Le fossé diminue: une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
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Le fossé diminue: une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre Avril 2016 Un document produit par l’équipe du Projet pour des trajectoires de décarbonisation profonde (Deep Decarbonization Pathways Project) Dave Sawyer, EnviroEconomics.org | dave@enviroeconomcis.ca Dr Chris Bataille, IDDRI & SFU | cbataill@gmail.com
Le fossé diminue Sommaire La signature et la ratification anticipée de l’accord de Paris ainsi que la conclusion de la première ronde de négociations entre le fédéral, les provinces et les territoires en vue de concevoir un plan national en matière de climat attendu pour 2016 fournissent l’occasion idéale de faire le point sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada. Il est notamment temps de se demander si les promesses du fédéral, des provinces et des territoires permettront au Canada d’atteindre ses objectifs de réduction des GES. On nous a demandé d’employer des outils de modélisation et d’analyse pour fournir les éléments de base d’une réflexion concernant l’évolution des émissions de GES au Canada, l’efficacité des politiques actuelles, et l’efficacité éventuelle des nombreuses annonces qui ont suivi la conférence de Paris1. Ce document présente la première phase de la modélisation. Nous y comparons l’évolution anticipée des émissions de GES au Canada par rapport aux ambitions avouées du pays. Dans une seconde phase, nous identifierons les champs où le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires pourraient travailler conjointement pour atteindre les ambitions de décarbonisation à long terme. Nous posons une question simple, mais une question lourde de sens quand on pense au manque de volonté politique dont le Canada a fait preuve au fil des ans : Quel serait le portrait des émissions du Canada si le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires respectaient leurs engagements? Nous avons fait preuve d’ouverture d’esprit dans notre interprétation des mesures annoncées, mais sommes restés réalistes dans notre manière d’évaluer leur potentiel. Nous indiquons les politiques qui donnent déjà de bons résultats, nous évaluons ce qu’on peut espérer des politiques émergentes et nous identifions certaines politiques annoncées mais dont l’application reste à prouver. Mises en commun dans un modèle macroéconomique, ces politiques donnent un aperçu de la progression du Canada vers l’atteinte de ses objectifs de réduction des GES pour 2020 et 2030. Nous estimons que le Canada dépassera de 76 mégatonnes (Mt) de CO2e son objectif de 2020, et de 91 Mt celui de 2030. Notre analyse se conclut par le constat que les politiques canadiennes actuelles de mitigation des GES peuvent réduire considérablement les émissions de GES et que, dans la foulée des mesures qui seront prises à la suite de la conférence des Nations unies sur le climat à Paris, ces réductions augmenteront avec le temps. Toutefois, il demeure des lacunes dans ce que ces politiques couvrent, et ces lacunes limitent la capacité du Canada de réduire ses émissions à 30 % en deçà du niveau de 2005 d’ici 2030. Il est donc souhaitable que le gouvernement fédéral et les provinces travaillent de concert pour mieux harmoniser leurs politiques. Avant tout, il importe de réduire les coûteuses distorsions causées par les incohérences entre les politiques climatiques canadiennes. Le pays pourra ensuite chercher des moyens de renforcer ses politiques afin de se positionner sur la voie de la décarbonisation rentable et à long terme. 1 Cette étude et ce modèle ont été réalisés par l’équipe canadienne du Projet pour des trajectoires de décarbonisation profonde (Deep Decarbonization Pathways Project), grâce aux fonds obtenus de Climate Action Network-Réseau action climat (CAN-Rac) Canada, Pembina, Équiterre, et Environmental Defence. Merci à Louise Comeau, Erin Flanagan et Dale Marshall pour leurs commentaires au fil des versions. Ce document est le troisième d’une série publiée par l’équipe canadienne du Projet pour des trajectoires de décarbonisation profonde. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 1
Le fossé diminue Sur quoi repose notre évaluation Nous avons utilisé un modèle économique2 pour simuler l’activité économique, l’offre et la demande en matière d’énergie et différents portraits d’émissions de GES jusqu’à 2030 en fonction de divers scénarios concernant les cours du pétrole3. Nous avons d’abord modélisé un cadre de référence, absent de toute politique climatique. Puis, nous avons intégré au modèle les politiques climatiques actuelles, les politiques émergentes et certaines politiques « spéculatives ». Voici un aperçu détaillé de chacun de ces scénarios : Le scénario « zéro politique climatique », dans lequel aucune mesure de réduction des GES n’est intégrée et où l’économie et les émissions sont libres de croître sans contrainte. Le scénario des « politiques actuelles », qui rend compte des politiques climatiques mises en place avant septembre 2015. Notre résultat se compare au scénario décrit dans le deuxième Rapport biennal d’Environnement Canada4. Le scénario des « politiques émergentes », qui tient compte des engagements fermes pris depuis le mois de septembre 2015. Le scénario des « politiques spéculatives et du prix plancher fédéral », intégrant des politiques plausibles qui ont été supportées publiquement dans des provinces et territoires, ainsi qu’un prix plancher fédéral sur le carbone qui atténue les incohérences