DARK GLETSCHER In progress 2019 - 2021 Frédéric Fourdinier - Frederic Fourdinier

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DARK GLETSCHER In progress 2019 - 2021 Frédéric Fourdinier - Frederic Fourdinier
DARK GLETSCHER
In progress 2019 - 2021
Frédéric Fourdinier
DARK GLETSCHER In progress 2019 - 2021 Frédéric Fourdinier - Frederic Fourdinier
DARK GLETSCHER
2019 - 2021...
Travail en cours

Les glaciers ou Gletscher en Allemand sont , sous leurs diverses   environnement. S’en suit l’intérêt de l’impact de nos activités
formes, des éléments importants du système atmosphérique           sur ce milieu et le rôle que joue ces glaciers au niveau climato-
terrestre , stockant d’immenses volumes d’eau douce, intera-       logique, écologique et l’interférence directe sur nos modes de
gissant avec l’hémisphère dans lequel ils se trouvent et contrô-   vie, notre société, la politique, notre existence.
lant les changements du niveau des mers. Ils créent un impact
significatif et durable sur les paysages. L’étendue et l’inten-    Ces masses de glace se caractérisent, depuis des temps
sité, de chacun de ces impacts, varie dans le temps, à mesure      géologiques reculés, par des variations cycliques qui traitent
que les glaciers et les calottes glaciaires se développent et      du phénomène d’expansion et de rétraction. Des actions
se désintègrent en réponse aux mécanismes de l’évolution           qui régissent l’ensemble de l’univers et les éléments qui le
climatique. Dans la période géologique actuelle du quater-         composent. En parallèle de cet intérêt pour les glaciers, je
naire, souvent appelée ère glaciaire et couvrant les dernières     m’interesse depuis plusieurs années au monde de la physique
2,6 millions d’années, les glaciers et les calottes glaciaires     et de la cosmologie, sur les questions de la masse manquante
se sont étendus à des périodes de glaciation maximale pour         de l’univers. J’entends par masse manquante de l’univers,
couvrir jusqu’à 30% de la surface de la terre.                     l’énergie sombre qui serait à l’origine de l’expansion et l’accé-
                                                                   lération du cosmos, ainsi que la matière noire qui éviterait les
C’est dans une dynamique de déplacement que le travail             dissociations des amas de matières ordinaires, comme ce qui
Dark Gletscher s’inscrit, d’abord par des voyages, randon-         compose les galaxies. Dark Gletscher invite à une immersion
nées, traversées dans différents endroits des Alpes, à diverses    dans ces recherches et ces réflexions. Je tente ainsi d’entrela-
saisons et sur plusieurs années. Le contact physique avec le       cer ces deux univers et propose de réfléchir sur ces questions
minéral, l’observation des multitudes de variations des strates    de mouvement, de limite, de présence et d’absence. Cette mise
géologiques et l’érosion des roches, m’ont amené à aborder         en parallèles n’est pas sans liens avec le sujet de l’évolution
l’univers des glaciers. Cette rencontre, intrigue, effraie,        climatique modifiant le milieu glaciaire et son environnement.
fascine, pousse à la contemplation et provoque une volonté         Les réalisations actuelles, pluri-techniques que je propose,
d’en connaître plus à leur sujet. Plus précisément sur leurs       permettent d’appréhender mon univers et mes questionne-
mouvements, fluctuations, territoires, qui sont les fils conduc-   ments, via différents points d’entrée.
teurs de mon travail d’artiste depuis plusieurs années et se
couplent avec les rapports qu’entretient l’être humain avec son
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A PART OF MISSING MASS
Photographies de fronts glaciaires occultés à 70% par une sur-
face noire. Cette valeur réfère au pourcentage théorique d’énergie
sombre qui composerait l’univers connu en expansion. Considérait
comme une matière diaphane, cette énergie sombre laisse passer
la lumière à travers le cosmos mais obstrue par la même la pos-
sibilité d’en voir la fin, une forme de «sight non sight» Smithso-
nienne.

