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Ensemble Mensuel Protestant du Sud-Ouest Quand le management fait des vagues Spiritualité Babel, le tour de la différence Débattre Synode national Région Luther à Bordeaux en octobre N° 321 mai 2017. 5 €
Éditorial Réalité spirituelle lequel nous vivons ! Ainsi, nous pourrons oppo- contenir… sans la modifier, l’altérer. ser à la réalité virtuelle que nous propose notre La seule réalité de ces casques, comme société dans bien des domaines une réalité spi- l’affirment d’ailleurs les médecins, ce rituelle. sont les dégâts irréversibles qu’ils cau- Christophe Jacon. seront sur les yeux des utilisateurs. Réalité Cette nouveauté m’a fait penser à d’autres expressions employant le mot « réalité ». Dietrich Bonhoeffer, par exemple, distinguait les « réalités U ne des grandes nouveautés dernières » des « réalités avant-der- de cette année, qui carton- nières ». Le théologien distingue ainsi, nera à n’en pas douter au sans les opposer, les réalités du monde pied du sapin de Noël, c’est le cas- et celles de la foi. Il ne dévalorise pas que de « réalité virtuelle ». Étrange les premières au profit des secondes. expression, tout de même ! À vrai Il ne préconise ni le repli dans le quant dire, il me semble bien qu’elle re- à soi ecclésial (réalités dernières) ni lève de l’oxymore. Vous savez, la course frénétique dans une éthi- cette figure de style qui consiste à que mondaine et humaniste (réalités accoler deux mots irréconciliables avant-dernières). Il met les deux réali- comme le jour du « soleil-noir ». tés en tension. Les réalités dernières, Car, après tout, si c’est virtuel, l’Évangile de la grâce, servant de guide cela ne peut être « réel » et si c’est pour les réalités avant-dernières. C’est une réalité, le virtuel ne saurait la à l’aune de celui-ci que nous devons évaluer les progrès technologiques, les avancées de la médecine, les évo- lutions sociétales et même… les pro- grammes politiques du monde dans Ensemble Mensuel Protestant du Sud-ouest Contacts : Mensuel protestant du Sud-Ouest, édité par l’association Journal Ensemble, 16 rue du Maréchal Brune, 19100 Brive la Gaillarde «La voix protestante» Presse protestante régionale. tél : 09.72.54.89.66. ensemble.marion@orange.fr Dépôt légal : à parution. CPPAP : 1218 G 82779 Abonnements voir page 4 Directeur de la publication : Jacques Faisandier Publicité : Tarifs sur demande. Annonces : 3,5 € la ligne de 38 à 40 Rédaction : signes. Demandes d’emploi : gratuit. CCP : 2692-66 X Toulouse Christophe Jacon (Informateur régional – Rédacteur en chef) tél : 06 09 81 72 40. christophe.jacon@sfr.fr Secrétaire de la rédaction : Marion Besse-Gauthier Philippe Biyong, Didier Fiévet, Nadia Savin, Daniel Schoenenber- Maquette : Graph-Aire, 04 66 81 53 74 (www. graph-aire.eu) ger, Bernard Tournier. Imprimé par Pure Impression 451, rue de la Mourre, Zac Fréjorgues Est, 34130 Mauguio Labels Imprim’vert, Print environnement 2 N° 321 mai 2017
Ensemble N° 321 mai 2017 Sommaire 5 Spiritualité Protes’Temps : Alfred de Luze Méditation : Avril, le printemps de la Vie Une nuée de réformateurs : Menno Simons 13 Dossier Un management centré sur l’humain 21 Débattre avec le monde La Bible à l’honneur, Les grains de sable de Trump, L’Anim’Tour de la Ligue pour la Lecture de la Bible 31 Parcourir la Région Région, Bloc Notes, C’était bien ! 3 N° 321 mai 2017
