux (équation 88). Il se détermine en second lieu par
l’égalisation des différentes demandes et offres de crédits (équations 89 à 91). Ce marché du
crédit étant essentiellement déterminé par le rationnement imposé par le Currency Board, les

                                                 9
taux d’intérêt ne servent pas de variables d’ajustement. Ils sont déterminés de manière
exogène, par rapport aux taux d’intérêt en vigueur sur les marchés financiers, en fonction de
considérations liées au maintien de la parité dollar-peso et à la nécessité de limiter les
mouvements de capitaux à caractère spéculatifs.

        Enfin, compte tenu des contraintes induites par le Currency Board, les taux de change
bilatéraux ne sont pas déterminés de manière endogène dans le modèle. Par définition, le taux
de change du peso avec le dollar est fixé à un (équation 92). En revanche, des fluctuations de
change exogènes peuvent être envisagées à travers la variation du taux de change bilatéral
avec le Brésil et avec les autres pays (équations 93 et 94).

3. Simulations et résultats

Méthodologie

        Notre objectif est d’essayer de retracer les situations économiques auxquelles
l’Argentine a pu être confrontée à la fin de la décennie quatre-vingt-dix. Pour cela, en
l’absence de données initiales, nous avons dans un premier temps construit une Matrice de
Comptabilité Sociale (MCS) retraçant l’ensemble des flux réels et financiers sur une année12.
L’année de référence retenue est 1997 en raison de l’absence de données de production après
cette date. Dans un second temps, nous avons calibré les principaux paramètres du modèle à
partir des données de la MCS et des indications fournies dans la littérature économique. Dans
un troisième temps, nous avons procédé aux simulations de différents chocs économiques
exogènes. Ces simulations sont regroupées en trois types de scénarii et les résultats obtenus
(exprimés en variation par rapport à l’Equilibre Général de référence donné par la MCS)
dépendent du mode de bouclage choisi sur le marché du travail.

Premier scénario : renforcement des politiques d’austérité (1999-2002) et récession

        Dans ce premier scénario, nous tentons de rendre compte de la récession économique
qu’a subi l’Argentine à la fin de la période de convertibilité. A partir de 1999, la croissance

12
   Cette MCS a été élaborée à partir du TES argentin 1997 (Matriz Insumo Producto) publiée par le Secrétariat
de Politique Economique en 2001, des enquêtes ménages de l’INDEC (Insituto Nacional de Estadística y Censo)
et des données financières de la BCRA. En l’absence de données, certaines clés de répartition ont été tirées de la
littérature économique en fonction des désagrégations choisies, notamment de O. Chisari (2002). Cette MCS est
disponible auprès des auteurs.

                                                       10
devient en effet négative (-3.3%) et la récession s’aggrave pour atteindre -10.9% en 2002.
Deux éléments peuvent expliquer en partie cette évolution défavorable. Le premier, d’ordre
interne, est lié au choix des autorités argentines de garder le cap de la rigueur et de renforcer
leurs politiques d’austérité. Le second, d’ordre externe, est lié à la décision des USA de mener
une politique monétaire restrictive, face à des signes évidents de surchauffe de leur économie
et devant la menace inflationniste que cela représente13.

