Désarmement, démobilisation, réintégration
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BRIEFING Désarmement, démobilisation, réintégration Émergence du concept dans la communauté internationale RÉSUMÉ La Commission européenne et le Haut représentant de l'Union européenne (UE) devraient adopter le 22 décembre 2021 une communication conjointe sur une approche stratégique de l’UE pour soutenir, dans les pays tiers, le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) des ex- combattants issus de groupes armés rebelles. Il s'agit d'aligner le concept et les programmes DDR sur les défis sécuritaires, géopolitiques et de politique de développement des pays partenaires, en tenant compte des approches évolutives des autres acteurs majeurs du secteur dans la communauté internationale. Parmi ces acteurs, l'ONU paraît incontournable, qui a développé depuis longtemps des approches DDR et soutient ou pourrait soutenir de nombreux programmes DDR dans le monde. Le concept DDR stratégique de l'UE remontant à 2006, son actualisation s'impose. La nouvelle stratégie DDR devrait aussi permettre à l'UE de renforcer sa crédibilité comme pourvoyeuse de sécurité sur le plan mondial. Dans ses relations avec ses pays partenaires les plus fragiles, dans son voisinage comme au-delà, l'UE se mobilise pour une nouvelle stratégie DDR des groupes armés qui soit à la hauteur du rôle qu'elle entend assurer, aux côtés de la communauté internationale et de ses alliés comme acteur majeur de pacification et de stabilisation au plan mondial. Le Parlement européen soutient les projets DDR de l'Union et demande que la future stratégie DDR soit cohérente avec les instruments de la politique de sécurité et de défense commune ainsi qu'avec son aide au développement. CONTENU DU BRIEFING Évolution des approches DRR et réforme du secteur de la sécurité dans l'UE et dans la communauté internationale Mise en œuvre du DDR par les Nations Unies Couplage des projets RSS-DDR par l'UE Position du Parlement européen sur la stratégie DDR EPRS | Service de recherche du Parlement européen Auteur : Bruno Bilquin, Carte : Samy Chahri Service de recherche pour les députés PE 698.850 – décembre 2021
EPRS | Service de recherche du Parlement européen Évolution des approches DRR et réforme du secteur de la sécurité dans l'UE et dans la communauté internationale Le premier projet de concept de l'UE pour le soutien au DDR – désarmement d'anciens combattants principalement issus de groupes armés rebelles, démobilisation puis réintégration dans l'armée nationale – date de décembre 2006. Cette conception est aujourd'hui remise en question car elle peut créer un cercle vicieux rébellion-réintégration-rébellion, La réintégration des ex-combattants s'entend désormais surtout de leur réintégration dans leur communauté et dans la société en général. Le succès des programmes DDR soutenus par l'UE dépend le plus souvent de leur intégration dans des programmes plus larges de réforme du secteur de la sécurité (RSS) propres à l'UE ou, souvent, conçus ou soutenus par l'ONU. Or, l’ONU est en train de revoir son approche RSS et ses normes intégrées de désarmement, de démobilisation et de réintégration (NIDDR, en anglais IDDRS), et par là même son approche DDR. Le concept RSS et son opérationnalisation ont été forgés au tournant des années 2000 pour affronter de façon holistique les crises successives depuis la fin de la guerre froide. Les programmes RSS nationaux peuvent souffrir d'objectifs imprécis et de difficultés à évaluer leur efficacité, surtout s'ils sont soutenus par de multiples acteurs extérieurs. La communauté internationale a largement adhéré au socle doctrinal de la RSS, résumé dans le slogan : «pas de sécurité sans développement, ni de développement sans sécurité». Pour construire la paix dans un pays ou une région après un conflit et les développer, il faut un secteur de sécurité soumis à un contrôle démocratique et responsable devant les institutions judiciaires. Se situant par définition en-dehors des cadres étatiques qu'elles combattent, les forces armées rebelles n’accepteront de rendre les armes que si le cadre étatique de leur réinsertion, plus démocratique et mieux gouverné, leur offre la possibilité d'une vie décente, en-dehors de la lutte armée. Les organisations multilatérales (au premier rang desquels l'ONU, puis l'Union africaine, la Banque Mondiale et l'Organisation pour la Coopération et le Développement (OCDE)), les gouvernements contributeurs ainsi que l'UE sont les principaux concepteurs/opérateurs des programmes DDR. Mise en œuvre du DDR par les Nations Unies L'ONU a eu deux approches DDR : lapremière DDR de l’ONU en action centrée sur l'individu ayant combattu dans les rangs