Des paroles aux actes - LA CONTRIBUTION DES MÉDECINS AU GRAND DÉBAT NATIONAL - MARS 2019 - Conseil National de l ...

 
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MARS 2019

Ma santé 2022 :
 des paroles
  aux actes
     LA CONTRIBUTION DES
   MÉDECINS AU GRAND DÉBAT
          NATIONAL

                              Ordre National des Medecins
                             Conseil National de l’Ordre
Ma santé 2022 :
des paroles aux actes
               LA CONTRIBUTION DES MÉDECINS
                 AU GRAND DÉBAT NATIONAL

Le 12 février 2019, le Conseil national de l’Ordre des médecins
  a réuni l’ensemble des acteurs de la santé lors d’un débat
   public intitulé « Ma santé 2022 : des paroles aux actes ».
 L’objectif : échanger sur l’avenir de notre système de santé,
   notamment sur la loi santé à venir et sa mise en œuvre.

                   4                               8
            Décloisonner                     Développer
            la formation                    le numérique
           et les carrières                    en santé

                   6                              10
              Organiser                Faire de la démocratie
           l’offre de soins            sanitaire un principe
         dans les territoires         fondateur de la réforme

        Le compte rendu intégral est disponible sur le site
               www.conseil-national.medecin.fr

                                —2—
MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES
   « Décloisonner la formation et les carrières, mieux
      structurer l’offre de soins dans les territoires,
  développer le numérique… les priorités de la future
          loi santé ont été dévoilées, début février.
  Mais si le texte du projet de loi relatif à l’organisation
 et à la transformation du système de santé rassemble
  les acteurs autour de problématiques et de priorités
    partagées, de nombreuses questions demeurent.
     Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer
dans cette réforme, dans la transformation du système
   de santé. C’est pourquoi nous devons y contribuer,
et être entendus tant par le gouvernement, qui conçoit
   la proposition de texte, que par les parlementaires,
qui vont la débattre. L’urgence est là et rend nécessaire
             que nous nous rassemblions tous. »

                     Dr Patrick Bouet,
                    président du Conseil national
                       de l’Ordre des médecins

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MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES

                                        Décloisonner
                                        la formation
                                        et les carrières
                                           L’accès aux études              inégalités territoriales sont      forme du 3e cycle, alors que
                                         médicales                         très importantes.                  débutent les travaux pour la
                                         La suppression du numerus         La diversification des par­        réforme des 1er et 2e cycles.
                                        clausus et la refonte de l’accès   cours pour accéder au 1er cycle    La professionnalisation pré­
                                        aux études de santé, prévues       pose également la question de      coce des étudiants est identi­
                                        dans l’article 1er, font partie    la durée finale du cursus, déjà    fiée comme un levier à la dé­
                                        des grands enjeux du projet        particulièrement long.             couverte des modes d’exercice,
                                        de loi. À la clé, une délicate     Le projet de loi affiche des am­   et l’internat comme détermi­
                                        équation aux multiples incon­      bitions qui répondent aux at­      nant de l’irrigation du système
                                        nues : processus de sélection,     tentes des acteurs du système      de santé dans son ensemble.
                                        profils admissibles, régulation    de santé et des étudiants, mais    La formation hors les murs du
                                        quantitative, répartition sur      il inquiète et interroge par son   CHU, et particulièrement dans
                                        le territoire. Et ce en mainte­    manque de précision quant          les territoires en difficulté,
                                        nant un haut degré d’exigence      aux solutions envisagées.          est devenue incontournable,
                                        ­aussi bien dans la sélection                                         les étudiants choisissant de
                                         que dans la formation des           La formation                     pratiquer en priorité dans
                                         étudiants.                        La suppression des épreuves        des lieux et selon des modes
                                         Le fait que le nombre de mé­      classantes nationales (ECN)        d’exercice qui leur sont fami­
                                         decins à former soit détermi­     est approuvée, mais des ques­      liers. Les cliniques et hôpitaux
                                         né en fonction des capacités      tions persistent sur les nou­      privés souhaitent participer
                                         de formation et des be­           velles modalités d’entrée en       davantage à la formation des
                                         soins dans les territoires fait   3e cycle.                          étudiants et ainsi au maillage
                                         consensus. Mais la répartition    Par ailleurs, des craintes         des territoires en termes de
                                         des futurs médecins suscite       émergent quant au calendrier       terrains de stage. Cependant,
                                         beaucoup d’inquiétudes : les      de la mise en œuvre de la ré­      quel que soit le lieu de stage,

