DÉCRYPTAGE RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES - Les Jeunes IHEDN
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[ DÉCRYPTAGE ] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES 1 LES PUBLICATIONS Par Martin LAÏ
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES À PROPOS DE L’ARTICLE Le conflit dans la région ukrainienne du Donbass fait craindre une escalade militaire entre la Russie d’un côté et les pays européens et les États-Unis de l’autre. Cependant, il ne faut pas oublier un autre conflit gelé en Europe né dans les décombres de l’empire soviétique : la Transnistrie. Cette étroite bande de terre, qui a fait unilatéralement sécession de la Moldavie, est le théâtre d’une lutte d’influence entre Bruxelles et Moscou dans leur voisinage commun. À PROPOS DE L’AUTEUR Martin LAÏ est actuellement étudiant en Master Conflict Transformation & Peace Studies à l'Université Paris-Dauphine-PSL. Avant cela, il a fait trois années de classes préparatoires au concours de Saint-Cyr et une 2 année de Master Sécurité Défense à l'Université Catholique de Lille. LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES Ce texte n'engage que la responsabilité de l’auteur. Les idées ou opinions émises ne peuvent en aucun cas être considérées comme l'expression d'une position officielle de l’association Les Jeunes IHEDN. 3 LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES Région de la Transnistrie : baromètre des relations euro-russes « La chute de l’URSS a été la plus grande catastrophe géopolitique du siècle dernier »1. Ces mots, prononcés par Vladimir POUTINE dans son discours à la nation en 2005, en disent long sur le rapport qu’entretient la Russie contemporaine avec son passé. Afin de rétablir la puissance russe, le chef du Kremlin entend contrôler son « étranger proche », c’est-à-dire les anciennes républiques socialistes soviétiques et ses satellites. Parmi celles- ci se trouve la Moldavie. Ce petit pays de moins de 3 millions d’habitants situé entre l’Ukraine et la Roumanie a été en proie à une guerre civile entre 1991 et 1992, au moment de la dislocation de l’Union soviétique. En effet, la minorité russophone, qui craignait le rattachement de la Moldavie à la Roumanie a fait sécession du reste du pays roumanophone, en proclamant l’indépendance de la République moldave du Dniestr, située dans la région moldave de Transnistrie. Ce territoire étroit est séparé du reste de la Moldavie par le fleuve Dniestr, à l’Est du pays. Il se situe le long de la frontière sud de l’Ukraine. Alors que la Russie soutient militairement les indépendantistes, elle a imposé 4 un cessez-le-feu en 1992 mettant fin aux affrontements armés entre roumanophones et russophones pendant la guerre civile. En plus d’accorder l’autonomie à la Transnistrie, les accords de paix de 1992 entre Moldaves roumanophones d’un côté et Transnistriens et Russes de l’autre prévoient le stationnement de la 14ème armée russe en Transnistrie. Si LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN les combats ont cessé, la Transnistrie constitue toujours aujourd’hui un conflit « gelé », c’est-à-dire un conflit non résolu dans l’espace post-soviétique. La présence militaire russe en Moldavie assure à la Russie une grande influence dans les affaires intérieures moldaves et une position stratégique aux frontières orientales de l’Union européenne (UE). Ainsi, la Russie fait en sorte que la Moldavie ne rejoigne pas l’Union européenne ou l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). La Transnistrie tient donc un rôle central dans la stratégie sécuritaire russe en Europe. L’élection de la pro-européenne Maia SANDU à la tête de la Moldavie à la suite de la présidence du pro-russe Igor DODON remet 1MANDRAUD, Isabelle. « La chute de l’empire soviétique, 25 ans après », Le Monde [en ligne], 08/09/2016 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/08/la-chute-de-l- empire-sovietique-vingt-cinq-ans-apres_4994501_3232.html