        Les deux premières simulations montrent les effets du renforcement de ces politiques
d’austérité sur une économie argentine contrainte par le Currency Board. Dans la première,
nous envisageons une diminution de l’investissement public argentin permettant d’apprécier
l’impact de la politique d’austérité budgétaire. Dans la seconde, nous simulons une hausse de
20% des taux d’intérêt américains et argentins14. Les résultats obtenus sont présentés dans le
tableau 1.
                        Tableau 1 - Scénario de politiques d’austérité :
                    impact sur les principales variables économiques (en %)
             Principales variables                          -10% Ig                +20% i et i*
                                                   Salaire        Salaire     Salaire       Salaire
                                                    fixe          flexible     fixe         flexible
             Prix                                    -0.8              -0.5     -1.8           -2.5
             Importations                           -0.77             -0.76      -3            -2.9
             Exportations                            0.10              0.65     0.3             2.1
             Réserves de change                     -0.77             -0.79     -1.8           -1.8
             Investissement étranger                -1.95             -2.83     -7.1           -10
             Crédit domestique en pesos             -1.66             -1.39     -32           -30.8
             Crédit domestique en dollars           -1.16             -1.32    -16.6          -17.1
             Investissement                         -1.16             -0.83    -6.65          -5.46
             Epargne domestique                     -1.45             -1.06     -8.2           -6.7
             Revenu des ménages                     -0.77             -0.79    -1.79          -1.79
             Déficit public                         -4.62             -2.84    6..34          -3.21
             PIB                                    -0.79             -0.84    -2.69          -2.55
             PIB ( secteurs échangeables)           -0.84              -0.7    -3.15          -3.25
             PIB ( secteurs non échangeables)       -0.84             -0.93    -1.94          -1.42
             Taux de chômage                         0.71                -      2.4              -
             Salaires                                  -              -0.80       -            -2.7

        La diminution de 10% de l’investissement public a un effet récessif sur l’économie
argentine quel que soit le mode de bouclage choisi. En effet, la diminution de la dépense
publique réduit le besoin de financement de l’Etat, ce qui se traduit par une baisse de la

13
   En 1999, les USA connaissent leur 8ème année de croissance consécutive, cette dernière s’étant accélérée
depuis 1997. La FED remonte ainsi d’un quart de point l’objectif de taux des fonds généraux qui s’élève alors à
5%.
14
   Pour éviter les tensions à la baisse sur le peso et les mouvements de spéculation, la BCRA augmente
également ses taux d’intérêt. On suppose de plus que l’ensemble de ces taux sont révisables, ce qui a pour
conséquence de renchérir le service de la dette dans le modèle.

                                                      11
demande de crédit dans l’économie. Dans la sphère financière, la diminution du crédit
étranger se manifeste par un recul des entrées en devises (-1.95 et -2.83%). Selon la règle de
fonctionnement du Currency Board, la base monétaire se réduit et, par extension, les
liquidités destinées aux agents. Pour maintenir un ratio de liquidités fixe, les ménages
diminuent leurs dépôts bancaires et c’est finalement leur épargne qui s’ajuste à la baisse. Dans
la sphère réelle, ce phénomène s’explique par le choc récessionniste et déflationniste que
provoque la baisse de la demande publique sur le marché des biens et services15. Les profits
des entreprises s’érodant et les revenus du travail s’ajustant à la baisse, c’est finalement
l’ensemble des revenus des agents qui s’en trouve affecté et donc leur épargne (-1.45 et -
1.06%). En conséquence, les incitations à investir se réduisent et les tensions à la baisse sur le
marché du crédit se renforcent. Au nouvel équilibre, le PIB a diminué de 0.8% et cette
contraction de l’activité contribue à augmenter le chômage (+0.71%) ou diminuer les salaires
(-0.8%) selon le mode de bouclage envisagé sur le marché du travail.

            La simulation d’une politique monétaire restrictive défendue par les Etats Unis et
suivie par l’Argentine révèle également un impact négatif sur l’économie. En effet,
l’augmentation des taux d’intérêt provoque un renchérissement du coût des crédits contractés
ce qui ponctionne le revenu des agents (-1.79%). Dans la sphère réelle, cette baisse des
revenus provoque une diminution de la demande globale. Dans la sphère financière, elle
implique une baisse de la capacité d’épargne des ménages qui se traduit par une diminution de
la demande de liquidités et une réduction des dépôts bancaires. En conséquence, l’offre de
crédit domestique étant liée au volume de dépôts par le Currency Board, le volume de crédit
domestique offert dans l’économie diminue. Par ailleurs, face à la baisse de la demande de
pesos, la Caisse d’Emission achète de la monnaie nationale contre des réserves en dollars afin
d’assurer l’équilibre sur le marché de la monnaie. L’origine de cette diminution des réserves
(-1.8%) s’explique par la dégradation de la Balance des Opérations Courantes, le
rétablissement relatif de la balance commerciale ne compensant que partiellement le
renchérissement du            service de la dette. Au total, les effets du rationnement du crédit
domestique et l’effet d’éviction provoqué par l’augmentation du besoin de financement de
l’Etat entraînent une contraction de l’investissement des ménages. Le PIB décroît alors de 2%
et ce ralentissement de l’activité fait augmenter le chômage (+2.9%) ou diminuer les salaires
(-3%) selon le cas.