                                                                                        —4—
il est nécessaire de veiller à ce   pital et de soutenir l’attracti­
que la formation des jeunes,        vité des carrières médicales

                                                                                                                       MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES
externes comme internes, soit       hospitalières. Il prévoit pour         LE POINT DE VUE DE
                                                                           Julien Borowczyk,
bien encadrée. Il serait égale­     cela de créer un statut unique
                                                                           député LaREM de la Loire
ment intéressant d’identifier       de praticien hospitalier. Un
les freins au choix d’internat      moyen de faciliter la diversi­         « L’HUMAIN AU CŒUR DU SOIN »
                                                                           _« Je crois que le médecin doit
(accessibilité, accueil, forma­     fication des carrières, qui cor­       reprendre la main sur sa partie
tion, encadrement…), afin d’ac­     respond à une aspiration forte,        humaine. Nous nous sommes
compagner les structures qui        notamment des jeunes méde­             probablement « embarqués »
                                                                           dans des silos ultra-spécialisés,
peinent à recruter des internes     cins. Cette ambition se heurte         qui font partie de la médecine
et de réfléchir à des solutions     néanmoins à un manque                  intrinsèquement. Mais aujourd’hui,
                                                                           avec les nouvelles technologies,
adéquates.                          de clarté quant à sa mise en           et notamment l’intelligence artificielle,
Par ailleurs, nous comptons         œuvre effective. Par ailleurs,         la technicité sera probablement
                                                                           remplacée par des aides
aujourd’hui plus de spécia­         orienter l’organisation des            informatiques. En revanche, nous
listes que de généralistes.         soins vers un salariat à tout          aurons besoin de transversalité, d’être
Il est nécessaire d’inverser        prix est considéré comme un            capables de prendre en charge un
                                                                           patient dans sa totalité. Aujourd’hui,
cette équation, en parlant de       écueil qui coûterait cher. Il          nous ne le faisons pas assez.
premier recours incluant la         est nécessaire de maintenir            Et demain, nous y serons confrontés
                                                                           d’autant plus. Le médecin est avant
médecine générale et les spé­       un équilibre entre l’exercice          tout un humain au contact d’humains.
cialistes de ville, et qui orien­   salarié et libéral, tout en favo­      Je crois que cette réforme doit
                                                                           impérativement permettre de
terait vers le second recours.      risant les passerelles et l’exer­      retrouver cet ADN-là. Cela passe
Cela demanderait de redéfinir       cice mixte.                            notamment par un recrutement
                                                                           plus large, la possibilité d’exprimer
les périmètres métiers.                                                    un projet médical, un projet
Enfin, les programmes com­                                                 professionnel, et peut-être aussi
portent des enseignements                                                  une dimension plus philosophique. »
obsolètes au regard des évo­
lutions de l’organisation de la
santé, des technologies (télé­
médecine, intelligence arti­
ficielle…), des modes d’exer­                      Les propositions émergentes du débat
cice (délégation de tâches,
interprofessionnalité), des               Augmenter de façon               l’hébergement…), en
                                        raisonnable le nombre              diversifiant les offres et en
attentes des jeunes médecins            de médecins à former               créant un système d’évaluation
(travail en équipe, diversité           en s’appuyant sur tous             des terrains de stage par les
                                        les acteurs (publics et privés)    étudiants.
d’exercices, équilibre entre            afin de proposer une formation
vie professionnelle et vie pri­         de qualité, professionnalisante,     Créer un statut de médecin-
                                        attractive et balayant             assistant de territoire pour
vée) et des besoins en santé            l’ensemble des modes               encourager les jeunes médecins
(notamment prise en charge              d’exercice.                        diplômés à exercer en
des maladies chroniques ou                                                 ambulatoire en leur laissant le
                                          Mettre les programmes en         temps d’approfondir leur projet
polypathologiques). La notion           adéquation avec l’exercice de      professionnel et personnel.
de responsabilité popula­               demain, en prenant en compte
                                        les évolutions numériques
tionnelle des professionnels            et technologiques, le travail
                                                                             Ouvrir aux structures privées
                                                                           le statut d’assistant partagé
de santé sur un territoire fait         en équipe, et les besoins          entre la ville et l’hôpital.
partie des principes à valori­          en médecine transversale
                                        et polyvalente...
ser davantage.                                                               Élargir les contours de la
                                                                           médecine générale à l’ensemble
                                          Rendre plus attractifs           des soins de premier recours
  Les carrières                         les stages dans les territoires    en ambulatoire, et augmenter
                                        en difficulté, en soutenant        le nombre d’internes formés
L’article 6 du projet de loi a          les étudiants (aide                en médecine générale afin
pour ambition de fluidifier les         pour les transports, pour          qu’ils soient plus nombreux.
carrières entre la ville et l’hô­

