DÉCRYPTAGE La Grande Baltique depuis l'annexion de la Crimée : étude de l'évolution des stratégies de défense dans la région - Les Jeunes IHEDN

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DÉCRYPTAGE La Grande Baltique depuis l'annexion de la Crimée : étude de l'évolution des stratégies de défense dans la région - Les Jeunes IHEDN
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                   La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée :

                   étude de l’évolution des stratégies de défense dans la

                   région

                                                                            1
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                   Par Morgane BONNIÈRE
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée : étude de l’évolution des stratégies de

    défense dans la région

À PROPOS DE L’ARTICLE
Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, les forces russes ne cessent de violer les espaces

aériens et maritimes menaçant la stabilité de la zone. Si le porte-parole du Kremlin, Dmitri

PESKOV dénonce « la russophobie totale, hystérique »1, Lituanie, Estonie, Lettonie, Suède,

Finlande, Norvège et même l’Islande ont revu en conséquence leur stratégie de défense.

Menace commune mais réponses multiples : la Lituanie réinstaure le service militaire,

l’Estonie opte pour une armée professionnelle… les initiatives européennes sont

nombreuses à la fois dans le cadre de l’UE, de l’OTAN mais aussi de manière multilatérales

et bilatérales.

Cet article se propose d’étudier les conséquences de l’annexion de la Crimée dans la

Baltique en analysant l’évolution des stratégies de défense dans la région.

À PROPOS DE L’AUTEUR                                                                                                         2

                                Morgane BONNIÈRE est étudiante au sein du Master I Juriste Européen

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                                des Affaires de l’Université Paris X. Autrice de plusieurs articles, elle est

                                responsable publication du Comité Europe des Jeunes IHEDN.

1 Le Kremlin sur la « menace russe » aux pays baltes : une russophobie hystérique et totale [en ligne]. Sputnik.
3/04/2017 [consulté le 17/12/2021]. Disponible sur https://fr.sputniknews.com/20170403/peskov-russie-
lituanie-1030739262.html
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée : étude de l’évolution des stratégies de

défense dans la région

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[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée : étude de

l’évolution des stratégies de défense dans la région

« Tous aujourd’hui réalisent que la paix n’est plus acquise dans la Baltique »2. Tel était déjà

le constat dressé en 2015 par Charly SALONIUS-PASTERNAK, auteur d’un article au nom

évocateur « L’ombre russe plane sur la Baltique ». La « Grande Baltique » que Claude

VAUTRIN, grand reporter, décrit à la fois comme un lac immense et une mer enclavée,

représente près de 10% du territoire de l’Union européenne avec ses 450 000km2 de

superficie. Espace stratégique majeur d’Europe du Nord, la zone devient en 2009, à la

suite d’une décision de la Commission, une macro-région faisant coopérer les pays

riverains membres de l’Union, ainsi que la Norvège, la Russie et la Biélorussie sur des

problématiques liées au désenclavement, à l’environnement ou encore à la prospérité.

Encore peu unifiée culturellement, la « Méditerranée du Nord » est partagée entre

peuples scandinaves, baltes, germaniques et russes. Historiquement, la Baltique fut un
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important foyer de commerce avant de jouer un rôle périphérique pendant les guerres

napoléoniennes et les deux conflits mondiaux. Présentée comme une zone pacifiste et

pacifiée depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la Baltique fut gelée pendant la

Guerre Froide, les rivages baltes séparant l’URSS du reste de l’Occident. Cependant,

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depuis l’annexion de la Crimée par la Russie, l’invasion du Donbass, les forces russes ne

cessent de violer leurs espaces aériens et maritimes, menaçant la stabilité de la zone.

Ceux que Charly SALONIUS-PASTERNAK 3 désigne comme « tous », les trois sœurs -

Lituanie, Lettonie, Estonie- ainsi que des pays pourtant neutres comme la Suède, la

Norvège, la Finlande, ont revu leur stratégie de défense, se préparant à affronter un

environnement de plus en plus instable. En ce sens Zbigniew BREZINSKI, politologue

2 SALONIUS-PASTERNAK, Charly. « L’ombre russe plane sur la Baltique ». Alternatives Économiques. [en ligne].
01/09/2015. [consulté le 17/12/2021]. Disponible sur https://www.alternatives-economiques.fr/lombre-russe-
plane-baltique/00006249.
3 Ibid.
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

américain d’origine polonaise, soutient qu’une « nouvelle » Guerre Froide a débuté4. Une

idée qui tend à gagner en crédibilité auprès des universitaires, décideurs et médias, en

témoigne la publication de l’article Paul Miller en novembre 2016 « How World War III

could begin in Latvia ?»5. L’occasion de revenir sur l’impact de l’annexion de la Crimée dans
la Baltique et l’évolution des stratégies de défense dans la région.

