DU CHANGEMENT DANS L'AIR : LES BASES DU FUTUR MARCHE AMERICAIN DU CARBONE - Groupe Caisse des ...

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n°15 • Octobre 2008

DU CHANGEMENT DANS L’AIR :
LES BASES DU FUTUR MARCHE AMERICAIN DU CARBONE

Cate Hight1 et Gustavo Silva-Chávez2

              Depuis leur refus de ratifier le protocole de Kyoto en 2001, les Etats-Unis ont été jugés à la traîne des
              efforts menés au niveau international pour lutter contre le changement climatique. À ce jour, les Etats-
              Unis se montrent toujours réticents à signer un accord international contraignant visant à réduire leurs
              émissions de gaz à effet de serre (GES), affirmant que leur position ne varierait pas tant que les
              économies en développement comme la Chine et l’Inde n’accepteraient pas d’adopter également des
              objectifs en matière d’émissions. De surcroît, l’administration Bush est demeurée opposée à des objectifs
              ou des plafonds d’émissions nationaux fixés de manière contraignante au niveau fédéral en choisissant
              de traiter la question des émissions de GES au moyen d’objectifs d’intensité et d’autres mesures non
              contraignants.

              En dépit de cette absence d’action au niveau fédéral, un certain nombre d’efforts de réduction des
              émissions ont été lancés aux Etats-Unis hors du cadre fédéral. Des acteurs privés, des municipalités et
              des Etats ont été à l’origine d‘initiatives destinées à limiter la progression des émissions et à pousser à
              l’action le gouvernement fédéral. La présente Etude Climat analyse ces initiatives ainsi que les
              implications potentielles qu’elles pourraient avoir sur le marché international du carbone. Les auteurs
              parviennent à la conclusion suivante : alors que des objectifs contraignants de réduction des gaz à effet
              de serre manquent toujours au niveau fédéral, les Etats-Unis sont parvenus dans leur ensemble à
              construire les bases nécessaires à la mise en place d’un marché national de permis d’émissions. Certains
              programmes d’échange américains au niveau des Etats et des régions sont susceptibles d’influencer le
              marché du carbone au cours des prochaines années ; leur avenir dépend de la vitesse à laquelle sera
              mise en œuvre une loi fédérale imposant des limites sur les GES. La forme que prendra cette loi est entre
              les mains du Congrès et du nouveau président qui sera élu le 4 novembre 2008.

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               Cate Hight est chercheuse à la Mission Climat de la Caisse des Dépôts, où elle est spécialisée dans les marchés carbone
              émergents et dans les opportunités d’interconnexion des systèmes de permis d’émissions existants.
              cate.hight@caissedesdepots.fr – + 33 1 58 50 98 19
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               Gustavo Silva-Chávez est analyste des politiques relatives au changement climatique au sein du programme Air et Climat
              de l’Environmental Defense Fund. Il travaille sur les questions internationales liées au changement climatique dans le cadre
              du protocole de Kyoto, ainsi que sur les initiatives visant à mettre en œuvre un régime climatique mondial pour l’après-2012.
              gsilva-chavez@edf.org – + 1 202 572 3384

                                                                                                                                         1
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

   REMERCIEMENTS
   Les auteurs tiennent à remercier toutes les personnes qu’ils ont rencontrées dans le cadre
   de la préparation de ce rapport, notamment Jos Cozijnsen (avocat, spécialiste des marchés
   de permis), Denny Ellerman (MIT), Peter Goldmark (Environmental Defense Fund),
   Jennifer Haverkamp (Environmental Defense Fund), Patrick Hogan (Pew Center on Global
   Climate Change), Dominic Marcellino (Environmental Defense Fund), Sam Napolitano (US
   Environmental Protection Agency), Manik Roy (Pew Center on Global Climate Change), et
   Derek Walker (Environmental Defense Fund), pour leur relecture attentive et leurs critiques
   constructives.
   Les auteurs assument l’entière responsabilité des erreurs et omissions éventuelles.

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Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

SOMMAIRE

              INTRODUCTION                                                                                          4
              I.    UN TOUR D’HORIZON DES EMISSIONS AMERICAINES                                                     4
              A.    Le premier émetteur au monde par habitant                                                       4
              B.    Émissions nationales : l’électricité et le transport en tête                                    5

              II.   20 ANS DE POLITIQUE CLIMATIQUE AMERICAINE                                                       9
              III. LA MOBILISATION DES ACTEURS PRIVES                                                               11
              A.    Le Chicago Climate Exchange crée un marché carbone basé sur le volontariat                      11
              B.    Le Climate Registry consigne les données d’émissions à l’échelon national                       11
              C.    United States Climate Action Partnership : l’appel à une contrainte obligatoire sur les GES     12

              IV. MUNICIPALITES, ETATS ET REGIONS FIXENT LEURS PROPRES OBJECTIFS
                  EN MATIERE D’EMISSIONS                                                                            12
              A.    Les municipalités relèvent l’engagement Kyoto et lancent des initiatives climatiques locales    12
              B.    La réponse des Etats par des lois de réduction des GES                                          13
              C.    Les partenariats régionaux lanceront les premiers marchés américains obligatoires du carbone    14

              V. LA COUR SUPREME INTERVIENT                                                                         18
              VI. LE CONGRES S’INVITE DANS LE DEBAT SUR LA POLITIQUE CLIMATIQUE                                     18
              A.    Une décennie de discussions aboutit à une nouvelle loi sur l’énergie en 2007                    18
              B.    Au Sénat, le changement climatique occupe pour la première fois le devant de la scène           20
              C.    La Chambre des représentants définit les grandes lignes d’une future loi sur le contrôle des GES 21

