Décrochement et interférométrie radar

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Décrochement et interférométrie radar
Questions / Réponses
         2022 - 28

                                                                  Décrochement et interférométrie radar

Question

Bonjour,
Peut-on repérer par interférométrie radar un décrochement, déterminer le sens de mouvement et évaluer
l’intensité du déplacement ?

Réponse

Quelques remarques avant de répondre… :
- l’interférométrie était clairement au programme de Bcpst de 2013 (2 e année) : « les mesures de géodésie
  spatiale telles que le GPS et l’interférométrie radar permettent d‘évaluer les déplacements instantanés, de les
  comparer à ceux déterminés à l’échelle des temps géologiques et de préciser la connaissance de l’aléa. Capacité
  exigible : utiliser des mesures géodésiques pour analyser les déplacements ». La méthode même de
  l’interférométrie ne peut être sujette à question aux concours : « les méthodes de géodésie spatiale ne sont
  pas au programme » ;
- le programme 2021 (la sismogenèse passe en Bcpst1) est beaucoup plus ambigu sinon malhonnête.
  L’interférométrie disparait en tant que telle des connaissances exigibles. Seul le GPS demeure évoqué dans le
  programme : « Les mesures de géodésie spatiale par GPS permettent d‘évaluer les déplacements instantanés ».
  Aucune capacité exigible (colonne de droite) ne modifie cette restriction : « exploiter et relier des données de
  géodésie spatiale (GPS) permettant la surveillance des failles actives et la quantification de l’aléa par mesure
  de l’accumulation de déformation élastique autour de ces failles » mais, par-contre, on peut être étonné de lire,
  dans la rubrique précisions et restrictions, « on exploite une carte avec des vecteurs GPS et une carte de
  déplacements obtenus par interférométrie radar ou par corrélation d’images, mais la connaissance des
  méthodes permettant leur obtention n’est pas exigible… ». Disons que la cohérence n’est pas un souci des
  rédacteurs du programme et que les dits-experts, universitaires et inspecteurs généraux, n’ont guère été
  compétents dans leurs relectures…
On peut donc considérer, pour les épreuves appuyées sur les programmes de Bcpst, qu’à la session 2022, des
documents faisant mention à l’interférométrie radar peuvent être (encore) proposés. Par contre, il est difficile
de l’envisager pour la session 2023.

Notre réponse
Toute faille active mais aussi tout mouvement du sol (gonflement d’un volcan, affaissement de terrain,
subsidence urbaine ou minière, microfaille non-exprimée en surface…) modifient la topographie et peut donc
être repérée par SAR (= interférométrie radar, avec le S non pas pour satellite comme on peut le lire parfois…
mais pour Synthétic, et le A pour Aperture !). Le SAR est un système actif (il émet sa propre radiation) embarqué
sur une plateforme se déplaçant, notamment un satellite. L’interférométrie radar rejoint alors les techniques de
géodésie spatiales.
L’interférométrie radar est en effet un outil qui mesure les déformations affectant la surface du sol. Pour cela, il
convient de comparer les images radar satellitaires d’une région, à la condition qu’elles soient superposables
c’est-à-dire qu’elles aient été prises selon le même angle de visée à 1, 2… jours d’intervalle, ou plus. Superposées,
ces images peuvent être traitées numériquement et comparées. Les déplacements du sol sont alors repérés par
des franges colorées, et l’orientation des couleurs associée à la largeur des bandes permet de définir l’orientation

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et l’importance du déplacement apparus entre les deux temps de relevés. Ce que l’on peut faire par exemple le
long d’une faille, mise en place ou réactivée lors d’un séisme.
Vous « pourriez » donc avoir un exercice associant image satellitale (classique, type SPOT ou LANDSAT), SAR,
GPS, mécanismes au foyer voire série de sismogrammes… sur ce thème.
Voici donc un exemple (ci-dessous) d’un séisme ayant affecté le sud de la Californie près de la frontière
mexicaine… qui répondra concrètement, nous l’espérons, à votre interrogation.

                                                       Salton Sea est une petite ville de la Californie du sud, située près
                                                       de la frontière mexicaine… et de la côte pacifique. Pour les
                                                       géologues, cette région présente 3 intérêts :
                                                           - elle correspond à l’extrémité sud de la faille de San Andreas ;
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                                                           - c’est un site géothermique majeur.

SSAF : San Andreas Fault ; SJF : San Jacino Fault ; IF : Imperial Fault

Le 28 août 2012, un séisme de magnitude 5.1 secoue la région. L’épicentre est situé à 20 km au sud-est de Salton
Sea. Emoi chez les californiens : certains voient dans cette secousse les prémices du big-bang tant de fois
annoncé. Les alarmistes ont tort : la cause est toute autre !
La dizaine de centrales géothermiques, de capacité totale d’environ 330 Mw, puisent l’eau chauffée sous terre,
qui se transforme en vapeur au cours de sa remontée vers la surface, et produit au passage de l’énergie
renouvelable… pour être ensuite récupérée, et enfin réinjectée en sous-sol. De quoi réjouir tous les écologistes
du globe.
Malheureusement, au pays d’Old el Paso et de ses fajitas, tout n’est pas rose : le cycle pompage/rejet n’est pas
équilibré : les volumes extraits dépassent ceux injectés (depuis 1992, seuls 81% du liquide extrait sont renvoyés
sous terre). Résultats : le volume du lac diminue, la salinité augmente…Il était tout aussi évident que ce
déséquilibre, à terme, pouvait avoir des incidences dans le sous-sol. On pouvait donc imaginer que des images
de SAR permettraient de repérer de telles modifications et corréler l’activité sismique au pompage effectué par
les centrales. L’étude menée depuis 1991 a validé cette hypothèse.