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES en cause la mainmise russe sur le pays. La Transnistrie et plus largement la Moldavie constitue un théâtre d’affrontement indirect entre l’UE et la Russie, sur fond d’affrontement géopolitique. Dès lors, comment le conflit « gelé » en Transnistrie s’insère-t-il dans la confrontation entre Moscou et Bruxelles pour l’influence dans leur voisinage ? L’histoire de ce petit territoire et son rapport à la Russie nous éclaireront sur ce point. Il s’agira également de comprendre les ressorts de la politique moldave vis-à-vis de l’UE et de la Russie. La Transnistrie : une enclave russe La Moldavie, anciennement appelée Bessarabie, majoritairement roumanophone, a été dès 1812 annexée par l’Empire russe. En 1918, profitant des troubles de la Révolution bolchévique, la Moldavie a décidé de se rattacher à la Roumanie. Refusant ce rattachement, l’URSS a créé en 1924 la République autonome socialiste soviétique de Moldavie sur le territoire de Transnistrie. Ce territoire moldave était historiquement 5 essentiellement peuplé de Russes et d’Ukrainiens. En 1940, les Soviétiques ont repris le contrôle de l’ensemble de la Moldavie, qui est intégrée à l’URSS. Moscou décide de « russifier » davantage la Moldavie, au détriment de sa culture roumaine. Ainsi, le cyrillique devient obligatoire, le russe devient la langue administrative et une importante LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN partie des Moldaves roumanophones sont déportés dans les goulags, accusés d’avoir collaborés avec les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. En parallèle, les Soviétiques organisent l’immigration de nombreux Russes, Biélorusses et Ukrainiens, qui accroissent de fait la présence russophone en Moldavie. Ces derniers sont avantagés par l’administration de la république socialiste soviétique moldave et la Transnistrie, majoritairement russophone, devient la région la plus industrialisée du pays. Cependant, en 1989, le roumain détrône le russe en tant que langue officielle de la république socialiste, répondant au désir croissant d’autonomie de la part des Moldaves roumanophones. Craignant un rattachement de la Moldavie à la Roumanie en cas d’indépendance vis-à-vis de l’URSS, qui mettrait fin à leur domination économique et politique dans le pays, les russophones sont particulièrement hostiles à cette politique
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES linguistique2. Face à ce danger, la minorité russophone fait sécession de la République socialiste soviétique moldave le 2 septembre 1990 : la République du Dniestr, dont le territoire se limite à la Transnistrie, est créée. Elle demande immédiatement son rattachement à l’Union soviétique. Au moment de la dislocation de l’URSS, la Moldavie proclame de son côté son indépendance en août 19913. Le pouvoir moldave tente alors de reprendre le contrôle de la Transnistrie par la force en 1992. Cependant, le territoire russophone est défendu par la 14ème armée russe, restée en garnison, et qui défait les forces moldaves. Les combats, qui ont fait près de mille morts, sont arrêtés par un cessez- le-feu ordonné par la Russie entre les belligérants. Des accords de paix sont signés en 1992 entre le président russe Boris ELTSINE et le président moldave Mircea SNEGUR. Ils prévoient l’autonomie de la Transnistrie au sein de la République moldave. La Moldavie s’engage par ailleurs à ne pas demander son rattachement à la Roumanie sans consulter la Transnistrie, qui acquiert dès lors un droit à l’autodétermination. De même, la 14ème armée russe conserve le contrôle de sa base en Transnistrie en qualité de force d’interposition et de maintien de la paix. Aujourd’hui, le conflit en Transnistrie est « gelé », 6 puisqu’il n’est pas résolu et qu’il pourrait reprendre hypothétiquement dans le futur.4 La Transnistrie est depuis son indépendance un État de facto sans reconnaissance internationale. Seuls les territoires du Haut-Karabagh, de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie le reconnaissent, eux-mêmes ayant fait sécession de leur pays respectif après LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN l’éclatement de l’Union soviétique. La Transnistrie est un État fantoche qui possède tous les attributs d’un État classique : son propre drapeau, sa propre monnaie et sa propre police. La Transnistrie a en outre conservé les symboles soviétiques, qui sont présents à travers les statues de LÉNINE, les noms des rues ou encore sur le drapeau même du territoire. Son gouvernement prend la forme d’un Conseil Suprême comparable à celui existant dans les républiques soviétiques à l’époque de l’URSS. Coupée du monde 2 RAMIREZ, Loïc. « Transnistrie, vestige d’un conflit gelé », Le Monde diplomatique [en ligne], 01/2022 [Consulté le 26/01/2022]. Disponible sur : https://www.monde-diplomatique.fr/2022/01/RAMIREZ/64240 3 BRAN, Mirel. « La Russie avance ses pions en Moldavie », Le Monde [en ligne], 21/04/2015 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/decryptages/article/2015/04/22/la-russie-avance-ses- pions-en-moldavie_4620603_1668393.html 4MANDRAUD, Isabelle, THÉRON, Julien. Poutine, la stratégie du désordre, Tallandier, 2021, 320 p.