                                                    —5—
MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES

                                        Organiser
                                        l’offre de soins
                                        dans les territoires
                                          Le soutien aux initiatives       diale si l’on veut trouver des
                                        De plus en plus de territoires     solutions pour garantir et           LE POINT DE VUE DE
                                        voient leurs médecins partir       maintenir l’accès aux soins.         Thomas Mesnier,
                                        à la retraite sans trouver de      Mais elle pâtit parfois d’un         député LaREM de Charente,
                                        successeur. Des inégalités ter­    manque de dialogue entre les         rapporteur du projet de loi
                                        ritoriales se creusent entre les   élus des territoires, les ARS, les   « REMETTRE LE SYSTÈME
                                        régions et à l’intérieur même      établissements hospitaliers et       SUR SES JAMBES »
                                        des territoires.                   les professionnels de santé. Il      _« L’objectif de ce projet de loi est de
                                        Face à cette situation, les mé­    est donc nécessaire d’avoir          remettre le système sur ses jambes.
                                                                                                                Pour cela, il faut laisser le pouvoir aux
                                        decins et professionnels de        des interlocuteurs identifiés        professionnels sur le terrain.
                                        santé ont commencé à réflé­        représentant tous ces acteurs,       Concernant les CPTS, il ne s’agit pas
                                        chir ensemble et avec les élus     ainsi que des lieux ou des ou­       de créer des modèles uniques
                                                                                                                répliqués à l’infini, mais de proposer
                                        locaux afin de trouver des         tils pour mettre en place un         une boîte à outils dont les
                                        solutions. Une coopération         espace d’échange et de dia­          professionnels s’empareraient en
                                                                                                                fonction des besoins de leur territoire.
                                        qui a fait ses preuves dans de     logue pérenne. Enfin, le projet      L’objectif est aussi de faciliter les liens
                                        nombreux territoires. Le pro­      de loi gagnerait à valoriser le      avec le médico-social, avec
                                                                                                                les établissements de santé,
                                        jet de loi reprend cette idée      rôle et l’implication des élus       et avec les élus. Quant aux hôpitaux
                                        d’encourager la mise en place      locaux dans l’organisation de        de proximité, le but est vraiment
                                                                                                                de mettre en lien les besoins
                                        d’initiatives coconstruites par    l’offre de soins, premiers par­      de la population et ceux des
                                        les acteurs locaux. Cette ter­     tenaires des professionnels de       établissements, pour créer une offre
                                        ritorialité innovante, imagi­      santé dans les territoires.          de soins la plus adaptée possible au
                                                                                                                territoire. Je crois que c’est de façon
                                        native, partenariale doit être                                          concertée avec les CPTS, les hôpitaux
                                        encouragée par un environne­         L’organisation des soins           de proximité et les élus que nous
                                                                                                                créerons des solutions. J’entends enfin
                                        ment propice à l’émergence de      Aujourd’hui, les dispositifs         les inquiétudes face à un manque
                                        projets. Malgré tout, la crainte   évoqués dans la loi sont trop        de lisibilité du texte. Je crois en la
                                                                                                                concertation. Les auditions et le débat
                                        d’une hyperréglementation          génériques. Le texte ne per­         parlementaire permettront d’aller plus
                                        reste omniprésente.                met pas de comprendre le             loin et de préciser certains points. »
                                        La concertation est primor­        mécanisme coopératif dans