Une région partagée avec la Russie porteuse d’un traumatisme

mémoriel
Décrite par Arnaud SERRY, maître de conférences en géographie, comme un espace

géographique « aux spécificités notables »6, la Baltique est une mer semi-fermée, point

de contact entre la Russie et des États européens, à la fois membre de l’Union européenne

et de l’OTAN. « Mer bordière originale »7, la Russie en possède un double accès grâce à

l’enclave de Kaliningrad mais aussi par la région de Saint-Pétersbourg et ses nombreux

terminaux portuaires. Par le passé, la Russie y a eu une présence importante : le pacte                                     5
Molotov-Ribbentrop de 1939 , dit pacte germano-soviétique a conduit à l’invasion puis

l’occupation, et enfin l’annexion des États baltes, de la Pologne et de la Finlande.

Cependant, malgré la perte des États baltes en 1990, la Russie pèse lourdement dans la

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région : les russes représentent 25,1%8 de la population en Estonie, 25%9 en Lettonie,

6,3% en Lituanie10. La Russie dispose d’une forte présence navale et aérienne et joue la

4 Cité par GREG, Simons. « Tensions dans la Batlique : une ‘Nouvelle Guerre Froide’ ». Stratégique, 2019, p.
288.
5 MILLER, Paul. « How Wordl War III could begin in Latvia”. Foreign Policy [en ligne], 16/11/2016. [consulté le

17/12/2021]. Disponible sur https://foreignpolicy.com/2016/11/16/how-world-war-iii-could-begin-in-latvia/
6 SERRY, Arnaud. « Le transport maritime en mer Baltique, entre enjeu économique majeur et approche

durable », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2013. p90
7 Ibid.

8 http://www.stat.ee/34278 [archive]

9 EETSI STATISTIKA, « Iedzīvotāju skaits pēc tautības reģionos, republikas pilsētās, 21 attīstības centrā un

novados gada sākumā-Statistikas datubāzes ». [en ligne] [consulté le 19/01/2022], Disponible sur
https://stat.gov.lv/lv/statistikas-temas/iedzivotaji/iedzivotaju-skaits/tabulas/ird060-iedzivotaju-skaits-pec-
dzimuma?themeCode=IR
10 « Демоскоп Weekly - Приложение. Справочник статистических показателей. » [archive]. Disponible sur

demoscope.ru.
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

« carte Kaliningrad » 11 . Située sur l’oblast, la base navale de Baltiisk abrite le quartier

général de la flotte de la Baltique et comprend en plus de nombreux navires militaires

côtiers, deux sous-marins, deux destroyers, trois frégates, huit corvettes, un navire

amphibie. Chkalovsk est le principal aérodrome de Kaliningrad et comprend quatre

complexes distincts pour le stationnement de bombardiers et de chasseurs. Le conflit

russo-géorgien en 2008, l’annexion de la Crimée par la Russie suivi de la guerre du

Donbass en 2014 ont ravivé des angoisses sécuritaires et stratégiques, engendrant de

«mauvaises ondes sur la Baltique »12. Alors que les regards sont tournés vers la frontière

russo-ukrainienne, l’activité militaire russe dans la région s’est fortement accrue : les

experts dénombrent plus de deux cents incidents aériens entre janvier et septembre

2014, cent cinquante au niveau de la frontière russo-lettonne et une soixantaine près de

la frontière russo-lituanienne. Moscou se montre de plus en plus agressives sur les mers

: présence de sous-marins russes dans l’archipel de Stockholm en octobre 2014,

déploiement de bombardiers tactiques Sukhoi Su-34 la même année, affectation de deux

vedettes lance-missiles le Serpoukhov et le Zelioniy Dol à la flotte Baltique en 201613. Pour
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contrer une « otanisation » de la région et afin de la rendre opérationnellement

inaccessible aux forces extérieures, la Russie place des missiles Iskander à capacité

nucléaire et des systèmes de défense antiaérienne S-300 et S-400 dans l’enclave de

Kaliningrad14.