entre les politiques des différentes administrations. Pour tous ces scénarios, nous avons évalué le progrès du Canada quant à sa Contribution prévue déterminée au niveau national (30 % en deçà du niveau de GES de 2005, en 2030) et nous évaluons du même coup si la cible de 2020 (fixée à Copenhague) sera atteinte. Enfin, nous donnons un aperçu du progrès que fait le Canada sur la voie de la décarbonisation profonde. Le fossé diminue Commençons avec le scénario zéro politique climatique, qui servira de référence pour évaluer le progrès actuel et potentiel du Canada en matière de réduction des GES. Ici, nous éliminons toute politique climatique mise en place depuis 2005. La croissance des émissions est entraînée par les prévisions concernant les cours du pétrole décrites dans le scénario de référence 2016 de l’Office 2 Nous avons d’abord utilisé le modèle macroéconomique RGEEM auquel nous avons intégré les données d’un modèle technoéconomique SCMI. Merci à Noel Melton pour son aide avec la modélisation SCMI. Les deux modèles présentent une répartition régionale et sectorielle et comportent des aspects techniques importants pour saisir les politiques sur l’énergie et les GES. Ils sont utilisés depuis longtemps au Canada pour élaborer des politiques climatiques et des prévisions à long terme. GEEM, un modèle d’équilibre général calculable de dynamique récursive, comprend également un modèle américain pour décrire les interactions entre le commerce et les politiques climatiques. Pour plus de détails, communiquer avec les auteurs. 3 Ces scénarios sont fondés sur le prix de référence du pétrole 2016 publié par l’Office national de l’énergie, de même que sur un prix fixe indexé de 40 $/baril jusqu’à 2030 (en dollars de 2016), soit environ la moitié du prix anticipé par l’ONÉ pour 2020. 4 http://unfccc.int/national_reports/biennial_reports_and_iar/submitted_biennial_reports/items/7550.php Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 2
Le fossé diminue national de l’énergie (ONÉ, 2016). Nous laissons la production pétrolière et gazière et la consommation d’énergie s’ajuster au prix du pétrole en l’absence de politique climatique. Sans politique sur le carbone, les émissions de GES du Canada croissent notablement. Selon notre scénario « zéro politique climatique », en l’absence de politiques importantes (comme la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique, le règlement de l’Alberta sur les émetteurs de gaz désignés, l’abandon des centrales au charbon en Ontario et, surtout, les normes canadiennes sur l’efficacité énergétique), les émissions canadiennes atteindront 959 Mt en 2030, soit environ 28 % de plus qu’en 2005. Il s’agit d’un dépassement de 245 Mt par rapport à l’objectif de 2020 et de 435 Mt par rapport à l’objectif de 2030. Dans la figure 1, la courbe du haut représente le scénario « zéro politique climatique ». 1200 Zéro politique climatique 1000 959 867 749 800 2020 : objectif de 622 Mt Mt CO2e 776 600 2030 : objectif de 524 Mt 400 200 0 2005 2010 2015 2020 2025 2030 Figure 1 : Prévisions des émissions de GES au Canada, dans le scénario « zéro politique climatique »5 Ajoutons à ce scénario de référence certaines politiques actuelles, comme la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique, le règlement de l’Alberta sur les émetteurs de gaz désignés, le projet de captage et stockage du carbone (CSC) de la centrale thermique de Boundary Dam en Saskatchewan, l’abandon progressif des centrales au charbon de l’Ontario, le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de GES du Québec et les normes en matière d’énergies renouvelables en Nouvelle-Écosse. Nous avons également évalué les règlements sur l’enfouissement sanitaire pour chaque province et 5 Nos prévisions concernant les émissions de GES seront plus élevées dans cette version du document. Suite à un exercice de révision par les pairs, nous avons resserré le calibrage des GES en fonction des données trouvées dans le rapport d’inventaire national publié par Environnement et Changement climatique Canada, en 2015. En revanche, nous n’avons pas parfaitement calibré le modèle en fonction des prévisions concernant les émissions de PFC et de HFC, qui devraient augmenter sensiblement jusqu’à 2030. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 3
Le fossé diminue territoire. En ce qui concerne les politiques fédérales, nous avons retenu notamment la règlementation sur les centrales thermiques au charbon et les normes sur l’efficacité des véhicules automobiles. Notre scénario des politiques actuelles arrive à peu près à la même prévision que le scénario le moins élevé décrit dans le deuxième Rapport biennal d’Environnement et Changement climatique Canada (Rb d’ECC). Cette similarité des résultats n’a rien d’étonnant puisque nous avons laissé la production de pétrole s’ajuster aux prix de référence du pétrole 2016 de l’ONÉ, qui entraînent une production moins élevée que ce que prévoyait l’ONÉ (2016) et qui a été retenu dans le Rapport biennal d’Environnement et Changement climatique Canada. Les politiques actuelles ont un effet considérable sur l’évolution des émissions de GES du Canada. Avec ces seules mesures, on constate une importante diminution des émissions par rapport au scénario « zéro politique climatique ». Les émissions du Canada passent de 817 Mt à 725 Mt en 2015, de 867 Mt à 757 Mt en 2020, et de 959 Mt à 778 Mt en 2030. Dans ce scénario, qui représente la situation actuelle des mesures de réduction des GES au Canada, les émissions devraient plus ou moins se stabiliser au niveau de 2005 en 2020, mais accuser un dépassement de 135 Mt par rapport à l’objectif de Copenhague. Quant à l’objectif de 2030, notre scénario des politiques actuelles le dépasse d’environ 254 Mt, soit 3 % supérieur à l’objectif de diminuer les émissions de 30 % par rapport au niveau de 2005. Nous n’avons pas intégré à ce scénario les données du premier Rapport biennal sur le changement climatique concernant les émissions provenant de l’affectation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (ATCATF), étant donné l’imprécision persistante au sujet des règles et statuts comptables6. La figure 2 présente le portrait des émissions de GES en fonction des politiques actuelles. 