rebelles (en Colombie, au Mali et en La section DDR de l'ONU soutient des missions politiques spéciales en Colombie (sa mission de République centrafricaine (RCA)), la suivante vérification de l’application de l’accord de paix de 2006 centrée sur la communauté (en Haïti en a été prolongée jusqu’au 31 octobre 2021), en Haïti (le 2006, au Soudan (Darfour, d'où la Minuad mandat de réforme de la police et réduction de la s'est retirée le 30 juin 2020), en République violence communautaire et des gangs est prolongé Démocratique du Congo (RDC), au Mali (où jusqu'au 15 juillet 2022), ainsi qu’au Burundi, dans les le mandat de la Minusma a été prolongé Grands Lacs, en Éthiopie (en partenariat avec la Banque jusqu'au 30 juin 2022), en RCA (qui a vu le Mondiale et l’Union africaine), Irak, Libye, Somalie et au mandat de la Minusca prolongé jusqu'au Yémen. Elle soutient des programmes DDR hors- 15 novembre 2022), et en Colombie. L'ONU a mission au Burkina Faso, au Cameroun, en République mis en place des processus de médiation du Congo, en Côte d’Ivoire, en Éthiopie, au Mozambique, visant à faciliter la signature d'un accord de au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad. L'ONU soutient depuis 2019 des programmes DDR dans le cadre de cinq paix grâce à la réduction de la violence au missions de maintien de la paix au Mali, en RCA, RDC sein de la collectivité. Son dernier rapport (voir encadré), au Soudan et au Soudan du Sud. trimestriel sur l'exécution du mandat de sa mission de vérification en Colombie dresse un tableau contrasté du processus de réintégration des ex-combattants des anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie-Armée populaire (FARC-EP). Ceux-ci sont plus de 13 000 à être « accrédités » comme bénéficiaires d'un programme de réintégration ; le gouvernement a par ailleurs décidé en juillet 2021 de prolonger en leur faveur, jusqu'au 31 janvier 2022, le régime flexible d'accès à l'allocation mensuelle de réintégration. 2
Désarmement, Démobilisation, Réintégration Figure 1 – Carte des programmes DDR soutenus par l'ONU Source des données : ONU (maintien de la paix). Couplage des projets RSS-DDR par l'UE En juillet 2016, la Commission européenne et le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité / Vice-Président (HR/VP) ont adopté une communication conjointe sur un cadre stratégique visant à soutenir la RSS. L'Instrument révisé contribuant à la stabilité et à la paix (IcSP), adopté en décembre 2017, légalise le paquet «formation et équipement» à donner aux forces armées de pays tiers sous le nom de « renforcement des capacités des acteurs militaires pour le développement et pour la sécurité pour le développement » (CBDSD). Dans sa lettre d'intention jointe à son discours sur l'état de l'Union du 16 septembre 2020, la Présidente de la Commission a annoncé pour 2021 la publication d'une communication conjointe (annoncée pour le 22 décembre) sur une approche stratégique de soutien au DDR. Le 23 avril 2021, la Commission a publié une feuille de route concernant l'initiative de soutien à la RSS, qui insiste sur la réintégration des ex-combattants dans la vie civile, excluant tout recyclage d'ex-combattants dans les armées régulières. La plupart des programmes DDR de l'UE sont adossés à des projets RSS incorporés dans des missions civiles de l'UE (par exemple, en RDC, deux missions, clôturées, de conseil et d'assistance SSR (EUSEC RD Congo) et de police (EUPOL RD Congo)). Pour y mettre en œuvre les programmes RSS, il fallait au préalable que les ex-combattants des factions rebelles fussent désarmés, démobilisés et réintégrés. Cette réintégration s'était faite au sein des forces armées de la RDC (FARDC) mais ce brassage mis en œuvre dans les premiers plans DDR nationaux fut généralement considéré comme un échec. Cette stratégie du brassage contredit la doctrine actuelle des DDR. Des processus DDR soutenus par l'UE se sont également déployés en Colombie, pour appuyer la mise en œuvre des accords de paix; au Nigéria, pour mettre durablement fin au conflit dans le nord-est ; en RCA ainsi qu'en Ukraine pour réintégrer les ex-combattants ayant pris part au conflit dans la partie orientale. Hormis en Ukraine, ces efforts concernent des pays où l'ONU également développe des programmes DDR, d'où la nécessité d'une parfaite coordination. En Colombie, le soutien de l'UE au programme DDR, bien accueilli par le gouvernement, est plutôt vu comme une réussite, surtout dans son volet de réintégration. Selon un rapport du 15 mars 2021 des organisations de la société civile rassemblées au sein d’EPLO, l'exemple colombien montre que les programmes DDR parviennent à attirer les ex-combattants dès lors qu'ils répondent à leurs trois principaux besoins : un revenu stable, la protection de leur personne (contre le risque de vengeance) et une certaine sécurité judiciaire. En RDC, des médias locaux ont formé et embauché comme journalistes des ex-combattants pour traiter des sujets DDR, forts de leur expérience directe. À contrario, l'exemple du Nigéria a révélé une prise en compte insuffisante du rôle des femmes (en raison de leur rôle de soutien financier mais aussi de recrutement, au nord-est du pays). 3