6 formats - dimensions 93 x 62 cm chacun
photographie argentique - impression jet d’encre contrecollée sur
carton non acide - encre de serigraphie
glaciers : Arolla - Moiry - mont Coulon - Rhône – Zinal
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Rhône   Moiry
mont Coulon   Zinal
Arolla
Arolla
ANATOMIE
Découpes d’empreintes cartographiques de réseaux de glaciers de
différents massifs alpins européens. Ils proposent de montrer l’or-
ganicité, les ramifications et connexions entre eux, tels des êtres
vivants. Je les suspens par séries en leur extrémité la plus au nord,
sans les déployer complètement, comme un constat de leur éten-
due, de ce qu’il en reste, la dramaturgie de leur déclin. La couleur
noire vient en assombrir l’esprit mais propose aussi d’en référer à
la matière noire et l’énergie sombre.

ANATOMIE II
2019
serie Valaisane, Suisse, extrait
dimensions variables
papier 120 gr et peinture aérosol noir mat
ANATOMIE I
2020
Massif du Mont Blanc
format 170 x 120 cm
papier 160gr et peinture aérosol noir mat
VIDEO
projet et travail en cours
2019 – 2021
Projets vidéo numérique et argentique 8mm concernant le glacier du Rhône en Suisse à propos du tissu technique, dé-
ployé à la surface du front glaciaire pour en limiter la fonte.

photographies numériques préparatoire et de repérage                                                                  Paillard Bolex double
                                                                                                                      8mm N/B
videogramme, rush numérique preparatoire : vent venant soulever phantomatiquement cer-
taines parties du tissu technique recouvrant le front glaciaire.

Vidéogramme - rushs numériques preparatoire de fronts glaciaires de divers glaciers, où la
fonte et le mouvement se perçoivent par la chute ou glissement de blocs et roches, spectacu-
lairement ou subtilement.
NOUVELLES
marcher - observer - photographier – écrire 2019 – 2020
Suite de nouvelles relatant des marches ou approches, d’un jour ou plus, à la rencontre d’un ou plusieurs glaciers

         UNE TRAVERSÉE                                         laissées par le temps s’effacent mais se répéte-        principal et se réunissent en une entité pour en-
                                                               ront, le cycle universel, quoi!! Et nous au milieu      suite être piégée dans une cuve en béton qui la
            Mardi 23 Juillet 2019, Suisse, Val d’Arolla,       de tout ça...                                           canalisera et la gérera, l’homme l’a décidé ainsi,
         8 heure, lieu dit «les Magines», altitude 1968           2100 mètres. Passé le pont, le chemin part           la nature n’a son mot à dire, ordre et rigueur à
         mètres. La route s’arrête face à une barrière,        dans des lacets caillouteux, mise en jambe, en-         toutes altitudes...
         au delà, accès autorisé pour le personnel de la       viron deux kilomètres pour accéder au lit plus             Au fur et à mesure le terrain devient plus acci-
         central hydroélectrique. Les étés helvètes sont       récent du glacier d’Arolla. 2600 mètres. Là, at-        denté et la signalétique plus précaire. Mieux vaut
         devenus caniculaires en fond de vallée. Ici, en       tend un barrage de rétention, la porte de service       fixer un point précis dans l’espace et suivre de
         altitude, une certaine fraicheur se maintient le      verrouillée d’une conduite forcée, des panneaux         loin le courant du torrent principal. La langue du
         matin, les températures grimperont inévitable-        signalant le risques de lâcher d’eau, des instru-       glacier apparait, l’empreinte laissée contraste
         ment. Ciel immaculé, bleu, carte postale. Cela        ments de mesure météorologique et un tuyau              avec ce qu’il est actuellement, timide, longiligne,
         le restera jusqu’à 13h. Une cohorte de nuages         en PVC noir d’où sort une eau claire et buvable.        noirâtre.