1000 959 Zéro politique climatique 900 815 Rb d'ECC, moyen 800 749 Scénario des politiques 778 actuelles Mt CO2e 765 700 Rb d'ECC, bas 725 Objectifs 600 622 500 524 400 2005 2010 2015 2020 2025 2030 6 Les données sur les émissions relatives au secteur ATCATF sont imprécises. D’après le premier Rapport biennal du Canada, cette valeur serait de 28 Mt en 2020. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 4
Le fossé diminue Figure 2 : Prévisions des émissions de GES, dans le scénario des « politiques actuelles » Ajoutons maintenant les politiques émergentes, qui comportent le plan de lutte contre les changements climatiques de l’Alberta, le projet de système de plafonnement et d’échange de l’Ontario et l’engagement de la Saskatchewan de faire passer sa capacité de production d’électricité à partir de sources renouvelables à 50 % de son offre totale. Nous avons aussi intégré au modèle l’annonce récente du fédéral d’une règlementation sur les émissions de méthane dans le secteur pétrolier et gazier. Ensemble, ces politiques émergentes réduisent l’écart à 83 Mt de dépassement par rapport à l’objectif de 2020 et à 110 Mt par rapport à l’objectif de 2030 (voir figure 3). L’annexe A présente le détail des politiques retenues pour la modélisation des différents scénarios. L’harmonisation sous le système de plafonnement et d’échange de l’Ontario et du Québec, qui font partie de la Western Climate Initiative (WCI), pourrait se faire ou non au sein du Canada, mais entraînera probablement une réduction des émissions mondiales de GES. Dans la figure 3, nous avons rompu l’harmonisation de l’Ontario et du Québec, qui est la différence entre la diminution des émissions des émetteurs règlementés au sein d’une administration et la conformité des options de flexibilité comme les compensations nationales ou l’importation d’allocations de la WCI, par rapport à leurs objectifs pour 2020 et 2030 grâce à leur système de plafonnement et d’échange. Précisons que le système de plafonnement et d’échange du Québec est compris dans le scénario des politiques actuelles présenté ci-dessus, en l’absence de l’harmonisation de ses objectifs. La différence entre le scénario des politiques émergentes et celui des politiques actuelles avec l’harmonisation correspond à la différence entre la réduction des émissions nationales des émetteurs règlementés par le prix du carbone correspondant et le respect des plafonds d’émission grâce à des mécanismes de flexibilité autorisés par le système de plafonnement et d’échange (ex. : les permis d’importation de la WCI, les compensations nationales ou d’autres politiques qui peuvent être financées directement au moyen du recyclage des recettes des ventes aux enchères). Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 5
Le fossé diminue 959 Zéro politique 1000 climatique 900 Politiques actuelles 800 749 778 Mt CO2e 700 709 Politiques émergentes 634 600 Politiques émergentes Dépassement de 83 Mt 622 avec harmonisation en 2020 Objectifs 500 524 Dépassement de 110 400 Mt en 2030 2005 2010 2015 2020 2025 2030 Figure 3 : Prévisions des émissions de GES, dans les scénarios des politiques actuelles et émergentes Ajoutons enfin le scénario des « politiques spéculatives et du prix plancher fédéral », afin de donner un aperçu de l’impact des politiques climatiques à venir. Ici, les annonces retenues comptent un système de plafonnement et d’échange au Manitoba et la tarification des émissions de carbone dans les provinces de l’Atlantique. Nous avons maintenu la règlementation fédérale sur l’efficacité des véhicules automobiles jusqu’en 2030, en fonction de leurs renforcements passés. L’éventuel prix plancher du fédéral pour les émissions de carbone est appliqué à tous les combustibles et est arrimé à l’évolution du prix des allocations de la WCI7. Ce prix plancher affecterait d’abord la Saskatchewan, mais également il entraînerait une hausse du prix du carbone en Alberta après 2027 (prix estimé en fonction de son plan de lutte aux changements climatiques), puisque, selon notre prévision, le prix de la WCI dépassera alors celui l’Alberta. On observe un cas similaire en Colombie-Britannique, où la taxe sera dépassée par le prix de la WCI en 2026, selon notre prévision. La figure 4 présente l’évolution anticipée du prix du carbone en dollars canadiens réels de 2015. Le taux fixe de la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique chute au taux de l’inflation tandis que le taux anticipé de l’Alberta augmente de 2 % (en dollars réels). 7 Nous croyons que ce prix plancher s’harmonisera avec l’autorité de fiscalité fédérale, comme c’est le cas de la taxe sur l’essence, mais nous entrevoyons aussi la création d’une autorité plus vaste, qui taxerait tous les combustibles de même que les émissions de procédés. Nous n’envisageons pas un système pancanadien de plafonnement et d’échange qui devancerait les politiques provinciales, quoiqu’un système national de compensation des émissions de carbone serait une manière de relier indirectement les différents paliers de gouvernement. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 6
