Document De travaiL nº 1 - Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 ...
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Document de travail nº 1 Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé : Fondements juridiques Octobre 2009 (mis à jour en novembre 2013)
Photographie de la page de couverture Programme de sensibilisation aux mines pour les enfants iraquiens : à l’école primaire d’Ashawa, une jeune fille se tient à côté de matériaux de sensibilisation aux mines utilisés dans le programme d’éducation au risque posé par les mines, financé par l’UNICEF et mis en œuvre par la Direction générale de l’action contre les mines et l’Agence d’action antimines du Kurdistan iraquien, 21 juillet 2011, Ashawa, Iraq. © ONU/Bikem Ekberzade Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé 405 E. 42nd Street 31e étage (S-3124) New York, NY 10017 Tél. : (+1-212) 963-1555 Site Web : http://childrenandarmedconflict.un.org/fr © Nations Unies Février 2014 Tous droits réservés
3 Table des matières à propos du Bureau......................................................................................................... 4 Préface ............................................................................................................................. 5 Remerciements................................................................................................................. 6 Acronymes........................................................................................................................ 7 Introduction...................................................................................................................... 9 Identifier les plus graves violations des droits des enfants en temps de conflit armé..................................................................................................... 9 Les six violations graves commises envers les enfants en temps de conflit armé...................................................................................................................... 9 Fondements juridiques sur lesquels agir............................................................ 10 Les six violations graves : sources juridiques clés.............................................. 10 Violation grave 1. Recrutement et utilisation d’enfants............................................ 11 Recrutement et utilisation d’enfants de moins de 15 ans.................................. 11 Recrutement et utilisation d’enfants de moins de 18 ans.................................. 11 Libération et réinsertion des enfants................................................................. 12 L’affaire Lubanga portée devant la CPI............................................................... 12 L’affaire Charles Taylor portée devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.................................................................................................................... 13 Détention d’enfants qui seraient associés à des groupes armés...................... 13 Violation grave 2. Meurtres et mutilations d’enfants................................................ 14 Principes de « distinction » et de « proportionnalité »...................................... 14 Préserver les enfants des blessures graves........................................................ 15 Un droit inhérent à la vie..................................................................................... 15 Violation grave 3. Violences sexuelles faites aux enfants......................................... 16 Viol et autres formes de violence sexuelle comme crimes internationaux........ 17 Autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité...................................... 17 Violation grave 4. Attaques contre des écoles et des hôpitaux............................... 18 Protéger les biens à caractère civil..................................................................... 18 Résolution 1998 (2011) du Conseil de sécurité sur les attaques contre les écoles et les hôpitaux.................................................................................... 19 Utilisation des écoles à des fins militaires.......................................................... 19 Violation grave 5. Enlèvements d’enfants.................................................................. 21 Conséquences de l’enlèvement.......................................................................... 21 Violation grave 6. Refus d’accorder un accès à l’aide humanitaire.......................... 23 Assurer l’accès aux enfants déplacés et réfugiés.............................................. 23 Protection du personnel humanitaire................................................................. 24 Conclusion......................................................................................................................... 25 Pour plus d’informations................................................................................................. 26 Notes ................................................................................................................................. 27
4 Deux enfants se blottissent l’un contre l’autre alors que la pluie tombe dans un camp de personnes déplacées. © UNICEF/Georgina Cranston À propos du Bureau Le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés a été mis sur pied dans la foulée de l’étude révolutionnaire sur l’Impact des conflits armés sur les enfants (A/51/306 et Add.1) présentée en 1996 à l’Assemblée générale par l’ancienne Mi- nistre de l’éducation de la République du Mozambique, Mme Graça Machel. L’étude présentait la première évaluation détaillée des multiples manières dont les enfants sont maltraités et brutalisés lors des conflits armés. Elle appelait la communauté internationale à mieux proté- ger les enfants touchés par les conflits armés. En 1996, l’Assemblée générale a adopté la résolution A/RES/51/77, qui demandait au Secré- taire général de nommer un Représentant spécial chargé d’être une voix indépendante de haut niveau à ce sujet. Ce dernier est à ce titre une voix morale et plaide de façon indépen- dante pour faire connaître et mettre en lumière les droits et la protection des garçons et des filles touchés par un conflit armé.