         fera incursion en provenance des versants ita-        Durant l’ascension, à droite les séracs du gla-            Approche... Un mélange de pierres et de li-
         liens, une accalmie pour les yeux. Sur le glacier     cier du mont Collon déversent avec radicalité, le       mon, plus ou moins stables, se confrontent au
         et le milieu minéral qui le soutient, la réverbéra-   long d’une paroi fortement érodée, ses derniers         front glaciaire, le tout jalonné de blocs erra-
         tion est intense. Reprise de l’incandescence vers     amas de glace. Spectres en mouvements d’un              tiques abandonnés pendant la débâcle. Fuite
         17h.                                                  passé lointain, d’où carottages et analyses pré-        momentanée orchestrée par nos soins. Je reste
            La route longe «la Borgne» d’Arolla, un tor-       levés parleraient d’eux même.                           au moins 2h, contemplation, observation, inges-
         rent qui, dans l’ombre portée des montagnes,             Sur le haut, le paysage s’ouvre, une large val-      tion, consternation.
         passe à côté de la centrale où aboutissent les        lée glacière, incurvée et ultra minéral. De part et        L’accès sur le glacier se fait par le coté gauche
         conduites forcées nourrissant les turbines. Dans      d’autre le massif du bouquetin et du Collon, aux        de la montée, dans un chaos de roches où des cu-
         la progression, on transite d’un bitume crevas-       parois inférieures tapissées de moraines aux gris       lots de glace fossiles apparaissent. Le balisage
         sé par les intempéries à une terre tassée par la      infinis et tachetées de névés lactés, convoient         est inexistant, suivre les quelques traces spora-
         foulée humaine. La frontière ombre et lumière         les eaux dynamiques d’un torrent. Chargées de           diques des marcheurs précédents. La carte in-
         en mouvement révèle comme un scanner le               sédiments arrachés à la roche, l’eau se teinte          dique en gros l’endroit le plus adéquat pour tra-
         relief des moraines latérales, vestiges du «bas       comme par mimétisme à son environnement,                verser mais tout cela reste aléatoire, un glacier
         glacier d’Arolla». Cette fusion des deux glaciers     une harmonie alpine hostile et accueillante à la        ça évolue... Une bande de neige crée le lien, les
         en amont, celui du mont Collon et d’Arolla au         fois qui guide vers un seul élément, le Glacier.        marques de pas, partiellement fondues par le
         petit âge glacière, rappel que mouvement et ins-      Dans le delta, les eaux sont de provenances mul-        soleil, m’entraînent sur une surface granuleuse,
         tabilité sont maîtres dans l’absolu et les traces     tiples, s’ajoutent par capillarités aléatoires au lit   irrégulière et scintillante. Sur un camaïeu de
blanc sale constellé de résidus aux provenances
indigènes et exogènes, les écoulements d’eaux
strient et sculptent la surface inclinée. Apparaît
alors, subtilement la diagénèse du glacier, d’un
bleu qui glace le sang et fait prendre conscience
vertigineusement du volume qui se trouve sous
les pieds.
   Le franchissement de la zone de transport se
fait en deux parties, séparée par une moraine
médiane aux concentrations de matériaux ro-
cheux. De cet îlot central on embrasse les alen-
tours avec délectation, s’ouvre alors en amont
une fenêtre d’observation sur le la zone d’accu-
mulation, là où l’organisme vivant polycristallin
prend vie et prépare un corps à corps avec le
monde minéral.
   Atteindre l’autre rive procure comme un sou-
lagement, de courte durée, car l’objet de ma vi-
site n’était pas de passer le col qui surplombe
ce glacier, mais de faire le tour du propriétaire
et de ressortir par la porte d’entrée via le même
chemin, après l’heure du thé, avec discrétion,
évitant le dérangement, tout en sachant que son
temps est compté.

Frédéric Fourdinier
Texte 2019 -2020
Photographies noir et blanc 2019 - argentique
Ikonta Zeis Ikon 520 2 - 1930 / focal 105mm / moyen format 6X9
UNE INCURSION                                  Terrain de sport                                      1826 mètres, fin de la route, voiture sous les
                                               Grande antenne émettrice                           arbres, 8h30, 22 juillet 2019, beau temps. A cet
Composition du territoire cartographique des   Ligne électrique à haute tension                   étage subalpin, l’atmosphère est aux préparatifs
lignes arrières du val de Ferpècle:            Bassin                                             d’ascension pour les marcheurs qui, en partie,
                                               Alimentation en eau                                ont dormi, soit dans leur voiture, soit sous tente.