              VII. LA POLITIQUE PRESIDENTIELLE                                                                      22
              VIII. QU’ATTENDRE A L’AVENIR ?                                                                        23
              ANNEXES                                                                                               24
              Annexe 1 – Les principaux émetteurs mondiaux : émissions de CO2, population et tendances
                         de croissance économique (PIB)                                                             24
              Annexe 2 – Emissions de CO2 aux Etats-Unis par Etat en 2003                                           25
              Annexe 3 – Initiatives des différents Etats en rapport avec le changement climatique                  26
              Annexe 4 – Tableau: produit intérieur brut, population et émissions de CO2 par Etat en 2003           27
              Annexe 5 – Participants aux programmes régionaux d’échange de GES (au 23 septembre 2008)              28
              Annexe 6 – Structure institutionnelle du Congrès américain                                            29
              Annexe 7 – Propositions de marchés de permis déposées au Sénat depuis janvier 2007                    31
              Annexe 8 – Dispositions initiales du Lieberman-Warner Climate Security Act (S.3036)                   32
              Annexe 9 – Propositions de cap-and-trade déposées à la Chambre depuis janvier 2007                    34
              Annexe 10 – Dispositions du projet Dingell-Boucher                                                    35
              Annexe 11 – Calendrier politique américain                                                            37

              IX. REFERENCES                                                                                        38
              LA RECHERCHE DE LA MISSION CLIMAT                                                                     39

                                                                                                                          3
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

INTRODUCTION

               Les Etats-Unis sont l’un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre (GES) au monde. Alors
               qu’ils n’abritent que 5 % de la population mondiale, celle-ci génère environ 20 % des GES produits par
               l’homme. Les Etats-Unis produisent six fois plus de GES par habitant que la Chine et douze fois plus que
               l’Inde. Leurs émissions ont encore progressé au cours de la dernière décennie, le pays restant dépendant
               du charbon pour 50 % de sa production d’électricité et de l’automobile pour la plupart des transports.

               Les Etats-Unis commencent toutefois à prendre des mesures de réduction des émissions de gaz à effet
               de serre. Des acteurs privés ont lancé des initiatives volontaires visant à évaluer la quantité d’émissions
               qu’ils produisent ; plusieurs d’entre eux mènent des actions de lobbying auprès du gouvernement fédéral
               afin de mettre en œuvre une politique contraignante destinée à contrôler les émissions de GES. Sans
               attendre cette politique, des municipalités et des Etats américains lancent actuellement leurs propres
               initiatives. Ainsi, dix Etats du Nord-est, dans le cadre de la Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI),
               ont mis aux enchères les allocations initiales du premier marché d’échange de permis d’émissions de
               GES américain, qui débutera en janvier en 2009. Certains Etats du Midwest et de l’Ouest sont sur le point
               de leur emboîter le pas en lançant leurs propres programmes d’échange au cours des prochaines
               années. La Californie, un Etat plus grand que de nombreux pays dans le monde, a adopté une loi visant à
               établir le premier plan contraignant de réduction des émissions de GES pour l’ensemble de l’économie.
               Les règlementations nécessaires à la mise en œuvre de ce plan sont bien avancées.

               Au niveau fédéral, le débat sur la politique climatique a pris de l’ampleur au cours des deux dernières
               années. En avril 2007, la Cour suprême des Etats-Unis a statué dans l’affaire Massachusetts v. EPA, un
               contentieux à caractère environnemental qui a affirmé l’autorité du gouvernement fédéral en matière de
               contrôle des émissions de GES. La politique climatique est devenue fin 2007 une question cruciale au
               sein du Congrès contrôlé par les démocrates : la loi sur la sécurité climatique (Lieberman-Warner Climate
               Security Act) a été la première législation proposant un système de permis d’émissions ayant reçu
               l’approbation de la commission du Sénat sur l’environnement et les travaux publics (Senate Committee on
               Environment and Public Works). Bien que cette proposition ait été bloquée au Sénat en juin 2008, il est
               probable qu’elle servira de référence pour de prochaines négociations législatives, de même que la
               proposition des parlementaires Dingell et Boucher de la Chambre des Représentants.

               En novembre 2008, les Américains éliront un nouveau président qui interviendra sans doute sur la
               politique climatique. Les deux candidats, Barack Obama et John McCain, ont dans le passé soutenu les
               propositions de système de permis de GES et ont indiqué leur intention de poursuivre dans ce sens.
               Cependant la capacité du prochain président à mettre en œuvre une politique climatique intégrée
               dépendra du soutien du Congrès. 2009 promet d’être une année intéressante pour les observateurs des
               marchés du carbone : la RGGI constituera pour les Etats-Unis leur première expérience concrète d’un
               marché de permis d’émissions de GES obligatoire ; le nouveau président pourrait lancer une initiative de
               réduction des GES ; et le Congrès continuera à élaborer des propositions législatives détaillées. Le rôle
               d’un futur système de permis américain sur le marché international du carbone demeure imprécis, de
               même que la position qu’adopteront les États-Unis dans les négociations internationales sur le climat.

I. UN TOUR D’HORIZON DES EMISSIONS AMERICAINES

A. Le premier émetteur au monde par habitant
               Avec à peine 5 % de la population mondiale, les Etats-Unis émettent environ 20 % des GES
               anthropiques. Ils distancent de loin leurs concurrents pour les émissions de CO2 par habitant. En 2004, ils
               ont émis près de deux fois plus de CO2 par habitant que la Russie, six fois plus que la Chine et douze fois
                              1
               plus que l’Inde .

               1
                 World Resources Institute, Climate Analysis Indicators Tool (CAIT) Version 5.0, Emissions totales de GES en 2004 (hors
               utilisation des terres, changements d’affectation des terres et foresterie par manque de données).

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Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

                             Figure 1 – Émissions de CO2 par habitant des principaux pays émetteurs (2004)

                                                                      25

                                          tonnes CO2e par personne
                                                                      20

                                                                      15

                                                                      10

                                                                       5

                                                                       0
                                                                               Etats-Unis    Russie    Japon       EU-25     Chine         Inde              Moyenne
                                                                                                                                                             mondiale

                 Note : les émissions provenant de l’utilisation des terres, de changements d’affectation des terres et de la foresterie sont
                 exclues par manque de données.

                                                                                            Source : World Resources Institute, Climate Analysis Indicators Tool (CAIT) Version 5.0.

