Le polar italien : reflet de la société actuelle - Charlotte Moge Université Lyon 3 - 2AUTA
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Introduction è Le « giallo », une collection Mondadori è Le « noir »
Introduction è Police / Polis è L’écriture de polar comme « un acte politique » è Elisabetta Bacchereti : « hallucinant voyage à la découverte des profondeurs du crime comme expression métaphorique du cœur des ténèbres de la réalité contemporaine » Maria Pia De Paulis-Dalembert (dir.), La littérature policière de 1990 à nos jours. L’Italie en jaune et noir, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2010, p. 21-22.
Introduction è Giorgio Scerbanenco (années 1960) « G. Scerbanenco, et après lui tous les auteurs de polars, se sert donc des nouvelles techniques du roman noir pour dénoncer avec rage et désenchantement la détérioration du tissu urbain par l’industrialisation, la spéculation immobilière. En somme, par le capitalisme. Cueillie dans son immédiate transformation, la ville, Milan, devient un espace tentaculaire, désertique et se veut la métaphore des transformations de la société et de l’homme. » Laurent Lombard, « Le roman policier italien : entre mystère et silence », in Mouvements, 2001/3 n°15-16, p. 62.
Introduction è Leonardo Sciascia : Le jour de la chouette (1961) è Loriano Macchiavelli : Gruppo 13 « raconter la réalité à travers le filtre du protagoniste-enquêteur, une action qui se situe dans des lieux de la vie quotidienne, bien connus et reconnaissables géographiquement, culturellement et linguistiquement, et dans lequel on raconte l’histoire et la vie de la ville et de la province, dans ses aspects sociaux, anthropologiques, historiques et culturels. En somme, c’est l’Italie qui est représentée. » Franca Pellegrini, « Il ‘’giallo’’ contemporaneo. Memoria e rappresentazione dell’identità nazional-regionale », in Monica Jansen & Yasmina Khamal (dir.), Memoria in noir. Un’indagine pluridisciplinare, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p. 204.
1. Le polar italien, véritable kaléidoscope de l’Italie contemporaine 2. Le polar comme instrument de dénonciation des maux de l’Italie contemporaine
Le polar, véritable kaléidoscope Antonio Manzini : « Nous parlons des recoins de la province mais en fait nous parlons du pays, ce sont de petits fragments qui parlent du territoire. L’Italie est très morcelée du point de vue linguistique, il est donc important de rapporter cet aspect du pays. Le dénominateur commun est l’illégalité. Presque personne ne va en prison en Italie : et ça nous a cassé les bonbons à tous, voilà pourquoi nous inventons des commissaires casse-couilles. » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018.
Le polar, véritable kaléidoscope è Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è Des dialectes à l’idiolecte è Une italianité qui se dessine à travers des personnages atypiques?
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale Gioacchino Criaco : « nous représentons une littérature qui est volontairement ancrée dans le territoire parce que tu ne peux pas expliquer le monde d’en haut, tu dois l’expliquer en partant du bas. » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018.
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è La Vallée d’Aoste
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale Antonio Manzini : « J’écris parce que je suis en colère. Et je crois qu’on voit bien, du moins dans les livres de Rocco où réside ma colère. La Vallée d’Aoste est une région qui vit grâce à l’argent de l’État, parce que c’est une région à statut spécial. Dans le Val d’Aoste, on trouve le seul casino d’Europe qui est en faillite. Il perd de l’argent ! Et chaque année, ils prennent 50 millions à l’État, c’est-à-dire à nous, pour les redonner au casino. Savoir que mes impôts servent à combler le déficit du casino, ça me rend fou. Donc je voulais ruiner un peu la réputation de leur police. Même si j’y vais depuis longtemps et que j’adore le Val d’Aoste. » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018.