Les Haudères                                   Barrage                                            La plupart iront vers le refuge de Bricola et le
Praz Do Lauc                                   Cimetière                                          glacier de la dent Blanche. Pour ma part je vais
Le Plan Dò Beu                                 Verger                                             vers celui du mont Miné, plus près, moins haut,
La Forclaz                                     Cours d’eau                                        moins spectaculaire, plus de temps à passer à
La Tènda                                       Zone humide                                        son chevet. Séparation des troupes en aval du
Le Légerèt                                     pont                                               barrage. La végétation dense indique une co-
Lè brounes Saulèes                             Barrage de régulation                              lonisation déjà bien établie, lors de la seconde
Lièfranc                                       Courbes directrices                                guerre le glacier y tenait ses positions. Le viridis
Sepéc                                          Courbes de niveau                                  a supplanté l’alba, pour un bon moment.
Prafloric                                      Points côtés                                          Flanqué de ses deux tranchés glacières, le pic
Renoillin                                      Talus, talus de pierre                             de 2798 mètres, avant garde de la chaine du mont
Les Salays                                     Rocher, bloc de rocher, pierrier                   Miné, fonctionne comme un panoptique. Une
Ferpècle                                       Forêt                                              Surveillance sans fin de l’évolution de la ligne de
Route de 6m (>6m) revêtement dur               Forêt clairsemée                                   front. Il y a 23000 ans la glace l’érodait autour
Route de 4m (>4m) revêtement dur               Buissons                                           des 2500 mètres d’altitude, plusieurs milliers
Route de 3m (>3m) revêtement dur               Arbre isolé, bosquet, haie                         d’années passent, les forets vinrent l’encercler
Barrière                                       Localité de 1000 à 2000 habitants                  à plus de 2000 m. S’en suit un petit âge glaciaire
Téléski                                        Localité de moins de 50 habitants                  du XIV siècle jusqu’en 1850 restaurant l’emprise
Bâtiment                                       Lieux dits                                         glacial à cette même altitude, depuis cette date,
Auberge isolée                                                                                    le déclin.
Clocher / tour sacrée                             Ici vaches et êtres humains se partagent ce        En 2019, zone de combat, d’un coté la vie, de
Chapelle                                       paysage bucolique Valaisan. Au centre du ta-       l’autre la tectonique des plaques. Invasion pour
Tour                                           bleau un tapis roulant, le torrent de la Borgne    l’un, technique de la terre brûlée pour l’autre.
Oratoire                                       de Ferpécle, évacue les restes d’un drame qui se   Ecologie et géopolitique, peu de différences ici,
Pare-avalanches                                joue en amont.                                     tout est question de coalitions complexes où
chacun y trouvera son intérêt. Glace, minéral,       eaux provenant de tout son être, inter-glaciaires,    Linaria Alpina
végétal, eau qui fait alliance avec qui ? Le vent,   juxta-glaciaires, supra-glaciaires, marginales.       Rumex Scutatus
lui, semble survoler le conflit.                     Elles proviennent de loin, de ses entrailles, là-     Salix Helvetica
   Sur les bas côtés du chemin, carcasses de         bas, derrière les séracs, à plusieurs centaines       Saxifraga Aizoides
rochers usés, écrasés et fracturés par la glace      de mètres, voir kilomètres. Lui glisse et flue        Trifolium Repens
s’abandonnent aux plantes et arbrisseaux. Le         de sa zone d’accumulation vers l’affrontement.        Tussilago Farfara
tout dans un torrent de décibels liquides per-       Sa puissance est palpable, visible. Sa fragilité      et d’autres...
