Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...

La page est créée Thomas Perret
 
CONTINUER À LIRE
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
Document de travail nº 1

Les six violations graves commises
envers les enfants en temps de conflit
armé : Fondements juridiques

Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013)
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
Photographie de la page de couverture
Programme de sensibilisation aux mines pour les enfants iraquiens :
à l’école primaire d’Ashawa, une jeune fille se tient à côté de matériaux
de sensibilisation aux mines utilisés dans le programme d’éducation
au risque posé par les mines, financé par l’UNICEF et mis en œuvre
par la Direction générale de l’action contre les mines et l’Agence
d’action antimines du Kurdistan iraquien, 21 juillet 2011, Ashawa, Iraq.
© ONU/Bikem   Ekberzade

Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général
pour le sort des enfants en temps de conflit armé

405 E. 42nd Street
31e étage (S-3124)
New York, NY 10017
Tél. : (+1-212) 963-1555
Site Web : http://childrenandarmedconflict.un.org/fr

© Nations Unies
    Février 2014
    Tous droits réservés
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
3

Table des matières

à propos du Bureau.........................................................................................................               4
Préface .............................................................................................................................     5
Remerciements.................................................................................................................            6
Acronymes........................................................................................................................         7
Introduction......................................................................................................................        9
             Identifier les plus graves violations des droits des enfants en temps
             de conflit armé.....................................................................................................         9
             Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit
             armé......................................................................................................................   9
             Fondements juridiques sur lesquels agir............................................................                          10
             Les six violations graves : sources juridiques clés..............................................                            10
Violation grave 1.              Recrutement et utilisation d’enfants............................................                          11
             Recrutement et utilisation d’enfants de moins de 15 ans..................................                                    11
             Recrutement et utilisation d’enfants de moins de 18 ans..................................                                    11
             Libération et réinsertion des enfants.................................................................                       12
             L’affaire Lubanga portée devant la CPI...............................................................                        12
             L’affaire Charles Taylor portée devant le Tribunal spécial pour la Sierra
             Leone....................................................................................................................    13
             Détention d’enfants qui seraient associés à des groupes armés......................                                          13
Violation grave 2.               Meurtres et mutilations d’enfants................................................                        14
             Principes de « distinction » et de « proportionnalité »......................................                                14
             Préserver les enfants des blessures graves........................................................                           15
             Un droit inhérent à la vie.....................................................................................              15
Violation grave 3.               Violences sexuelles faites aux enfants.........................................                          16
             Viol et autres formes de violence sexuelle comme crimes internationaux........                                               17
             Autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité......................................                                  17
Violation grave 4.               Attaques contre des écoles et des hôpitaux...............................                                18
             Protéger les biens à caractère civil.....................................................................                    18
             Résolution 1998 (2011) du Conseil de sécurité sur les attaques contre
             les écoles et les hôpitaux....................................................................................               19
             Utilisation des écoles à des fins militaires..........................................................                       19
Violation grave 5.               Enlèvements d’enfants..................................................................                  21
             Conséquences de l’enlèvement..........................................................................                       21
Violation grave 6.               Refus d’accorder un accès à l’aide humanitaire..........................                                 23
             Assurer l’accès aux enfants déplacés et réfugiés..............................................                               23
             Protection du personnel humanitaire.................................................................                         24
Conclusion.........................................................................................................................       25
Pour plus d’informations.................................................................................................                 26
Notes .................................................................................................................................   27
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
4

          Deux enfants se blottissent l’un contre l’autre alors que la pluie tombe dans un camp de personnes déplacées.
                                                                                         © UNICEF/Georgina Cranston

    À propos du Bureau
    Le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés
    a été mis sur pied dans la foulée de l’étude révolutionnaire sur l’Impact des conflits armés sur
    les enfants (A/51/306 et Add.1) présentée en 1996 à l’Assemblée générale par l’ancienne Mi-
    nistre de l’éducation de la République du Mozambique, Mme Graça Machel. L’étude présentait
    la première évaluation détaillée des multiples manières dont les enfants sont maltraités et
    brutalisés lors des conflits armés. Elle appelait la communauté internationale à mieux proté-
    ger les enfants touchés par les conflits armés.
    En 1996, l’Assemblée générale a adopté la résolution A/RES/51/77, qui demandait au Secré-
    taire général de nommer un Représentant spécial chargé d’être une voix indépendante de
    haut niveau à ce sujet. Ce dernier est à ce titre une voix morale et plaide de façon indépen-
    dante pour faire connaître et mettre en lumière les droits et la protection des garçons et des
    filles touchés par un conflit armé.
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
5

Préface

                  « L’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur
                  d’elle-même. »

                          Préambule de la Déclaration des droits de l’enfant des Nations Unies (1959)

L
      es six violations graves commises contre les enfants en temps de conflit armé, énumé-
      rées par le Conseil de sécurité dans ses résolutions, constituent le cadre du dispositif
      du Conseil en matière de protection des enfants en temps de guerre. Le mécanisme de
surveillance et de communication de l’information des Nations Unies sur le sort des enfants
en temps de conflit armé mis en place dans le monde alimente ce cadre pour recueillir des
éléments de preuve sur les violations graves commises contre les enfants aux fins de commu-
nication de l’information au Conseil de sécurité. Le présent document de travail analyse les
six violations graves au regard du droit international applicable. Nous espérons ainsi éclaircir
les questions pertinentes et donner plus de poids aux arguments des partenaires de la pro-
tection des enfants face à ces violations dans leur domaine d’activité.

Il s’agit du premier numéro d’une série de documents de travail élaborés par le Bureau du Re-
présentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés à l’intention des
entités chargées de la protection de l’enfance en vue de préconiser une protection améliorée
des enfants touchés par les conflits armés. Nous espérons que cette initiative aidera à préci-
ser les concepts sous-tendant notre action et à renforcer nos activités de plaidoyer aux côtés
des États Membres, parties au conflit, organisations régionales et groupes de la société civile.