                                                                                         —6—
MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES
les territoires entre les hôpi­     multisite est attractif par bien         toires : la mise en place d’as­
taux de proximité et les CPTS,      des aspects, il peut aussi être          sistants médicaux afin de
ni la façon dont les équipes        un frein à l’accueil des jeunes          redonner du temps médical
vont fonctionner. Certains          médecins en raison des dé­               aux médecins. Une mesure
éléments semblent même              placements qu’il implique. Il            qui réclame des éclaircisse­
contradictoires, à l’image de la    faut également rester vigilant           ments tant sur les contours de
concentration vers une com­         afin de ne pas sacrifier la qua­         leurs missions, leur pérennité
mission médicale de regrou­         lité sur l’autel de la proximité :       (le jour où la pénurie de mé­
pement. La lisibilité des outils    tout l’enjeu étant de proposer           decins sera moindre), que sur
coopératifs est indispensable       une offre de soins de qualité            leur financement et celui de
puisqu’elle va conditionner         dans tous les territoires. Il est        l’aménagement des cabinets,
l’engagement des acteurs pour       aussi nécessaire de veiller à ce         qui sera souvent nécessaire
une responsabilité popula­          que les GHT rayonnent et non             à leur embauche. La création
tionnelle partagée.                 pas siphonnent les territoires           de ces assistants fait aussi
Les hôpitaux de proximité, ou       avec un établissement princi­            craindre aux praticiens le dé­
établissements de santé de          pal qui aspirerait les services          veloppement d’une médecine
proximité, sont sans doute la       des autres.                              d’abattage pour en assurer le
clé de voûte de l’organisation,     Enfin, le développement d’un             financement ou atteindre des
la structuration, l’articulation    paiement au forfait qui sup­             objectifs chiffrés.
et le décloisonnement des           planterait à moyen terme le
soins dans les territoires. Par     paiement à l’acte en médecine
ailleurs, ils répondent à une       de ville comme à l’hôpital in­
demande croissante de la po­        quiète dans sa mise en œuvre,
pulation en termes de main­         sa répartition entre les profes­
tien à domicile et d’hospitali­     sionnels, et sa compatibilité
sation à proximité.                 avec un exercice libéral.
Les consultations avancées
de spécialités chirurgicales           Le temps médical
ou médicales vont offrir un         Autre levier pour améliorer
accès aux soins de proximi­         l’offre de soins dans les terri­
té. Mais ces consultations
doivent être organisées avec
les médecins libéraux, no­
tamment les généralistes, qui                      Les propositions émergentes du débat
connaissent les besoins de
la population. L’organisation             Baser l’organisation des soins     dans les territoires,
                                        sur le principe de la                notamment en favorisant
des plateaux techniques, no­            responsabilité populationnelle       le dialogue avec les ARS et en
tamment pour la chirurgie,              partagée, en impliquant              leur redonnant un siège dans
                                        l’ensemble des professionnels        les conseils d’administration
la biologie et l’imagerie, doit         de santé : libéraux, hospitaliers,   des établissements hospitaliers.
également intégrer les méde­            secteur public, privé, regroupés
                                        ou non au sein d’un GHT, d’une         Soutenir et accompagner les
cins libéraux. Les hôpitaux de          CPTS ou de toute autre forme         initiatives locales en mettant en
proximité offrent ainsi la pos­         de structure.                        place des outils qui favoriseront
sibilité pour les professionnels                                             le dialogue entre les acteurs
                                          Reconnaître le rôle des élus       territoriaux et l’émergence de
de santé en soins primaires             locaux comme partenaires dans        solutions concertées et adaptées
d’aller vers plus de technici­          la mise en œuvre de solutions        à la réalité des territoires.
                                        pour maintenir l’accès aux soins
té et de diversité dans leurs
actes. Cela dit, si l’exercice en