15
     L’augmentation des exportations ne suffit pas à compenser cette baisse de la demande interne.

                                                          12
A ce stade, une troisième simulation est effectuée pour tenir compte des changements
structurels que cette récession provoque sur le marché du travail. En effet, à mesure que
l’Argentine sombre dans la récession, les déséquilibres structurels sur le marché du travail
s’accentuent et l’effet du « travailleur additionnel » prend de l’importance. Ce « travailleur
additionnel », ou « travailleur secondaire », caractérise alors les actifs jusque là non occupés,
restant en réserve dans l’économie, et qui vont désormais chercher un emploi lorsque le
revenu familial subit une forte baisse16. Au total, cet effet du travailleur additionnel se traduit
par une augmentation de l’offre de travail. C’est l’objet de notre troisième simulation qui rend
compte d’une augmentation du nombre d’actifs de +10%. Les résultats obtenus dans le
tableau 2 et ne sont présentés que sous l’hypothèse de salaire flexible17.

                  Tableau 2 - Simulation de l’effet du travailleur additionnel:
                   impact sur les principales variables économiques (en %)
                             Principales variables                    +10% LS
                                                                  Salaire flexible
                             Prix                                         -3
                             Importations                                0.28
                             Exportations                                7.33
                             Réserves de change                         -0.17
                             Investissement étranger                   -11.51
                             Crédit domestique en pesos                  -1.7
                             Crédit domestique en dollars                  5
                             Investissement                              4.65
                             Epargne domestique                           5.4
                             Revenu des ménages                         -0.17
                             Déficit public                             -23.5
                             PIB                                         0.26
                             PIB (secteurs échangeables)                -0.22
                             PIB (secteurs non échangeables)             1.97
                             Taux de chômage                               -
                             Salaires                                    -10

        Cette offre de travail supplémentaire s’adresse aux différentes branches d’activité. En
l’absence de chômage, c’est le salaire qui absorbe directement le choc en s’ajustant à la
baisse. Compte tenu des différences entre les processus de production, le choc se traduit
également en termes réels sur l’offre de produit. Au total, sous l’effet de l’augmentation du
facteur travail, le PIB augmente dans de faible proportion.

16
   Selon Paz [2003], ce phénomène s’est accéléré en Argentine à partir de la seconde moitié de la décennie
quatre-vingt-dix pour compenser la perte de travail du chef de ménage et devant à la nécessité de maintenir des
revenus suffisants face à un niveau d’endettement conséquent. Ces travailleurs secondaires argentins sont alors
essentiellement les conjoints et les personnes de moins de 25 ans et de plus de 65.
17
   Sous l’hypothèse de salaire fixe cette simulation a en effet peu d’intérêt. Compte tenu de la structure du
modèle, seule la variable chômage est affectée par l’augmentation de la population active et les différents prix
relatifs restent constants.

                                                      13
Deuxième scénario : crises financières des pays émergents

       A la fin des années quatre-vingt-dix, l’économie mondiale a subi de graves crises
financières. En 1997, ce sont les pays émergents d’Asie qui déstabilisent les marchés
financiers et voient leurs taux de change s’effondrer. En 1998, c’est le Brésil qui entre dans
une période de tourmente se soldant par la dévaluation du Réal. Par effet « domino », ces
crises se sont finalement répercutées sur l’économie argentine qui s’est avéré incapable de
contenir les effets perturbateurs de ces chocs et qui a largement souffert des attaques
spéculatives à l’encontre de son marché financier ouvert. Dans ce deuxième scénario, nous
avons choisi de retracer l’impact de ces crises financières sur une économie argentine rendue
vulnérable par l’impossibilité d’utiliser les instruments traditionnels de politique
conjoncturelle. Dans cet esprit, une première simulation envisage une dévaluation des
monnaies des pays émergents18 et une seconde envisage une dévaluation du Réal brésilien.
Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 3.