                 L’inclusion des émissions de CO2 issues de la déforestation maintiennent les Etats-Unis au rang du plus
                 gros émetteur par habitant au monde : les données les plus récentes, en 2000, montrent que l'Indonésie
                 et le Brésil sont d‘importants émetteurs. Avec respectivement 13,8 et 9,8 tonnes d'émissions de CO2 par
                 habitant en 2000, ils sont bien en deçà des émissions américaines de 19,1 tonnes par habitant.

B. Émissions nationales : l’électricité et le transport en tête
                 Comme dans la plupart des pays développés, la production d’électricité, le transport et l’industrie lourde
                 sont responsables de la majorité des émissions de GES aux Etats-Unis. Ces secteurs étant largement
                 dépendants des combustibles fossiles, la majorité de leurs émissions de GES s’effectuent sous forme de
                 dioxyde de carbone (CO2), qui constitue 85 % des émissions américaines de GES.

                  Figure 2 – Émissions primaires de GES aux Etats-Unis par type et par secteur économique (2005)
                                                    Total = 7 260,4 Mt de CO2e

                                                                     2 500
                                Mt CO2e

                                                                     2 000

                                                                     1 500

                                                                     1 000

                                                                      500

                                                                           0
                                                                                  Production      Transport      Industrie   Agriculture      Tertiaire   Residentiel
                                                                                   d'énergie

                                                                                   Methane               Oxide nitreux               Gaz fluorés             CO2

                                                                                                              Source : US EPA Inventory of GHG Emissions and Sinks : 1990 - 2005.

                                                                                                                                                                                  5
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

   Les émissions dues à l’industrie lourde ont reculé au cours de la dernière décennie grâce à l’amélioration
   des performances énergétiques, à des changements de combustibles et au passage d’une économie
   industrielle à une économie de services. Néanmoins les émissions de la production d’électricité et du
   transport continuent de croître. De 1990 à 2005, les émissions de la production d’électricité ont progressé
   de 31 % et celles du transport de 32 %. Les émissions de GES des Etats-Unis ont atteint 7 260,4 Mt de
   dioxyde de carbone équivalent (CO2e)2 en 2006, soit 15 % au-dessus des niveaux d’émissions de 1990 et
   23 % au-dessus de l’objectif national fixé par le protocole de Kyoto pour 2008-2012.

               Figure 3 – Tendance d’évolution (en %) des émissions de GES aux États-Unis
                               par secteur (1990-2005) - Indice (1990 = 100)
                            135
                   MtCO2e

                            130

                            125

                            120

                            115

                            110

                            105

                            100

                            95

                            90
                             1990    1992         1994     1996      1998         2000      2002        2004        2006

                                    Production d'énergie          Transport                        Industrie
                                    Agriculture                   Tertiaire                        Résidentiel

                                                            Source : US EPA Inventory of GHG Emissions and Sinks : 1990-2005.

   Secteur de la production d’électricité : le charbon est roi

   La     production   d’électricité américaine                     Figure 4 – Production d’électricité aux États-
   dépendant largement des combustibles                                   Unis par source d’énergie (2006)
   fossiles, une demande croissante d’électricité                     Production totale = 4,1 milliards de kWh
   entraîne une hausse des émissions de GES.                                         Renouvelables      Pétrole
                                                                                         2%              2%
   Les Etats-Unis font appel aux combustibles                                                                     Autres
   fossiles pour plus de 70 % de leur production                         Hydro-électrique                          1%
                                                                               7%
   d’électricité.

   En 2006, près de la moitié de l’électricité a été
                                                                      Nucléaire
   produite à partir de charbon, le combustible                         19%                                                Charbon
   fossile le plus intensif en carbone. C’est une                                                                           49%

   source d’énergie abondante et relativement
   bon marché aux États-Unis, ce qui le rend
   attractif    aux    yeux    des    producteurs
   d’électricité, dont les émissions de CO2 ne
                                                                                     Gaz naturel                              Source :
   sont pas actuellement plafonnées.                                                    20%                  US Department of Energy,
                                                                                                       EIA Electric Power Annual 2006.

   2
    L’OCDE définit le dioxyde de carbone équivalent comme une mesure destinée à comparer les émissions de différents gaz à
   effet de serre sur la base de leur pouvoir de réchauffement global. Le pouvoir de réchauffement global du méthane sur
   100 ans s’établit par exemple à 21. Cela signifie que les émissions d’un million de tonnes de méthane équivalent aux
   émissions de 21 millions de tonnes de dioxyde de carbone.

   6
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

   Aux Etats-Unis, les principaux consommateurs d’électricité sont les utilisateurs résidentiels, suivis par le
   secteur commercial et le secteur industriel. L’amélioration des performances énergétiques de chacun de
   ces secteurs, conjuguée à la tarification des émissions de CO2, pourrait entraîner une réduction
   significative des GES émis par la production électrique américaine.

                   Figure 5 – Émissions directes et indirectes de GES par secteur (2005)
                                2 500

                     Mt CO2e
                                2 000

                                1 500

                                1 000

                                     500

                                       0
                                           Transport      Industrie     Agriculture          Tertiaire     Residentiel

                                                   Emissions indirectes dues à la consommation énergétique
                                                   Emissions directes

                                                              Source : US EPA Inventory of GHG Emissions and Sinks : 1990- 2005.

   Le secteur des transports : une histoire d’amour avec l’automobile

   Les émissions de GES du secteur américain des transports sont également en hausse en dépit des
   améliorations technologiques qui ont réduit les émissions des automobiles au cours des dernières
   années. La population des États-Unis a progressé de plus de 20 % depuis 1990. Les Américains
   voyagent davantage et de plus en plus de marchandises sont acheminées dans l’ensemble du pays.

   De 1990 à 2005, le nombre total de passager-kilomètres a augmenté de 39 % pour atteindre 5 523
   milliards de miles (environ 8 886 milliards de kilomètres). Les trajets aériens se sont développés le plus
   (+ 63 %), après une forte baisse consécutive aux attaques terroristes du 11 septembre 2001. Les
   déplacements par autoroute et transports en commun ont augmenté de manière significative, de 37 et
   21 % respectivement. Le transport ferroviaire passager a par contre baissé de - 11 % entre 1990 et 2005.