5 Préface « L’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur d’elle-même. » Préambule de la Déclaration des droits de l’enfant des Nations Unies (1959) L es six violations graves commises contre les enfants en temps de conflit armé, énumé- rées par le Conseil de sécurité dans ses résolutions, constituent le cadre du dispositif du Conseil en matière de protection des enfants en temps de guerre. Le mécanisme de surveillance et de communication de l’information des Nations Unies sur le sort des enfants en temps de conflit armé mis en place dans le monde alimente ce cadre pour recueillir des éléments de preuve sur les violations graves commises contre les enfants aux fins de commu- nication de l’information au Conseil de sécurité. Le présent document de travail analyse les six violations graves au regard du droit international applicable. Nous espérons ainsi éclaircir les questions pertinentes et donner plus de poids aux arguments des partenaires de la pro- tection des enfants face à ces violations dans leur domaine d’activité. Il s’agit du premier numéro d’une série de documents de travail élaborés par le Bureau du Re- présentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés à l’intention des entités chargées de la protection de l’enfance en vue de préconiser une protection améliorée des enfants touchés par les conflits armés. Nous espérons que cette initiative aidera à préci- ser les concepts sous-tendant notre action et à renforcer nos activités de plaidoyer aux côtés des États Membres, parties au conflit, organisations régionales et groupes de la société civile. La présente version du document de travail n° 1 est une mise à jour de la précédente version rédigée sous la direction de Mme Radhika Coomaraswamy, ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés. Cette version reprend les der- nières résolutions du Conseil de sécurité sur les enfants en temps de conflit armé, ainsi que les autres évolutions récentes du droit international sur la protection de l’enfance en temps de conflit armé. Leila Zerrougui Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, 7 novembre 2013
Zainab [nom modifié], 16 ans, tient un dessin qu’elle a réalisé dans un centre de transit pour enfants soldats récemment libérés soutenu par l’UNICEF, République centrafricaine. © UNICEF/NYHQ2012-0893/Brian Sokol Remerciements La Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, Leila Zerrougui, remercie l’Organisation internationale de la Francophonie de son soutien qui a permis la traduction et la production de ce document de travail en français.
7 Acronymes CEDH Cour européenne des droits de l’homme CICR Comité international de la Croix-Rouge CIJ Cour internationale de Justice CPI Cour pénale internationale HCR Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés OIT Organisation internationale du Travail RUF Revolutionary United Front (Front révolutionnaire uni) TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie UNRWA Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient
Des enfants déplacés au camp de Zam Zam, au nord du Darfour, Soudan, 25 juin 2012. © ONU/Sojoud Elgarrai
9 Introduction « Il est impardonnable que les enfants fassent l’objet d’attaques, soient violés et assassinés sans que notre conscience soit révoltée ou notre sens de la dignité humaine ébranlé. Il s’agit là d’une crise fondamentale de notre civilisation.* » * Graça Machel, « Impact des conflits armés sur les Graça Machel enfants », en annexe à la note du Secrétaire général, A/51/306 (1996), par. 317. P réserver les enfants des effets des conflits armés constitue un impératif Les six violations graves moral, une responsabilité juridique et commises sur la personne une question relevant de la paix et de la sé- curité internationales1. des enfants en temps de conflit armé Le Conseil de sécurité a jugé que la pro- 1. Recrutement et utilisation d’enfants tection des enfants lors des conflits armés 2. Meurtres et mutilations d’enfants constitue un aspect majeur de toute stra- 3. Violences sexuelles commises tégie complète de règlement des conflits contre des enfants armés, et devrait être une priorité pour la communauté internationale2. L’Assemblée 4. Attaques dirigées contre générale et d’autres organismes des Nations des écoles ou des hôpitaux Unies ont à plusieurs reprises préconisé l’oc- 5. Enlèvements d’enfants troi d’une protection spéciale aux enfants 6. Déni d’accès à l’aide humanitaire par toutes les parties au conflit 3. Identifier les violations Les résolutions du Conseil de sécurité ont les plus graves des droits des doté l’ONU d’outils visant à répondre effi- enfants en temps de conflit armé cacement aux violations graves commises contre les enfants durant les conflits ar- Le Secrétaire général a repéré six violations més, notamment : le rapport annuel mon- graves commises durant les conflits armés, dial du Secrétaire général sur les enfants et selon la possibilité de les suivre et de les véri- les conflits armés; l’inscription sur des listes fier, leur caractère flagrant et leur gravité sur des parties au conflit coupables de recrute- la vie des enfants 4. La qualification juridique ment et d’utilisation d’enfants, de meurtres et de ces violations se fonde sur le droit inter- mutilations d’enfants, de violences sexuelles national pertinent : droit humanitaire inter contre les enfants, enfin d’attaques d’écoles, national, droit international des droits de d’hôpitaux et de personnes protégées; la l’homme et droit pénal international. Durant mise en place de mécanismes de surveillance les conflits armés, le droit international hu- et de communication de l’information sur le Un enfant s’entend manitaire et le droit international des droits sort des enfants en temps de conflit armé6; la « de tout être humain de l’homme doivent être respectés, une at- création du Groupe de travail du Conseil de âgé de moins de 18 ans, tention spéciale étant accordée aux enfants sécurité sur le sort des enfants en temps de sauf si la majorité est souvent privés de toute défense contre les conflit armé; et l’obligation de dialogue avec atteinte plus tôt en violences5. Les multiples droits des enfants, les parties inscrites sur les listes concernant la vertu de la législation économiques, sociaux et culturels, ainsi que formulation de plans d’action concrets et as- qui lui est applicable ». politiques et civils, doivent être respectés, sortis de délais en vue de faire cesser et pré- Convention relative protégés et réalisés. venir les violations. aux droits de l’enfant