manent. La végétation régresse, le champ vi-         aveugle, un kamikaze. Il fond sur ses adver-
suel s’ouvre. Une plaine alluviale forme un lac      saires. Sait il au moins qu’un autre, plus fourbe         Leurs forces ? Le soleil, l’eau, le substrat
pro-glaciaire. Dans ce panorama me viennent en       que ceux qu’il combat, l’assène d’un coup de poi-     et une furieuse envie de vivre. Des machines
tête les photos des missions lunaires Apollo. Des    gnard dans le dos ? Je bas en retraite empli de       de guerre. On dit, la nature à horreur du vide,
monolithes, isolés et déposés sur une surface        questions sur son fonctionnement, sa structure,       mais de quoi donc alors est composé les neufs
grise, la poussière lunaire devient gravier, limon   son passé, la géologie qui l’entoure. Oiseau, se-     dixièmes de l’univers, où gaz, minéraux, glaces,
et sable alpin. On est au cœur de la conflagra-      rait une fabuleuse expérience pour approcher au       corps célestes,... gravitent. C’est le trou noir,
tion. Nous, êtres humain, on y vient pour des        plus près de l’inaccessible.                          l’inconnu! Comme la vie sur terre qui n’a pu ap-
relevés scientifiques, des photos de tourisme et        Dans la descente je prends le temps d’obser-       paraître que par la présence d’une matière aux
prendre l’air.                                       ver les plantes rudérales et colonisatrices qui       multiples facettes, l’Eau.
   La progression se fera à vue vers le front gla-   partent à l’assaut. Impatientes, elles s’installent       Je tente d’aller au glacier de Ferpècle. Aban-
ciaire, dans un dédale abrupte de restes mo-         coûte que coûte dans le lit glaciaire fraîchement     don dans l’ascension, trop tard, trop loin, trop
rainiques rythmés par quelques cairns et mar-        abandonné. Ces éclaireuses, scouts, combat-           escarpé. Retour dans les arrière-lignes, vers
quages à la bombe fluorescente des différentes       tantes se nomment :                                   d’autres dissensions.
positions du glacier de ces dernières années. Le
constat est sévère, les deux décennies passées       Alnus Viridis
ont été un « blitzkrieg ».                           Androsace Vandellii
   La confrontation au glacier se passe dans         Betula Pendula
une pente escarpée, les débris rocheux qui le        Campanula Rotundifolia
recouvrent, glissent ou s’effondrent avec incer-     Hieracium Staticfolium
titude. Je garde mes distances face à lui. Cette     Festuca Alpina Suter
masse en mouvement imperceptible relâche par         Gypsophila Repens
son portail les fracas de ses écoulements. Des       Leucanthemopsis Alpina
Frédéric Fourdinier
Texte 2020
Photographies noir et blanc 2019 - argentique
Ikonta Zeis Ikon 520 2 - 1930 / focal 105mm / moyen format 6X9
UN CONSTAT                                           plusieurs vitesses. La dynamique de mouvement            de la nature. Les glaces reviendront, plus tard…
                                                     des crevasses en surface reflète un flue continue        après nous.
   Furkapass, Suisse, 21 juillet 2019, 13h, temps    et déterminé, tel Kerouac sur sa route. Plus ra-            Du haut des vestiges morainiques, je des-
clair, nuages éparses.                               pide en son milieu qu’en ses bords, les chevrons         cends par un « non » sentier dans l’arène touris-
   Deux options se présentent à moi, partir du       latéraux attestent de la force glaciaire qui opére       tique, qui propose d’admirer une mise en scène
col de Furka, ou depuis l’hôtel du Belvédère, plus   en ces lieux. Mais, dans cette impulsion primaire        de crime en bord de plage. Corps recouvert et
bas, via un aménagement touristique payant.          de mobilité, tel un «road movie», une sensation          petits panneaux éducatifs. Comme tout est bien
Je pars du col. À 2429 mètres, il est le contact     seconde, vient biaiser mon élan de rider de l’in-        fait, la scientifique invite à parcourir, dans une
entre la vallée du Rhône et celle d’Andermatt,       fini. Il y a comme de l’hésitation, du recul, l’atti-    cavité creusée dans la glace, les entrailles du
point de passage par voie routière, ferroviaire et   tude d’un animal prêt à fuir face à l’inconnu. Son       cadavre encore chaudes. On peut y contempler
pédestre du canton d’Uri et celui du Valais. De      pourtour est comme en rétraction. La réalité est         et toucher sa structure épidermique, entendre
là un chemin tire sur le flan sud du Furkahorn.      là, on le sait tous, sciences, medias, politiques,       et constater son épanchement, c’est beau, c’est
Terre, cailloux, herbes, il oscille modérément en    réseaux sociaux nous le martèlent bien : ça fond,        religieux, c’est morbide, les gens « like ».