EPRS | Service de recherche du Parlement européen Position du Parlement européen sur la stratégie DDR Dans sa résolution du 20 janvier 2021 sur la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) – rapport annuel 2020, le Parlement salue l'annonce par la Commission de la nouvelle stratégie de soutien à la RSS, fait des RSS une priorité, surtout pour les missions civiles de la PSDC et demande que la nouvelle stratégie DDR soit cohérente avec les instruments de la PSDC et l'aide au développement de l'UE. Dans sa résolution du 11 mars 2021 suite à l'assassinat dans l'est de la RDC de l'Ambassadeur d'Italie et de son entourage, le Parlement invite les autorités à mettre en place un programme DDR et à fournir d'urgence une aide humanitaire à des centaines de combattants démobilisés. Dans sa résolution du 29 avril 2021 sur le cinquième anniversaire de l'accord de paix en Colombie, il salue les progrès de la Colombie pour réintégrer les ex-combattants et le rôle du secteur privé en la matière . L'exemple du programme de pacification et de stabilisation de l'est de la RDC En juillet 2021, le Président de la RDC, Félix Tshisekedi, a créé le programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation en RDC (P-DDRCS), le quatrième programme DDR en RDC. Début août, il en nomma le coordonnateur national, Tommy Tambwe, qui lui-même avait eu un rôle dirigeant dans deux groupes rebelles. Selon Kivu Security Tracker, les diplomates occidentaux, la principale coalition locale de groupes armés, Human Rights Watch et la société civile locale du Sud Kivu ont critiqué cette nomination car elle affaiblirait la lutte contre l'impunité, vu la suspicion d'exactions commises antérieurement par Tommy Tambwe. Le programme présenterait trois autres points faibles: une architecture sécuritaire atomisée dans l'est de la RDC, où le P-DDRCS devra composer avec les FARDC, relevant du Ministre de la Défense, et avec le mécanisme de suivi de l'accord-cadre d'Addis-Abeba de 2013; une stratégie encore lacunaire, nécessitant l'appui technique de la mission onusienne pour la stabilisation en RDC (Monusco), qui s'y est engagée; et enfin un financement insuffisant. Les bailleurs de fonds étrangers, également membres du comité de pilotage du programme, notamment l'UE, hésiteraient à financer directement le P-DDRCS, mais seraient prêts à en financer certains éléments. Le 17 septembre, la Présidente de la sous-commission du Parlement européen pour les droits humains a interrogé le HR/VP sur la position de l'Ambassadeur de l'UE, lequel avait approuvé la nomination de Tommy Tambwe. La députée y demandait si la position de l'Ambassadeur avait été préalablement approuvée par l'UE et si elle reflétait la stratégie de l'UE concernant la lutte contre l'impunité, au vu des activités passées de Tommy Tambwe dans les rangs rebelles. La position de l'UE sur sa participation au programme semble s'être attiédie depuis la mi-septembre. Le communiqué conjoint du 30 septembre clôturant la troisième session du dialogue politique RDC-UE, tenue à Kinshasa au titre de l'Article 8 de l'accord de partenariat ACP-UE (accord de Cotonou) ne dit mot d'un financement du programme par l'UE. Selon la nouvelle cheffe DDR à la Monusco, Anne Kröning, quinze ans d'expériences DDR en RDC ont pourtant montré qu'ensemble, les communautés et la société civile pouvaient constituer un puissant facteur de réussite durable de tout programme DDR. CLAUSE DE NON-RESPONSABILITÉ ET DROITS D'AUTEUR Ce document a été préparé à l'attention des Membres et du personnel du Parlement européen comme documentation de référence pour les aider dans leur travail parlementaire. Le contenu du document est de la seule responsabilité de l'auteur et les avis qui y sont exprimés ne reflètent pas nécessairement la position officielle du Parlement. Reproduction et traduction autorisées, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source et information préalable avec envoi d'une copie au Parlement européen. © Union européenne, 2021. Crédits photo: © Dmitry / Adobe Stock. eprs@ep.europa.eu (contact) www.eprs.ep.parl.union.eu (intranet) www.europarl.europa.eu/thinktank (internet) http://epthinktank.eu (blog) 4
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