10 Les enfants touchés Fondements juridiques par les conflits armés ff Pacte international relatif sur lesquels agir ont droit à un respect aux droits économiques, sociaux et à une protection Ce document détaille le cadre juridique per- et culturels (1966) particuliers. mettant d’affirmer que les six violations gra- ff Instruments régionaux relatifs ves commises contre les enfants en temps Comité international aux droits de l’homme de conflit armé constituent de graves man- de la Croix-Rouge, ff Conventions 29 (1930) Règle 135 du droit quements et violations du droit international applicable. Ce document entend aider les et 182 (1999) de l’OIT international humanitaire défenseurs de la protection de l’enfance dans ff Convention contre la torture et le monde à mener leur mission et à mettre un autres peines ou traitements cruels, terme aux violations commises contre les en- inhumains ou dégradants (1984) fants. La protection des enfants touchés par ff Droit international coutumier les conflits armés constitue un engagement des droits de l’homme juridique et moral de l’humanité. Jurisprudence internationale Les six violations graves : ff Jurisprudences du TPIY, du TPIR sources juridiques clés et du Tribunal spécial Droit international humanitaire pour la Sierra Leone ff Statut de Rome et jurisprudence ff Conventions de Genève (1949) et de la CPI leurs protocoles additionnels (1977) ff Jurisprudence de la CIJ ff Statut de Rome de la CPI (1998) ff Droit international humanitaire coutumier Résolutions du Conseil de sécurité Lors d’une cérémonie de démobilisation au Soudan, Droit international ff 1261 (1999), 1314 (2000), 1379 des adolescents tournent le des droits de l’homme dos aux armes qu’ils portaient (2001), 1460 (2003), 1539 (2004), comme enfants soldats. © UNICEF/Stevie Mann ff Convention relative aux droits 1612 (2005), 1882 (2009), 1998 (2011) de l’enfant (1989) et ses protocoles et 2068 (2012) facultatifs (2000/2012) ff Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) Note : Les traités internationaux lient seulement les États qui les ont signés ff Pacte international relatif et ratifiés, tandis que le droit coutumier aux droits civils et politiques (1966) est universellement contraignant.
11 Violation grave 1 Recrutement et utilisation d’enfants Les parties au conflit ne doivent pas recruter ou utiliser les enfants comme combattants ou personnel de soutien. Les parties doivent empêcher les enfants de participer aux hostilités. L e recrutement ou l’emploi d’enfants té moignent de la position adoptée par la Les Parties au conflit âgés de moins de 15 ans font l’objet communauté internationale à l’égard du prendront toutes les d’une interdiction irréfutable en vertu recrutement et de l’utilisation d’enfants mesures possibles du droit international humanitaire7. En outre, en temps de conflit armé13. Les comman- dans la pratique le droit international des droits de l’homme dants et responsables politiques individuels pour que les enfants prévoit clairement une limite d’âge légale de sont toujours plus tenus responsables de la de moins de quinze 18 ans pour la participation aux hostilités 8. conscription et de la participation d’enfants ans ne participent âgés de moins de 15 ans durant les hostilités. pas directement aux hostilités, notamment Recrutement et utilisation en s’abstenant de les d’enfants de moins de 15 ans Recrutement et utilisation recruter dans leurs d’enfants de moins de 18 ans forces armées. Le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans sont interdits par la Conven- Le droit international des droits de l’homme Article 77, 2), tion relative aux droits de l’enfant et les pro- a durci les critères concernant l’âge minimal Protocole additionnel I tocoles additionnels aux Conventions de pour la participation directe aux hostilités en relatif aux Conventions Genève9. La règle prohibant le recrutement le portant à 18 ans. Le Protocole facultatif de Genève d’enfants au sein des forces ou groupes ar- à la Convention relative aux droits de l’en- més ainsi que leur participation aux hostili- fant, concernant l’implication d’enfants dans tés fait partie du droit international coutu- les conflits armés (2000) exige des États mier, applicable dans des conflits armés parties de porter à 18 ans l’âge minimal de internationaux ou non internationaux, et conscription obligatoire et de participation aux forces armées gouvernementales ainsi directe aux hostilités. Les pays qui conti- qu’aux groupes armés non étatiques10. Une nuent d’autoriser la conscription volontaire juridiction l’a confirmé en 2004, lorsque le d’enfants âgés de moins de 18 ans doivent Tribunal spécial pour la Sierra Leone a jugé introduire des garanties strictes14. En outre, dans l’affaire Hinga Norman que le recrute- le Protocole facultatif interdit aux groupes ment et l’utilisation d’enfants en temps de armés qui sont distincts des forces armées conflit armé constituent un crime de guerre d’un État d’enrôler ou d’utiliser en aucune