Le fossé diminue L’harmonisation de toutes les provinces sur l’évolution du prix des allocations de la WCI, au moyen d’un prix plancher fédéral (ou par leur propre initiative) et grâce au maintien des normes sur l’efficacité des véhicules, pourrait entraîner une réduction additionnelle de 7 Mt en 2020 et de 19 Mt en 2030 (voir figure 5). 50 Prix par tonne de CO2e ($ CA réels de $45 WCI 45 40 35 $30 AB $38 30 2015) 25 $20 BC 20 $23 15 $19 10 5 0 2017 2019 2021 2023 2025 2027 2029 Figure 4 : Prévisions de l’évolution du prix du carbone Un prix plancher national sur les émissions de carbone aligné avec les politiques actuelles ne sera jamais qu’un prix plancher, avec pour but de fournir aux provinces une assise commune pour la décarbonisation rentable et à long terme. Un prix plancher fédéral a une efficacité discutable pour réduire les émissions de GES, ce qui n’est pas étonnant étant donné l’efficacité des politiques climatiques mises en place ou émergentes dans les provinces. Quoi qu’il en soit, afin d’assurer l’équité entre les régions, mais aussi de réduire les émissions de carbones et de stimuler l’innovation, il sera essentiel qu’une politique climatique à peu près harmonisée soit déployée dans l’ensemble du Canada. La figure 5 montre les réductions des émissions de GES en fonction des différents scénarios, ainsi que l’écart de 76 Mt par rapport à l’objectif de 2020 et l’écart de 91 Mt par rapport à l’objectif de 2030. Ces écarts subsistent même en assumant que les mesures promises seront effectivement appliquées, ce qui constitue un réel pari sur l’avenir! Le constat est sans appel : même si toutes les politiques émergentes et un nombre raisonnable de politiques spéculatives étaient mises en place à court terme, le Canada s’écarte significativement des objectifs de réduction qu’il s’est fixé pour 2020 et 2030. La figure 6 montre l’étendue des écarts qui subsistent en 2020 et 2030. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 7
Le fossé diminue 959 Zéro politique climatique 1000 900 Politiques actuelles 778 800 749 Politiques émergentes Mt CO2e 709 700 707 725 Politiques émergentes 634 600 avec harmonisation 622 Écart de 76 Mt en 2020 615 Politiques Objectifs 500 spéculatives et prix plancher fédéral 524 400 2005 2010 2015 2020 2025 2030 Écart de 91 Mt en 2030 Figure 5 : Évolution anticipée des émissions de GES en fonction de chacun des scénarios (Mt CO2e) Figure 6 : Le fossé diminue Politiques climatiques et fluctuations des cours pétroliers Dans cette section, nous évaluons les scénarios des politiques actuelles et émergentes avec un cours du pétrole fixe de 40 $/baril8, soit environ la moitié de la valeur anticipée pour 2020 par l’ONÉ que nous 8 Ce prix de 40 $/baril ne reflète pas seulement le cours actuel du pétrole, mais fait aussi consensus parmi les experts du monde entier consultés dans le cadre du Projet pour des trajectoires de décarbonisation profonde Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 8
Le fossé diminue avons utilisée plus tôt. Il s’agit d’un aperçu de la manière dont un faible prix du pétrole pourrait affecter la production, d’une part, et la croissance des émissions de GES dues à la consommation (ex. : la demande et les émissions dans le secteur des transports), d’autre part, dans un scénario où les politiques actuelles et émergentes sont appliquées. En général, au Canada, on considère qu’une hausse des cours du pétrole entraîne un accroissement des émissions de GES, majoritairement attribuable au secteur pétrolier et gazier, mais compensé en partie par des mesures de conservation et d’efficacité accrues dans le bâtiment, le transport et l’industrie. Mais, misant sur l’efficacité de certaines politiques climatiques – notamment le plan de lutte aux changements climatiques de l’Alberta –, nous avons remplacé le prix anticipé de l’ONÉ par un prix plus bas à long terme de 40 $/baril. Un cours du pétrole élevé pourrait ne plus être synonyme d’émissions accrues de GES. Si on se penche sur la production du secteur pétrolier et gazier en Alberta dans un scénario où le prix du pétrole demeure faible, à 40 $/baril, on constate que les émissions de GES diminuent à 10 Mt en 2020 et à 41 Mt en 2030 et vice versa. Pourtant, le total des émissions de l’Alberta change peu. Avec son plan de lutte aux changements climatiques, cette province s’attaquera aux émissions dues à la combustion et au méthane. Ainsi, la croissance des émissions de GES du secteur pétrolier et gazier anticipée par l’ONÉ est pratiquement éclipsée même si la production augmente. Notre analyse indique en effet que la croissance de la production pétrolière en 2030 sera 1,6 fois supérieure à la croissance des émissions. En plus des mesures pour contrôler les GES du secteur pétrolier et gazier, nous avons ajouté au modèle un prix pancanadien sur les émissions de carbone pour lutter contre les émissions associées au transport, aux bâtiments et à la production d’électricité. Cette mesure tempère les variations dans les émissions de GES dues aux fluctuations des cours du pétrole. Essentiellement, une telle mesure diminue les émissions de GES, quels que soient les cours du pétrole. En 2030, on n’observe pratiquement plus de différence entre les scénarios modélisés quant aux émissions de l’Alberta. Une sorte d’équilibre se crée dans lequel les fluctuations des cours du pétrole entraînent les émissions dues à la production et celles dues à la consommation en directions opposées qui se compensent l’une et l’autre. La figure 7 illustre cette dynamique. (www.deepdecarbonization.org), et montre comment une politique mondiale sur le carbone pourrait freiner la demande de pétrole et, donc, abaisser les prix à long terme. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 9