La présente version du document de travail n° 1 est une mise à jour de la précédente version
rédigée sous la direction de Mme Radhika Coomaraswamy, ancienne Représentante spéciale
du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. Cette version reprend les der-
nières résolutions du Conseil de sécurité sur les enfants en temps de conflit armé, ainsi que
les autres évolutions récentes du droit international sur la protection de l’enfance en temps
de conflit armé.

Leila Zerrougui
Représentante spéciale du Secrétaire général
pour les enfants et les conflits armés,
7 novembre 2013
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
Zainab [nom modifié], 16 ans, tient un dessin qu’elle a réalisé dans un centre de transit pour enfants soldats récemment libérés soutenu par l’UNICEF,
                                                                                    République centrafricaine. © UNICEF/NYHQ2012-0893/Brian Sokol

                            Remerciements
                            La Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, Leila
                            Zerrougui, remercie l’Organisation internationale de la Francophonie de son soutien qui a
                            permis la traduction et la production de ce document de travail en français.
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
7

Acronymes

CEDH    Cour européenne des droits de l’homme

CICR    Comité international de la Croix-Rouge

CIJ     Cour internationale de Justice

CPI     Cour pénale internationale

HCR     Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

OIT     Organisation internationale du Travail

RUF     Revolutionary United Front (Front révolutionnaire uni)

TPIR    Tribunal pénal international pour le Rwanda

TPIY    Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

UNRWA   Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés
        de Palestine dans le Proche-Orient
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
Des enfants déplacés au camp de Zam Zam, au nord du Darfour, Soudan, 25 juin 2012. © ONU/Sojoud Elgarrai
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
9

Introduction

               « Il est impardonnable que les enfants fassent l’objet d’attaques,
                        soient violés et assassinés sans que notre conscience soit
                révoltée ou notre sens de la dignité humaine ébranlé. Il s’agit là
                                 d’une crise fondamentale de notre civilisation.* »                       * Graça Machel, « Impact
                                                                                                          des conflits armés sur les
                                                                                        Graça Machel      enfants », en annexe à la
                                                                                                          note du Secrétaire général,
                                                                                                          A/51/306 (1996), par. 317.

P
      réserver les enfants des effets des
      conflits armés constitue un impératif             Les six violations graves
      moral, une responsabilité juridique et
                                                        commises sur la personne
une question relevant de la paix et de la sé-
curité internationales1.                                des enfants en temps
                                                        de conflit armé
Le Conseil de sécurité a jugé que la pro-               1. Recrutement et utilisation d’enfants
tection des enfants lors des conflits armés             2. Meurtres et mutilations d’enfants
constitue un aspect majeur de toute stra-
                                                        3. Violences sexuelles commises
tégie complète de règlement des conflits
                                                           contre des enfants
armés, et devrait être une priorité pour la
communauté internationale2. L’Assemblée                 4. Attaques dirigées contre
gé­nérale et d’autres organismes des Nations               des écoles ou des hôpitaux
Unies ont à plusieurs reprises préconisé l’oc-          5. Enlèvements d’enfants
troi d’une protection spéciale aux enfants              6. Déni d’accès à l’aide humanitaire
par toutes les parties au conflit 3.

Identifier les violations                            Les résolutions du Conseil de sécurité ont
les plus graves des droits des                       doté l’ONU d’outils visant à répondre effi-
enfants en temps de conflit armé                     cacement aux violations graves commises
                                                     contre les enfants durant les conflits ar-
Le Secrétaire général a repéré six violations        més, notamment : le rapport annuel mon-
graves commises durant les conflits armés,           dial du Secrétaire général sur les enfants et
selon la possibilité de les suivre et de les véri-   les conflits armés; l’inscription sur des listes
fier, leur caractère flagrant et leur gravité sur    des parties au conflit coupables de recrute-
la vie des enfants 4. La qualification juridique     ment et d’utilisation d’enfants, de meurtres et
de ces violations se fonde sur le droit inter-       mutilations d’enfants, de violences sexuelles
national pertinent : droit humanitaire inter­        contre les enfants, enfin d’attaques d’écoles,
national, droit international des droits de          d’hôpitaux et de personnes protégées; la
l’homme et droit pénal international. Durant         mise en place de mécanismes de surveillance
les conflits armés, le droit international hu-       et de communication de l’information sur le          Un enfant s’entend
manitaire et le droit international des droits       sort des enfants en temps de conflit armé6; la       « de tout être humain
de l’homme doivent être respectés, une at-           création du Groupe de travail du Conseil de          âgé de moins de 18 ans,
tention spéciale étant accordée aux enfants          sécurité sur le sort des enfants en temps de         sauf si la majorité est
souvent privés de toute défense contre les           conflit armé; et l’obligation de dialogue avec       atteinte plus tôt en
violences5. Les multiples droits des enfants,        les parties inscrites sur les listes concernant la   vertu de la législation
économiques, sociaux et culturels, ainsi que         formulation de plans d’action concrets et as-        qui lui est applicable ».
politiques et civils, doivent être respectés,        sortis de délais en vue de faire cesser et pré-      Convention relative
protégés et réalisés.                                venir les violations.                                aux droits de l’enfant
Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
10

    Les enfants touchés          Fondements juridiques
   par les conflits armés                                                         ff Pacte international relatif
                                 sur lesquels agir
   ont droit à un respect                                                            aux droits économiques, sociaux
     et à une protection         Ce document détaille le cadre juridique per-        et culturels (1966)
             particuliers.       mettant d’affirmer que les six violations gra-
                                                                                  ff Instruments régionaux relatifs
                                 ves commises contre les enfants en temps
     Comité international                                                            aux droits de l’homme
                                 de conflit armé constituent de graves man-
        de la Croix-Rouge,                                                        ff Conventions 29 (1930)
        Règle 135 du droit
                                 quements et violations du droit international
                                 applicable. Ce document entend aider les
                                 ­                                                   et 182 (1999) de l’OIT
            international
              humanitaire        défenseurs de la protection de l’enfance dans    ff Convention contre la torture et
                                 le monde à mener leur mission et à mettre un        autres peines ou traitements cruels,
                                 terme aux violations commises contre les en-        inhumains ou dégradants (1984)
                                 fants. La protection des enfants touchés par     ff Droit international coutumier
                                 les conflits armés constitue un engagement          des droits de l’homme
                                 juridique et moral de l’humanité.