    Figure 6 – Évolution (en %) des passager-kilomètres parcourus par type de transport (1990-2005)
                                          Indice (1990 = 100)
                               170

                               160

                               150

                               140

                               130

                               120

                               110

                               100

                               90

                               80
                                   90

                                   91

                                   92

                                   93

                                   94

                                   95

                                   96

                                   97

                                   98

                                   99

                                   00

                                   01

                                   02

                                   03

                                   04

                                   05
                                19

                                19

                                19

                                19

                                19

                                19

                                19

                                19

                                19

                                19

                                20

                                20

                                20

                                20

                                20

                                20

                                              Trafic aérien                           Trafic routier
                                              Transport en commun                     Trafic ferroviaire
                                              Tous modes confondus

                     Source : United States Department of Transportation, National Transportation Statistics, décembre 2007.

                                                                                                                              7
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

   En dépit de ce regain de popularité pour les voyages en avion, les Américains continuent à privilégier la
   voiture pour la plupart de leurs déplacements. Le nombre de passager-kilomètres par autoroute a atteint
   7 860 milliards (4 885 miles) en 2005, 8 fois le nombre de kilomètres parcourus par avion et 88 fois la
   distance parcourue en transports en commun. En 2005, le transport passager ferroviaire n’a représenté
   que 8 milliards (0,09 %) de passager-kilomètres.

   L'autoroute reste le moyen de transport le plus populaire des Etats-Unis mais la hausse des prix de
   l’essence en 2007 et 2008 poussent les Américains à conduire moins. Ainsi la distance parcourue par
   l’ensemble des véhicules en mai, en général un mois propice aux excursions aux Etats-Unis, a diminué
                              3
   de 3,7 % entre 2007 et 2008 . La crise économique actuelle pourrait également conduire à une baisse du
   pouvoir d'achat des consommateurs, et donc à une baisse de la consommation d'essence.

                    Figure 7 – Passager-kilomètres aux Etats-Unis par type de transport (2005)
                                             Total = 8 886 milliards
                                                            Transports
                                                                en
                                                             commun           Aérien
                                                               1%
                                                                               11%

                                                  Routier
                                                   88%

                         Source : United States Department of Transportation, National Transportation Statistics, décembre 2007.

   Le transport intérieur de marchandises a augmenté en même temps que le transport de passagers. De
   1990 à 2005, le fret a augmenté de 25 % pour atteindre 7 300 milliards de tonne-kilomètres (soit
   4 537 milliards de tonne US-miles). Si la quantité de fret en tonne-kilomètres demeure inférieur au
   nombre de passager-kilomètres, le transport de fret progresse rapidement dans plusieurs types de
   transport. De 1990 à 2005, c’est le transport par rail qui a enregistré la croissance la plus forte (+ 63 %),
   suivi par le transport par camion (+ 52 %) et le fret aérien (+ 51 %). Le transport de pétrole et de gaz
   naturel par pipeline est resté relativement stable à cause des contraintes d’infrastructures (+ 5 %
   seulement). Le transport maritime a nettement chuté sur la même période de - 29 %.

   Figure 8 – Evolution (en %) du nombre de tonne-kilomètres de fret aux Etats-Unis par type de transport
                                     (1990-2005) - Indice (1990 = 100)
                            180

                            160

                            140

                            120

                            100

                             80

                             60
                                 90

                                 91

                                 92

                                 93

                                 94

                                 95

                                 96

                                 97

                                 98

                                 99

                                 00

                                 01

                                 02

                                 03

                                 04

                                 05
                              19

                              19

                              19

                              19

                              19

                              19

                              19

                              19

                              19

                              19

                              20

                              20

                              20

                              20

                              20

                              20

                                    Aérien                                    Routier
                                    Ferroviaire                               Maritime
                                    Pipeline (pétrole et gaz)                 Tous modes confondus

                              Source : United States Department of Transportation, National Transportation Statistics, juillet 2007.

   3
       US Department of Transportation, Federal Highway Administration, Traffic Volume Trends, mai 2008.

   8
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

               Le transport par rail et par camion représente plus de deux tiers du transport intérieur de fret aux Etats-
               Unis. Le fret aérien n’a compté que 25,7 milliards de tonne-kilomètres (16 milliards de tonne US-miles)
               en 2005 (0,3 % du total).

                   Figure 9 – Nombre de tonne-kilomètres parcourus par le fret aux États-Unis par type de transport
                                                   (2005) Total = 7 300 milliards
                                                             Pipeline
                                                            (pétrole et                     Routier
                                                               gaz)                          29%
                                                               20%

                                                           Maritime
                                                            13%

                                                                              Ferroviaire
                                                                                 38%

                                         Source : United States Department of Transportation, National Transportation Statistics, juillet 2007.

II. 20 ANS DE POLITIQUE CLIMATIQUE AMERICAINE

               Les Etats-Unis ont manifesté peu d’empressement à adopter une politique fédérale contraignante limitant
               les émissions de gaz à effet de serre, tout en prenant part activement depuis des dizaines d’années au
               dialogue international sur le changement climatique. Ils ont joué un rôle important dans les recherches
               consacrées au changement climatique dans les années 1960 et 1970 en finançant généreusement des
               chercheurs pour étudier cette question et diffuser les informations recueillies. Après le succès des
               négociations de Montréal sur la pollution par l’ozone à la fin des années 1980, les Etats-Unis ont proposé
               la création d’un groupe de travail international comparable sur le climat, qui, en 1988, est devenu le
               Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).

               Le premier rapport d’évaluation du GIEC, publié en 1990, a servi de base à la création de la Convention-
               cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ouverte à signature en 1992 à la
               Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro (Brésil). La
               CCNUCC a engagé les gouvernements signataires à un « objectif non contraignant » de réduction des
               concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre et a reconnu que les nations développées
               (Annexe I) et en développement assumeraient des « responsabilités communes mais différenciées »
               dans les efforts de réduction des émissions de GES.