Le fossé diminue Émissions de GES du secteur pétrolier et gazier Total des émissions de GES de l’Alberta 0 50 100 150 200 Mt CO2e Prix du pétrole selon le scénario de référence de l’ONÉ Pétrole à faible coût (40 $/baril) Figure 7 : L’impact des fluctuations des cours du pétrole sur les émissions de GES de l’Alberta avec son plan de lutte aux changements climatiques, en 2030 Avec les cours du pétrole utilisés dans nos modèles, toute croissance de la production du secteur pétrolier et gazier se trouve plus que compensée par une contraction des émissions dues à la consommation et vice versa. Le bas prix du pétrole a pour effet direct d’accroître les efforts du Canada pour atteindre ses cibles de réduction de 2020 et 2030, qui sont de l’ordre de 42 Mt et 43 Mt, respectivement. De plus, le faible coût du pétrole augmente l’obligation de se conformer aux programmes de plafonnement et d’échange de la WCI. Tandis que les émissions dues à la consommation augmentent, les objectifs de l’Ontario et du Québec restent inchangés. On peut considérer que les fluctuations des cours du pétrole font de l’atteinte des objectifs une arme à double tranchant, mais grâce aux politiques existantes ou sur le point d’être mises en place, le risque d’augmentation éventuelle des émissions de GES repose désormais principalement sur les véhicules, les bâtiments et moins sur les industries. 2030 91 11 32 2020 76 26 16 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Écart anticipé Écart additionnel avec un faible coût du pétrole (40 $/baril) Écart additionnel en raison de l’harmonisation avec la WCI et un faible coût du pétrole (40 $/baril) Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 10
Le fossé diminue Figure 8 : L’impact qu’aurait un faible coût du pétrole (40 $/baril) sur les cibles de réduction des émissions de GES du Canada (Mt) Les fluctuations des cours du pétrole révèlent les lacunes des politiques climatiques de certaines administrations. Ce genre de détente due aux interactions entre les émissions (consommation et production) et les fluctuations des cours du pétrole dans le cadre de la politique albertaine ne s’observe pas dans les autres provinces et territoires. Dans les scénarios des politiques actuelles et émergentes, les politiques interagissent avec les fluctuations des cours du pétrole de manières bien différentes. Dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et les régions de l’Atlantique, où aucune mesure ne limite les émissions dues à la consommation, on constate qu’un faible prix du pétrole entraîne une augmentation notable des émissions. Les provinces de l’Atlantique forment un cas de figure : la modélisation montre d’importantes hausses des émissions dans les scénarios sur les prix de l’énergie où il n’y a pas de mesure pour compenser les GES. En Ontario et au Québec, où les plafonds sur les émissions sont stricts, les éventuelles hausses des émissions liées à la consommation dues au faible coût du pétrole sont contenues par le système de plafonnement et d’échange. Seule augmente l’obligation de se conformer (ex. : en achetant plus de permis d’échanges). En termes de quantités absolues, les programmes de plafonnement et d’échange sont en mesure de contrôler les fluctuations des émissions de GES dues à la volatilité des cours du pétrole9. Le cas de la Colombie-Britannique est particulier. Dans cette province, la croissance des émissions associées à la production de gaz naturel liquéfié (GNL) et la croissance de la population font augmenter les émissions de GES par rapport au niveau de 2005, quels que soient les cours du pétrole. Toutefois, le prix du carbone, qui chute en deçà de 30 $ en valeur réelle, est trop bas pour contenir la croissance des émissions. L’une des sources d’émissions les plus importantes dans la production de GNL à partir de gaz de schiste est le CO2 rejeté avec le gaz brut (le gaz de formation). Cette source n’est pas couverte par la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique (ce serait le cas si la province avait joint la WCI). Mais, même si c’était le cas, le prix aurait été juste insuffisant pour couvrir les coûts de la CSC, soit d’environ 40 $/baril la tonne de CO2e (d’après les pratiques en cours dans plusieurs installations en Norvège). Le modèle montre également que les émissions de méthane dues au fractionnement pour accéder au gaz de schiste pourraient être plus élevées que prévu. Un contrôle rigoureux sera nécessaire pour assurer l’efficacité de la réglementation fédérale sur le méthane. La figure 9 donne un aperçu de l’effet du prix du pétrole sur les émissions dans chaque province. Les variations d’émissions de GES en 2030 par rapport à celles de 2005 sont données en mégatonnes de GES et en tonnes de GES par habitant, et sont présentées pour les scénarios des « politiques actuelles et émergentes » et celui des « politiques spéculatives avec prix plancher fédéral ». 9 Nous considérons que les importations de la WCI correspondent à des réductions de GES réelles et vérifiées et qu’elles sont comptabilisées à l’inventaire national du Canada (au moyen d’un mécanisme qui reste à définir). Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 11