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è Milan Gianni Biondillo : « Milan est le creuset de grandes contradictions. Il y a de désir de regarder vers le nord, l’envie de grandir (avec l’Expo, les gratte-ciel, la mode), c’est une ville tournée vers le futur, mais il y a une autre ville qui souffre, qui n’arrive pas à la fin du mois. » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018. è Quarto Oggiaro
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale « À Milan, la chaleur est renversante, l’humidité fait fusionner la poussière sur la peau en suffoquant tous les pores, tu commences à te gratter, à souffler, tu halètes… » « Sur le trottoir, il y avait désormais un mélange de bouillasse et de couches de glaces. Cela faisait vingt-quatre heures qu’il ne neigeait plus mais le ciel promettait des tempêtes scandinaves. Quoi qu’il en soit, la ville ne se reposait pas. Ivres de leur esprit de contre-réforme, les Milanais défiaient les dieux en continuant à aller au travail comme s’il s’agissait d’une banale journée de printemps. » Gianni Biondillo, Per cosa si uccide, Milan, Tea, 2004, p. 8 & 91
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è Le Nord-Est (Massimo Carlotto) • L’Alligator « Comprendre les développements de la criminalité internationale en Italie après la chute du mur de Berlin et l’effondrement du système soviétique. » Maria Pia De Paulis-Dalembert, « Nordest de Massimo Carlotto : ascension et déclin du capitalisme entre crimes de sang et mystères de famille », in Histoire et réalités dans le roman policier italien contemporain, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2014, p. 200.
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è Bologne Loriano Macchiavelli : « Bologne est une ville étrange, si tu la regardes bien à l’intérieur, tu te rends compte qu’elle te trompe. Elle te donne l’illusion de te protéger sous ses portiques, comme si tu étais dans le ventre de ta mère, et elle ne te permet pas de regarder dans les coulisses. Où il se passe justement les choses les plus importantes. » http://www.loriano-macchiavelli.it/interviste/la-scuola-emiliana-del- noir/
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è Calabre Gioacchino Criaco : « racconter non seulement l’évolution criminelle mais aussi mon peuple, un peuple qui a une histoire millénaire ». Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018. è Africo / Milan è L’Aspromonte
Un pays, des régions, des langues : la dimension locale et territoriale è Sicile (Andrea Camilleri) • Commissaire Salvo Montalbano • Vigàta • Romans historiques
Des dialectes à l’idiolecte è Parlers régionaux et dialectes : une représentation de l’italianité Gianni Biondillo : « Pour comprendre l’Italie, il faut comprendre Milan. C’est la seule ville où il n’y a pas de dialecte. Depuis Bonvesin della Riva (XIIIe), la moitié de la population n’est pas née à Milan. Dans ma rue, il y avait 50 ou 60 ethnies différentes, c’est une ville cosmopolite. Mon père vient de Camapanie et ma mère de Sicile. La grande contradiction de Milan, c’est que tu entends plein de langues mais tu n’en parles aucune. Le dialecte milanais n’existe pratiquement plus. » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018.
Des dialectes à l’idiolecte è Parlers régionaux et dialectes : une représentation de l’italianité « Les grands immeubles se remplirent en très peu de temps. Les Milanais expulsés de Brera et de Porta Garibaldi arrivèrent, puis les habitants de Bari, de Foggia, de Lecce, quelques Sardes, certains du Frioul, les Calabrais et beaucoup de Siciliens au dialecte incompréhensible. Tous essayaient désespérément de communiquer dans ces cours d’immeuble semblables à la Tour de Babel. Naissait alors une nouvelle langue, peut-être artificielle, qui aurait fait s’étouffer plus d’un linguiste, si jamais il y en avait eu dans le coin. Les Milanais non, évidemment. Mais pas plus les Vénitiens qui arrivaient par bandes et les Napolitains. Eux continuaient à parler leurs langues, archi- convaincus qu’il ne s’agissait pas d’un dialecte. » Gianni Biondillo, Per cosa si uccide, Milan, Tea, 2004, p. 121-122.