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11 L’expression est de Richard Krickus [1997]
12 VAUTRIN, Claude. Baltique(s). Magellan & Cie. 2021, p. 127.
13 HAZEMAN, Robert. « L’évolution de la présence des forces armées russes en Crimée depuis 2014 ». Revue

de défense nationale, 2017, p. 45.
14 KALIBATAITE, Zvile. « Le positionnement stratégique des pays baltes face à la Russie ». Revue de Défense

nationale, 2017, p. 150.
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

Révision des modèles de défense des États baltes : le besoin de

bénéficier du parapluie américain

« Un an d’occupation allemande vaut mieux que cinquante années d’occupation

soviétique » 15 rapporte Claude VAUTRIN. L’agressivité croissante de la Russie a fait
ressurgir des démons stratégiques, rendant crédible aux yeux des populations baltes un

scénario de conquête russe. En 2014, Vladimir POUTINE menaçait publiquement

« d’envahir l’Europe de l’Est », déclarant à son homologue ukrainien Petro Porochenko « si

je le voulais, des troupes russes pourraient être en deux jours non seulement à Kiev, mais
aussi à Riga, Vilnius, Tallinn, Varsovie et Bucarest »16. Toutefois, force est de constater que
les pays baltes ne sont pas en mesure de répondre à la Russie. Si l’Estonie fait figure

d’exception parmi les pays balte avec un budget militaire s’élevant à 1,75% de son PIB, les

budgets de la Lettonie (0,91%) et de la Lituanie (0,99%)17 comptent parmi les plus faible

de l’Union et de l’OTAN.

« Mieux vaut se tirer une balle dans le pied qu’en recevoir une dans la tête »18 soutenait                                      7
le ministre des Affaires étrangères de la Lituanie en 2014. Estimant la menace « directe

pour la sécurité régionale »19, le Conseil de défense nationale lituanien a réinstauré le
service militaire obligatoire, pourtant aboli en 2008. En mobilisant près de 3500 jeunes

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citoyens lituaniens l’objectif du gouvernement est de pallier le sous-effectif chronique des

forces armées, certaines unités n’étant remplis qu’à hauteur de 6% 20. Autre initiative : la

mise en place d’un manuel en cas d’invasion russe. Distribué dans les bibliothèques et

15 VAUTRIN, Claude. op. cit., p. 124.
16 « Quand Poutine menace d’envahir l’Europe de l’Est ». Le Point. [en ligne], 18/09/2014. [consulté le
17/12/2021]. Disponible sur https://www.lepoint.fr/monde/quand-poutine-menace-d-envahir-l-europe-de-l-
est-18-09-2014-1864366_24.php
17 Données issues de PERCHOC, Philippe. « Les États Baltes, Entre Défense Territoriale Et Élargissement Des

Concepts De Sécurité ». Revues d’études comparatives Est-Ouest, 2013, p. 65.
18 DELFI, Linkevičius L. : « geriau šauti sau į koją, negu leisti, kad šautų mums į galvą » [L. Linkevičius : mieux

vaut se tirer une balle dans le pied qu’en recevoir une dans la tête], 15 août 2014.
19 DESCHAUX-DUTARD, Delphine. « La Lituanie entre PSDC et Otan dans le contexte du conflit ukrainien ».

Revue de Défense nationale, 2016, p. 111.
20 VITUREAU Marielle « Inquiète de la menace russe, la Lituanie rétablit le service militaire ». Libération, [en

ligne]         26/02/2015.            [consulté           le          17/12/2021].         Disponible           sur
https://www.liberation.fr/planete/2015/02/26/inquiete-de-la-menace-russe-la-lituanie-retablit-le-service-
militaire_1210540/
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lors d’évènements militaires, ce guide intime de « garder son froid », « garder sa

lucidité »21, « ne pas paniquer » et de résister par des grèves, manifestations mais aussi
en menant des attaques informatiques et une cyber-résistance sur les réseaux. Dans une

perspective de dissuasion, la Lituanie demande le renfort de l’OTAN et obtient l’envoi de

quatre dragueurs de mine et d’un navire de soutient au port de Klaïpeda en avril 201422 .