                                                    —7—
MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES

                                        Développer
                                        le numérique
                                        en santé
                                          Le Health Data Hub (ou plate-     l’exploitation de ces données et
                                        forme des données de santé)         le respect de la vie privée des
                                        La France, grâce à l’Assurance      usagers. Par ailleurs, le texte ne
                                        maladie et aux complémen­           précise pas quelle sera la gou­
                                        taires, possède une source de       vernance de cette plateforme,
                                        données de santé formidable         pourtant stratégique.                LE POINT DE VUE DE
                                        qu’elle n’utilise pas suffisam­                                          Jean-Pierre Door,
                                        ment bien. Ces données pour­           Les espaces numériques            député LR du Loiret
                                        raient permettre de mieux           de santé                             « PAS LA PANACÉE
                                        comprendre et anticiper les         Le projet de loi envisage de         MAIS UNE ALTERNATIVE
                                        besoins en santé, afin de           doter chaque usager, dès la          À LA DÉSERTIFICATION »
                                        mettre en œuvre les moyens          naissance, d’un espace numé­         _« Je viens d’un territoire en difficulté
                                                                                                                 de 140 000 habitants, avec plus
                                        techniques et organisation­         rique de santé, qui inclurait le     de départs à la retraite de médecins
                                        nels nécessaires. C’est l’une       DMP. Chacun pourra notam­            que d’installations, et un afflux
                                        des raisons pour lesquelles le      ment conserver et gérer ses          aux urgences qui a quadruplé
                                                                                                                 en quelques années. Nous avons créé,
                                        projet de loi impulse la création   données de santé, échanger           avec les municipalités, les médecins,
                                        d’une plateforme des données        avec les professionnels de           les infirmières libérales et le centre
                                                                                                                 hospitalier des centres de
                                        de santé, intégrant l’ensemble      santé et les établissements,         téléconsultation. Les infirmières
                                        des données cliniques obte­         accéder à des applications de        reçoivent les patients dans des
                                                                                                                 cabinets dotés d’appareils de mesure
                                        nues dans le cadre de soins         santé référencées… Cet espace        connectés et assistent les télé-
                                        remboursés par l’Assurance          a également vocation à favori­       consultations de médecins à distance.
                                        maladie. Un moyen de contri­                                             L’ARS a donné son accord pour
                                                                            ser la coor­dination des soins,      indemniser les infirmières, et le conseil
                                        buer de façon puissante à une       la médecine de parcours et la        régional a subventionné les appareils
                                        dynamique nouvelle, mais            prévention individuelle. Il per­     électroniques. Nous avons un système
                                                                                                                 qui fonctionne. Huit communes sont
                                        avec un risque majeur pour          met à l’usager d’être acteur de      équipées, et nous en auront une
                                        la protection de la vie privée.     sa propre santé à travers des        dizaine à la fin du premier semestre
                                                                                                                 2019. Ce n’est pas la panacée,
                                        Le développement de la mise         outils modernes. De cette fa­        mais c’est une alternative
                                        à disposition des données de        çon, il répond à une forte de­       à la désertification actuelle, un outil
                                                                                                                 qui permet d’améliorer l’accès
                                        santé va donc nécessiter de         mande des citoyens de plus en        à un médecin et de réduire l’afflux
                                        trouver le juste équilibre entre    plus « experts » de leur santé.      aux urgences. »
                                        les avancées attendues par          Mais là aussi, il est nécessaire

                                                                                          —8—
de lever tout risque de dérives       aujourd’hui, notamment dans           Les nouvelles technologies de
et d’atteintes à la vie privée.       les territoires les plus touchés      l’information et de la commu­