Le fossé diminue Politiques actuelles et émergentes Politiques spéculatives et prix plancher fédéral (variation en tonnes) (variation en tonnes) Politiques actuelles et émergentes Politiques spéculatives et prix plancher fédéral (variation en tonnes par habitant) (variation en tonnes par habitant) 10 Figure 9 : Variations des émissions de GES (avec l’harmonisation de la WCI) dans les scénarios des politiques « alternative » et « sur les cours du pétrole » (Variations des GES en 2030 p/r à 2005) 10 2030 population forecast from Statistic Canada CANSIM Table 052-0005, Projection Scenario M5 Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 12
Le fossé diminue La production d’électricité au Canada : sur la voie de la décarbonisation profonde? Le secteur canadien de l’électricité pourrait être sur la voie de la décarbonisation profonde, conformément avec une cible de 2 °C à l’horizon 2050. À mesure que nous rassemblions les nombreuses données sur les politiques climatiques des différentes administrations pour notre étude, nous devinions que l’électricité compterait pour une part importante dans la décarbonisation du pays. En travaillant au Projet pour des trajectoires de décarbonisation profonde, nous avons remarqué que la voie vers la production d’électricité décarbonée est une priorité comportant peu de risque puisque les politiques actuelles ici et à l’étranger stimulent l’innovation, déploient un éventail de technologies de plus en plus rentables et entraînent une diminution des émissions de GES. L’innovation découlant de ces politiques et « l’apprentissage par l’action » rendent la décarbonisation de l’électricité plus facile et moins coûteuse, mais rendent aussi possible l’électrification de diverses technologies consommatrices d’énergie, notamment les véhicules. En répertoriant les politiques canadiennes régulant la production d’électricité, nous avons constaté que le Canada détient une vaste gamme de mesures efficaces pour accélérer l’abandon progressif des centrales thermiques au charbon et pour favoriser l’intégration des énergies renouvelables. Les politiques actuelles en Ontario (abandon des centrales au charbon) et en Nouvelle-Écosse (plafonnement et normes favorisant les énergies renouvelables) ainsi que les politiques émergentes en Alberta (abandon des centrales au charbon et introduction d’énergies renouvelables) et en Saskatchewan (capture et entreposage du carbone, et capacité de production d’électricité à partir de sources renouvelables augmentée à 50 % de son offre totale) sont autant de mesures qui accélèrent la décarbonisation profonde du secteur canadien de l’électricité. En outre, ces politiques provinciales sont dotées d’un filet de sécurité : un règlement fédéral qui s’appliquera à un nombre croissant de centrales thermiques, à mesure qu’elles arriveront en fin de vie utile après 2025. Compte tenu du nombre de politiques canadiennes limitant les émissions de GES associées à la production d’électricité, il semblait évident que nos modèles révèleraient des progrès significatifs accomplis sur la voie de la décarbonisation de l’électricité. Nous utilisons des modèles intégrés parce qu’ils peuvent déceler des interactions qui ne sont pas évidentes au premier coup d’œil. Nous étions étonnés de constater, au terme de la modélisation des politiques sur l’électricité, à quel point les politiques actuelles et émergentes font progresser le pays vers la décarbonisation. Le modèle indique en effet que le Canada « pourrait » être sur la voie d’une décarbonisation très profonde en ce qui concerne la production d’électricité11. La figure 10 illustre cette dynamique pour les émissions de GES dues à la production d’électricité en Saskatchewan jusqu’en 2050. En combinaison avec les politiques actuelles, le projet de capture et entreposage de carbone de la centrale thermique de Boundary Dam réduit les émissions d’environ 1 Mt. Puis, quand on ajoute les politiques émergentes, dont l’intention de la Saskatchewan d’augmenter à 11 Le Projet pour des trajectoires de décarbonisation profonde considère la production d’électricité décarbonée comme une avenue souple. Cette piste de décarbonisation exige à la fois de décarboniser la production de l’électricité et de détourner des énergies fossiles les technologies consommatrices en les faisant fonctionner à l’électricité. Dans cette section, nous nous penchons uniquement sur la première étape : la décarbonisation de l’électricité. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 13
Le fossé diminue 50 % de son offre totale sa production d’électricité à partir de sources renouvelables d’ici 2030 (soit une augmentation de 28 % par rapport au scénario « zéro politique climatique » qui prévoyait une capacité de production d’électricité à partir de sources renouvelables de 39 % de la capacité totale en 2030), les émissions de GES diminuent rapidement12. Ensuite, après 2025, quand les dernières centrales au charbon atteignent la fin de leur vie utile, la règlementation fédérale diminue encore plus les émissions de GES. Les deux portraits de réductions d’émissions apparaissant à la figure 10 sont similaires. Ils ont été réalisés indépendamment, à l’aide de deux modèles, mais à partir d’ensembles de politiques comparables. Le plan de lutte aux changements climatiques en Alberta crée une dynamique semblable, mais l’abandon des centrales au charbon y sera plus rapide d’ici 2030 (voir figure 11). Il reste des centrales thermiques en activité passé 2030 dans notre modèle, mais leurs émissions sont