               A cette époque, le président des Etats-Unis, George H.W. Bush, soutenait une action internationale sur
               les GES ; son administration considérait qu’un système de permis d’émissions constituait une solution
               viable au problème du changement climatique. Le président Bush a présenté pour approbation le traité de
               la CCNUCC au Sénat américain, seule instance possédant la capacité constitutionnelle de ratifier les
               traités. Le traité a été approuvé par deux tiers du Sénat et a été signé par le Président en octobre 1992.

               Après l’entrée en vigueur de la CCNUCC en 1994, les parties signataires ont entamé une série de
               réunions annuelles (Conférences des parties ou COP), pour évaluer les progrès réalisés au regard des
               objectifs de la Convention. Lors de la première conférence (COP1) à Berlin en 1995, les parties ont
               adopté le « mandat de Berlin » exemptant les pays non-Annexe I d’assumer des obligations d’émissions
               contraignantes. A la COP2 à Genève en 1996, les négociateurs américains ont accepté d’assumer « des
               objectifs [d’émissions] à moyen terme contraignants » avec les autres parties de l’Annexe I.

               Les sénateurs américains ont considéré que les accords négociés à Berlin et à Genève sortaient
               nettement du cadre de la CCNUCC qu’ils avaient ratifiée en 1992. En 1997, ils ont unanimement
               approuvé la résolution Byrd-Hagel4 pour limiter les engagements susceptibles d’être pris à l’avenir par les
               négociateurs américains sans accord préalable du Sénat.

               4                                       e
                   Résolution Byrd-Hagel, S.RES 98, 105 Congrès américain.

                                                                                                                                             9
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

   Cette résolution affirmait que « les objectifs contraignants de limitation des émissions et les échéanciers
   pour les Parties de l’Annexe I » ainsi que l’exemption accordée aux pays en développement étaient
   « incompatibles avec la nécessité d’une action internationale sur le changement climatique et […]
   inadaptés sur le plan environnemental. » Par ailleurs, le Sénat affirmait qu’il ne ratifierait pas un accord
   (1) comportant des engagements d’émissions pour les pays industrialisés sans dispositions semblables
   pour les pays en développement ou (2) entraînant un grave préjudice pour l’économie américaine.

   La résolution du Sénat, votée cinq mois seulement avant la conférence de Kyoto, a fortement pesé sur la
   position des négociateurs américains à Kyoto. Leurs tentatives d’introduire dans les discussions des
   engagements pour les pays en développement n’ont pas été couronnées de succès. Le protocole de
   Kyoto a comporté des objectifs d’émissions contraignants pour les pays industrialisés, sans engagements
   quantitatifs pour les pays en développement. Le président Clinton décida de ne pas soumettre le traité au
   Sénat pour ratification, dans la mesure où il savait qu’il serait rejeté.

   En 2001, le président George W. Bush affirma qu’il ne demanderait pas la ratification du protocole de
   Kyoto au Sénat et qu’il ne mettrait pas en œuvre les objectifs de Kyoto au cours de son mandat. La même
   année, il annonça son propre plan relatif au changement climatique, un programme volontaire basé sur
   des « objectifs d’intensité » en GES et sur le développement technologique, plutôt que sur des limites
   contraignantes d’émissions de GES. Le plan Bush cherche à réduire de 18 % entre 2002 et 2012
   l’intensité5 en GES de l’économie américaine par des engagements volontaires du secteur industriel.
   Comme le montre la Figure 10, cet objectif est moins ambitieux que la tendance d’amélioration de
   l’efficacité observée aux Etats-Unis entre 1990 et 2005, de l’ordre de 22 %.

           Figure 10 – Émissions de CO2 pour 1 000 dollars de Produit intérieur brut (année 2000)
         Émissions par « objectif d’intensité » (Président Bush) contre scénario « business-as-usual »
                                                          0,22
               MtCO2 pour 1000$ dollars US (année 2000)

                                                          0,20

                                                          0,18

                                                                                                                                               Plan Bush: 18% de
                                                                                                                                               réduction de l'intensité
                                                          0,16
                                                                                                                                               carbone entre 2002-2012

                                                          0,14
                                                                                                              Scénario au fil de l'eau : 22% de
                                                                                                              réduction de l'intensité carbone
                                                                                                              entre 2002-2012
                                                          0,12
                                                                 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

                                                            Intensité carbone observée             Intensité carbone ciblée par le plan Bush        US trend 1990-2005
                                                                                                                                                    Tendance  1990-2005

                                                                                                           Source : US Department of Energy, Energy Information Administration.

   Toutefois, une bonne part de l’amélioration de l'intensité en gaz à effet de serre observée aux Etats-Unis
   ces 15 dernières années ont résulté d'initiatives lancées par des organismes fédéraux. Par exemple, le
   programme d’étiquetage Energy STAR, un partenariat volontaire lancé en 1992 entre fabricants, Agence
   américaine pour la protection de l’environnement (US Environmental Protection Agency - EPA) et
   Département américain de l'Energie, a abouti à des améliorations de l'efficacité évitant 37 Mt d’émissions
   de GES en 2006. Le projet de lutte contre les émissions de méthane du Département américain de
   l'Agriculture a contribué à réduire de 11 % par rapport à 1990 ces émissions en 2005, malgré une
   croissance du PIB de 55 %. En outre, l'EPA travaille avec l'industrie pour réduire les émissions des gaz à
   fort pouvoir de réchauffement global (gaz perfluorés, hydrofluorocarbonés et hexafluorure de soufre). Ce
   partenariat volontaire a contribué à réduire les émissions de ces gaz sous leurs niveaux de 1990.