                                                                                  Jurisprudence internationale
                                    Les six violations graves :                   ff Jurisprudences du TPIY, du TPIR
                                    sources juridiques clés                          et du Tribunal spécial
                                    Droit international humanitaire                  pour la Sierra Leone
                                                                                  ff Statut de Rome et jurisprudence
                                    ff Conventions de Genève (1949) et
                                                                                     de la CPI
                                       leurs protocoles additionnels (1977)
                                                                                  ff Jurisprudence de la CIJ
                                    ff Statut de Rome de la CPI (1998)
                                    ff Droit international humanitaire
                                       coutumier                                  Résolutions du Conseil
                                                                                  de sécurité
     Lors d’une cérémonie de
   démobilisation au Soudan,        Droit international
                                                                                  ff 1261 (1999), 1314 (2000), 1379
  des adolescents tournent le       des droits de l’homme
dos aux armes qu’ils portaient                                                       (2001), 1460 (2003), 1539 (2004),
      comme enfants soldats.
       © UNICEF/Stevie Mann         ff Convention relative aux droits                1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011)
                                       de l’enfant (1989) et ses protocoles          et 2068 (2012)
                                       facultatifs (2000/2012)
                                    ff Déclaration universelle des droits
                                       de l’homme (1948)                          Note : Les traités internationaux lient
                                                                                  seulement les États qui les ont signés
                                    ff Pacte international relatif                et ratifiés, tandis que le droit coutumier
                                       aux droits civils et politiques (1966)     est universellement contraignant.
11

Violation grave 1
Recrutement et utilisation d’enfants

                  Les parties au conflit ne doivent pas recruter ou utiliser
                  les enfants comme combattants ou personnel de soutien.
                  Les parties doivent empêcher les enfants de participer
                  aux hostilités.

L
     e recrutement ou l’emploi d’enfants           té­
                                                     moignent de la position adoptée par la          Les Parties au conflit
     âgés de moins de 15 ans font l’objet          communauté internationale à l’égard du            prendront toutes les
     d’une interdiction irréfutable en vertu       recrutement et de l’utilisation d’enfants         mesures possibles
du droit international humanitaire7. En outre,     en temps de conflit armé13. Les comman-           dans la pratique
le droit international des droits de l’homme       dants et responsables politiques individuels      pour que les enfants
prévoit clairement une limite d’âge légale de      sont toujours plus tenus responsables de la       de moins de quinze
18 ans pour la participation aux hostilités 8.     conscription et de la participation d’enfants     ans ne participent
                                                   âgés de moins de 15 ans durant les hostilités.    pas directement aux
                                                                                                     hostilités, notamment
Recrutement et utilisation                                                                           en s’abstenant de les
d’enfants de moins de 15 ans                       Recrutement et utilisation
                                                                                                     recruter dans leurs
                                                   d’enfants de moins de 18 ans                      forces armées.
Le recrutement et l’utilisation d’enfants de
moins de 15 ans sont interdits par la Conven-      Le droit international des droits de l’homme      Article 77, 2),
tion relative aux droits de l’enfant et les pro-   a durci les critères concernant l’âge minimal     Protocole additionnel I
tocoles additionnels aux Conventions de            pour la participation directe aux hostilités en   relatif aux Conventions
Genève9. La règle prohibant le recrutement         le portant à 18 ans. Le Protocole facultatif      de Genève
d’enfants au sein des forces ou groupes ar-        à la Convention relative aux droits de l’en-
més ainsi que leur participation aux hostili-      fant, con­cernant l’implication d’enfants dans
tés fait partie du droit international coutu-      les conflits armés (2000) exige des États
mier, applicable dans des conflits armés           parties de porter à 18 ans l’âge minimal de
internationaux ou non internationaux, et           conscription obligatoire et de participation
aux forces armées gouvernementales ainsi           directe aux hostilités. Les pays qui conti-
qu’aux groupes armés non étatiques10. Une          nuent d’autoriser la conscription volontaire
juridiction l’a confirmé en 2004, lorsque le       d’enfants âgés de moins de 18 ans doivent
Tribunal spécial pour la Sierra Leone a jugé       introduire des garanties strictes14. En outre,
dans l’affaire Hinga Norman que le recrute-        le Protocole facultatif interdit aux groupes
ment et l’utilisation d’enfants en temps de        armés qui sont distincts des forces armées
conflit armé constituent un crime de guerre        d’un État d’enrôler ou d’utiliser en aucune
en vertu du droit international coutumier 11.      circonstance les personnes âgées de moins
En outre, les statuts du Tribunal pénal in-        de 18 ans15.
ternational pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), du       De même, sans interdire totalement la cons­
Tribunal pénal international pour le Rwanda        cription d’enfants de moins de 18 ans dans
(TPIR) et du Tribunal spécial pour la Sierra       les forces armées gouvernementales, le pre-
Leone ont également déclaré que le recru-          mier Protocole additionnel aux Conventions
tement et l’utilisation des enfants de moins       de Genève ainsi que la Convention relative
de 15 ans lors des conflits armés constituent      aux droits de l’enfant exigent de donner la
un crime de guerre. Le Statut de Rome de la        priorité aux plus âgés lors de la conscription
Cour pénale internationale (CPI) fait écho à       d’enfants de 15 à 18 ans16.
cette position12.
                                                   La Convention n° 182 de l’Organisation in-
Les affaires pénales portées devant le Tribu­      ternationale du Travail (OIT) concernant l’in-
nal spécial pour la Sierra Leone et la CPI         terdiction des pires formes de travail des
12