en vertu du droit international coutumier 11. circonstance les personnes âgées de moins En outre, les statuts du Tribunal pénal in- de 18 ans15. ternational pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), du De même, sans interdire totalement la cons Tribunal pénal international pour le Rwanda cription d’enfants de moins de 18 ans dans (TPIR) et du Tribunal spécial pour la Sierra les forces armées gouvernementales, le pre- Leone ont également déclaré que le recru- mier Protocole additionnel aux Conventions tement et l’utilisation des enfants de moins de Genève ainsi que la Convention relative de 15 ans lors des conflits armés constituent aux droits de l’enfant exigent de donner la un crime de guerre. Le Statut de Rome de la priorité aux plus âgés lors de la conscription Cour pénale internationale (CPI) fait écho à d’enfants de 15 à 18 ans16. cette position12. La Convention n° 182 de l’Organisation in- Les affaires pénales portées devant le Tribu ternationale du Travail (OIT) concernant l’in- nal spécial pour la Sierra Leone et la CPI terdiction des pires formes de travail des
12 Les États parties à enfants et l’action immédiate en vue de leur En outre, le Protocole facultatif insiste sur le la présente Charte élimination déclare que l’enrôlement des fait que les parties au conflit doivent accor- prennent toutes les enfants âgés de moins de 18 ans consti- der une attention particulière à tous les en- mesures nécessaires tue « l’une des pires formes de travail des en- fants impliqués dans les hostilités durant le pour veiller à ce fants »17. La Recommandation 190 de l’OIT processus de désarmement, démobilisation qu’aucun enfant ne accompagnant cette Convention ainsi que le et réinsertion, notamment les programmes prenne directement Conseil de sécurité appellent les pays à éri- spéciaux visant à garantir leur « réadaptation part aux hostilités et, ger en infraction le recrutement d’enfants18. psychologique et la réinsertion sociale »23 en particulier, à ce La législation nationale et les manuels militai- (voir aussi les Principes de Paris). qu’aucun enfant ne res d’un certain nombre de pays reprennent soit enrôlé sous les toujours plus cette pratique19. Les Principes drapeaux. relatifs aux enfants associés aux forces ar- L’affaire Lubanga Art. 22, mées ou aux groupes armés (Principes de portée devant la CPI Charte africaine Paris) [2007] visant à protéger les enfants de des droits de l’homme tout recrutement illicite suggèrent aux États En mars 2012, la CPI a jugé Thomas Lubanga et des peuples de garantir que les groupes armés au sein de Dyilo coupable de crimes de guerre consis- leur territoire n’enrôlent pas d’enfants âgés tant en l’enrôlement et la conscription d’en- de moins de 18 ans et que les États eux- fants de moins de 15 ans dans les Forces mêmes respectent les normes internatio- patriotiques pour la libération du Congo et nales dans ce domaine20. La Charte africaine leur emploi en vue de leur participation ac- des droits et du bien-être de l’enfant (1990) tive aux hostilités. Il a été condamné à une dispose « qu’aucun enfant ne prenne direc- peine totale de 14 années d’emprisonne- tement part aux hostilités »21. ment. L’affaire Lubanga a été la première du genre dont la CPI a été saisie. L’adhé- sion de la Cour à l’idée que la ligne entre Libération et réinsertion recrutement volontaire et involontaire est des enfants juridiquement sans importance dans le contexte de l’association d’enfants aux for- Lorsque des enfants associés aux forces ou ces ou groupes armés en temps de conflit groupes armés sont capturés par des forces armé est primordiale. La Cour a retenu une ennemies, les protections spéciales qui leur interprétation large de l’expression « partici- sont accordées en vertu du droit internatio- pation active aux hostilités » afin de garantir nal humanitaire du fait de leur âge demeu- la justice et la protection de tous les enfants, rent applicables22. (Voir aussi le document garçons et filles, impliqués dans les conflits de travail n° 3 sur les enfants et la justice, armés, qu’ils soient sur le front ou aient des publié en septembre 2011.) fonctions d’appui aux combattants. Un garçon montre un dessin à travers les barreaux d’une prison pour mineurs, Haïti. © UNICEF/Roger LeMoyne
13 L’affaire Charles Taylor l’emprisonnement d’un enfant doivent être conformes au droit national ainsi qu’aux portée devant le Tribunal normes internationales, et devraient n’être spécial pour la Sierra Leone qu’une mesure de dernier ressort et d’une Le 26 avril 2012, le Tribunal spécial pour la durée aussi brève que possible. Les enfants Sierra Leone a reconnu l’ancien Président du ainsi que tous autres détenus doivent être Libéria, Charles Taylor, coupable de com- traités humainement, notamment bénéficier plicité (aiding and abetting) des crimes de d’une interdiction absolue de toute torture guerre perpétrés par le Revolutionary United et autres peines ou traitements cruels, inhu- Front (RUF) durant la guerre civile (1991- mains ou dégradants. En outre, des protec- 2002) en Sierra Leone. Le Tribunal spécial tions spéciales doivent être accordées à tous pour la Sierra Leone a condamné Taylor à les enfants du fait de leur âge. Dans certains 50 ans d’emprisonnement, peine confirmée cas, les enfants sont placés en détention ad- par la chambre d’appel en septembre 2013. ministrative, que l’on peut définir comme Le jugement du Tribunal à l’encontre de une privation de liberté d’une personne, dé- Charles Taylor marque la première condam- cidée ou ordonnée par le pouvoir exécutif, et nation d’un ancien chef d’État pour crimes non judiciaire, en dehors du contexte pénal de guerre contre des enfants commis par un sans inculpation. La détention administrative groupe armé n’étant pas