                              Tableau 3 - Scénario de crises financières :
                           impact sur les principales variables économiques (en %)

             Principales variables                          - 10 % ERautr           - 20 % ERBrés
                                                     Salaire       Salaire       Salaire    Salaire
                                                      fixe         flexible       fixe      flexible
             Prix                                      - 4.7          - 6.8         - 4.8         - 6.9
             Importations                             - 0.62         - 0.56        - 2.35        - 2.28
             Exportations                             - 4.25         - 0.33        - 4.12         0.59
             Réserves de change                       - 6.43         - 6.60        - 6.63         - 6.8
             Investissement étranger                   1.37          - 5.62         1.67         - 5.49
             Crédit domestique en pesos               - 8.49         - 9.81         - 8.4        - 9.73
             Crédit domestique en dollars            - 14.67        - 17.08       - 18.58       - 16.05
             Investissement                           - 4.19         - 1.26        - 4.68         - 0.3
             Epargne domestique                       - 8.78        - 12.01        - 9.09       - 12.42
             Revenu des ménages                       - 6.38         - 6.57        - 6.58        - 6.76
             Déficit public                           14.67           0.27          15.8          0.47
             PIB                                      - 6.94         - 6.87        - 7.17        - 7.05
             PIB (secteurs échangeables)              - 6.63         - 7.07        - 6.63        - 7.01
             PIB (secteurs non échangeables)          - 7.43         - 6.55        - 8.04        - 7.11
             Taux de chômage                             6              -             7             -
             Salaires                                    -           - 6.85           -            -6

       L’appréciation du Peso par rapport aux monnaies des pays partenaires (hors Etats-Unis)
créé d’importantes perturbations pour l’économie argentine. En diminuant les prix des
importations en provenance de cette zone, elle modifie les prix relatifs internes ce qui réduit la
demande de produits domestiques au profit de celle des produits importés. De même, en

18
     Par approximation, c’est la valeur du taux de change ERautr qui est modifiée dans le modèle.

                                                          14
réduisant les bénéfices tirés des exportations à destination de cette zone19, elle affecte la
production interne. Au total, le PIB décroît fortement (entre 6.87 et 7.17%) et ces variations
sont généralement plus importantes pour les secteurs des biens non échangeables. Ces
évolutions se répercutent alors sur le marché du travail par le biais d’une diminution des
salaires (-6.85 et -6%) ou d’une hausse du chômage (+6 et +7%) en fonction du mode de
bouclage envisagé.

           Dans le cas où les salaires sont fixés, l’ajustement s’explique par la Balance
Commerciale. En effet, la perte de compétitivité des exportations argentines entraîne la
diminution de ces dernières (-4.25 et –4.12%) dégradant ainsi le solde courant. Au total, les
entrées en devises diminuent, réduisant les réserves détenues à l’actif de la BCRA. Par la
règle de convertibilité, l’offre monétaire se contracte, entraînant la diminution des prix interne
voire la déflation (-4,7 et -4.8%). Dans le cas où les salaires sont flexibles, la balance courante
est équilibrée. L’ajustement passe par la Balance des Capitaux. En effet, le choc se caractérise
par un retrait massif des capitaux étrangers (-5.62 et –5.49%) contribuant à la diminution des
réserves en devises et donc des prix internes (-6.8 et –6.9%).

Troisième scénario : renforcement des processus d’intégration régionale

           Depuis 1991, l’Argentine s’est engagée dans un processus d’intégration régionale avec
ses proches voisins du cône sud latino-américain que sont le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.
Ce processus est désormais bien avancé puisque le MERCOSUR est aujourd’hui une union
douanière imparfaite. Par ailleurs, l’Argentine s’est également engagée dans la Zone de Libre-
Echange des Amériques (ZLEA), décidée à l’initiative des Etats-Unis, dont l’objectif est de
rassembler les économies des Amériques en une seule zone de libre-échange à l’horizon 2005.