   5
       L’intensité en GES est le rapport des émissions de GES divisées par la production de richesses (PIB).

   10
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

III. LA MOBILISATION DES ACTEURS PRIVES

               À l’heure où les Etats-Unis n’ont pas encore adopté une politique fédérale contraignante pour les
               émissions de gaz à effet de serre, plusieurs acteurs privés se préparent à une limitation future des
               émissions. Un certain nombre d’initiatives privées visant à poser les bases des marchés américains de
               GES ont été lancées ces dernières années. Le Chicago Climate Exchange (CCX) et le Climate Registry
               sont des initiatives volontaires d’entreprises américaines en l’absence d’une politique fédérale
               contraignante. Le Climate Action Partnership américain (US CAP) est une initiative lancée par les
               entreprises et les ONG environnementales en faveur de la mise en œuvre d’une limitation fédérale
               contraignante des émissions de GES aux États-Unis.

A. Le Chicago Climate Exchange crée un marché carbone basé sur le volontariat
               Le Chicago Climate Exchange (CCX) a instauré en 2003 le premier marché d’échanges de permis
               d’émissions américain basé sur le volontariat. Il a été établi comme un « programme pilote » permettant
               aux émetteurs américains de se familiariser avec l’échange de quotas de GES avant la mise en place
               d’une politique fédérale de limitation des émissions. Les membres du CCX prennent des engagements
               volontaires de réduction d’émissions et paient une cotisation qui leur permet d’avoir accès à la plate-
               forme d’échange du CCX. Ils acceptent de plafonner leurs émissions en deux temps : en Phase I (2003-
               2006), la réduction de leurs émissions devait être d’au moins 1 % par an et atteindre une réduction totale
               de 4 % en dessous des niveaux de référence en 2006. La Phase II (2007-2010) oblige les émetteurs à
               réduire d’ici à 2010 leurs émissions de 6 % par rapport aux niveaux de référence.6

               Pour atteindre leurs objectifs, les membres du CCX peuvent échanger leurs quotas d’émissions entre
               eux. Ils peuvent également acheter des crédits compensatoires générés par certains projets qualifiés :
               réduction de méthane d’origine agricole, minière ou de décharge, gestion du carbone des sols agricoles
               ou des prairies, foresterie, énergies renouvelables et élimination des substances destructrices de l’ozone.
               En Phase I, la majorité des membres du CCX ont dépassé leurs objectifs de réduction des émissions. Les
               émissions du groupe ont baissé de 9 % en 2003, 12,1 % en 2004, 9,7 % en 2005 et 5,9 % en 2006 pour
               atteindre une réduction totale des émissions de 128 Mt de CO2e.

               En 2007, 23 Mt de CO2e ont été échangées sur la plate-forme du CCX. À l’heure actuelle, ce système
               d’échange compte plus de 400 membres avec un niveau de référence global en matière d’émissions égal
               à 365 Mt de CO2e, soit environ 5 % des émissions américaines. Néanmoins le CCX sera probablement
               préempté lorsqu’un système fédéral d’échanges de quotas sera mis en place. En outre, difficile de savoir
               combien de projets de compensation autorisés par le CCX respecteront les futures normes fédérales.

B. Le Climate Registry consigne les données d’émissions à l’échelon national
               Le Climate Registry (TCR) a été lancé en mars 2007 afin de standardiser la méthodologie de mesure et
               de vérification des émissions de GES. Il a été créé sur le constat d’un certain nombre de registres de CO2
               créés au niveau des Etats et des régions, notamment le California Climate Action Registry, qu’ils
               pouvaient utiliser leurs ressources et leurs connaissances de manière plus efficace en mettant en place
               un seul et unique registre standard pour l’ensemble des 50 Etats américains. L’objectif du TCR est
               d’harmoniser le reporting et de former une banque de données fiables sur les émissions de GES
               susceptible d’être utilisée pour de futurs programmes de réduction des GES. Il s’appuie sur l’outil baptisé
               « Emissions Tracking System » actuellement utilisé par l’Agence de protection de l’environnement
               américaine (Environmental Protection Agency - EPA) pour consigner les émissions de SO2, de NOx et de
                                                                            7
               CO2 produites par le secteur des services aux collectivités.

               6
                 Le niveau de référence de la Phase I du CCX est la moyenne des émissions annuelles de 1998 à 2001. Le niveau de
               référence de la Phase II est la moyenne des émissions annuelles de 1998 à 2001 ou les émissions de la seule année 2000.
               7
                 Comme l’exige la loi Fiscal Year 2008 Consolidated Appropriations Act qui sera votée en décembre 2008, l’EPA devra
               consolider un programme de reporting obligatoire d’ici juin 2009 compatible avec le Climate Registry.

                                                                                                                                   11
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

                L’adhésion au TCR s’effectue sur la base du volontariat. Les inscrits s’engagent à calculer leurs
                émissions selon un Protocole de Reporting Général standardisé, outil basé principalement sur les normes
                internationalement reconnues développées par le World Resources Institute et le World Business Council
                for Sustainable Development. De surcroît, les membres inscrits au TCR doivent faire vérifier leurs
                émissions par des organismes indépendants pour garantir leur exactitude et rendre compte de leurs
                émissions au registre via le Climate Registry Information System (CRIS) accessible au public sur Internet.

                Au 12 septembre 2008, 277 rapporteurs dans 41 Etats des Etats-Unis, 12 provinces et territoires
                canadiens et 6 États du Mexique participent au TCR. Le conseil d’administration du TCR se compose de
                représentants des pouvoirs publics de chaque Etat et de membres provinciaux. Le financement du TCR
                est assuré par les cotisations des membres rapporteurs ainsi que par des subventions des pouvoirs
                publics et des fondations caritatives.