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES extérieur, elle vit sous perfusion de la Russie qui garantit sa survie économique. Ainsi, 70%5 du budget du gouvernement de Transnistrie est fourni par la Russie. Cette dernière envoie en Transnistrie de l’aide humanitaire, lui fournit du gaz gratuitement et paye entièrement ses pensions de retraites. Outre les aides russes, la Transnistrie vit essentiellement du commerce de produits de contrebande. En retour, le système politique transnistrien est sous contrôle indirect de Moscou. En particulier, les dirigeants doivent adopter une posture favorable aux intérêts du Kremlin6. La Moldavie : un État tiraillé entre les aspirations européistes et l’influence toujours marquée de la Russie L’adhésion de la Moldavie à la Communauté des États indépendants, qui regroupe les anciennes républiques soviétiques, témoigne de l’influence russe dans le pays. La Russie utilise en outre le conflit transnistrien comme levier pour conserver un droit de regard 7 sur les affaires intérieures moldaves. Malgré la volonté transnistrienne de rejoindre la Fédération de Russie exprimée à travers deux référendums (2006 et 2014), un tel rattachement est aujourd’hui exclu par le Kremlin. Moscou considère que le territoire russophone serait plus utile au sein d’une Fédération moldave, puisqu’il donnerait LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN l’occasion à la Russie de contrôler directement la politique intérieure de l’ancienne république. La Russie aimerait faire de la Transnistrie un cheval de Troie au sein de la Moldavie 7 . Cette conception russe a été proposée en 2003 pour résoudre le conflit à travers le mémorandum « KOZAK », du nom d’un proche de Vladimir POUTINE. Il proposait le retour de la Transnistrie à la Moldavie en échange de la fédéralisation du 5 HAQUET, Charles. « La Transnistrie, dernière tanière de l’URSS », L’Express [en ligne], 26/02/2016 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-transnistrie-derniere- taniere-de-l-urss_1767151.html 6 Ibid. 7 Id.
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES pays et du maintien de la base militaire russe en Transnistrie. Cette proposition a été rejetée par la Moldavie, soucieuse de conserver son indépendance vis-à-vis de Moscou8. Afin de continuer à influencer la Moldavie, la Russie s’appuie sur les politiques moldaves pro-russes, notamment du Parti Socialiste. En particulier, elle s’efforce de conserver un réseau clientéliste à travers le maintien d’une corruption endémique qui lui permet de contrôler une partie du système politique moldave et de déstabiliser le gouvernement en cas de besoin. Les entreprises moldaves proches du Parti Socialiste disposent de facilités d’exportation vers la Russie9. Une illustration de cette influence russe pourrait être les élections de 2009 en Moldavie, qui ont vu le parti communiste moldave gagner. Des contestations de la population ont alors éclaté pour protester contre des élections jugées frauduleuses. Les manifestants brandissaient entre autres des drapeaux européens et roumains pour souligner leur refus de l’influence russe dans le pays et leur volonté de rejoindre à terme l’Union européenne. En réponse, Moscou avait dénoncé une tentative de coup d’état dirigé par la Roumanie et avait causé des blocages institutionnels10. Les partis politiques moldaves se caractérisent selon leur affiliation à la Russie ou à l’Union 8 européenne. On retrouve en fait ici la division culturelle du pays entre roumanophones et russophones. Face à l’influence russe, une partie des politiques moldaves se tourne vers l’Union européenne, mais celle-ci a d’abord privilégié sa relation bilatérale avec la LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN Russie et n’a donc pas toujours pleinement soutenu la Moldavie dans son rapprochement avec l’UE11. Les partis pro-russes et pro-européens forment en général des coalitions afin de gouverner le pays. Ces coalitions permettent à la Moldavie d’adopter des politiques neutres entre la Russie et l’Union européenne12. Ainsi, en 2013, le pouvoir moldave avait 8 NOUGAYRÈDE, Nathalie. « Le sort de la Transnistrie, test de la relation