croisant quelques névés résiduels. Sa continui-      ça disparaît. À croire que les temps sont au re-            Sortie de la dépouille, on se pose devant, pour
té dépose le marcheur dans la partie inferieur       croquevillement, au protectionnisme, avec une            se recueillir, au soleil, sur la roche usée par le
du glacier et fige la marche en le surplombant.      pointe de nationalisme…                                  travail laborieux de la bête. Là, une situation me
Le panorama est clair, de droite à gauche, pics          Au moment où se succédent mes mots sur               pris d’effroi, un vent léger venant du haut du gla-
rocheux, arrêtes alpines, cirque glaciaire, zone     l’écran, le COVID 19 nous mets à l’épreuve et            cier souleva fantomatiquement quelques parties
d’accumulation, zone de transport, zone d’abla-      nous rappelle à l’ordre. Je n’en connais pas en-         du suaire, lentement, sans à-coup, limite poé-
tion, front glaciaire, lac pro-glaciaire, rupture    core la finalité à l’heure où j’écris. A notre tour      tique. J’en perçu le corps presque inerte, mon
de pente convexe, anciennes vallées glaciaires       peut-être de rétrograder, voir de décroitre. Pour        voyeurisme était à son comble et une phrase me
serpentant jusqu’au lac Léman, 160 kilomètres        l’instant le glacier finit sa course en fusion, le nez   vint, spontanément : «putain c’est glauque, la
environ. Sculptées par deux grandes glaciations      dans une marre d’eau glacée où, l’être humain,           mort est belle!»
– Riss – Würm. On se projette mal l’étendu et        dans une forme de violence ou un acte délibé-               La suite est classique, reprendre le chemin
l’épaisseur de glace qui s’y est déplacée. Le pe-    ré de bonne conscience, a déposé en partie, sur          vers le col, afin de regagner la voiture, se dé-
tit âge glaciaire, lui, sera moins prétentieux, il   son front, un linceul technique blanc pour tenter        lester du sac, changer de chaussures, boire un
finira dans la vallée de Conches peu avant le vil-   de protéger ce qu’il peut, et pouvoir dire : hé !        coup, manger quelques fruits secs, regarder au
lage de Gletsch, environ 1 kilomètre et demi en      Vous voyez on peut sauver la planète… !!! Proba-         loin, consulter la carte, pour décider du trajet
contre bas de sa position actuelle.                  blement que ce discours oubli l’essentielle, c’est       vers le prochain glacier, se mettre au volant et
    Cette «interstates» californienne fonctionne à   nous l’animal à secourir, voir à isoler du reste         prendre la route.
Frédéric Fourdinier
Texte 2020
Photographies noir et blanc 2019 - argentique
Canon EOS 100 / focal 50mm / format 24x36
LA MASSE MANQUANTE                              Les particules reconnaissables                       milieu des pâturages. Le son de la Navisence,
                                                100 – 200 kg/m3                                      qui coule en contrebas, est plus intense que la
L’eau sur terre :                                                                                    veille. Ambiance Humide et simple, ciel dégagé.
                                                Cristaux de neige fraiche au printemps               Des tentes sur un terrain, sans délimitations,
1 400 000 000 km3                               200 – 300 kg/m3                                      sans véhicules, à l’ombre des montagnes. Fruits
                                                                                                     secs, infusion d’Achillée Millefeuilles, orties et
Eau Salée : 97,2 %                              Les grains fins                                      porridge d’avoine. Les abris se replient les uns
1 320 000 000 km3                               200 – 400 kg/m3                                      après les autres, les marcheurs décampent tiè-
                                                Les grains à face plane et les gobelets              dement, empreintes géométriques nocturnes
Calottes glaciaire et glaciers : 1,8 %          250 – 350 kg/m3                                      sur le sol.