C. United States Climate Action Partnership : l’appel à une contrainte obligatoire sur les GES
                En janvier 2007, l’United States Climate Action Partnership (USCAP) a été la première coalition de
                grandes entreprises américaines et d’ONG à demander la mise en œuvre de contraintes fédérales sur les
                émissions de GES. Ce groupe comprend 32 membres8, dont des entreprises de premier plan comme
                Shell, Chrysler et General Electric ainsi que des ONG environnementales telles que Pew Center on
                Global Climate Change, l’Environmental Defense Fund et le National Ressource Defense Council. Il fait
                pression sur le Congrès pour mettre en place un système de permis d’émissions de GES intégré et
                contraignant dont l’objectif serait de réduire les émissions de 60 à 80 % à l’horizon 2050 par rapport aux
                niveaux de 2007. La position de l’USCAP indique que les entreprises américaines et les ONG anticipent
                les contrôles de GES dans un proche avenir et qu’elles souhaitent faire partie intégrante du dialogue
                politique à l’heure où le Congrès élaborera une politique contraignante en matière de gaz à effet de serre.

IV. MUNICIPALITES, ETATS ET REGIONS FIXENT LEURS PROPRES OBJECTIFS EN MATIERE D’EMISSIONS

                Outre ces initiatives volontaires, plusieurs municipalités et États américains mettent actuellement en
                œuvre des politiques destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre sur leurs territoires. Ces
                politiques ont des ambitions sensiblement différentes, certaines ne proposant que des objectifs généraux
                sans mesures détaillées sur les moyens d’y parvenir ; mais les initiatives les plus novatrices d’Etats ou de
                villes ont pour objectif de modifier au plan régional l’utilisation de l’énergie, les réseaux de transport et la
                gestion des infrastructures. Certains Etats ont même transcrit dans la loi leurs objectifs de réduction des
                émissions en chargeant des agences d’Etat d’élaborer des plans de réduction d’émissions dans toute une
                série de secteurs économiques.

A. Les municipalités relèvent l’engagement Kyoto et lancent des initiatives climatiques locales
                Le 16 février 2005, jour de l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto pour les 141 nations signataires, le
                maire de Seattle (État du Washington), Greg Nickels, a lancé l’Accord des Maires américains pour la
                protection du climat (US Mayors’ Climate Protection Agreement). Cette initiative a pour but d’inciter au
                minimum 141 municipalités américaines à adopter l’objectif Kyoto des Etats-Unis, une réduction de 7 %
                des émissions de GES sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Au 1er octobre 2008, les maires de
                884 villes de 50 Etats, représentant plus de 25 % de la population des Etats-Unis, ont signé cet accord.
                Outre la volonté d’atteindre les objectifs de réduction des GES, les maires adhérents s’engagent
                également à faire pression sur l’exécutif de leur Etat et sur le gouvernement fédéral pour voter des lois
                rendant obligatoires la réduction des gaz à effet de serre.

                8
                    Au 24 septembre 2008.

                12
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

                 Il apparaît que peu de signataires de l’Accord atteindront l’objectif de Kyoto en 2012. Toutefois, cette
                 démarche a incité plusieurs municipalités à lancer des politiques de réduction des émissions de GES.
                 Ces initiatives concernent l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments et des flottes de
                 transports municipaux, le développement des réseaux de transport en commun et des énergies
                 renouvelables, de nouvelles normes d’efficacité pour les bâtiments commerciaux et résidentiels, des
                 incitations fiscales aux réductions d’émissions supplémentaires ainsi que la mise en place de plans de
                 développement urbain favorisant la marche plutôt que l’utilisation de véhicules.

                 Aux côtés des municipalités les plus innovantes comme Seattle (Washington) et Portland (Oregon), la
                 municipalité d’Austin (Texas) est un exemple de ville américaine ayant lancé un programme complet
                 destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelon local. Le plan de protection du climat
                 d’Austin (Austin Climate Protection Plan) a été lancé en février 2007 avec pour objectif la suppression des
                 émissions de dioxyde de carbone pour la plupart des activités municipales à l’horizon 2020. Ce plan en 5
                 volets vise (1) à approvisionner l’ensemble des installations municipales avec de l’énergie 100 %
                 renouvelable et de rendre la flotte de transport municipale neutre en carbone d’ici à 2020 ; (2) de réduire
                 sa consommation énergétique de 700 MWh grâce à des mesures d’économie et d’amélioration de la
                 performance énergétique et de couvrir 30 % de l’ensemble des besoins énergétiques d’Austin à partir
                 d’énergies renouvelables en 2020 ; (3) d’améliorer la performance énergétique de toutes les nouvelles
                 maisons individuelles de 60 % et d’accroître l’efficacité énergétique de tous les bâtiments commerciaux
                 neufs de 75 % d’ici à 2015 ; (4) de créer une équipe municipale d’action climatique afin de dresser
                 l’inventaire des émissions de GES à l’échelle de la municipalité et de recommander des mesures de
                 réduction des émissions dues à certaines activités, notamment au transport, à l’occupation des sols et à
                 la gestion des déchets ; et (5) d’aider les personnes et les entreprises à devenir « neutres en carbone »
                 en leur informant des moyens de suivi et de compensation de leurs émissions.

                 Austin travaille actuellement à l’inventaire de ses émissions pour fixer des objectifs concrets de réduction.
                 La municipalité collabore également avec d’autres villes et avec le Climate Registry pour normaliser la
                 méthodologie de contrôle et de reporting des émissions. Les informations relatives à l’empreinte actuelle
                 des émissions d’Austin ne sont pas encore disponibles. Toutefois, la municipalité transmet les émissions
                 annuelles de ses centrales thermiques au California Climate Action Registry. Ces émissions, de 5,5 Mt en
                      9
                 2006 , représentent environ 80 % des émissions municipales, que l’on estime à quelques 7 Mt par an.

                 Les changements apportés par l’Austin Climate Action Plan joueront peut-être un rôle important dans la
                 réduction de l’intensité des gaz à effet de serre de l’économie de la ville. Cela étant, la capacité de la ville
                 – et de ses homologues dans l’ensemble du pays – à réduire ses émissions en valeur absolue reste
                 incertaine. Avec la poursuite de l’expansion des villes américaines, dont Austin, la demande en énergie
                 devrait encore augmenter et avec elle les émissions de CO2.