w Billet Alors et toi ça va, oui ben ça va, et toi ça va ? O ui, moi, ça va et toi ? – Ben, ça va et toi ? – Oui ça va, et toi ça va ? – Oui, ça va et toi ? – Ben, ça va et toi ? – Ça va, et à part ça ? – Ben, ça va... Sans doute reconnaîtrez-vous cet extrait d’un sketch de Coluche. Bien entendu, vous connaissez sans doute l’origine de cette question (« Ça va ? » Est une forme contractée de « Comment vas-tu ? » ou « Comment allez-vous ? »), et cela ne vous étonnera pas qu’en d’un regard compassionnel ou de anglais, on demande « How do you do ? » (Littérale- mots rassurants. Jusqu’au jour où d’une autre manière que je pose ment : « Comment fais-tu ? »). Expression née à une un ami auquel je posais tout aussi désormais la question, du familier époque où, par ce raccourci, on se préoccupait de la machinalement la question m’a « Ça va ? » au plus conventionnel santé d’autrui en les questionnant quant aux résultats répondu d’une telle manière que « Comment allez-vous ? ». Certes, d’une station sur un trône qui n’était pas… royal. j’ai compris qu’il avait de réels pro- il ne faut pas croire que je ne sois Je le reconnais bien volontiers, il m’arrive d’être par- blèmes de santé et qu’il n’atten- pas désemparé quand j’apprends fois dans cette situation de poser cette question sans dait pas de moi que je le plaigne. une mauvaise nouvelle dans la ré- me soucier vraiment de la santé de la personne à la- Et, très spontanément, je lui ai ponse, ou que je ne m’en veuille quelle je m’adresse, ou m’attendant à une réponse proposé de prier pour lui, tout en pas d’avoir posé la question d’une positive du genre : « Très bien, merci ! Et toi ? ». On sachant qu’il se disait agnostique. manière inopportune. Mais je ne craint souvent une réponse négative, parce qu’on J’ai eu dans son « merci » l’impres- peux poser la question d’une fa- sait que vont être développés de longs bulletins de sion que c’était important pour çon banale. santé que l’on ne sait commenter, se contentant lui, bien plus que de paroles de Et toi, ça va ? compassion ou de réconfort sté- Parmenas. Crédit Photos réotypées. Fort de tout cela, c’est p. 1 : Alexandre Bouvet p. 14 : Wikimedia.org p. 25 : © Philippe Biyong p. 40 : © François Vouga p. 2 : © Flickr.fr p. 15 : Wikimedia.org p. 26 : © Éditeurs respectifs p. 41 : Patrice Le Bris p. 4 : Publicdomainpictures p. 16 : © Jaysin Trevino p. 27 : © White House. com p. 41 : JILV p. 5 : © Maxhresdefault p. 17 : © Olivétan p. 28 : © Éditeurs respectifs p. 42 : Alain Labant, p. 6-7 : Éric de Bonnechose p. 18 : Fondation John Bost p. 30 : Françoise Burgelin Jacques Faisandier p. 8 : MLGges p. 19 : Bruce Dennis p. 31 : Wikimedia.org p. 43 : Christophe Jacon p. 9 : © MGM p. 20 : Anne Heimerdinger p. 33 : Bordeaux FPF . Christophe Desplanques p. 10 : Wikimedia.org p. 21 : commons.wikipedia.org p. 36 : N. Boutié, N. Libermann p. 64 : Edenpics p. 11 : Benjamin Lagard p. 22-23 : EKIR, LLB, D. Rolinet p. 37 : Fondation John Bost p. 12 : Jacob Burghart Françoise Labarrière p. 38 : MF Carpentier, p. 13 : Lucile p. 24 : ScrollBible éditions DR Marlene Constantin Bulletin d’Abonnement • Je m'abonne pour un an à Ensemble Ensemble Mensuel de l’Église Protestante Unie de France normal 40 € étranger 50 € • Mon numéro d’abonnement (le cas échéant) Pasteurs, étudiants, économiquement soutien 55 € faibles et abonnement découverte 10 Nos 23 € • Mes coordonnées : Mme Mlle M. Nom............................. Prénom :........................................ • Je parraine un nouvel abonné, parrain 35 € + filleul 23 € = 58 € Adresse .............................................................................. Uniquement par chèque à l'ordre de «La Voix Protestante Ensemble» Code postal......... Ville : ......................... Tél :...................... ENSEMBLE, 16 rue du Maréchal Brune, 19100 Brive la Gaillarde • Je parraine : Mme Mlle M. tél : 09.72.54.89.66. ensemble.marion@orange.fr Nom............................. Prénom :........................................ Pour nos abonnés, merci d’utiliser de préférence le bulletin Adresse .............................................................................. pré-rempli reçu par courrier. Code postal......... Ville : ......................... Tél :...................... 4 • Date...../....../2017 Signature N° 321 mai 2017