            Image déduite de la comparaison de deux images SAR prise avec un intervalle de 2 ans (SAR ERS-1)

La partie droite du cliché (mosaïque de couleurs) ne permet aucune exploitation : le résultat est aléatoire car il
s’agit de surfaces agricoles, remodelées entre les deux passages du satellite espacées ici de 2 ans. La disposition

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et la nature des réflecteurs radar élémentaires tels que les cailloux, éléments de végétation… ont changé entre
les deux temps de prise des clichés, et interdisent toute mesure interférométrique, basée sur l’analyse fine de la
variation de distance au radar de ces cibles élémentaires.
Le reste de la surface est peu ou pas cultivé (zone +/- désertique, non irriguée). Elle montre des franges rouge-
jaune-bleu et donc une variation de la différence géométrique entre les deux images satellitales… mais
également une rupture nette avec décalage entre deux compartiments (le décalage est matérialisé par les deux
flèches surimposées au cliché). Cette rupture révèle donc une faille active, longue de 22 km environ (cf échelle),
à rejet a priori exclusivement horizontal, notamment si les images correspondent à des passages du satellite sur
la même trajectoire et une visée radar sous le même angle, et que des corrections de projection ont été faites
pour vérifier qu’aucun mouvement vertical n’est associé.
On repère ainsi un décrochement dextre, connu sur le terrain sous le nom de Superstition Hill, … d’actualité en
ces temps d’Halloween. Cette rupture étant calée dans le temps (entre les deux passages du satellite), elle peut
être associée aux séismes qui affectent la région.

Peut-on quantifier le mouvement ?
Le programme (Bcpst) exclut toute question sur les méthodes de géodésie spatiale. Difficile cependant de ne pas
disposer d’un minimum de connaissances (de compréhension) sur le principe de ces techniques pour pouvoir
interpréter un document, comme semble l’autoriser le programme (cf « précisions et restrictions ») ! Sans un
minimum d’informations (ce qu’apportent bon nombre d’enseignants), l’exploitation de document(s)
s’apparente à une simple « lecture », un code d’exploitation étant alors fourni en légendes. Où est alors la
formation scientifique d’un futur ingénieur ou chercheur, s’il s’agit de savoir lire et mettre en correspondance
texte et carte, ce qu’on peut demander au collège…
Quelques précisions, donc, sur la méthode, pour mieux comprendre.
En interférométrie, lors du retour de l’onde, le radar mesure son amplitude et sa phase, c’est-à-dire « là où elle
en est dans sa vibration ». Si elle est en phase, cela signifie que le trajet aller-retour de l’onde est un nombre de
fois entier la longueur d’onde. Le trajet aller-retour s’exprime donc sous la forme k ( = longueur d’onde du
radar utilisée), sans que l’on sache combien vaut k !, soit k /2 pour l’aller simple ; k est déterminé en
comptabilisant le nombre de franges sur l’interférogramme. Ces données proviennent du satellite ERS-1 dont la
longueur radar utilisée est de 5.6 cm ; une frange d’interférence (correspondant à une rotation de phase de 2π
radians) se traduit sur l’image par un cycle complet de couleur (succession bleu vert jaune rouge) ; elle
correspond à un déplacement le long de la ligne de visée à un déplacement de 5,6 cm en aller-retour, soit, en le
ramenant à un aller simple, à une déformation de 2,8 cm.
Ici, la rupture définit une discontinuité dans l’image qui correspond à peu près au tiers d’une frange, donc au
tiers d’une ½ longueur d’onde en aller simple (la frontière entre les couleurs blanche et jaune, au nord de la
rupture, correspond à la frontière entre les couleurs jaune et bleue au sud de la rupture). La gamme de couleurs
(sous le cliché) précise en effet que la distance entre les transitions du blanc au jaune d’une part et du jaune au
bleu d’autre part est égale au 1/3 d’un cycle de couleur complet, qui correspond à une longueur d’onde. La table
de couleurs donne deux cycles de couleurs, ce qui permet d’étudier n’importe quel intervalle, y compris de part
et d’autre du début ou de la fin du cycle de couleurs. Le décalage correspond donc à un déplacement d’environ
1/3 de 28 mm soit environ 9 mm dans la direction du satellite, en aller simple. Le déplacement réel est en réalité
un peu supérieur, puisqu’il faut tenir compte de l’angle de visée par rapport à la verticale. On n’observe que la
projection sur l’axe entre le sol et le satellite. En tenant compte de l’angle d’incidence de l’image radar (23°), de
l’orientation de la faille (NO), et en faisant l’hypothèse qu’il n’y a pas de rejet vertical…, l’amplitude du
déplacement est donc d’environ 3 cm au sol (on considère également que le déplacement n’atteint qu’un tiers
de frange et non pas 1/3 + 1 frange ou 1/3 – 1 frange, car il apparaît qu’ici le décalage se fait au sein d’une même
frange !). Disons que la quantification se fait… mais n’est pas triviale !

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