Des dialectes à l’idiolecte è L’idiolecte de Camilleri « Le « camillerien » n’est pas la transcription pure et simple d’un idiome par un linguiste, mais la création personnelle d’un écrivain, à partir du parler de la région d’Agrigente. » Serge Quadruppani, « Avertissement du traducteur », in Andrea Camilleri, L’odeur de la nuit, Paris, Fleuve noir, 2003, p. 6. • « Montalbano sono » > « Montalbano, je suis » • Pinsare > pinser (= penser) • Arribisbigliare > s’aréveiller (= se réveiller)
Des enquêteurs atypiques è Bouleversement de la typologie du polar • Duca Lamberti (Giorgio Scerbanenco) • Sergent Antonio Sarti (Loriano Macchiavelli) • Inspecteur Ferraro (Gianni Biondillo)
Des enquêteurs atypiques è Commissaire Salvo Montalbano (Andrea Camilleri) • 26 romans, 5 recueils de nouvelles, vendus à 25 millions d’exemplaires • 34 films • Mimì Augello • Fazio • Catarella
Des enquêteurs atypiques - Dottori, qu’est-ce que je fis ? Je vous réveillai ? - Catarè, six heures du matin il est. Pile. - En virité, ma montre marque six heures trois minutes. - Ça veut dire qu’elle avance un peu. - Vous êtes sûr, dottori ? - Tout à fait sûr. - Alors je l’aretarde de trois minutes. Merci, dottori. - De rien. Cattarella raccrocha, Montalbano aussi et il commença à retourner vers la chambre. À mi-chemin, il s’arrêta en jurant. Mais putain, c’était quoi ce coup de téléphone ? Catarella l’appelait à six heures du matin pour voir si sa montre était à l’heure ? À ce moment, le téléphone sonna nouvellement, le commissaire fut prompt à soulever le combiné. - Dottori, je vous demande de me pirdonner, mais la quistion de l’heure m’a fait oublier de vous dire la raison du coup de tiliphone pour lequel je passai le susdit appel. » Andrea Camilleri, La patience de l’araignée, Paris, Fleuve noir, 2006, p. 27.
Des enquêteurs atypiques è Rocco Schiavone (Antonio Manzini) « La seule colline qu’un romain a vue, c’est le Monte Mario, à 150m d’altitude donc les gens qui vivent là haut, à 1500m d’altitude, c’est très curieux pour un romain. Il ne comprend pas ce qu’ils font là haut, à 1500m. Et il ne veut pas le comprendre. En effet, il se balade dans la neige avec des Clarks aux pieds et un loden. Le romain pense que vu que le loden est fait à Merano, au- dessus de Bolzano, il s’agit d’un gros manteau. Le romain ne sait pas qu’à Bolzano, on porte le loden en août parce que c’est aussi épais que du papier Bible. » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018.
Des enquêteurs atypiques è Rocco Schiavone (Antonio Manzini) « Il a sa propre éthique qui n’a rien à voir avec celle que devrait avoir un policier. Fondamentalement c’est une personne, pas un héros. Il est humain. Il est plein de défauts, de zones d’ombre, de contradictions. Il a grandi dans un milieu pauvre et tous ses amis sont délinquants. Il était dans l’illégalité avant d’étudier et de devenir policier. Il attaque rarement des gens faibles. Il a un sens de la justice, ce qui est différent de la loi. Il ne se cache pas, et se fait beaucoup d’ennemis en disant ce qu’il pense. Ce n’est pas un policier exemplaire. » Abel Mestre, « Antonio Manzini : ‘’Le polar surligne les failles de la société’’ », Le Monde, 17 août 2017.
Des enquêteurs atypiques è Rocco Schiavone (Antonio Manzini) « deux messieurs de droite qui détestaient l’idée que mon personnage se fume un joint à la télévision. En voilà une chose de grave. Le fait qu’il vole, ça passait… la morale des hommes politiques italiens est très curieuse » Conférence « Storia del giallo, typologies italiennes », Quais du polar, Lyon, édition 2018. • Piste noire (2015), Froid comme la mort (2016), Maudit printemps (2017), Un homme seul (2018)
Des enquêteurs atypiques è L’Alligator (Massimo Carlotto) « Tout le monde savait que la seule façon de me trouver était de faire la tournée des bars » Massimo Carlotto, La vérité de l’Alligator, Paris, Gallimard, 1998, p. 9. « Détective privé, spécialiste d’affaires qui nécessitent un certain doigté et une conception élastique de la légalité » Lise Bossi, « Gendarmes et voleurs à l’heure de la globalisation dans les romans noirs de Massimo Carlotto », in Cahiers d’études italiennes, n°7, 2008, p. 174.