B. La réponse des Etats par des lois de réduction des GES
                 Outre les initiatives proprement municipales, plusieurs Etats américains mettent en œuvre sur leur
                 territoire des politiques de réduction des émissions de GES et se préparent aux conséquences prévues
                 du changement climatique. 39 Etats ont publié ou sont en train de préparer des « plans d’action climat »
                 pour réduire leur contribution au changement climatique. 20 États ont annoncé des objectifs de réduction
                 des GES, 42 ont réalisé l’inventaire de leurs émissions de GES et 41 ont créé ou sont affiliés à des
                 registres d’émissions10. La Californie (voir plus bas) élabore actuellement un système d’échanges de
                 permis de GES couvrant l’ensemble de son économie et la Floride vient d’annoncer qu’elle allait
                 développer un programme comparable pour la production d’électricité. D’autres Etats lancent des
                 programmes de réduction de leurs émissions de GES. Ces plans intègrent des mesures d’amélioration
                 des performances énergétiques, d’économies d’énergie, de promotion des énergies renouvelables,
                 d’amélioration des transports, d’optimisation de l’occupation des sols et des plans de gestion des déchets
                 ainsi que des forêts et des terres agricoles.

                 9
                     Source : reporté par Austin Energy dans le California Climate Registry.
                 10
                      Cf. Annexe 3 : carte indiquant les Etats dans lesquels des initiatives climatiques ont été mises en œuvre.

                                                                                                                                   13
Etude Climat N° 15 – Du changement dans l’air : les bases du futur marché américain du carbone

                 L’Etat de Californie élabore actuellement l’un des plans d’adaptation et d’atténuation au changement
                 climatique les plus sophistiqués des Etats-Unis. Cet Etat constitue la huitième économie mondiale et le
                 15e plus gros émetteur de GES, avec un volume d’émissions annuel de 469 millions de Mt de CO2e en
                 moyenne entre 2002 et 200411. En septembre 2006, la Californie a promulgué la première loi aux Etats-
                 Unis destinée à contraindre à des réductions de GES. Le California Assembly Bill 32 (AB 32) exige de
                 l’Etat une réduction d’ici à 2020 de ses émissions de GES à leurs niveaux de 1990 ; il charge l’agence
                 California Air Resources Board (CARB) du développement du cadre réglementaire nécessaire.

                 L’AB 32 charge l’Etat d’adopter d’ici au 1er janvier 2009 un plan complet permettant d’atteindre le niveau
                 de réduction des émissions requis. En juin 2008, le CARB a publié un « Draft Scoping Plan » proposant
                 des mesures applicables aux principaux secteurs de l’économie californienne qui permettra à l’État
                 d’atteindre son objectif de réduction d’émissions. Les mesures réglementaires pour réduire d’ici à 2020
                 les émissions pour les porter aux niveaux de 1990 sont les suivantes : (1) étendre et renforcer les
                 programmes existants de performance énergétique ainsi que les normes applicables aux bâtiments et aux
                 appareils électriques ; (2) élever la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique à 33 % ;
                 (3) mettre en place des normes pour des voitures propres et un carburant à faible teneur en carbone et
                 (4) lancer un système de permis de GES couvrant des sources importantes d’émissions.

                 La Californie envisage de mettre en œuvre l’ensemble de ces mesures au plus tard en 2012. La structure
                 du marché d’échanges doit être validée par le CARB au 1er janvier 2011. Le programme le plus vaste
                 actuellement envisagé plafonnerait 85 % des émissions totales de GES produites en Californie à
                 365 Mt de CO2e en 2020, soit 147 Mt (29 %) en dessous des projections « au fil de l’eau » des émissions
                 pour cette même année. L’Etat élaborera la structure du marché d’échange de permis en coopération
                 avec les autres Etats membres de la Western Climate Initiative (WCI), programme régional d’échange de
                 carbone (voir plus bas). La Californie soutient les recommandations finales de la WCI, qui établiraient un
                 programme couvrant le secteur de l’électricité, les grandes sources fixes de combustion, la production et
                 la transformation des combustibles fossiles ainsi que les émissions provenant des processus industriels
                 et de la gestion des déchets (les émissions du secteur des transports devraient être ajoutées
                 ultérieurement).

                 Les discussions se poursuivront en 2009 et 2010 et incluront des débats publics en particulier sur la mise
                 aux enchères, la compensation, et l’allocation des revenus générés par le programme. L’importance du
                 programme d’échange californien pour le marché international du carbone dépendra des conditions
                 d’échange et de compensation qui seront déterminées dans les deux prochaines années. Comme
                 l'exigent les règles de la Western Climate Initiative, la Californie devra mettre aux enchères au moins
                 10 % des allocations en 2012 et 25 % en 2020 ; l’utilisation de crédits compensatoires ne pourra pas
                 représenter plus de 49 % des réductions d’émissions. Les législateurs californiens, avec leurs
                 homologues d'autres juridictions, soutiennent le passage à 100 % d’enchères dès que possible ; et ils
                 souhaitent commencer le marché d’échanges en mettant aux enchères bien plus que 10 % des quotas.

C. Les partenariats régionaux lanceront les premiers marchés américains obligatoires du carbone
                 Plusieurs Etats ont signé des accords régionaux dans lesquels ils acceptent d’être partenaires d’autres
                 Etats – tant au sein des Etats-Unis qu’au Canada et au Mexique – pour atteindre des objectifs communs
                 de réduction des GES. 23 Etats sont des participants à part entière et 9 autres Etats (plus le district de
                 Columbia) sont placés au rang d’observateurs de trois programmes : la Regional Greenhouse Gas
                 Initiative (RGGI) pour les Etats du Nord-est, la Western Climate Initiative (WCI) et le Midwest Regional
                 Greenhouse Gas Reduction Accord12. Bien que ces accords divergent de par leurs objectifs et leur champ
                 d’application, ils cherchent tous à réduire des émissions dans le cadre d’un système d’échanges de
                 permis.

                 11
                      California Air Resources Board, Draft AB 32 Scoping Plan Document, juin 2008, p. 6.
                 12
                      Cf. Annexe 5 pour une liste complète des membres participant à la RGGI, à la WCI et à l’Accord du Midwest.

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