                                                                                                                 MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES
                                      par le déficit en médecins. Les       nication doivent être mises au
   Télémédecine et télésoin           populations défavorisées sont         service d’une meilleure coordi­
Si l’élargissement du cadre de        aussi celles qui ont le moins         nation en transversalité. Elles
la prescription électronique          accès au numérique. Le nu­            sont aujourd’hui sous-exploi­
fait partie des évidences du          mérique ne doit pas accroître         tées, et pourtant elles offrent
projet de loi, le développement       les inégalités d’accès aux soins.     la possibilité de gommer les
de la télémédecine suscite da­        Enfin, il ne doit pas non plus        distances : un gain précieux
vantage d’inquiétudes. La télé­       signer une rupture avec l’hu­         notamment dans les régions
médecine n’est pas un remède          main. Au contraire, il doit per­      les plus grandes où les dépla­
miracle aux déserts médicaux.         mettre d’améliorer le contact         cements sont de plus en plus
C’est une solution d’appui, ou de     avec le patient.                      contraignants et coûteux.
secours. Elle ne peut se sub­                                               Le temps médical est aussi
stituer à la présence médicale.          Organisation et coordination       obéré par une utilisation non
Le texte prévoit la mise en           des soins                             optimale du numérique. Le
œuvre du télésoin, à savoir la        Les acteurs de la santé ap­           médecin passe beaucoup de
possibilité pour les pharma­          pellent à une politique du nu­        temps à saisir des données et
ciens et les auxiliaires médi­        mérique ambitieuse avec une           il ne va pas exploiter les fonc­
caux de prendre en charge,            direction, des outils et des          tionnalités proposées par les
dans le cadre de leurs compé­         moyens pour permettre un              logiciels pour le dépistage, la
tences réglementaires, des pa­        déploiement efficient et ho­          prévention, les rappels de vac­
tients à distance. Cette mesure       mogène sur l’ensemble du ter­         cinations, etc. Les assistants
vise à améliorer l’efficience des     ritoire. Il est notamment néces­      médicaux sont peut-être une
parcours patients, renforcer          saire d’œuvrer pour favoriser         opportunité de déléguer éga­
l’offre de soins de proximité et      l’interopérabilité des logiciels      lement les tâches numériques
développer les coopérations           médicaux.                             qui peuvent l’être.
interprofessionnelles.
Mais si le numérique offre de
nouvelles opportunités en
termes d’accès aux soins et                         Les propositions émergentes du débat
d’interprofessionnalité qu’il
                                            Définir un référentiel            Lutter contre les inégalités
convient de saisir, il ne faut pas        d’interopérabilité pour les       d’accès au numérique grâce
oublier qu’il représente aussi le         logiciels médicaux afin de        à l’abolition des zones blanches,
plus grand danger en termes               favoriser la coopération entre    le déploiement de l’Internet
                                          professionnels de santé et        haut débit sur tout le territoire.
de rupture de solidarité. Com­            gagner du temps médical.
mencent à émerger des coupe-                                                  Renforcer l’éducation au
file au parcours de soins, des              Réguler les offres de           numérique et sensibiliser les
                                          télémédecine et de télésoin       Français à la santé de demain,
espaces captifs contractuali­             privées et hors parcours pour     notamment à la gestion et
sés pour certains usagers et              préserver le mécanisme de         à la protection de leurs données
                                          solidarité sur lequel s’appuie    de santé, et à l’usage de la
donc, par définition, des risques         notre système de santé.           télémédecine…
d’iniquité, d’inégalité et d’ubéri­
sation. Le mécanisme solidaire              S’appuyer sur le numérique        Développer les dispositifs
                                          pour piloter, depuis les ARS,     d’accès au numérique des
qui caractérise notre système             des téléconférences périodiques   populations défavorisées en
de santé doit être garanti.               avec l’ensemble des               intégrant les travailleurs sociaux
                                          établissements d’un territoire    comme vecteurs de l’information
Par ailleurs, le développement            afin d’améliorer la gestion       et de l’accès aux soins,
du numérique en santé né­                 et la coordination hospitalière   pour lutter contre la fracture
                                          en transversalité.                numérique.
cessite une lutte active contre
les fractures numériques. Des
zones blanches subsistent