sous son comman- est « licite » dans des circonstances excep- dement ou contrôle direct mais auquel il a tionnelles, pourvu qu’elle soit prévue et exé- offert assistance pratique, encouragements cutée selon le droit national et assortie de et soutien moral. Le Tribunal spécial pour la plusieurs garanties de procédure en faveur Sierra Leone a également été le premier tri- des enfants, notamment l’examen judiciaire bunal international à considérer le recrute- régulier. Dans d’autres cas, les enfants font ment et l’utilisation d’enfants âgés de moins l’objet de poursuites pour des actes illicites de 15 ans comme crime de guerre en droit commis durant leur association aux groupes international coutumier. armés. Dans cette situation, il faut soutenir les protections juridiques et les principes du droit à un procès équitable, comme la pré- Détention d’enfants qui seraient sentation juridique. La Convention relative aux droits de l’enfant précise toutefois que associés à des groupes armés les États doivent rechercher d’autres mesu- La détention illicite et arbitraire d’enfants res de déjudiciarisation hors du système ju- est prohibée par le droit international hu- diciaire, qui sont dans le meilleur intérêt des manitaire et le droit international des droits enfants et encouragent leur réinsertion dans de l’homme. L’arrestation, la détention ou la société. Mohammad Amin, 18 ans, un ancien enfant soldat, regarde la campagne du haut du toit en ruine d’une caserne dans le village de Bagram, en Afghanistan. © UNICEF/K ate Brooks
14 Violation grave 2 Meurtres et mutilations d’enfants Les parties au conflit doivent protéger les enfants des meurtres, mutilations ou blessures. L Les personnes qui e droit des populations civiles à ne pas Genève, et leurs protocoles additionnels sont ne participent pas être privées de manière arbitraire de la considérés comme faisant partie du droit directement aux vie et les interdictions de meurtre ou de international coutumier humanitaire26. Ils hostilités doivent en mutilation de civils sont des principes ancrés s’appliquent aussi bien aux groupes armés toutes circonstances dans le droit international humanitaire, le éta tiques que non étatiques dans tous les être traitées avec droit international des droits de l’homme et conflits armés27. Ces principes visent à proté humanité, sans aucune la jurisprudence internationale. ger les civils contre l’effet des hostilités et à distinction de caractère prévenir tous « dommages collatéraux » inu- défavorable basée sur L’interdiction de la violence à l’égard des ci- tiles résultant des opérations de combat. Ils la race, la couleur, la vils, notamment les enfants, en particulier le interdisent toutes attaques militaires discrimi- religion ou la croyance, meurtre, la mutilation, les traitements cruels nantes et disproportionnées, ainsi que toutes le sexe, la naissance ou et la torture, constitue un principe du droit in- attaques directes perpétrées contre des ci- la fortune, ou tout autre ternational coutumier, applicable universelle- vils28. Ces attaques peuvent dans certaines critère analogue. ment à tous les conflits armés24. L’article 3 circonstances constituer de graves atteintes commun aux Conventions de Genève est la au droit international humanitaire. Article 3 commun source la plus reconnue de cette protection aux Conventions fondamentale. Il est universellement appli- Le principe de proportionnalité prohibe de Genève (1949) cable, n’autorise aucune dérogation et lie toute attaque militaire où les pertes et les aussi bien les forces armées gouvernemen- blessures infligées à la population civile et/ou tales que les groupes armés non étatiques25. les dommages occasionnés sur les biens de caractère civil seraient excessifs par rapport aux objectifs militaires concrets et directs29. Principes de « distinction » et de « proportionnalité » Le principe de distinction exige que les par- ties à un conflit armé fassent en tout temps Les deux grands principes du droit des la distinction entre la population civile et conflits armés, la distinction et la proportion les combattants, et que les attaques ne nalité, sont inscrits dans les Conventions de soient pas dirigées contre des civils30. L’utili sation d’armes indiscriminées, comme les © ONU/Evan Schinder mines terrestres antipersonnel, les armes à sous-munitions et les armes chimiques, est contraire au droit des conflits armés et contre- vient à de nombreux traités internationaux31. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée géné- rale ont à plusieurs reprises adopté des ré- solutions condamnant « énergiquement la pratique consistant à prendre délibérément pour cibles des civils ou autres personnes protégées dans des situations de conflit armé »32. En 2009, via sa résolution 1882, le Conseil de sécurité a inscrit de nouvelles for- mes de meurtres ou de mutilations d’enfants perpétrés en violation du droit international applicable comme nouvel élément propre à