25 000 000 km3
                                                Les grains ronds                                        A 6 kilomètres environ, plein sud à une alti-
Eaux souterraines : 0,9 %                       350 – 500 kg/m3                                      tude de 2100 m, la langue du glacier de Zinal se
13 000 000 km3                                                                                       terre dans son lit au milieu des moraines, avec
                                                Après une saison de fonte                            sa couverture minérale. Il sera l’objectif de la
Eau douce, lacs, mers intérieurs, fleuves :     400 – 830 kg/m3                                      journée.
0,02 %                                                                                                  7h30, sur les Plats de la Lé, passage aux
250 000 km3                                     Glace                                                abords du stade de football qui s’efforce d’exis-
                                                830 – 910 kg/m3                                      ter en plein milieu alpin. En 2016, à cet endroit,
Eau liquide sous forme de vapeur d’eau atmos-                                                        le 27–28 mai, des éboulements et laves tor-
phérique : 0,001 %                                 Une nuit d’orage sous tente c’est comme, en-      rentiels s’épanchèrent violemment depuis les
13 000 km3                                      fant, être dans l’attente du passage du père Noël.   pentes du massif supérieur par les veines des
509 000 000 km2                                 Des périodes d’écoute, d’excitation, de calme, de    ruisseaux. Aujourd’hui la végétation a déployé à
                                                doute, de relâchement et au final, un sommeil        nouveau son tapis et la surface sportive revenue
72 % de la surface terrestre                    profond la dernière heure. Une absence dans les      de six pieds sous terre. Le Limon poussiéreux
                                                abîmes du cerveau, qui nous fera rater la venue      et grisâtre, ainsi que les roches qui composent,
Densité de la neige vers la glace :             de l’être insaisissable tant attendu.                chemins, bas côtés et autres, témoignent de la
                                                                                                     capacité de recouvrement des éléments ter-
Cristaux de neige fraiche en hiver                25 juillet 2019, Zinal, altitude 1676 m, 6h00,     restres. L’avant goût d’une plongée au milieu
50 – 150 kg/m3                                  Camping de Tsoucdanna, en bout de village au         des strates géologiques alpines.
La progression s’exécute en ligne droite sur        mites maximales du glacier qui faisait pression      immobilité longue et attentive ouvre une porte
environ 2 kilomètres. Le terrain faussement            sur le socle minéral alpin. Une glace arrivée à      vers un champ de perception sensorielle abys-
plat et les pans de montagnes latéraux forment         son taux de densité maximal, venant, grâce à         sal, le mouvement. Une vague en reflux dans un
comme une hausse de fusil, la cime du Besso            la pesanteur, la vitesse et le temps, arracher et    ralenti infini qui se décompose tout en déferlant.
à 3668 m, elle, dessine le guidon. Tout deux at-       polir une croûte terrestre composée à cette al-         La chute d’un bloc de bonne taille non loin de
tendent un alignement parfait pour offrir une          titude d’anciens sédiments marins. Dans cette        moi, m’invite à prendre une alternative de point
fenêtre de tir dans le vide atmosphérique. Une         partie des alpes les sous-sols s’appellent : Dolo-   de vue. J’opte pour un panorama plus large
mire géomorphologique vers le néant.                   mie, Gabbro, Gneiss, Métabasalte, Micaschiste,       en prenant le chemin vers la cabane du «petit
   Le passé géologique de la terre se conjugue         Schiste lustré, Schiste noir, Quartzite. Une bande   Mountet», reprendre là où le balisage officiel
en strates, celui de l’être humain en vestiges his-    de jeunes qui ont comme objectif de conquérir le     guide vers le haut de la moraine latérale. Soleil
toriques, relatant les activités d’un passé nostal-    ciel, mais que deux fluides, air et eau, viennent    au zénith, appuyant bien la montée jusqu’au lieu
gique obsolète, néanmoins utile, pour une bonne        contrer en stoppant leur élan de croissance par      promis où, cabane en bois et drapeau de la ré-
partie. Ici une étable et fromagerie de la fin du      une force érosive sans pitié.                        gion invitent à se désaltérer en terrasse afin de
19éme remise à neuf. Cela ponctue la montée,                                                                profiter du spectacle.