        Les États parties à        enfants et l’action immédiate en vue de leur                En outre, le Protocole facultatif insiste sur le
        la présente Charte         élimination déclare que l’enrôlement des                    fait que les parties au conflit doivent accor-
       prennent toutes les         enfants âgés de moins de 18 ans consti-                     der une attention particulière à tous les en-
     mesures nécessaires           tue « l’une des pires formes de travail des en-             fants impliqués dans les hostilités durant le
           pour veiller à ce       fants »17. La Recommandation 190 de l’OIT                   processus de désarmement, démobilisation
       qu’aucun enfant ne          accompagnant cette Convention ainsi que le                  et réinsertion, notamment les programmes
      prenne directement           Conseil de sécurité appellent les pays à éri-               spéciaux visant à garantir leur « réadaptation
     part aux hostilités et,       ger en infraction le recrutement d’enfants18.               psychologique et la réinsertion sociale »23
        en particulier, à ce       La législation nationale et les manuels militai-            (voir aussi les Principes de Paris).
       qu’aucun enfant ne          res d’un certain nombre de pays reprennent
       soit enrôlé sous les        toujours plus cette pratique19. Les Principes
                 drapeaux.         relatifs aux enfants associés aux forces ar-                L’affaire Lubanga
                    Art. 22,       mées ou aux groupes armés (Principes de                     portée devant la CPI
         Charte africaine          Paris) [2007] visant à protéger les enfants de
     des droits de l’homme         tout recrutement illicite suggèrent aux États               En mars 2012, la CPI a jugé Thomas Lubanga
            et des peuples         de garantir que les groupes armés au sein de                Dyilo coupable de crimes de guerre consis-
                                   leur territoire n’enrôlent pas d’enfants âgés               tant en l’enrôlement et la conscription d’en-
                                   de moins de 18 ans et que les États eux-                    fants de moins de 15 ans dans les Forces
                                   mêmes respectent les normes internatio-                     patriotiques pour la libération du Congo et
                                   nales dans ce domaine20. La Charte africaine                leur emploi en vue de leur participation ac-
                                   des droits et du bien-être de l’enfant (1990)               tive aux hostilités. Il a été condamné à une
                                   dispose « qu’aucun enfant ne prenne direc-                  peine totale de 14 années d’emprisonne-
                                   tement part aux hostilités »21.                             ment. L’affaire Lubanga a été la première
                                                                                               du genre dont la CPI a été saisie. L’adhé-
                                                                                               sion de la Cour à l’idée que la ligne entre
                                   Libération et réinsertion                                   recrutement volontaire et involontaire est
                                   des enfants                                                 juridiquement sans importance dans le
                                                                                               contexte de l’association d’enfants aux for-
                                   Lorsque des enfants associés aux forces ou                  ces ou groupes armés en temps de conflit
                                   groupes armés sont capturés par des forces                  armé est primordiale. La Cour a retenu une
                                   ennemies, les protections spéciales qui leur                interprétation large de l’expression « partici-
                                   sont accordées en vertu du droit internatio-                pation active aux hostilités » afin de garantir
                                   nal humanitaire du fait de leur âge demeu-                  la justice et la protection de tous les enfants,
                                   rent applicables22. (Voir aussi le document                 garçons et filles, impliqués dans les conflits
                                   de travail n° 3 sur les enfants et la justice,              armés, qu’ils soient sur le front ou aient des
                                   publié en septembre 2011.)                                  fonctions d’appui aux combattants.

         Un garçon montre un dessin à travers les barreaux d’une prison pour mineurs, Haïti.
                                                                  © UNICEF/Roger LeMoyne
13

L’affaire Charles Taylor                         l’emprisonnement d’un enfant doivent être
                                                 conformes au droit national ainsi qu’aux
portée devant le Tribunal
                                                 normes internationales, et devraient n’être
spécial pour la Sierra Leone                     qu’une mesure de dernier ressort et d’une
Le 26 avril 2012, le Tribunal spécial pour la    durée aussi brève que possible. Les enfants
Sierra Leone a reconnu l’ancien Président du     ainsi que tous autres détenus doivent être
Libéria, Charles Taylor, coupable de com-        traités humainement, notamment bénéficier
plicité (aiding and abetting) des crimes de      d’une interdiction absolue de toute torture
guerre perpétrés par le Revolutionary United     et autres peines ou traitements cruels, inhu-
Front (RUF) durant la guerre civile (1991-       mains ou dégradants. En outre, des protec-
2002) en Sierra Leone. Le Tribunal spécial       tions spéciales doivent être accordées à tous
pour la Sierra Leone a condamné Taylor à         les enfants du fait de leur âge. Dans certains
50 ans d’emprisonnement, peine confirmée         cas, les enfants sont placés en détention ad-
par la chambre d’appel en septembre 2013.        ministrative, que l’on peut définir comme
Le jugement du Tribunal à l’encontre de          une privation de liberté d’une personne, dé-
Charles Taylor marque la première condam-        cidée ou ordonnée par le pouvoir exécutif, et
nation d’un ancien chef d’État pour crimes       non judiciaire, en dehors du contexte pénal
de guerre contre des enfants commis par un       sans inculpation. La détention administrative
groupe armé n’étant pas sous son comman-         est « licite » dans des circonstances excep-
dement ou contrôle direct mais auquel il a       tionnelles, pourvu qu’elle soit prévue et exé-
offert assistance pratique, encouragements       cutée selon le droit national et assortie de
et soutien moral. Le Tribunal spécial pour la    plusieurs garanties de procédure en faveur
Sierra Leone a également été le premier tri-     des enfants, notamment l’examen judiciaire
bunal international à considérer le recrute-     régulier. Dans d’autres cas, les enfants font
ment et l’utilisation d’enfants âgés de moins    l’objet de poursuites pour des actes illicites
de 15 ans comme crime de guerre en droit         commis durant leur association aux groupes
international coutumier.                         armés. Dans cette situation, il faut soutenir
                                                 les protections juridiques et les principes du
                                                 droit à un procès équitable, comme la pré-
Détention d’enfants qui seraient                 sentation juridique. La Convention relative
                                                 aux droits de l’enfant précise toutefois que
associés à des groupes armés
                                                 les États doivent rechercher d’autres mesu-
La détention illicite et arbitraire d’enfants    res de déjudiciarisation hors du système ju-
est prohibée par le droit international hu-      diciaire, qui sont dans le meilleur intérêt des
manitaire et le droit international des droits   enfants et encouragent leur réinsertion dans
de l’homme. L’arrestation, la détention ou       la société.