entre l’Union européenne et Moscou », Le Monde [en ligne], 24/06/2010 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/06/24/le-sort-de-la-transnistrie-test-de-la-relation-entre-l- union-europeenne-et-moscou_1378022_3214.html 9 Le Courrier des Balkans [en ligne]. « En froid avec la Russie, la Moldavie tente de réchauffer ses liens avec la Russie », 08/11/2018 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.courrierdesbalkans.fr/En-froid- avec-l-UE-la-Moldavie-tente-de-rechauffer-ses-liens-avec-la-Russie 10 MONGRENIER, Jean-Sylvestre, Le monde vu de Moscou, PUF, 2020, 688 p. 11 Ibid. 12 VIKTINE, Benoît. « Pour le président Igor Dodon, la Moldavie doit être « un pont entre la Russie et l’Europe » », Le Monde [en ligne], 13/11/2018 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur :
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne tout en conservant un accès privilégié au marché russe. En 2016, la victoire électorale d’Igor DODON avait cependant marqué un tournant résolument pro-russe du pouvoir moldave. Igor DODON n’avait ainsi pas demandé le retrait des troupes russes toujours stationnées en Transnistrie depuis 1992. Surtout, il s’est détourné radicalement des instances euro-atlantiques pour se tourner vers l’Union Économique Eurasiatique, créée par Vladimir POUTINE pour conserver l’influence économique russe dans l’espace postsoviétique et contrer l’activisme européen. Dans le même ordre d’idées, il a fait voter une loi qui oblige l’apprentissage du russe à l’école13. L’élection de la pro-européenne Maia SANDU le 15 novembre 2020 a mis fin à l’orientation pro-russe de la Moldavie. La nouvelle première ministre a notamment demandé le départ des troupes russes de Transnistrie et leur remplacement par une mission civile de maintien de la paix dirigée par l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE)14. La politique intérieure moldave est donc fortement influencée par la Russie d’un côté et par l’Union européenne de l’autre. Ceci concerne également le conflit en Transnistrie. En effet, la Moldavie a proposé en 2005 9 à la Transnistrie une large autonomie contre sa réintégration dans la République moldave. Les principaux garants d’un tel processus étaient l’Union européenne et la Russie. Cependant, la proposition a été rejetée par la Transnistrie, qui souhaite rester indépendante de la Moldavie. Un conflit à l’importance géostratégique majeure sur fond de LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN dégradation des relations euro-russes https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/11/13/pour-le-president-igor-dodon-la-moldavie-doit-etre-un- pont-entre-la-russie-et-l-europe_5383104_3214.html 13 VIKTINE, Benoït. « L’élection présidentielle moldave dominée par l’affrontement entre prorusses et pro- européens », Le Monde [en ligne], 31/10/2020 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/31/l-election-presidentielle-moldave-dominee-par-l- affrontement-entre-prorusses-et-pro-europeens_6058025_3210.html 14 MANDREAU, Isabelle. « Maia Sandu, le nouveau visage de la Moldavie » Le Monde [en ligne], 22/12/2020 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/22/maia- sandu-le-nouveau-visage-de-la-moldavie_6064212_3210.html
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES L’Union européenne vise à élargir son influence dans son voisinage oriental, qu’elle partage avec la Russie. Dans le cadre de cette lutte d’influence, l’UE a intégré la Moldavie au Partenariat oriental. Mis en place en 2009, ce partenariat regroupe les pays aux bordures orientales de l’UE : Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine. Il prévoit la mise en place de réformes politiques qui garantissent le respect du droit international, de la démocratie et des valeurs fondamentales. Les réformes doivent aussi permettre la construction d’une économie de marché. En échange, l’UE et ces pays signent des accords de libre-échange et un allègement des procédures pour obtenir des visas dans l’UE. Une telle politique européenne a donc pour but de rapprocher la Moldavie des standards européens et renforce l’influence européenne au sein du pays. Considérant la Moldavie comme