Déjà soucieuse des activités des influences russes dans les pays baltes, l’Otan assurait

déjà la sécurité aérienne en Lituanie, via la base de Šiauliai en 2004. À la suite de l’annexion

de la Crimée, l’Otan a renforcé sa présence en implantant la base aérienne d’Amari en

Estonie en 2014 dans le cadre du programme de « police du ciel »23 . L’opération « Balting

Air Policing » complétée par « enhanced Air Policing                           » tend à contrôler tout

« comportement douteux » 24 dans les airs, via des mesures d’identification et de

surveillance.

Consciente qu’elle ne dispose de moyens suffisants, l’Estonie fait du renforcement du

partenariat UE-Otan et de la coopération européenne en matière de défense une priorité,
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en témoigne le rapport sur les enjeux de sécurité internationale publié par le Teabeamet,

service de renseignement national et sa présidence du Conseil de l’UE en 201725 .

Également attachée à la présence otanienne, la Lettonie a inauguré le centre d’excellence

de l’Otan pour la communication stratégique (STRATCOM COE) à Riga en 201526 . En plus

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de former des responsables lettons et d’améliorer l’interopérabilité, ce centre vise à

21 « La Lituanie publie un manuel de survie en cas d’invasion russe », Le Point International, [en ligne].
20/01/2015, [consulté le 17/12/2021]. Disponible sur https://www.lepoint.fr/monde/la-lituanie-publie-un-
manuel-de-survie-en-cas-d-invasion-russe-20-01-2015-1898158_24.php
22 « Conflit en Ukraine : L’Otan envoie cinq navires en Lituanie », Le Point International, [en ligne].02/05/2014

consulté le 17/12/2021]. Disponible sur https://www.lepoint.fr/monde/conflit-en-ukraine-l-otan-envoie-cinq-
navires-en-lituanie-02-05-2014-1818500_24.php
23 « Mission de police du ciel dans les États baltes : l’Espagne, la France et le RU prennent le relai »,

Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, [en ligne]. 29/04/2020, [consulté le 17/12/2021]. Disponible sur
https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_175306.htm?selectedLocale=fr
24 Enhanced Air Policing 2020 : mission franco-estonienne.

25 « Le positionnement stratégique des baltes face à la Russie » Živilė Kalibataitė, Revue de Défense Nationale,

2017/7 (N° 802), pp. 147-152.
26 « Le centre d’excellence de l’OTAN pour la lutte contre la propagande », Président de la République de

Lituanie, Le Service de presse du président, [en ligne]. 21/08/2015 [consulté le 16/10/21]. Disponible sur
https://www.lrp.lt/fr/centre-de-presse/communiqus-de-presse/le-centre-dexcellence-de-lotan-pour-la-lutte-
contre-la-propagande/23493
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

assurer une protection face aux opérations informationnelles et communicationnelles

russes tout en ancrant les Trois Sœurs dans la communauté euro-atlantique.

Les pays riverains également contraints de renforcer leur stratégie de

défense

Reconnus pour leur modèle économique social, réputés pacifistes et partisans de la

neutralité, les États riverains des Trois Sœurs, Danemark, Norvège, Suède, Finlande,

Islande ont été contraints de repenser leur politique de défense face à la menace russe.

En raison de la divergence de leurs orientations en matière de sécurité, les réponses

apportées à la « question russe » varient . Toutefois, les ministres de la défense norvégien,

suédois, finlandais, danois et le ministre des affaires étrangères islandais ont publié en

avril 2015 une tribune commune. Par cette déclaration, ces derniers soulignent

une dégradation sensible dans leur environnement proche et plaident pour une plus
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grande coopération entre leurs forces armées. En conséquence, la Suède et la Finlande

ont revu leur alliance, envisageant de disposer d’ici 2023 d’une Task Force Navale

bilatérale, « Swedish Finnish Naval Task Force »27.

L’échec des forces suédoises à intercepter des appareils russes simulant une attaque

                                                                                                             LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN
nucléaire dans son espace aérien a convaincu le gouvernement à augmenter les défenses

militaires. La Suède a réintroduit le service militaire obligatoire, renforcé la défense de l’ile

de Gotland. Pour des raisons géographiques évidentes et pour pallier l’absence de

système de défense fonctionnel, la Suède signe en 2014 le Host Nation Support.