                                                 Mohammad Amin, 18 ans, un ancien enfant soldat, regarde la campagne du haut du toit
                                                 en ruine d’une caserne dans le village de Bagram, en Afghanistan. © UNICEF/K ate Brooks
14

                               Violation grave 2
                               Meurtres et mutilations d’enfants

                                                  Les parties au conflit doivent protéger les enfants
                                                  des meurtres, mutilations ou blessures.

                               L
        Les personnes qui             e droit des populations civiles à ne pas     Genève, et leurs protocoles additionnels sont
       ne participent pas             être privées de manière arbitraire de la     considérés comme faisant partie du droit
          directement aux             vie et les interdictions de meurtre ou de    in­ternational coutumier humanitaire26. Ils
    hostilités doivent en      mutilation de civils sont des principes ancrés      s’ap­­pliquent aussi bien aux groupes armés
    toutes circonstances       dans le droit international humanitaire, le         éta­ tiques que non étatiques dans tous les
        être traitées avec     droit international des droits de l’homme et        conflits armés27. Ces principes visent à proté­
 humanité, sans aucune         la jurisprudence internationale.                    ger les civils contre l’effet des hostilités et à
distinction de caractère                                                           prévenir tous « dommages collatéraux » inu-
  défavorable basée sur        L’interdiction de la violence à l’égard des ci-     tiles résultant des opérations de combat. Ils
     la race, la couleur, la   vils, notamment les enfants, en particulier le      interdisent toutes attaques militaires discrimi-
 religion ou la croyance,      meurtre, la mutilation, les traitements cruels      nantes et disproportionnées, ainsi que toutes
 le sexe, la naissance ou      et la torture, constitue un principe du droit in-   at­taques directes perpétrées contre des ci-
la fortune, ou tout autre      ternational coutumier, applicable universelle-      vils28. Ces attaques peuvent dans certaines
         critère analogue.     ment à tous les conflits armés24. L’article 3       circonstances constituer de graves atteintes
                               commun aux Conventions de Genève est la             au droit international humanitaire.
       Article 3 commun
                               source la plus reconnue de cette protection
        aux Conventions
                               fondamentale. Il est universellement appli-         Le principe de proportionnalité prohibe
        de Genève (1949)
                               cable, n’autorise aucune dérogation et lie          toute attaque militaire où les pertes et les
                               aussi bien les forces armées gouvernemen-           bles­sures infligées à la population civile et/ou
                               tales que les groupes armés non étatiques25.        les dommages occasionnés sur les biens de
                                                                                   caractère civil seraient excessifs par rapport
                                                                                   aux objectifs militaires concrets et directs29.
                               Principes de « distinction »
                               et de « proportionnalité »                          Le principe de distinction exige que les par-
                                                                                   ties à un conflit armé fassent en tout temps
                               Les deux grands principes du droit des              la distinction entre la population civile et
                               conflits armés, la distinction et la proportion­    les combattants, et que les attaques ne
                               nalité, sont inscrits dans les Conventions de       soient pas dirigées contre des civils30. L’utili­
                                                                                   sation d’armes indiscriminées, comme les
                                                            © ONU/Evan Schinder    mi­nes terrestres antipersonnel, les armes à
                                                                                   sous-­munitions et les armes chimiques, est
                                                                                   contraire au droit des conflits armés et contre-
                                                                                   vient à de nombreux traités internationaux31.

                                                                                   Le Conseil de sécurité et l’Assemblée géné-
                                                                                   rale ont à plusieurs reprises adopté des ré-
                                                                                   solutions condamnant « énergiquement la
                                                                                   pratique consistant à prendre délibérément
                                                                                   pour cibles des civils ou autres personnes
                                                                                   protégées dans des situations de conflit
                                                                                   armé »32. En 2009, via sa résolution 1882, le
                                                                                   Conseil de sécurité a inscrit de nouvelles for-
                                                                                   mes de meurtres ou de mutilations d’enfants
                                                                                   perpétrés en violation du droit international
                                                                                   applicable comme nouvel élément propre à
15

déterminer l’inscription des parties au conflit      Convention relative aux droits de l’enfant                Le principe de
dans les listes figurant dans les annexes au         prohibent également la peine capitale pour                distinction entre cibles
Rapport annuel du Secrétaire général sur les         les enfants41.                                            civiles et militaires
enfants en temps de conflit armé. Le Bureau          Le corpus toujours plus important de la ju-               est l’un des « principes
du Représentant spécial du Secrétaire géné-          risprudence pénale internationale a reconnu               cardinaux » du
ral pour les enfants et les conflits armés ainsi     que les homicides intentionnels dans les si-              droit international
que ses partenaires ont élaboré des directi-         tuations de conflit peuvent constituer des                humanitaire et
ves pour les opérations sur le terrain en vue        crimes de guerre ou des crimes contre l’hu-               l’un des « principes
de sa mise en œuvre.                                 manité42. Les cours internationales pour le               intransgressibles du
                                                     Rwanda, l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone               droit international
Préserver les enfants                                ont poursuivi avec succès des comman-                     coutumier ».
des blessures graves                                 dants pour meurtres, exécutions arbitraires,              Licéité de la menace
                                                     tortures et autres formes de mauvais traite-              ou de l’emploi d’armes
La torture et les traitements cruels, inhumains                                                                nucléaires, Avis
                                                     ments commis contre des civils, et ont tenu
ou dégradants ainsi que la mutilation sont ex-                                                                 consultatif, C.I.J.
                                                     les commandants juridiquement responsa-
plicitement interdits dans les conflits armés                                                                  Recueil 1996, p. 226.
                                                     bles des crimes commis par leurs soldats43.
internationaux et non internationaux ainsi que
                                                     Le Statut de Rome de la Cour pénale inter­
par toutes les parties aux Conventions de Ge-
                                                     nationale (1998) a également déclaré que le
nève et à leurs protocoles additionnels33. Les
                                                     meurtre ou le fait d’infliger de graves lésions
parties au conflit doivent au contraire dispen-
                                                     corporelles aux civils peut dans certaines cir-
ser aux blessés et malades les soins médicaux
                                                     constances constituer des crimes de guerre,
dont ils ont besoin lorsque les circonstances
                                                     des crimes contre l’humanité, voire un géno-
le permettent34. Du fait de leur âge, les en-
                                                     cide44. En outre, le TPIY a reconnu dans l’af-
fants bénéficient également d’une protection
                                                     faire Kunarac, Kovač et Vukovic´ (2001) que le
spéciale au titre des Conventions de Genève,
                                                     cas d’enfants victimes de meurtres, tortures
notamment l’obligation pour toutes les par-
                                                     ou blessures correspondent à des « circons-
ties à un conflit de donner la priorité au bien-
                                                     tances aggravantes » de ces crimes, justifiant
être des groupes vulnérables durant les hos-
                                                     ainsi de punir leurs auteurs de peines de pri-
tilités, notamment les enfants35.
                                                     son plus longues que d’ordinaire45.