                                                     —9—
La démocratie
MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES

                                        sanitaire comme
                                        principe fondateur
                                        de la réforme
                                          De la concertation                 pas non plus au programme            cessaire d’impulser une dyna­
                                        à la codécision                      du Grand Débat national. Or          mique de confiance pour une
                                        La démocratie sanitaire ne           les mesures proposées dans le        démocratie participative et non
                                        se résume pas à la concerta­         projet de loi ne vont pas de soi.    pas seulement de concertation.
                                        tion. Elle doit aussi être une       Elles vont nécessiter un impor­
                                        démocratie de participation,         tant travail de pédagogie, d’in­
                                        c’est-à-dire d’élaboration et        formation, et de coconstruc­
                                        de coconstruction des outils         tion avec tous les acteurs de la     LE POINT DE VUE DE
                                        et solutions, pour finalement        santé, les professionnels mais       Olivier Véran,
                                        aboutir à une codécision lors        aussi les patients.                  député LaREM de l’Isère
                                        de la mise en œuvre effective                                             « DONNER UNE CHANCE
                                        des dispositifs. Parler de démo­       Gouvernance                        AUX ACTEURS D’INNOVER »
                                        cratie sanitaire, c’est ainsi in­    On ne peut parler démocratie         _« Quand on parle de démocratie
                                                                                                                  sanitaire en politique, on pense le plus
                                        séminer des éléments positifs        sanitaire sans parler de gou­        souvent à la place de l’usager dans
                                        qui permettront à l’ensemble         vernance. Depuis des années,         le système de soins parce que la santé
                                        des acteurs d’être coassociés à      nous sommes dans une logique         est devenue une vraie revendication
                                                                                                                  politique. Il faut donc être capable
                                        ces trois niveaux. Malheureu­        de gouvernance verticale. Ceux       d’entendre les usagers et de leur faire
                                        sement, le projet de loi ne met      qui font le soin, ceux qui sont le   de la place dans le système de soins.
                                                                                                                  Le virage numérique devrait leur être
                                        pas en avant cette nécessité.        soin et ceux qui vivent le soin,     favorable.
                                        Et malgré les inquiétudes de la      évoluent en silo. Une méfiance       À travers ce projet de loi, nous actons
                                                                                                                  que nous sommes tous d’accord
                                        population quant à l’avenir du       s’est installée entre les parties,   sur le diagnostic, mais sur la mise
                                        système de santé, le sujet n’est     qui mène à l’échec. Il est né­       en pratique, nous ne sommes pas sûrs
                                                                                                                  de détenir la vérité. Nous souhaitons
                                                                                                                  donc donner une chance aux acteurs
                                                                                                                  d’innover.
                                                                                                                  Enfin, il ne faut pas voir les
                                                                                                                  ordonnances comme une façon
                                                      Les propositions émergentes du débat                        d’éluder le débat. Elles sont un moyen
                                                                                                                  de faire en sorte que le débat sur
                                              Faire en sorte que les           Mettre en œuvre une cogestion      certains points n’ait pas lieu dans
                                            indicateurs de qualité, prévus   tripartite (patients, soignants et   l’enceinte du Parlement entre
                                            dans le projet de loi, soient    administration) de l’organisation    577 personnes qui portent l’écharpe
                                            cocréés par les usagers et les   des soins.                           tricolore, mais entre les instances
                                            professionnels de la santé.                                           dirigeantes de notre pays et
                                                                                                                  les acteurs dans les territoires. »

                                                                                             — 10 —
MA SANTÉ 2022 : DES PAROLES AUX ACTES
     « Aborder et regarder tous ensemble certaines
   priorités, soulever des questions et n’éluder aucun
  propos étaient pour nous une façon de nous inscrire
  dans la démarche du Grand Débat. La responsabilité
  du parlementaire est d’entendre tous ces éléments,
   questionnements, réticences ou inquiétudes, mais
 également les espoirs, les attentes et les propositions,
pour écrire et préciser le texte, même s’il sera complété
  ultérieurement. Nous serons présents avec tous les
  acteurs de la santé pour coconstruire cette réforme.
     Le débat, aujourd’hui, a démontré qu’il n’y a pas
       d’immobilisme dans le monde de la santé. »