Des enquêteurs atypiques è L’Alligator (Massimo Carlotto) • Beniamino Rossini • Max La Memoria
Le polar comme instrument de dénonciation èDénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques è Dénonciation de la réalité criminelle è Dénonciation de la réalité socio-économique
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èLoriano Macchiavelli : l’analyse des années de plomb • Gruppo 13 12 décembre 1969 : une bombe explose à la Banque Nationale de l'Agriculture de Milan, piazza Fontana = 16 morts, 84 blessés 28 mai 1974 : piazza della Loggia a Brescia = 8 morts, 103 blessés 4 août 1974 : bombe dans un train Florence-Bologne = 12 morts, 41 blessés 2 août 1980 : attentat à la gare de Bologne = 85 morts, 100 blessés
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èLoriano Macchiavelli : l’analyse des années de plomb • « Stratégie de la tension » = attentats réalisés par les groupes d’extrême-droite de matrice néofasciste • Terrorisme d’extrême-gauche à partir de 1974 • Enlèvement et assassinat d’Aldo Moro par les Brigades Rouges (1978)
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èLoriano Macchiavelli : l’analyse des années de plomb « J’analyse un lieu à travers son histoire mystérieuse, policière, en donnant un bout de son histoire. » Marco Oberti, « Le polar italien : un genre qui a du mal à se faire reconnaître », in Mouvements, 2001/3, n°15-16, p. 56. • Antonio Sarti
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èLoriano Macchiavelli : l’analyse des années de plomb • Strage (1990) « Fonction de dénonciation et de recherche de la vérité » Maria Pia De Paulis-Dalembert, La littérature policière de 1990 à nos jours. L’Italie en jaune et noir, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2010, p. 20. « Recomposer les faits, les indices et les informations afin de parvernir à une vérité autrement niée » Maria Pia De Paulis-Dalembert, « L’Italie du XXe siècle et ses mystères », in Histoire et réalités dans le roman policier italien contemporain, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2014, p. 157
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èVincenzo Mantovani : la reconstruction historique pour éclairer l’actualité • Il cattivo maestro (1997) « Il parvient enfin à reconstituer le contexte qui a entraîné la désintégration des Brigades Rouges et la victoire du terrorisme noir. La vérité se fait jour en 1995, au moment où on assiste à la légitimation politique de la droite. La reconstruction du passé récent laisse entrevoir les desseins cachés de la classe politique italienne. Ce qui inquiète dans le roman, c’est justement le fil continu entre le virage à droite des années 1970 et le retour d’une droite parlementaire à la fin du XXe siècle. » Maria Pia De Paulis-Dalembert, « L’Italie du XXe siècle et ses mystères », in Histoire et réalités dans le roman policier italien contemporain, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2014, p. 163
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èVincenzo Mantovani : la reconstruction historique pour éclairer l’actualité • Il cattivo maestro (1997) « Pour comprendre l’histoire de l’Italie – celle de l’après- guerre, j’entends – il ne faut pas des instruments trop raffinés. Il est une clé qui ouvre toutes les portes : le passe- partout de l’anticommunisme. » Vincenzo Mantovani, Il cattivo maestro, Florence, Giunti, 1997, p. 306.
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èGiancarlo De Cataldo : représenter les alliances au service des projets subversifs « s’insinuer dans les zones d’ombres que l’historiographie n’a pas réussi à éclaircir faute de preuves et (…) construire la structure d’une narration qui essaie de donner des réponses vraisemblables à des questions sans réponses de l’histoire récente. » Marco Amici, « Dall’epopea criminale all’ambiguità dei giorni nostri. Alcune considerazioni su Romanzo criminale e Nelle mani giuste di Giancarlo De Cataldo », in Monica Jansen & Yasmina Khamal (dir.), Memoria in noir. Un’indagine pluridisciplinare, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p. 78.