Le droit inhérent à la vie
Le droit international des droits de l’homme
souligne l’importance primordiale du « droit
à la vie, à la liberté et à la sécurité de la per-
sonne ». Les États ont la responsabilité de
garantir que ces droits sont respectés, proté-
gés et concrétisés36. La Convention relative
                                                     Semaines Plaisirs d’été 2013 organisées par UNRWA pour les enfants de Gaza. © ONU/Shareef Sarhan
aux droits de l’enfant reconnaît que « tout
enfant a un droit inhérent à la vie » et que
les États parties doivent assurer « dans toute
la mesure possible la survie et le développe-
ment de l’enfant »37. Le Comité des droits
de l’enfant, chargé de surveiller les pratiques
des États concernant la Convention, a dési-
gné ce droit inhérent à la vie comme l’un des
quatre principes directeurs de l’ensemble
de la Convention38. La Charte africaine des
droits et du bien-être de l’enfant (1990) et les
autres instruments régionaux liés aux droits
de l’homme reprennent également le droit
fondamental des enfants à la vie et le droit de
ne pas être soumis à la torture et aux mauvais
traitements39. En outre, la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants prévoit l’in-
terdiction absolue de la torture ou de traite-
ments inhumains ou dégradants, y ­compris
en temps de guerre40. Le Pacte internatio-
nal relatif aux droits civils et politiques et la
16

                                 Violation grave 3
                                 Violences sexuelles faites aux enfants

                                                   Les parties au conflit ont l’interdiction de soumettre
                                                   les enfants au viol et aux autres formes de violence sexuelle.

                                 L
     Les enfants doivent              e viol et les autres formes de violence     terdits par les Conventions de Genève et
faire l’objet d’un respect            sexuelle à l’égard des enfants, aussi       leurs protocoles additionnels. Les dispo-
   particulier et doivent             bien les garçons que les filles, consti-    sitions spécifiques aux enfants de ces trai-
    être protégés contre         tuent de graves violations du droit inter-       tés prohibent expressément toutes violen-
  toute forme d’attentat         national des droits de l’homme et peuvent        ces sexuelles contre ceux-ci47. L’obligation
               à la pudeur.      équivaloir à de graves atteintes au droit in-    de traitement humain au titre de l’article 3
           Article 77, 1),       ternational humanitaire46. Les actes de vio-     commun interdit implicitement le viol ou
      premier Protocole          lence sexuelle peuvent constituer un crime       toutes autres violences sexuelles, aussi bien
            additionnel          de guerre, un crime contre l’humanité ou         contre les adultes que contre les enfants.
        aux Conventions          bien un élément constitutif du crime de          L’article 27 de la quatrième Convention de
              de Genève          génocide. En 2009, le Conseil de sécurité,       Genève interdit expressément ces actes en
                                 dans sa résolution 1882, a inscrit la violence   déclarant que : « Les femmes [y compris les
                                 sexuelle contre les enfants comme nouvel         filles] seront spécialement protégées contre
                                 élément propre à déterminer l’inscription de     toute atteinte à leur honneur, et notamment
                                 parties au conflit dans les listes du Rapport    contre le viol, la contrainte à la prostitution
                                 annuel du Secrétaire général sur les enfants     et tout attentat à leur pudeur48. »
                                 en temps de conflit armé. Le Bureau du Re-
                                                                                  Le TPIY et le TPIR, ainsi que la Cour euro-
                                 présentant spécial du Secrétaire général
                                                                                  péenne des droits de l’homme (CEDH) et la
                                 pour les enfants et les conflits armés ainsi
                                                                                  Commission interaméricaine des droits de
                                 que ses partenaires ont préparé des directi-
                                                                                  l’homme, ont reconnu que le viol équivaut
                                 ves pour les opérations sur le terrain en vue
                                                                                  à la torture et est absolument interdit49. En
                                 de sa mise en œuvre ultérieure.
                                                                                  outre, un certain nombre de traités inter­
                                                                                  nationaux prohibent la maltraitance et l’ex-
                                 Le viol et les autres formes de violence
                                                                                  ploitation sexuelle des adultes et des en-
                                 sexuelle en temps de conflit armé sont in-
                                                                                  fants. Ceux-ci incluent la Convention contre
                                                                                  la torture et autres peines ou traitements
                                                                                  cruels, inhumains ou dégradants (1984), la
                                                                                  Convention pour la répression de la traite
                                                                                  des êtres humains et de l’exploitation de la
                                                                                  prostitution d’autrui (1949) et la Déclaration
                                                                                  de Vienne de la Conférence mondiale sur les
                                                                                  droits de l’homme (1993) 50.
                                                                                  Le Pacte international relatif aux droits civils
                                                                                  et politiques et la Convention sur l’élimina-
                                                                                  tion de toutes les formes de discrimination à
                                                                                  l’égard des femmes (1979) affirment un droit
                                                                                  des femmes à la liberté et à la sécurité de la
                                                                                  personne et la possibilité d’échapper à toute
                                                                                  discrimination51. La Convention relative aux
                                                                                  droits de l’enfant et son Protocole facultatif
       Fatima, une jeune fille
 de 16 ans, vit une grossesse                                                     sur la traite et l’exploitation affirment sans
      non désirée après avoir                                                     équivoque que les enfants doivent bénéfi-
 subi une agression sexuelle.
       Mogadiscio, Somalie.
                                                                                  cier d’une protection contre la torture, les
   © UNICEF/Giacomo Pirozzi                                                       traitements cruels inhumains ou dégradants,
17