15 déterminer l’inscription des parties au conflit Convention relative aux droits de l’enfant Le principe de dans les listes figurant dans les annexes au prohibent également la peine capitale pour distinction entre cibles Rapport annuel du Secrétaire général sur les les enfants41. civiles et militaires enfants en temps de conflit armé. Le Bureau Le corpus toujours plus important de la ju- est l’un des « principes du Représentant spécial du Secrétaire géné- risprudence pénale internationale a reconnu cardinaux » du ral pour les enfants et les conflits armés ainsi que les homicides intentionnels dans les si- droit international que ses partenaires ont élaboré des directi- tuations de conflit peuvent constituer des humanitaire et ves pour les opérations sur le terrain en vue crimes de guerre ou des crimes contre l’hu- l’un des « principes de sa mise en œuvre. manité42. Les cours internationales pour le intransgressibles du Rwanda, l’ex-Yougoslavie et la Sierra Leone droit international Préserver les enfants ont poursuivi avec succès des comman- coutumier ». des blessures graves dants pour meurtres, exécutions arbitraires, Licéité de la menace tortures et autres formes de mauvais traite- ou de l’emploi d’armes La torture et les traitements cruels, inhumains nucléaires, Avis ments commis contre des civils, et ont tenu ou dégradants ainsi que la mutilation sont ex- consultatif, C.I.J. les commandants juridiquement responsa- plicitement interdits dans les conflits armés Recueil 1996, p. 226. bles des crimes commis par leurs soldats43. internationaux et non internationaux ainsi que Le Statut de Rome de la Cour pénale inter par toutes les parties aux Conventions de Ge- nationale (1998) a également déclaré que le nève et à leurs protocoles additionnels33. Les meurtre ou le fait d’infliger de graves lésions parties au conflit doivent au contraire dispen- corporelles aux civils peut dans certaines cir- ser aux blessés et malades les soins médicaux constances constituer des crimes de guerre, dont ils ont besoin lorsque les circonstances des crimes contre l’humanité, voire un géno- le permettent34. Du fait de leur âge, les en- cide44. En outre, le TPIY a reconnu dans l’af- fants bénéficient également d’une protection faire Kunarac, Kovač et Vukovic´ (2001) que le spéciale au titre des Conventions de Genève, cas d’enfants victimes de meurtres, tortures notamment l’obligation pour toutes les par- ou blessures correspondent à des « circons- ties à un conflit de donner la priorité au bien- tances aggravantes » de ces crimes, justifiant être des groupes vulnérables durant les hos- ainsi de punir leurs auteurs de peines de pri- tilités, notamment les enfants35. son plus longues que d’ordinaire45. Le droit inhérent à la vie Le droit international des droits de l’homme souligne l’importance primordiale du « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la per- sonne ». Les États ont la responsabilité de garantir que ces droits sont respectés, proté- gés et concrétisés36. La Convention relative Semaines Plaisirs d’été 2013 organisées par UNRWA pour les enfants de Gaza. © ONU/Shareef Sarhan aux droits de l’enfant reconnaît que « tout enfant a un droit inhérent à la vie » et que les États parties doivent assurer « dans toute la mesure possible la survie et le développe- ment de l’enfant »37. Le Comité des droits de l’enfant, chargé de surveiller les pratiques des États concernant la Convention, a dési- gné ce droit inhérent à la vie comme l’un des quatre principes directeurs de l’ensemble de la Convention38. La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (1990) et les autres instruments régionaux liés aux droits de l’homme reprennent également le droit fondamental des enfants à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture et aux mauvais traitements39. En outre, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévoit l’in- terdiction absolue de la torture ou de traite- ments inhumains ou dégradants, y compris en temps de guerre40. Le Pacte internatio- nal relatif aux droits civils et politiques et la
16 Violation grave 3 Violences sexuelles faites aux enfants Les parties au conflit ont l’interdiction de soumettre les enfants au viol et aux autres formes de violence sexuelle. L Les enfants doivent e viol et les autres formes de violence terdits par les Conventions de Genève et faire l’objet d’un respect sexuelle à l’égard des enfants, aussi leurs protocoles additionnels. Les dispo- particulier et doivent bien les garçons que les filles, consti- sitions spécifiques aux enfants de ces trai- être protégés contre tuent de graves violations du droit inter- tés prohibent expressément toutes violen- toute forme d’attentat national des droits de l’homme et peuvent ces sexuelles contre ceux-ci47. L’obligation à la pudeur. équivaloir à de graves atteintes au droit in- de traitement humain au titre de l’article 3 Article 77, 1), ternational humanitaire46. Les actes de vio- commun interdit implicitement le viol ou premier Protocole lence sexuelle peuvent constituer un crime toutes autres violences sexuelles, aussi bien additionnel de guerre, un crime contre l’humanité ou contre les adultes que contre les enfants. aux Conventions bien un élément constitutif du crime de L’article 27 de la quatrième Convention de de Genève génocide. En 2009, le Conseil de sécurité, Genève interdit expressément ces actes en dans sa résolution 1882, a inscrit la violence déclarant que : « Les femmes [y compris les sexuelle contre les enfants comme nouvel filles] seront spécialement protégées contre élément propre à déterminer l’inscription de toute atteinte à leur honneur, et notamment parties au conflit dans les listes du Rapport contre le viol, la contrainte à la prostitution annuel du Secrétaire général sur les enfants et tout attentat à leur pudeur48. » en temps de conflit armé. Le Bureau du Re- Le TPIY et le TPIR, ainsi que la Cour euro- présentant spécial du Secrétaire général péenne des droits de l’homme (CEDH) et la pour les enfants et les conflits armés ainsi Commission interaméricaine des droits de que ses partenaires ont préparé des directi- l’homme, ont reconnu que le viol équivaut ves pour les opérations sur le terrain en vue à la torture et est absolument interdit49. En de sa mise en œuvre ultérieure. outre, un certain nombre de traités inter nationaux prohibent la maltraitance et l’ex- Le viol et les autres formes de violence ploitation sexuelle des adultes et des en- sexuelle en temps de conflit armé sont in- fants. Ceux-ci incluent la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984), la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1949) et la Déclaration de Vienne de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme (1993) 50. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention sur l’élimina- tion de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) affirment un droit des femmes à la liberté et à la sécurité de la personne et la possibilité d’échapper à toute discrimination51. La Convention relative aux droits de l’enfant et son Protocole facultatif Fatima, une jeune fille de 16 ans, vit une grossesse sur la traite et l’exploitation affirment sans non désirée après avoir équivoque que les enfants doivent bénéfi- subi une agression sexuelle. Mogadiscio, Somalie. cier d’une protection contre la torture, les © UNICEF/Giacomo Pirozzi traitements cruels inhumains ou dégradants,