Également signataire d’un tel accord de soutien, la Finlande est le pays nordique le plus

adapté à une attaque russe.

 LAGNEAU, Laurent. « La Suède et la Finlande mettent sur pied une force navale conjointe ». Zone Militaire
27

Opex [en ligne]. 04/11/2015 [consulté le 16/10/21]. Disponible sur http://www.opex360.com/2015/11/04/la-
suede-la-finlande-mettent-sur-pied-force-navale-conjointe/
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

N’ayant jamais cessé de se méfier de Moscou, la Finlande a toujours adopté une stratégie

de défense « territoriale » et a maintenu la conscription. Toutefois, depuis 2014 Helsinki

a augmenté son budget de défense, renforcer la sécurité des iles Åland et de sa frontière

avec la Russie.

Attachée à l’Alliance Atlantique, la Norvège s’est préparée à une dégradation du climat de

la région, en demandant notamment en 2008 à ce que l’Alliance dispose des capacités

nécessaires pour faire face aux menaces russes. Estimant la situation grave, mais non

critique, le gouvernement norvégien a sécurisé sa frontière avec la Russie mais reste

d’avantage préoccupé par l’influence de Moscou sur le Grand Nord et l’Arctique.

Unique pays du Nord à la fois membre de l’UE et de l’Otan, le Danemark entretient une

forte relation bilatérale avec les États-Unis mais se montre particulièrement intéressé par

la coopération nordique, à la fois bilatérale et dans le cadre de NORDEFCO. Après avoir

abaissé son budget de défense et avoir concentré sa politique de défense sur les

opérations internationales, le Danemark a revu sa stratégie. En effet, en réalisant que les
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missiles Iskander russes sur la base de Kaliningrad était en mesure d’atteindre

Copenhague, le gouvernement danois a augmenté son budget militaire, le recentrant sur

les opérations nationales.

Bien que ne disposant pas d’armée, l’Islande est membre de l’OTAN et prend activement

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part à la coopération nordique NORDEFCO. Lors du sommet de l’OTAN, Reykjavik a

indiqué augmenter ses engagements au sein de l’Alliance. En plus de garantir sa sécurité

aérienne par l’OTAN, l’Islande a renforcé ses gardes côtes face à la menace russe28.

28 KUNZ, Barbara. « Fragmentation de l’architecture de sécurité dans la Baltique », Le Champs de Mars, 2017,
p. 104.
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

Menace russe… l’occasion pour l’UE d’affirmer la crédibilité d’un projet

de défense commune ?

« L’Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sure, ni aussi libre »29. Ainsi débutait le

rapport de Javier Solana, haute représentante de l’UE pour la politique étrangère et de

sécurité commune à l’occasion du Conseil européen de Thessalonique en 2003. Si ce

rapport envisageait une « Europe sure dans un monde meilleur », il faut reconnaitre que

dix ans plus tard, la réalité est tout autre. En effet, l’environnement sécuritaire s’est

fortement dégradé, l’UE est « entourée d’un véritable arc de feu »30 . La Russie, par sa

politique agressive est pointée du doigt par les États membres qui l’accusent d’avoir violé

le droit international en annexant la Crimée et d’avoir multipliée les manœuvres militaires

illégalement dans la région Baltique.

La Russie est unanimement reconnue comme une menace essentielle pour la sécurité de

l’Union, mais a-t-elle pour autant poussé les États membres à consacrer leur défense

commune ? Compte tenu du fort attachement des pays baltes pour le parapluie                                           11
américain, une réponse « uniquement européenne » n’aurait suffi à apaiser leurs

angoisses sécuritaires. En ce sens, il y aurait une double réponse européenne: celle avec

l’OTAN au centre de la problématique de défense et celle propre à l’UE qui traiterait des

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problématiques liées à la « soft security ». L’UE tend à apporter des solutions. Le Fonds

européen de défense, présenté comme un tournant majeur pour la défense européenne

pourrait s’avérer utile. En effet, en matière d’action préparatoire sur la recherche en

matière de défense, le projet Ocean 2020 vise à créer un drone Patrollen pour la

surveillance maritime : une démonstration devrait être réalisée en mer Baltique par la

marine suédoise.