une protection généralement comprise              En outre, le Tribunal spécial pour la Sierra        Les États parties
comme couvrant les actes de viol et de vio-       Leone a conclu que le « mariage forcé »             s’engagent à protéger
lences sexuelles 52. Les instruments régio-       constitue également une infraction au titre         l’enfant contre
naux relatifs aux droits de l’homme comme         du droit pénal international en jugeant trois       toutes les formes
la Charte africaine des droits et du bien-être    chefs de milice coupables de crimes contre          d’exploitation sexuelle
de l’enfant (1990) interdisent expressément       l’humanité pour avoir forcé des filles à se ma-     et de violence sexuelle.
la violence sexuelle contre les enfants53.        rier58.                                             Article 37,
                                                                                                      Convention relative
                                                  Le Statut de Rome de la CPI déclare que le          aux droits de l’enfant
Viol et autres formes                             viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée,
de violence sexuelle                              la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou
comme crimes internationaux                       « toute autre forme de violence sexuelle de
                                                  gravité comparable » peuvent constituer
Le droit pénal international érige expressé-      des crimes de guerre et des crimes contre           Les actes de violence
ment en infraction pénale le viol et les vio-     l’humanité59. Jean-Pierre Bemba Gombo,              sexuelle pouvaient faire
lences sexuelles en temps de guerre. Une          ex-dirigeant d’un groupe armé congolais,            l’objet de poursuites
juridiction a reconnu pour la première fois       passe actuellement en jugement devant la            en tant qu’éléments
son statut coutumier dans le droit inter­         CPI pour crimes de guerre et crimes contre          constitutifs d’une
national en 1998 avec un certain nombre de        l’humanité résultant des accusations de viol        campagne de génocide.
jugements novateurs rendus par le TPIY54.         et autres violences commises par les troupes
                                                                                                      Affaire Akayesu,
Les statuts du Tribunal spécial pour la Sierra    sous son commandement60.                            Tribunal pénal
Leone, du TPIR et du TPIY mentionnent tous                                                            international
le viol et les violences sexuelles comme cri-
mes de guerre et crimes contre l’humanité55.
                                                  Autres résolutions pertinentes                      pour le Rwanda

                                                  du Conseil de sécurité
La violence sexuelle à l’égard des civils a
fait l’objet de poursuites par plusieurs tribu-   En 2008, le Conseil de sécurité, dans sa réso-
naux internationaux instaurés pour juger les      lution 1820, a pour la première fois reconnu
auteurs de crimes internationaux. Traduits        que « utilisée ou commanditée comme arme
devant le Tribunal pénal international pour       de guerre prenant délibérément pour cible
le Rwanda — affaires Akayesu (1998) et Mu-        des civils, ou dans le cadre d’une attaque
sema (2000)56 — et devant le TPIY — affaires      généralisée ou systématique dirigée contre
Furundžija (1998) et Kunarac (2000) —, un         des populations civiles, la violence sexuelle
certain nombre d’accusés ont été condam-          peut exacerber considérablement tout
nés pour viol, torture et réduction en escla-     conflit armé et faire obstacle au rétablisse-
vage. C’est ainsi qu’un tribunal international    ment de la paix et de la sécurité internatio-
a pour la première fois condamné des indi-        nales »61. Les résolutions 1888 (2009), 1960
vidus sur les seules accusations de violences     (2010) et 2106 (2013) du Conseil de sécurité
sexuelles à l’égard de femmes et de filles 57.    ont confirmé cette position.

                                                                                                      Premier jour d’école à Gaza.
                                                                                                      2 septembre 2012.
                                                                                                      © ONU/Shareef Sarhan
18

                                 Violation grave 4
                                 Attaques contre des écoles et des hôpitaux

                                                   Les parties au conflit ne doivent pas attaquer les écoles
                                                   ou les hôpitaux, ni le personnel éducatif ou médical.

                                 L
    Les Parties au conflit             es écoles et les hôpitaux sont des ins-     contre les conséquences des opérations
   doivent en tout temps               titutions civiles qui offrent souvent un    militaires. Il s’agit là d’une règle coutumière
faire la distinction entre             abri et une protection, et pourvoient       du droit international applicable à toutes les
   la population civile et       aux besoins des enfants en période de             parties dans les situations de conflit64.
   les combattants ainsi         conflit. Les attaques perpétrées contre les
                                 écoles ou les hôpitaux contreviennent en          La protection offerte aux écoles et aux hôpi-
     qu’entre les biens de
     caractère civil et les      principe au droit international humanitaire       taux est globale : selon le droit coutumier in-
       objectifs militaires      bien établi, notamment les règles coutu-          ternational et le droit des traités, une partie
   et, par conséquent, ne        mières, et peuvent constituer des crimes de       au conflit doit s’abstenir de cibler ou d’atta-
 diriger leurs opérations        guerre et des crimes contre l’humanité62.         quer des écoles et des hôpitaux parmi la po-
 que contre des objectifs                                                          pulation civile, ainsi que préserver des atta-
                militaires.
                                 Protéger les biens                                ques les écoles et hôpitaux situés au sein de
                                                                                   ses propres populations civiles ou de celles
            Article 48,
                                 à caractère civil
Protocole additionnel I                                                            situées sous son contrôle65. Le ciblage ou la
      aux Conventions            La quatrième Convention de Genève inter-          destruction délibérés des écoles ou des hô-
             de Genève           dit le ciblage de biens à caractère civil, met-   pitaux (ou d’autres biens de caractère civil)
                                 tant l’accent sur l’importance des écoles et
                                                                                   peuvent constituer de graves violations du
                                 des hôpitaux pour la population civile, en
                                                                                   droit des conflits armés66. La protection gé-
                                 particulier les enfants63. Le ciblage inten-
                                 tionnel des écoles ou hôpitaux sans impé-         nérale accordée aux écoles et aux hôpitaux
                                 ratif militaire est interdit au nom du principe   comporte une unique exception : « à moins
                                 juridique général de distinction, à savoir que    et aussi longtemps qu’ils constituent des ci-
                                 les biens de caractère civil doivent être dis-    bles militaires », autrement dit s’ils sont utili-
                                 tingués des objectifs militaires et protégés      sés à des fins militaires 67.