           Dans ce troisième scénario, nous avons choisi de retracer l’impact d’un renforcement
de ces processus d’intégration régionale sur l’économie argentine. Dans un premier temps,
pour rendre compte de la baisse des coûts à l’échange dans le cadre du MERCOSUR, nous
simulons une diminution de 10% du prix des exportations et des importations avec le Brésil.
Dans un deuxième temps, nous simulons une diminution des prix entre l’Argentine, les Etats-
Unis et le Brésil afin de rendre compte de la création d’une zone de libre échange entre les

19
     Les prix des exportations sont exprimés en devises.

                                                           15
trois pays. Enfin, nous avons choisi de simuler en dernier lieu la mise en œuvre d’un accord
bilatéral entre les Etats-Unis (pays d’ancrage) et l’Argentine par une diminution de 10% des
prix des biens et services échangés entre ces deux pays. Les résultats obtenus sont présentés
dans le tableau 4.

                 Tableau 4- Scénario d’un renforcement de l’intégration régionale
                  impact sur les principales variables économiques (variation en %)
         Principales variables      Accord bilatéral              ZLEA           MERCOSUR
                                    Salaire Salaire     Salaire     Salaire    Salaire Salaire
                                     fixe    flexible    fixe       flexible    fixe   flexible
         Importations                 0.82      0.83    -0.32        -0.26      -1.07    -1.02
         Exportations                -0.52      -0.1    -2.49         0.18      -1.89     0.37
         Réserves de change          -0.59     -0.67    -3.78        -3.89      -3.24     -3.3
         Investissement étranger        0      -0.61     0.83        -3.31       0.85    -2.66
         Crédit domestique             -1      -1.02    - 6.23       - 6.34     -5.43    -5.55
         Investissement               0.25      0.08    -2.43         -0.7       -3.8    -2.69
         Epargne domestique          -1.08     -0.76    -7.10        -5.15      -6.07    -4.41
         Revenu des ménages          -0.58      -0.6    -3.76        -3.85      -2.69     -2.7
         Déficit public               1.35     -0.09     0.14         9.03       8.79     1.88
         PIB                         -0.61     -0.59    -4.06        -4.05      -2.94    -2.86
         Taux de chômage              0.55        -      3.43           -        2.9        -
         Salaires                       -      -0.64       -           -4          -      -3.4

     La création d’une zone de libre échange entre les Amériques ou le renforcement du
MERCOSUR ont un impact non négligeable sur l’économie argentine. Face à la baisse du
prix des biens et services en provenance des Etats-Unis et/ou du Brésil, la demande de
produits domestiques diminue en faveur des importations. En outre, par « effet prix », les
exportations génèrent moins d’entrées en devises dans le pays. Au total, le solde courant est
affecté diminuant le montant des réserves de change détenues à l’actif de la Caisse
d’Emission. Les mécanismes d’ajustements décrits au cours des simulations précédentes
s’opèrent et l’économie argentine entre en récession. En fonction du mode de bouclage retenu,
le chômage augmente de 3 points dans le cadre du MERCOSUR et de 3.5% dans le cadre de
la ZLEA) où les salaires diminuent (respectivement de 3.4% et 4%). Enfin, on remarque que
l’intensité du choc s’explique par le fait que le Brésil est le principal partenaire commercial de
l’Argentine20.

     La troisième simulation confirme cette intuition car un accord bilatéral entre les Etats-
Unis et l’Argentine ne semble pas engendrer de perturbations majeures sur les indicateurs
macroéconomiques retenus. Les Etats-Unis ne représentant finalement qu’une faible partie
20
  En 2001, 20% des importations argentines proviennent du Brésil et ce pays absorbe 30% des exportations
argentines.

                                                   16
des échanges commerciaux avec l’Argentine21, la diminution de 10% des prix entre
l’Argentine et les Etats-Unis, ne provoque que des variations minimes pour les deux types de
bouclages envisagés.