considérablement réduites grâce à la capture et l’entreposage du carbone qui gagne des parts de marché en fonction des coûts relatifs des technologies de production d’énergie. Si les mesures de CSC s’avéraient économiquement ou techniquement irréalisables, le charbon serait remplacé par des énergies renouvelables. Si les politiques actuelles sont maintenues et si les politiques émergentes sont effectivement mises en place, le secteur canadien de l’électricité pourrait atteindre une réduction de 80 % de ses GES d’ici 2050. La figure 12 montre le portrait des différents secteurs d’activité du pays. On y compare les réductions des émissions en 2050 en fonction des politiques actuelles et émergentes par rapport à l’année de référence 2005. Ensemble, les politiques actuelles et émergentes positionnent le secteur canadien de l’électricité sur la bonne voie pour respecter le seuil des 2 °C, qui requiert de réduire les émissions de GES de 80 à 90 % par rapport au niveau actuel d’ici le milieu du siècle (figure 12). Cette décarbonisation profonde du secteur canadien de l’électricité n’aura lieu que si les gouvernements mettent en place les mesures annoncées. On constate néanmoins un changement considérable en ce qui concerne les politiques climatiques au Canada : nos gouvernements font des promesses appuyées par des mesures concrètes, ils ne se contentent plus d’annoncer des objectifs de décarbonisation sans s’engager dans l’action. 12 Nous avons évalué la capacité de production électrique en fonction des paramètres caractéristiques du type de centrale à l’aide du modèle SCMI. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 14
Le fossé diminue 20 Scénario « zéro politique climatique » 18 16 14 Avec les politiques fédérales actuelles en SK Mt CO2e 12 Projet de capture et entreposage 10 de carbone de Boundary Dam 8 Production d’électricité renouvelable 6 à 50 % de l’offre totale 4 Avec l’abandon des centrales au charbon 2 0 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 Figure 10 : Impacts des politiques actuelles et émergentes en matière de production d’électricité sur les émissions de GES de la Saskatchewan % de réduction par rapport 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 0 1 au niveau de 2005 Sources d’énergie -0.2 0.8 -0.4 0.6 -0.6 0.4 -0.8 0.2 -1 0 % de centrales au gaz naturel % de centrales au charbon % de centrales aux énergies renouvelables GES d’après le modèle technoéconomique SCMI GES d’après le modèle ECG RGEEM Figure 11 : Impacts des politiques actuelles et émergentes relatives à la production d’électricité en Alberta Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 15
Le fossé diminue Transport de Transport de Industrie Production Habitations Commerces personnes marchandises lourde d’électricité 0% -10% -13% -11% -20% -30% -24% -22% -40% -50% -42% -60% -70% -80% -78% -90% Figure 12 : Impacts des politiques actuelles et émergentes sur les émissions de GES du Canada par secteur d’activité (situation en 2050 par rapport au niveau de 2005) Aller de l’avant Le Canada a la chance que son taux de croissance augmente d’environ 2 % par année, en fonction de la situation économique mondiale. Malheureusement, cette croissance entraîne nos émissions de GES à la hausse. La rèlementation sur les véhicules, l’abandon des centrales au charbon en Ontario, la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique, le règlement de l’Alberta sur les émetteurs de gaz désignés et la panoplie de règlements provinciaux sur la production d’électricité ont le potentiel de réduire nettement les émissions par rapport à ce qu’elles auraient pu être. Et les nombreuses politiques annoncées dans la foulée de la conférence de Paris pourront éventuellement réduire encore plus les émissions. Voilà une bonne nouvelle! La mauvaise nouvelle, c’est que même avec un prix anticipé de 15 à 30 $ la tonne de CO2e, la croissance des émissions est difficile à juguler et elle continuera de l’être, étant donné les lacunes des politiques climatiques. Nous estimons que les émissions de GES dépasseront de 76 Mt l’objectif de Copenhague de 2020. Le dépassement prévu par rapport à l’objectif de la Contribution prévue déterminée du Canada est de 91 Mt, ce qui se traduit par un retard de 10 ans : nous atteindrons la cible de 2020 en 2030. Combler cet écart est d’autant plus difficile qu’il existe de couteuses incohérences entre les diverses politiques climatiques au pays. Étant donné les importants progrès réalisés pour contenir la croissance des émissions de GES – bien qu’il reste encore beaucoup à faire – quelle est la voie à suivre? Nous croyons qu’il serait raisonnable de suivre les cinq principes suivants : Premier principe : Tous les secteurs d’activité qui émettent des GES au Canada doivent être soumis à une politique climatique. Certains secteurs se prêtent bien à la règlementation directe (ex. : les rejets fugitifs de méthane dans le secteur pétrolier et gazier ou l’efficacité énergétique des bâtiments); Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 16