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èGiancarlo De Cataldo : représenter les alliances au service des projets subversifs • Romanzo criminale (2002) : Banda della Magliana « Se sentant à l’aise dans la zone grise et peu illuminée qui existe entre la politique et les secrets d’État, ce personnage consacre toutes ses forces à mettre en place des stratégies de déstabilisation. » Gert Sorensen, « Letteratura noi e storiografia. Le voci del doppio Stato in Romanzo criminale di De Cataldo », in Monica Jansen & Yasmina Khamal (dir.), Memoria in noir. Un’indagine pluridisciplinare, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p. 98.
Dénonciation d’un rapport problématique à l’histoire et à la mémoire des événements tragiques èGiancarlo De Cataldo : représenter les alliances au service des projets subversifs • La saison des massacres (2007) « Ce roman ne trahit pas l’histoire, il l’interprète en représentant des événements réels sous le signe de la Métaphore ». Giancarlo De Cataldo, Nelle mani giuste, Turin, Einaudi, 2007, p. 2.
Dénonciation d’une réalité criminelle èUne réalité criminelle protéiforme • De Cataldo : Banda della Magliana (Romanzo criminale) • Carlotto : Mafia del Brenta (Nessuna cortesia all’uscita) • Camilleri : La pyramide de boue (2016) • Manzini : Maudit printemps (2017) et Un homme seul (2018)
Dénonciation d’une réalité criminelle èRoberto Saviano : le « roman n’est plus une fiction » • Gomorra (2006) : 1,2 millions d’exemplaires vendus en Italie ; traduit dans 43 langues « Enquête entendue au sens de recherche/investigation journalistico-politique. Aussi la frontière de l’imaginaire s’estompe-t-elle. L’imaginé et le réel se confondent dans une recréation réciproque. » Maria Pia De Paulis-Dalembert, La littérature policière de 1990 à nos jours. L’Italie en jaune et noir, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2010, p. 21.
Dénonciation d’une réalité criminelle èRoberto Saviano : le « roman n’est plus une fiction » • Gomorra (2006) : 1,2 millions d’exemplaires vendus en Italie ; traduit dans 43 langues « Saviano-enquêteur-écrivain explore le territoire en Vespa et le raconte de manière crue, réaliste et documentée. (Il) alterne sur une même page l’expérience vécue d’un événement, d’un lieu, d’une dégénération sociale de sa terre et le récit objectif de situations, de personnes et d’événements, étaillés par des statistiques et des chiffres qui en confirment la véracité et lui donnent plus de substance. » Franca Pellegrini, « Il ‘’giallo’’ contemporaneo. Memoria e rappresentazione dell’identità nazional-regionale », in Monica Jansen & Yasmina Khamal (dir.), Memoria in noir. Un’indagine pluridisciplinare, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p. 212.
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Le polar social défini par les auteurs Carlotto : « Raconter une histoire criminelle qui se déroule dans un lieu déterminé, à un moment déterminé, est de plus en plus une excuse pour raconter autre chose. » O. Morro, « Entretien avec Massimo Carlotto », in C. Milanesi, Roman policier et histoire, p. 290
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Le polar social défini par les auteurs Manzini : « C’est raconter un pays parcellisé, divisé et très complexe. La littérature policière italienne est divisée par région. Que l’on parle du Val d’Aoste ou de la Sicile, de Rome ou de Trieste, on retombe toujours sur le même problème : la profonde crise sociale que traverse l’Italie. C’est ce qui fait naître les mouvements populistes, qui renforce la droite la plus extrême et lui permet de revenir au premier plan. »
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Le polar social défini par les auteurs Manzini :« Je n’y avais jamais pensé. Mais c’est vrai ce que vous dites. La comédie italienne racontait une société en mutation et les signes de ce changement. A la différence près qu’aujourd’hui les auteurs de polars surlignent les failles de la société. C’est pour ça qu’à l’époque c’étaient des comédies et qu’aujourd’hui ce sont des policiers. Dans les années 1960, il y avait de l’optimisme, la volonté de reconstruire un pays, une envie de futur. Aujourd’hui il y a de la colère et de la peur. » Abel Mestre, « Antonio Manzini : ‘’Le polar surligne les failles de la société’’ », Le Monde, 17 août 2017.