Conclusion

        L’objectif de notre analyse était de montrer les contraintes imposées par le système de
Currency Board sur l’économie argentine. Les différentes simulations effectuées ont ainsi
montré que ce système monétaire avait fortement déterminé les mécanismes d’ajustement de
cette économie, avec des répercussions certaines sur le marché du travail. Le contexte général
d’austérité économique de la fin des années quatre-vingt-dix, s’est ainsi soldé par une
dégradation de la conjoncture, entraînant un ralentissement de l’activité que renforce le
phénomène du « travailleur additionnel ». De même, les importantes crises financières
internationales ont particulièrement affecté l’économie argentine à travers la variation des prix
relatifs qu’elles ont engendré. Enfin, les dernières simulations ont montré que le système de
Currency Board paraissait inadapté dans un scénario de renforcement d’une intégration
régionale.

        Au total, l’ensemble des scénari étudiés montre que les conditions imposées par
l’ancrage du peso argentin sur le dollar, se traduisent par des mécanismes d’ajustement qui
concernent la sphère réelle, à travers des fluctuations des marchés des biens et services et du
marché du travail. Si cette première analyse a délibérément adopté une perspective
macroéconomique, il nous semble à présent qu’elle pourrait être profitablement prolongée
par une désagrégation appropriée des ménages argentins, pour mener une analyse plus fine
des conséquences du Currency Board en termes d’inégalités et de pauvreté.

21
  En 2001, 18% des importations argentines proviennent des Etats-Unis et ce pays absorbe 10% des exportations
argentines.

                                                     17
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                                                 18
Annexe 1 : Liste des équations du modèle

Production et demande de facteurs                                                                                                                                        Emplois des biens composites

                                                                                                                                   −
                                                                                                                                        1                                (21),(22)
           X i = Aip .α ip .( Ldi ) + (1 − α ip ).K i 
                                                    −µ
                                                        
                                                                                                                        p
                                    −µ
                                                                       p                                               i               µ ip
                                                                      i
(1),(2)                                                                                                                                                                                                                                                
                                                                                                                                                                        pcqi .CFQih = c min ih . pcqi . + pmcih .(1 − s h ).YDh − ∑ c min hj . pcq j 
                                                                                                                                                                                                                                    j                  
                                                           σ ip
           Ldi   pvai .α ip                                                                                                                                            (23), (24)    CFQig = ϖ ig .CFQ g
(3),(4)        =               
           X i  ( Aip ) µ .w 
                                          p
                                         i

                                                                                                                                                                         (25), (26)    CIQi = ∑ a ij . X j
                                                                                                                                                                                                    j
Biens domestiques, biens composites, exportations et
        importations                                                                                                                                                     (27), (28)    pcqi.IQig = β ig .I g

                        [
      Qe = Aeq . α eq .( Ded ) − µ + (1 − α eq ).M e− µ                                                     ]
                                                                                                                 1
                                                      q                                                 q   −
                                                                                                                µ eq                                                                                                                   σ I1
                                                                                                                                                                                                     pvai . X i − w.Ldi
                                                      e                                                 e
(5)                                                                                                                                                                                    IQi f                                      
                                                                                                                                                                         (29), (30)            = θ                              
       Ded  α eq   pd e 
                                              σ eq                              σ eq                                                                                                    Ki               pindex                   
          =
       M e  (1 − α eq )  pme 
(6)                      .    
                                                                                                                                                                         (31), (32)    pcq i .IQih = β ih .I h
                                                                                                                                                                         Système de prix
(7)   Qne = Dned
                                                                                                                                                                         (33), (34)     pvai = pxi .(1 − tx i ) − ∑ a ji . pcq j
(8)    M ne = 0                                                                                                                                                                                                            j

                                                    −
                                                       1                                                                                                                 (35), (36)    pcqi .Qi = pd i .DiS + pmi .M i
                          − µ t               µ t     t
(9) X e = Ae .α e .( De )
           t
              
                 t     s
                                        e
                                             −
                               e + 1 − α t .E e 
                                             e    
                                                      µ e         (                    )                                                                                 (37), (38)    pxi . X i = pd i .DiS + pei .Ei
                                                 