c’est joli, rassure le marcheur, et rappelle que la       Le glacier fait mur. Sa masse grise bleue
montagne n’est plus un lieu sauvage depuis bien        sale s’extrait des amas de pierres morainiques,         Aout 2001, Mormon Mesa, Overton, Neva-
longtemps.                                             comme un bunker des sables dunaires. S’éti-          da, USA, à la rencontre de Double Négative1 de
   La transition a lieu. Du végétal on passe au        rant sur une largeur d’immeuble de banlieue          Michael Heizer2, soleil tiède au levant, soleil
minéral. Sortie de virage dans le premier lacet        et d’une hauteur avoisinant celle d’une maison       de plomb à midi. Les souvenirs refont surface.
allant vers «le petit Mountet». On oubli les che-      bourgeoise, il est comme une apparition en plein     Le paysage diffère peu en fin de compte, deux
mins aménagés, un cairn en pierre marque le            désert. La communication est plus que compli-        territoires grandioses, une zone désertique, du
début du sentier menant vers le front glaciaire.       quée. Chutes et glissements de pierres posent        minéral, peu de végétation, du relief, de la vue,
Pour les trois quarts se sera un chaos de roches       les règles d’une distanciation sociale de rigueur.   mais surtout une œuvre dans chaque site. Les
avec un balisage très vague. L’autre quart, des        Les plans inclinés génèrent une multitude de ri-     techniques divergent, l’un avec des moyens mé-
plages d’alluvions transitoires délavées.              goles verticales où sédiments et eau s’écoulent      caniques, l’autre avec les forces naturelles. Le
    Le pas est lent et le son du torrent grisant.      inlassablement en période estival. En son extré-     résultat de l’action semble similaire tout deux
Le corps s’arrête entre les blocs, ou dessus, un       mité gauche le portail béant de la grotte, prisée    présentent des traces de déplacements et l’em-
prétexte à la contemplation. Seul au milieu du         pour son accessibilité en hiver, évacue l’essen-     preinte d’un élément sur la terre ou plutôt le
lit glaciaire, le vertige s’installe, la hauteur des   tielle des eaux.                                     négatif, la masse manquante. L’un en fin de pro-
moraines latérales marquent nettement les li-             Face à l’accueil de ce monolithe de glace, une    cessus, l’autre finalisé. Tout deux sont dans une
dynamique de disparition entamées dés le début
de leur création, une obsolescence programmée
dans un cycle infini répétitif. Petite différence
entre eux tout de même, l’échelle de l’objet ab-
sent.

   Dans le chalet deux petites photos prises à un
intervalle de cent vingt ans, 1899 – 2019, montre
l’état des lieux du paysage se trouvant face au
spectateur, que dire?

1. Double Negative est une longue tranchée dans la terre, large de 13
mètres, profonde de 15 mètres et longue de 457 m. Sa construction
dura de 1969 à 1970. Elle résulte du déplacement de 244 800 tonnes
de roches, principalement de la rhyolite et du grès. La tranchée est à
cheval sur un canyon naturel, dans lequel les matériaux ont été dé-
versés. Le « négatif » du titre de l’œuvre fait référence à la fois à
l’espace négatif naturel et artificiel. L’œuvre consiste essentiellement
dans ce qui n’est pas présent, dans ce qui a été déplacé.
L’œuvre est la propriété du musée d’art contemporain de Los Angeles
2. MICHAEL HEIZER, né en Californie en 1944, artiste contemporain
spécialisé dans les sculptures à grande échelle et dans le Land art

Frédéric Fourdinier
Texte 2020
Photographies noir et blanc 2019 - argentique
(1-2) Canon EOS 100 / focal 50mm / format 24x36
(3) Ikonta Zeis Ikon 520 2 - 1930 / focal 105mm / moyen format 6X9
(1)                                                               (3)

(2)

(1-2) Michael Heizer, double negative, 1969-1970 (vue aérienne)
Photographie Gianfrranco Gorgoni, sygma

(3-4) Michael Heizer, double negative, 1969-1970
Photographie Frédéric Fourdinier, 2001
                                                                  (4)
frederic-fourdinier.com
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