       Des élèves somaliens
 dans une école du camp Ifo,
 au nord-est du Kenya, 2010.
           © OSRSG-CAAC/
              Timothy L a Rose
19

En outre, le droit international humanitaire      Le TPIY a développé une solide jurispru-         Les principes cardinaux
précise que si, dans la « confusion de la         dence sur la nécessité de protéger les éco-      contenus dans les textes
guerre », un doute existe quant à savoir si       les et les hôpitaux de toute attaque, par        formant le tissu du droit
une école ou un hôpital constitue un objet        exemple dans les affaires Kupreskic (2000) et    humanitaire sont les
militaire ou civil, la présomption de base        Kordic et Cerkez (2001)76. Le Statut de Rome     suivants. Le premier
reste qu’un bâtiment normalement destiné          étend la responsabilité pénale pour ces actes    principe est destiné à
à des usages civils demeure un bien de ca-        (ou « non-protections »), prévoyant la com-      protéger la population
ractère civil68.                                  pétence explicite de la CPI pour poursuivre      civile et les biens
                                                  ou punir ceux qui dirigent intentionnelle-       de caractère civil…
D’autres instruments juridiques internatio-       ment des attaques contre les écoles ou les       Cour internationale
naux mentionnant cette interdiction sont          hôpitaux lors de conflits armés. Ces actes       de Justice (1996)
notamment la Convention sur les armes in-         constituent des crimes de guerre indépen-
humaines, protocole II et protocole III modi-     damment de savoir s’ils se produisent durant
fiés, interdisant respectivement l’utilisation    un conflit armé international ou non77.
des mines et des armes incendiaires contre
les écoles, les hôpitaux et les autres biens
                                                  Résolution 1998 (2011)
de caractère civil69. La Cour internationale
de Justice (CIJ) a également déclaré la pro-
                                                  du Conseil de sécurité
tection des civils et des biens de caractère      sur les attaques contre
civil d’une importance primordiale au titre       les écoles et les hôpitaux
du droit international humanitaire70.             En juillet 2011, la résolution 1998 du Conseil
Les hôpitaux et le personnel médical, les         de sécurité a ajouté les attaques et les me-
pres­ta­taires d’assistance et de soins médi-     naces d’attaques contre des écoles, des hô-
caux primaires dispensés aux populations          pitaux et des personnes protégées liées aux
ci­viles bénéficient explicitement de mesures     écoles et/ou aux hôpitaux au nombre des
                                                  critères d’inscription des parties au conflit
de protection spéciales au titre du droit in-
                                                  dans les listes figurant dans les annexes au
ternational remontant aux origines mêmes
                                                  Rapport annuel du Secrétaire général sur
du droit international humanitaire avec
                                                  les enfants en temps de conflit armé. L’ac-
la Convention de Genève de 1864 et les
                                                  cès à l’éducation et aux soins de santé en
Conven­tions de La Haye de 1899 et 190771.
                                                  période de conflit armé constitue certes une
C’est une maxime du droit international cou-
                                                  grave préoccupation, mais, toutefois, l’utili-
tumier que le personnel et les services mé-
                                                  sation à des fins militaires des écoles et hô-
dicaux, dès lors qu’ils sont affectés à leur
                                                  pitaux n’est pas un critère d’inscription dans
strict domaine de compétence, doivent être
                                                  ces listes. Le Bureau du Représentant spé-
respectés et protégés en temps de conflit 72.     cial du Secrétaire général pour les enfants
La Convention relative aux droits de l’enfant     et les conflits armés ainsi que ses partenai-
accorde une importance primordiale au droit       res ont élaboré des directives pour les opé-
des enfants à l’éducation et à la santé73. Ces    rations sur le terrain en vue de la mise en
droits sont également repris dans les ins-        œuvre de la résolution, proposant des outils
truments juridiques internationaux et régio-      pratiques en vue d’une protection améliorée
                                                  des écoles, des hôpitaux et des personnes
naux, notamment la Déclaration universelle
                                                  protégées, l’accent étant en particulier mis
des droits de l’homme (1948) et le Pacte in-
                                                  sur une meilleure compréhension du cadre
ternational relatif aux droits économiques,
                                                  juridique international; l’octroi de moyens
sociaux et culturels (1966), qui abordent
                                                  supplémentaires en matière de surveillance
également le droit de toutes les personnes
                                                  et de communication; ainsi que la promotion
à jouir « du meilleur état de santé physique
                                                  de la sensibilisation et du dialogue avec les
et mentale possible » et le droit de chaque
                                                  parties au conflit.
enfant à l’éducation74. Le ciblage et la des-
truction des écoles ou des hôpitaux consti-
tuent à l’évidence un obstacle à la réalisation   Utilisation des écoles
de ces droits.                                    à des fins militaires
De nombreux pays ont consacré le précepte         Dans sa résolution 1998 (2011), le Conseil de
interdisant le ciblage d’écoles et/ou d’hô-       sécurité a demandé instamment aux États
pitaux dans leur législation nationale et les     parties au conflit de s’abstenir de toutes ac-
manuels militaires régissant la conduite de       tions entravant l’accès des enfants à l’éduca-
leurs forces armées75.                            tion, et a demandé en particulier au Secré-
Vous pouvez aussi lire