                                                                                                                                                                         (39)   pindex = ∑ π i . pxi
                                              σ et                              σ et
        Des  α et   pd e 
                                                                                                                                                                                                i

           =
        E e  (1 − α et )  pee 
(10)                      .                                                                                                                                           (40)   peeBrés = ER Brés . pweeBrés

(11)    X ne = Des                                                                                                                                                       (41)   peeusa = ER us . pweeusa
(12)    E ne = 0                                                                                                                                                         (42)   peeAutr = ER Autr . pweeAutr

                            [                                                                                                            ]
                                                                                                                                                    1
                                                                                                                                            −
                                                                                                                                                                                peerdm .Eerdm = pee .Ee                 + pee
                                                                                                                                                                                                            usa   usa           autr          autr
                                                                                                                             − µ em
                 = Aem α em .( M eBrés ) − µ e + (1 − α em ).M erdm                                                                                                                                                                    .Ee
                                                                      m
                                                                                                                                                µ em                     (43)
(13) M e

                                                       σ em                                    σ em                                                                      (44)   pee .E e = peeBrés .E eBrés + peerdm .E erdm
       M   Brés
                     α em   pmeBrés 
(14)
           e
                   =        m) 
                                  . rdm                                                                                                                                       pene = 0
                     (1 − α e   pme 
       M    rdm                                                                                                                                                          (45)
           e

                        [                                                                                            ]                                                           pmeBrés = ER Brés . pwmeBrés
                                                                                                                             1                                           (46)
                                                                                                                       −
                                                                                                      rdm − µ e
                                                                                                                e

(15) E e    = A α .( E
                    e
                    e
                            e
                            e
                                        Brés
                                        e       )    − µ ee
                                                              + (1 − α ).E                 e
                                                                                           e          e
                                                                                                                            µ ee

                                                                                                                                                                         (47)   pm eusa = ER us . pwm eusa
                                                 σ ee
       E  Brés
                    α           pe
                                    e                                      Brés
                                                                                       
(16)
          e
                  =        e) 
                                 . e                                      e
                                                                                                                                                                               pm eAutr = ER Autr . pwm eAutr
                    (1 − α e   pe
           rdm                                                              rdm                                                                                          (48)
       E  e                                                                e           
                                                                                                                                                                                pmerdm .M erdm = ( pmeusa .M eusa + pmeAutr .M eAutr )
                                    [                                                                                                                   ]
                                                                                                                                                             1           (49)
                                                                                                                                                        −
                                                                                                                             Autr − µ e
                                                                                                                                      ms

(17)    M erdm = Aems α ems .M eusa )                                 − µ ems
                                                                                 + (1 − α ems ).M e                                                         µ ems

                                                                                                                                                                         (50)   pme .M e = pmerdm .M erdm + pmeBrés .M eBrés
                                                           σ ems                                  σ ems
        M eusa  α ems                                              pmeusa .                                                                                          (51)   pmne = 0
(18)           =                                                 .    Autr 
        M eAutr  (1 − α ems )                                      pme                                                                                               Origines et utilisation du revenu des agents

                                [                                                                                                      ]−
                                                                                                                                                1                        (52)
                                                                                                                         − µ ees
        E erdm = Aees α ees .( E eusa ) − µe + (1 − α ees ).E eAutr
                                                                   es
                                                                                                                                            µ ees
(19)
                                                                                                                                                                         Yh = ∑ w.Ldi + κ h .∑ ( pva i . X i − w.Ldi ) + rdc t −1 .TDEPht −1
                                                          σ eb
                                                            e                                                                                                                      i                    i
         E eusa  α eeb   peeusa 
(20)            =               .                                                                                                                                    + pindex.(TRANSFhg + ER us .TRANSFhr )
         E eAutr  (1 − α eeb )   peeAutr 
                                                                                                                                                                         (53)   YDh = (1 − ty h ).Yh − rrd t −1 .TCR ht −1 − rdd t −1 .TCDht −1

                                                                                                                                                                    19
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