Dénonciation d’une réalité socio-économique è L’immigration • Andrea Camilleri, L’autre bout du fil (2016) • Antonio Manzini, Piste noire (2015)
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Nordest de Massimo Carlotto et Marco Videtta (2005) Carlotto : « Depuis longtemps je me demandais ce qu’il était important de raconter aujourd’hui de cette Italie. Dans notre pays il y a une très grande production de romans noirs, mais il manque une réponse à cette question. (…) Selon nous, il est important d’utiliser le roman noir pour construire des histoires de longue haleine qui puissent documenter les transformations de cette Italie aujourd’hui profondément bouleversée. » Maria Pia De Paulis-Dalembert, « Nordest de Massimo Carlotto : ascension et déclin du capitalisme entre crimes de sang et mystères de famille », in Histoire et réalités dans le roman policier italien contemporain, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2014, p. 198.
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Nordest de Massimo Carlotto et Marco Videtta (2005) « Carlotto présente une région saccagée, une atmosphère livide plongée dans un brouillard constant, une indisutrie abandonnée aux Chinois ou destinée à être délocalisée en Roumanie, qui laisse derrière elle des hangars utilisés pour les rave party des jeunes héritiers sans perspectives, des décharges de déchets ensevelis par ces mêmes familles d’industriels dans les terrains de la zone – en une sorte d’auto-empoisonnement momentané – dans l’attente de les faire traiter dans le sud de l’Italie. » Maria Pia De Paulis-Dalembert, « Nordest de Massimo Carlotto : ascension et déclin du capitalisme entre crimes de sang et mystères de famille », in Histoire et réalités dans le roman policier italien contemporain, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2014, p. 205.
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Nordest de Massimo Carlotto et Marco Videtta (2005) « Les gens tombaient malades et mouraient parce que quelques industriels vénitiens voulaient économiser sur les coûts du traitement des déchets ». Massimo Carlotto & Marco Videtta, Nordest, Rome, e/o, 2005, p. 185. « La résolution du crime de Giovanna clôt l’intrigue privée et familiale du roman, mais n’apporte aucune lueur d’espoir pour envisager l’avenir du Nord-Est italien. » Yannick Gouchan, « L’Italie contemporaine en noir : Massimo Carlotto et Marco Videtta, Nordest », in Cahier d’études romanes, N°15, 2006, p. 226.
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Nordest de Massimo Carlotto et Marco Videtta (2005) « C’est le bon endroit pour blanchir l’argent sale dans des activités légales. Il suffit d’aller au bar pour trouver des chefs d’entreprises prêts à faire des affaires sans se soucier du casier judiciaire de leurs associés. » Massimo Carlotto & Marco Videtta, Nordest, Rome, e/o, 2005, p. 173.
Dénonciation d’une réalité socio-économique è Nordest de Massimo Carlotto et Marco Videtta (2005) « La noirceur du climat psychologique et des événements souterrains directement liés au meurtre donne naissance à la noirceur du portrait d’une société infectée par le vide moral, les intérêts strictement individuels et le manque d’ambition pour la collectivité. Le roman le plus noir de Carlotto part de la dénonciation des trafics illégaux, du racisme et du cynisme médiatique pour dresser un bilan pessimiste sur l’Italie contemporaine. » Yannick Gouchan, « L’Italie contemporaine en noir : Massimo Carlotto et Marco Videtta, Nordest », in Cahier d’études romanes, N°15, 2006, p. 235.
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