w Spiritualité 6 Protes’Temps-Histoire Alfred de Luze 8 Méditation Avril, printemps de la vie 9 Ciné Miroir La dernière marche 10 Enfants de la Bible Babel 12 Un mot une vie Menno Simmons La prière, source de grâce et de force 5 N° 321 mai 2017
Protes’Temps - Histoire Alfred de Luze : un Suisse protestant des Suissesses apparentées : Marie immigré à Bordeaux de Mandrot, Cécile de Fay-Solignac et Cécile Borel, toutes fortunées et au XIXe siècle. protestantes. Il est donc frappant de constater que ce notable bor- delais n’a uni aucun de ses fils avec Alfred de Luze (1797-1880) arrive à Bor- une Bordelaise ce qui nous rappelle deaux en 1820 pour faire fortune. Cette que l’intégration n’était pas alors facile pour les immigrés. ville ne lui est pas inconnue, car son grand-oncle Jean-Jacques de Bethmann y Protestant a fait fortune au XVIIIe siècle avant d’être Alfred de Luze, descendant de Ja- ruiné par la révolte des esclaves de Saint comme commis à Paris (banque ques Deluze réfugié à Neuchâtel en Domingue. Alfred de Luze a pour mis- Opérant), au Havre (maison Man- 1685, est un protestant convaincu deront), en Allemagne à Francfort et fidèle. Il voit avec bonheur la sion de redresser la maison Bethmann et Berlin, puis en leur faisant pros- communauté protestante de Bor- qui périclite, mais il ne s’entend pas avec pecter les marchés russe, japonais deaux se réveiller, acquérir « pignon son cousin Édouard de Bethmann, peu et américain. Mais tous les fils sur rue » et participer à toutes les ardent au travail. Il fonde donc en 1826 n’avaient pas la fibre commerciale activités de la cité. Ainsi en 1827, un la maison de Luze et Dumas grâce à des et, en particulier l’aîné, William, cimetière est ouvert rue Judaïque, qui décide de quitter Bordeaux mettant fin aux inhumations clan- prêts de capitaux de sa famille mater- destines dans des terrains privés, pour retourner en Suisse chez nelle, les grands banquiers Bethmann sa famille paternelle à Chigny. Il des chais ou des caves. En 1835, l’im- de Francfort, et paternelle, les de Luze s’y marie en 1857 avec Élise de mense temple des Chartrons, œu- fabricants d’indiennes à Neuchâtel, et Venoge et fait souche sur place. vre de Corcelles, est inauguré rue avec le concours d’Émile Dumas formé à Alfred de Luze prend sa belle- fille en affection et échange Alfred de Luze est un pro- la banque Bethmann. avec elle un millier de lettres testant convaincu et fidèle entre 1857 et 1880 dont la Commerçant prospère lecture a permis la rédaction de Notre Dame grâce essentiellement L’affaire prospère très rapidement, important des cet ouvrage. Alfred de Luze a aux dons des fidèles. Des écoles de bois merrains, des toiles de voiles, des conserves et le souci de « bien marier » ses garçons et de filles sont ouvertes exportant des vins en Europe du Nord et en Russie. fils, l’un avec Sophie Marchand, pour les garçons et filles méritants Mais en 1836 à la suite d’une erreur de vinification fille d’un négociant en tissus dans les locaux des temples; elles d’Émile Dumas, le stock est détruit et l’affaire liqui- Alphonse Marchand, maire de sont financées par les dons des fidè- dée –à charge pour chacun des associés de rembour- Montendre, les trois autres avec les qui permettent aussi d’assurer ser 50% des dettes. Cela