son arrière-cour, la Russie a mis en place un embargo sur les fruits, les légumes et le vin moldaves pour sanctionner son ancienne république. Pour la Moldavie, un accord de libre-échange avec l’UE est vital pour son économie, 60% de ses exportations allant vers des pays européens 15 . Ainsi, l’accord d’association et de libre- échange de 2014 renforce davantage les liens entre l’UE et la Moldavie 16 . En outre, il 10 comprend la Transnistrie, qui était autorisée à ne pas respecter les normes européennes jusqu’en 2018. En effet, le commerce avec l’UE est devenu également essentiel pour la Transnistrie avec la baisse des aides russes et le rétablissement des contrôles à la frontière avec l’Ukraine depuis la guerre du Donbass, actant la fin des activités de LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN contrebande17. Malgré les aides au développement envoyées par l’UE à la Moldavie, les perspectives d’adhésion à l’UE de la Moldavie restent lointaines, l’UE étant réticente à tout nouvel élargissement, qui plus est vers un pays en proie à un conflit gelé entretenu par Moscou. L’UE maintient donc le statu quo avec la Moldavie et s’efforce d’approfondir les relations sur le plan politique et économique. Le statu quo est aussi privilégié concernant 15MANDRAUD, Isabelle. « La Russie en perte de contrôle sur ses anciens satellites », Le Monde [en ligne], 15/02/2019 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/02/15/la-russie-en-perte-de-controle-sur-ses-anciens- satellites_5423922_3210.html 16 Ibid. 17VIKTINE, Benoît. « En Transnistrie, la difficile diplomatie du libre-échange », Le Monde [en ligne], 10/12/2016 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible le : https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/12/10/en- transnistrie-la-difficile-diplomatie-du-libre-echange_5046788_3234.html
[DÉCRYPTAGE] RÉGION DE LA TRANSNISTRIE : BAROMÈTRE DES RELATIONS EURO-RUSSES le conflit transnistrien pour ménager Moscou. L’échec des discussions entre l’UE et la Russie pour régler le conflit en 2010, qui portaient sur l’envoi de forces de maintien de la paix de l’UE en Transnistrie, illustre l’immobilisme des protagonistes sur ce conflit. Le 5 juin 2010, la Russie et l’Allemagne avaient signé un mémorandum qui visait à lancer des opérations civilo-militaires conjointes entre la Russie et l’UE. Parmi les crises dans lesquelles de telles dispositions auraient pu être appliquées figuraient notamment la Transnistrie. Cependant, ce mémorandum ne fût pas suivi d’une mise en œuvre concrète et fût vite abandonné par Moscou, soucieuse de conserver le monopole de la gestion du conflit18. L’UE se sait pourtant menacée sur le plan sécuritaire et sur le plan de l’influence par cette présence militaire russe dans son voisinage immédiat. Pour conclure, le conflit en Transnistrie constitue un levier d’influence pour la Russie au cœur de l’Europe. Il lui permet d’influencer la politique intérieure moldave et empêche la Moldavie d’intégrer à terme l’UE ou l’OTAN. La Moldavie est au centre de la guerre 11 d’influence que se livre l’UE et la Russie pour le contrôle de leur voisinage commun. Son importance géostratégique a été renforcée depuis la guerre en Ukraine, les deux territoires étant proches l’un de l’autre géographiquement et étant en proie à un conflit gelé. S’il s’agit pour la Russie de rétablir sa puissance et de conserver une capacité de LES PUBLICATIONS DES JEUNES IHEDN nuisance contre les institutions euro-atlantiques à travers le domaine militaire, l’UE démontre de son côté que sa politique extérieure reste pour l’heure essentiellement économique. La Transnistrie et par extension la Moldavie sont donc des théâtres de l’affrontement géopolitique russo-européen et témoignent des capacités d’influence propres à chacun. 18 NOUGAYRÈDE, Nathalie. « Le sort de la Transnistrie, test de la relation entre l’Union européenne et Moscou », Le Monde [en ligne], 24/06/2010 [Consulté le 17/11/2021]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/06/24/le-sort-de-la-transnistrie-test-de-la-relation-entre-l- union-europeenne-et-moscou_1378022_3214.html
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