                    Dr Patrick Bouet,
                   président du Conseil national
                      de l’Ordre des médecins

                               — 11 —
Le 12 février 2019, le Conseil national de l’Ordre des médecins
              a réuni l’ensemble des acteurs de la santé lors d’un débat public
                 intitulé « Ma santé 2022 : des paroles aux actes ». L’objectif :
               échanger sur l’avenir de notre système de santé, notamment
                          sur la loi santé à venir et sa mise en œuvre.

                Les échanges se sont organisés autour des trois thématiques
                    qui structurent, à ce jour, le projet de loi : la formation,
                     l’organisation de l’offre de soins dans les territoires,
                     et le numérique en santé. L’Ordre a souhaité ajouter
                          un quatrième volet : la démocratie sanitaire.

                      Le débat était modéré par le Dr Patrick Bouet, président
                       du Conseil national de l’Ordre des médecins et animé
                                 par Mme Ruth Elkrief, journaliste.

                Le résumé des échanges a été versé comme contribution au
                Grand Débat national lancé par le président de la République,
                                  M. Emmanuel Macron.

                                                        Conseil national
                                                    de l’Ordre des médecins
                                                 www.conseil-national.medecin.fr
                                                        @ordre_medecins

Sont intervenus lors de ce débat : Pr Djillali Annane, vice-président de la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine,
M. Antoine Reydellet, président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), M. Aurélien Rousseau, directeur général de l’ARS
d’Île-de-France, M. Emmanuel Daydou, secrétaire général de la Fédération hospitalière privée, M. Philippe Leduc, journaliste médecin,
Dr Emanuel Loeb, président de Jeunes Médecins, Dr Michel Triantafyllou, vice-président de l’Intersyndicat des praticiens hospitaliers (INPH),
Pr François Richard, membre de l’Académie de médecine, Pr Patrice Diot, doyen de faculté de Tours, Dr Jean-Marie Woehl, vice-président
de la Conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement de centres hospitaliers, Dr Jérôme Marty, président
de l’Union française pour une médecine libre syndicale (UFML-S), M. Julien Aron, interne en néphrologie, Pr Serge Uzan, conseiller national
de l’Ordre des médecins, Dr Anne-Marie Trarieux, vice-présidente de la section Éthique et déontologie du Conseil national de l’Ordre
des médecins, Dr Valérie Briole, vice-présidente de l’Union française pour la médecine libre syndicale (UFML-S), Dr Jean-Alain Cacault,
secrétaire général du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’Ordre des médecins, M. Julien Borowczyk, député LaREM de la Loire,
Mme Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs, Dr Christian Lehmann, médecin généraliste à Poissy (78), Dr Jacques Battistoni, président
de MG France, M. Jean-Pierre Door, député du Loiret, Mme Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, M. Thomas Mesnier, député LaREM,
rapporteur du projet de loi, M. Jean-Martin Cohen-Solal, délégué auprès du président de la Mutualité française, Dr Jacques Lucas, vice-
président du Conseil national de l’Ordre des médecins, délégué général au numérique, M. Patrick Chamboredon, président de l’Ordre
national des infirmiers, Dr Jean Bellamy, chirurgien retraité, bénévole au Secours populaire des Yvelines, Dr François Zanaska, président de
la Conférence nationale des présidents de CME du secteur privé non lucratif, M. Stéphane Le Masson, Syndicat national des journalistes
(SNJ-France), M. Nicolas Brun, coordonnateur du pôle protection sociale et santé de l’Union nationale des associations familiales (Unaf),
Dr Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), Dr Serge Smadja,
secrétaire général de SOS Médecins France, M. Olivier Véran, député de l’Isère.
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