29SOLANA, Javier. Conseil Européen [Discours]. Thessalonique, 20/06/2003.
30ANGLADE, Pieyre-Alexandre et PUEYO, Joaquim. « L'Europe de la Défense et son articulation avec l'OTAN »
[Rapport d’information]. Assemblée nationale, 22/02/2018 [consulté le 16/10/21].          disponible sur
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b0719_rapport-information
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

Toutefois, en dehors du cadre de l’UE et de l’OTAN, il existe une « mosaïque d’initiatives

plurilatérales » 31 dans la région Baltique. Instaurés avant l’annexion de la Crimée, on
compte deux groupes dans la région : Northern Group et NORDFECO. Northern Group

est une initiative du Royaume Uni en 2010, qui comprend actuellement le Danemark,

l'Estonie, la Finlande, l'Allemagne, l'Islande, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la

Norvège, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni. NORDEFCO ou « Nordic Defense

Cooperation » est une coopération militaire et politique qui englobe activité à la fois
bilatérale et multilatérale en lien avec la politique de sécurité, exercice d’entrainement et

programme de développement capacitaire et d’armement. Ces groupes sont perçus

comme un échec pour l’UE car leur création résulte de la volonté de contourner les

blocages institutionnels liés au multilatéralisme. Autre « échec » pour l’UE32 : l’absence de

« force de réaction rapide ». La réactivité collective pourrait permettre d’aller vers une

« autonomie stratégique » et surtout permettre à l’UE de s’affirmer sur la scène en

internationale en étant capable de répondre dans l’urgence à des crises à l’extérieur de

l’union. S’il n’existe pas de programme commun, le Royaume Uni a initié la création d’une
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force multinationale en 2014 : la Joint expeditionnary force (JEF). Il s’agit d’un groupe

opérationnel sous la direction du Royaume Uni et composé de forces armées du

Royaume-Uni et de huit pays partenaires : le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la Lettonie,

la Lituanie, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède. Particulièrement efficace, les ministres

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de la défense des états participant se réunissent régulièrement pour étudier la politique

agressive de Moscou et revoir en conséquence leurs activités de défense. A titre

d’illustration, en 2019, la Force expéditionnaire a réalisé l'opération de coalition Expone :

navires de guerre britanniques se sont entraînés à soutenir les républiques baltes dans

la mer Baltique

Une fois encore en dehors du cadre de l’UE, l’Initiative européenne d’intervention pourrait,

malgré tout, renforcer la coopération dans la région et combler l’absence de culture de

31 LE GLEUT, Ronan et CONWAY-MOURET, Hélène. « Défense européenne : le défi de l'autonomie stratégique »
[Rapport     d’information].   Sénat,   03/07/2019  [consulté   le     16/10/21].     Disponible     sur
https://www.senat.fr/rap/r18-626/r18-626_mono.html
32 Ibid.
[DÉCRYPTAGE] La Grande Baltique depuis l’annexion de la Crimée

défense des différents pays nordiques. En effet, le Danemark, la Finlande, l’Estonie mais

aussi la France et l’Allemagne travaillent l’interopérabilité des forces armées via l’IEI.

CONCLUSION

« Paix impossible, guerre improbable »33. Ainsi pourrait être résumé la situation dans la

région Baltique. L’annexion de la Crimée et les nombres opérations militaires dans la zone

ont ravivé des angoisses sécuritaires et stratégiques et rendu crédible une « reconquête

russe ». « Tous », États baltes en première ligne, Finlande, Suède, Norvège, Danemark,

Islande et l’Union ont tenté d’apporter d’une réponse en revoyant leur stratégie et modèle

de défense, sans pour autant parvenir à trouver une réponse commune.

Malgré la politique de plus en plus agressive de Moscou, les États bordant la Baltique

agissent en ordre dispersé afin de conserver des relations fonctionnelles avec la Russie.

Route maritime hautement dynamique, la mer Baltique est une façade maritime
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secondaire desservies par des ports pivots européens via des services maritimes dit «

feedering ». Bien que la Russie se soit vu imposer des sanctions économiques par l’UE et
les États-Unis et qu’elle ait mis en place un embargo sur de nombreux produits, la Russie

a besoin de la Baltique pour ses exportations. Son accès restreint à l’océan et les

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spécificités portuaires de la région contraint la Russie et les États riverains à conserver

des relations fonctionnelles.

33   ARON, Raymond. Le grand schisme, Gallimard, 1948.
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