Le fossé diminue d’autres secteurs se prêtent mieux à la règlementation fondée sur le rendement (ex. : nouvelles flottes de véhicules); et d’autres encore se prêtent mieux à la tarification du carbone (ex. : achats d’articles industriels ou ménagers; pratiques d’exploitation). Une manière prudente d’aller de l’avant consisterait à dépouiller les inventaires de GES des provinces pour y identifier les lacunes (ex. : la Colombie- Britannique n’a pas de politique sur les procédés industriels et les émissions de gaz naturel; la Saskatchewan, le Manitoba et les provinces de l’Atlantique n’ont pas de système de tarification du carbone) et élaborer des politiques qui incitent des améliorations rentables. Deuxième principe : La règlementation sur les énergies et les émissions des véhicules et des bâtiments doit être constamment resserrée, de façon à contrôler les émissions et à stimuler l’innovation chez les fabricants. Ces mesures ont donné de bons résultats dans le passé. Elles sont plus acceptables politiquement parce qu’elles dissimulent les coûts réels du carbone et peuvent représenter des économies nettes à long terme pour les consommateurs et les entreprises. Troisième principe : Toutes les régions ont besoin d’un prix de base pour le carbone et ce prix doit augmenter de manière prévisible à partir des niveaux actuels de 15 $ la tonne jusqu’à au moins 30 $ la tonne, de façon à couvrir les coûts des émissions ordinaires (ex : les émissions provenant des industries, du transport, du chauffage). Un tel prix aura trois fonctions : diminuer les émissions dues à la consommation dans les scénarios où les cours de l’énergie sont très bas ou très hauts; stimuler les nouveaux investissements dans les technologies visant l’efficacité énergétique ou le remplacement des sources d’énergie; et, peut-être surtout, attribuer une valeur aux activités de R&D menées par les entreprises. La tarification du carbone tempère également les effets des fluctuations des cours de l’énergie. Les fluctuations des cours du pétrole que nous avons analysées révélaient d’importantes lacunes dans les politiques de certaines administrations. Un système de tarification du carbone couvrant presque toutes les formes d’émissions pourrait combler ces lacunes. En l’absence d’une tarification du carbone à l’échelle nationale, les émissions dues à la consommation croîtront en flèche dans les administrations concernées si les cours du pétrole restent bas. Quatrième principe : Toutes les régions doivent poursuivre leurs efforts pour décarboniser la production d’électricité. L‘électricité doit devenir l’énergie de premier choix pour tout ce qui n’est pas mobile et, si le coût des batteries le permet, pour le transport de personnes et le fret léger. Le succès dont font preuve les provinces en cette matière est remarquable et il faut poursuivre ce bon travail. Notre analyse suggère que le secteur canadien de l’électricité pourrait être sur la voie de la décarbonisation profonde qui respecterait le seuil des 2° C, soit une réduction de 80 % des émissions de GES par rapport à aujourd’hui. Cinquième principe : Il faut stimuler l’innovation pour abaisser les coûts associés à la réduction des émissions, particulièrement en ce qui concerne les combustibles liquides et les industries. L’innovation est très peu stimulée dans l’industrie, ici comme à l’étranger, malgré que les émissions industrielles comptent pour une large part des émissions nationales. Les politiques existantes et émergentes nous permettront de parcourir les trois quarts du chemin pour atteindre notre objectif de 2030 et les données scientifiques indiquent que les cibles futures devront être encore plus rigoureuses. Il sera nécessaire de consolider les efforts dès que les conditions politiques le permettront. Ces conditions politiques incluent la disponibilité des technologies appropriées, le déploiement d’efforts équivalents chez nos partenaires commerciaux et l’appui du public. Il faudra également créer une politique fédérale pour rappeler à l’ordre les retardataires, afin de consolider le Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 17
Le fossé diminue consensus national et susciter le sentiment d’équité. Le Canada devra peut-être se doter d’une autorité nationale de décarbonisation qui élaborera des directives en ce qui concerne les émissions de GES pour chacun des secteurs, qui suivra les progrès réalisés et qui identifiera les ratés. La présente analyse pourra éventuellement servir de référence pour fixer les normes minimales et pour définir clairement les conditions entourant les obligations fédérales. Enfin, chaque administration doit se munir d’un ensemble de politiques exhaustives élaborées en fonction de sa réalité propre. Ces politiques couvriront tous les secteurs d’activité, appliqueront un tarif au carbone, stimuleront l’innovation et conduiront les industries vers une économie sobre en carbone. Un tel ensemble de politiques peut être conçu de manière à répondre aux besoins particuliers d’une administration en même temps qu’il mène vers l’atteinte des objectifs nationaux de réduction des émissions de GES. Comme on pouvait le lire dans la Déclaration de Vancouver à l’issue de la Réunion des premiers ministres du mois de mars 2016, le Canada a cessé de remettre en question la nécessité de réduire ses émissions. Au cours de cette réunion, le débat a porté sur la compétence en matière de politiques climatiques, l’échéancier, les politiques nécessaires, et la manière de combler les lacunes. Quand ces lacunes seront comblées, le Canada pourra aller de l’avant et chercher à renforcer ses politiques climatiques tout en se positionnant sur la voie de la décarbonisation rentable à long terme. La deuxième phase de ce projet explorera différentes avenues que le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires pourraient emprunter pour atteindre les objectifs de réduction des GES et les ambitions de décarbonisation à long terme. Une évaluation des politiques canadiennes pour réduire les émissions de GES Page | 18
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