17 une protection généralement comprise En outre, le Tribunal spécial pour la Sierra Les États parties comme couvrant les actes de viol et de vio- Leone a conclu que le « mariage forcé » s’engagent à protéger lences sexuelles 52. Les instruments régio- constitue également une infraction au titre l’enfant contre naux relatifs aux droits de l’homme comme du droit pénal international en jugeant trois toutes les formes la Charte africaine des droits et du bien-être chefs de milice coupables de crimes contre d’exploitation sexuelle de l’enfant (1990) interdisent expressément l’humanité pour avoir forcé des filles à se ma- et de violence sexuelle. la violence sexuelle contre les enfants53. rier58. Article 37, Convention relative Le Statut de Rome de la CPI déclare que le aux droits de l’enfant Viol et autres formes viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, de violence sexuelle la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou comme crimes internationaux « toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable » peuvent constituer Le droit pénal international érige expressé- des crimes de guerre et des crimes contre Les actes de violence ment en infraction pénale le viol et les vio- l’humanité59. Jean-Pierre Bemba Gombo, sexuelle pouvaient faire lences sexuelles en temps de guerre. Une ex-dirigeant d’un groupe armé congolais, l’objet de poursuites juridiction a reconnu pour la première fois passe actuellement en jugement devant la en tant qu’éléments son statut coutumier dans le droit inter CPI pour crimes de guerre et crimes contre constitutifs d’une national en 1998 avec un certain nombre de l’humanité résultant des accusations de viol campagne de génocide. jugements novateurs rendus par le TPIY54. et autres violences commises par les troupes Affaire Akayesu, Les statuts du Tribunal spécial pour la Sierra sous son commandement60. Tribunal pénal Leone, du TPIR et du TPIY mentionnent tous international le viol et les violences sexuelles comme cri- mes de guerre et crimes contre l’humanité55. Autres résolutions pertinentes pour le Rwanda du Conseil de sécurité La violence sexuelle à l’égard des civils a fait l’objet de poursuites par plusieurs tribu- En 2008, le Conseil de sécurité, dans sa réso- naux internationaux instaurés pour juger les lution 1820, a pour la première fois reconnu auteurs de crimes internationaux. Traduits que « utilisée ou commanditée comme arme devant le Tribunal pénal international pour de guerre prenant délibérément pour cible le Rwanda — affaires Akayesu (1998) et Mu- des civils, ou dans le cadre d’une attaque sema (2000)56 — et devant le TPIY — affaires généralisée ou systématique dirigée contre Furundžija (1998) et Kunarac (2000) —, un des populations civiles, la violence sexuelle certain nombre d’accusés ont été condam- peut exacerber considérablement tout nés pour viol, torture et réduction en escla- conflit armé et faire obstacle au rétablisse- vage. C’est ainsi qu’un tribunal international ment de la paix et de la sécurité internatio- a pour la première fois condamné des indi- nales »61. Les résolutions 1888 (2009), 1960 vidus sur les seules accusations de violences (2010) et 2106 (2013) du Conseil de sécurité sexuelles à l’égard de femmes et de filles 57. ont confirmé cette position. Premier jour d’école à Gaza. 2 septembre 2012. © ONU/Shareef Sarhan
18 Violation grave 4 Attaques contre des écoles et des hôpitaux Les parties au conflit ne doivent pas attaquer les écoles ou les hôpitaux, ni le personnel éducatif ou médical. L Les Parties au conflit es écoles et les hôpitaux sont des ins- contre les conséquences des opérations doivent en tout temps titutions civiles qui offrent souvent un militaires. Il s’agit là d’une règle coutumière faire la distinction entre abri et une protection, et pourvoient du droit international applicable à toutes les la population civile et aux besoins des enfants en période de parties dans les situations de conflit64. les combattants ainsi conflit. Les attaques perpétrées contre les écoles ou les hôpitaux contreviennent en La protection offerte aux écoles et aux hôpi- qu’entre les biens de caractère civil et les principe au droit international humanitaire taux est globale : selon le droit coutumier in- objectifs militaires bien établi, notamment les règles coutu- ternational et le droit des traités, une partie et, par conséquent, ne mières, et peuvent constituer des crimes de au conflit doit s’abstenir de cibler ou d’atta- diriger leurs opérations guerre et des crimes contre l’humanité62. quer des écoles et des hôpitaux parmi la po- que contre des objectifs pulation civile, ainsi que préserver des atta- militaires. Protéger les biens ques les écoles et hôpitaux situés au sein de ses propres populations civiles ou de celles Article 48, à caractère civil Protocole additionnel I situées sous son contrôle65. Le ciblage ou la aux Conventions La quatrième Convention de Genève inter- destruction délibérés des écoles ou des hô- de Genève dit le ciblage de biens à caractère civil, met- pitaux (ou d’autres biens de caractère civil) tant l’accent sur l’importance des écoles et peuvent constituer de graves violations du des hôpitaux pour la population civile, en droit des conflits armés66. La protection gé- particulier les enfants63. Le ciblage inten- tionnel des écoles ou hôpitaux sans impé- nérale accordée aux écoles et aux hôpitaux ratif militaire est interdit au nom du principe comporte une unique exception : « à moins juridique général de distinction, à savoir que et aussi longtemps qu’ils constituent des ci- les biens de caractère civil doivent être dis- bles militaires », autrement dit s’ils sont utili- tingués des objectifs militaires et protégés sés à des fins militaires 67. Des élèves somaliens dans une école du camp Ifo, au nord-est du Kenya, 2010. © OSRSG-CAAC/ Timothy L a Rose
19 En outre, le droit international humanitaire Le TPIY a développé une solide jurispru- Les principes cardinaux précise que si, dans la « confusion de la dence sur la nécessité de protéger les éco- contenus dans les textes guerre », un doute existe quant à savoir si les et les hôpitaux de toute attaque, par formant le tissu du droit une école ou un hôpital constitue un objet exemple dans les affaires Kupreskic (2000) et humanitaire sont les militaire ou civil, la présomption de base Kordic et Cerkez (2001)76. Le Statut de Rome suivants. Le premier reste qu’un bâtiment normalement destiné étend la responsabilité pénale pour ces actes principe est destiné à à des usages civils demeure un bien de ca- (ou « non-protections »), prévoyant la com- protéger la population ractère civil68. pétence explicite de la CPI pour poursuivre civile et les biens ou punir ceux qui dirigent intentionnelle- de caractère civil… D’autres instruments juridiques internatio- ment des attaques contre les écoles ou les Cour internationale naux mentionnant cette interdiction sont hôpitaux lors de conflits armés. Ces actes de Justice (1996) notamment la Convention sur les armes in- constituent des crimes de guerre indépen- humaines, protocole II et protocole III modi- damment de savoir s’ils se produisent durant fiés, interdisant respectivement l’utilisation un conflit armé international ou non77. des mines et des armes incendiaires contre les écoles, les hôpitaux et les autres biens Résolution 1998 (2011) de caractère civil69. La Cour internationale de Justice (CIJ) a également déclaré la pro- du Conseil de sécurité tection des civils et des biens de caractère sur les attaques contre civil d’une importance primordiale au titre les écoles et les hôpitaux du droit international humanitaire70. En juillet 2011, la résolution 1998 du Conseil Les hôpitaux et le personnel médical, les de sécurité a ajouté les attaques et les me- prestataires d’assistance et de soins médi- naces d’attaques contre des écoles, des hô- caux primaires dispensés aux populations pitaux et des personnes protégées liées aux civiles bénéficient explicitement de mesures écoles et/ou aux hôpitaux au nombre des critères d’inscription des parties au conflit de protection spéciales au titre du droit in- dans les listes figurant dans les annexes au ternational remontant aux origines mêmes Rapport annuel du Secrétaire général sur du droit international humanitaire avec les enfants en temps de conflit armé. L’ac- la Convention de Genève de 1864 et les cès à l’éducation et aux soins de santé en Conventions de La Haye de 1899 et 190771. période de conflit armé constitue certes une C’est une maxime du droit international cou- grave préoccupation, mais, toutefois, l’utili- tumier que le personnel et les services mé- sation à des fins militaires des écoles et hô- dicaux, dès lors qu’ils sont affectés à leur pitaux n’est pas un critère d’inscription dans strict domaine de compétence, doivent être ces listes. Le Bureau du Représentant spé- respectés et protégés en temps de conflit 72. cial du Secrétaire général pour les enfants La Convention relative aux droits de l’enfant et les conflits armés ainsi que ses partenai- accorde une importance primordiale au droit res ont élaboré des directives pour les opé- des enfants à l’éducation et à la santé73. Ces rations sur le terrain en vue de la mise en droits sont également repris dans les ins- œuvre de la résolution, proposant des outils truments juridiques internationaux et régio- pratiques en vue d’une protection améliorée des écoles, des hôpitaux et des personnes naux, notamment la Déclaration universelle protégées, l’accent étant en particulier mis des droits de l’homme (1948) et le Pacte in- sur une meilleure compréhension du cadre ternational relatif aux droits économiques, juridique international; l’octroi de moyens sociaux et culturels (1966), qui abordent supplémentaires en matière de surveillance également le droit de toutes les personnes et de communication; ainsi que la promotion à jouir « du meilleur état de santé physique de la sensibilisation et du dialogue avec les et mentale possible » et le droit de chaque parties au conflit. enfant à l’éducation74. Le ciblage et la des- truction des écoles ou des hôpitaux consti- tuent à l’évidence un obstacle à la réalisation Utilisation des écoles de ces droits. à des fins militaires De nombreux pays ont consacré le précepte Dans sa résolution 1998 (2011), le Conseil de interdisant le ciblage d’écoles et/ou d’hô- sécurité a demandé instamment aux États pitaux dans leur législation nationale et les parties au conflit de s’abstenir de toutes ac- manuels militaires régissant la conduite de tions entravant l’accès des enfants à l’éduca- leurs forces armées75. tion, et a demandé en particulier au Secré-
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