n’empêche pas Alfred de Luze de fonder dès 1842 une nouvelle maison « A. de Luze » en faisant à nouveau appel à sa famille et ses amis pour récolter des fonds. Très travailleur –il dit avoir travaillé comme un forçat pour rembourser ses emprunts–, il réussit à nouveau et devient un notable bordelais. Il avait épousé en 1827 Georgina Johnston, issue d’une famille de négociants britan- niques installés à Bordeaux en 1739 ; celle-ci meurt brutalement en 1845 laissant Alfred seul avec cinq fils dont le dernier n’a que quelques mois. Père de famille Alfred de Luze devient donc responsable de l’éduca- tion d’une famille à laquelle il porte une grande at- tention. Il initie ses fils au commerce en les envoyant 6 Pavillon Bosc
Spiritualité le repas de midi et des vêtements. Des salles d’asiles et donne généreusement aux sont également fondées permettant aux mères d’y ventes de charité que ses belles laisser leurs jeunes enfants et d’aller travailler. Le filles organisent dans les salons de Diaconat a repris dès 1805 son assistance aux dému- la grande maison, le château de nis pour lesquels il Rivière, qu’il a fait bâtir assure le paiement Alfred de Luze patronne la par l’architecte Gus- des loyers, le bois de Maison de Santé Protestante tave Alaux. Il se rend chauffage, la nour- au culte régulièrement riture et les vête- (M.S.P.) dès son ouverture et et déplore la baisse de ments, sous réserve donne généreusement aux fréquentation de ce que les bénéficiai- dernier qu’il impute res envoient leurs ventes de charité que ses aux prises de position Séverine Pacteau de Luze enfants à l’école belles-filles organisent théologiques, trop et viennent avec libérales à son goût, sur le pavé des Chartrons comme eux au culte le dimanche. Depuis 1829, une Société des pasteurs ou à leurs opinions le feront en 1863 les luthériens qui de bienfaisance des dames a été créée à l’initiative politiques républicaines. ouvrent une chapelle allemande du pasteur Antoine Vermeil, futur fondateur des -scandinave rue Tourat pour Diaconesses, qui mobilise pour les mêmes tâches les Incarnation de la diversité laquelle il refusera bonnes volontés féminines. Ces deux organismes protestante tout financement. Ainsi la corres- sont intégralement financés par les dons des fidèles. En bon protestant, il médite tous pondance d’Alfred de Luze révèle Enfin deux œuvres majeures sont fondées : en 1847, les matins les « Saintes Écritures» la vie mouvementée, les réussi- l’Asile des vieillards destiné à accueillir gratuitement et veille à l’éducation religieuse tes et les échecs d’un protestant les infirmes et les personnes âgées démunies ouvre de ses enfants et petits-enfants, convaincu. Elle montre bien l’im- ses portes. Les familles Guestier et Johnston offrent à la confirmation desquels il se portance du travail acharné d’un une maison et du mobilier : elle compte une ving- rend toujours. Ainsi au XIXe siècle, entrepreneur et le soutien majeur taine de pensionnaires hébergés gratuitement qui un luthérien (Alfred de Luze a été constitué par le réseau interna- participent à la mesure de leurs forces à l’entretien baptisé à la cathédrale de Franc- tional des relations familiales et de la maison et ont pour obligation d’assister au fort), éduqué dans le calvinisme commerciales. culte chaque semaine. en Suisse par son père et époux La mondialisation déjà ! de Georgina Johnston, une Mécène de la M.S.P anglicane, accepte la diversité du Séverine Pacteau de Luze, En 1863, une Maison de santé (M.S.P.) est ouverte protestantisme. Il est d’ailleurs Auteur de « Alfred de Luze, un rue Cassignol, dirigée à partir de 1865 par Mme très mécontent lorsqu’en 1843, négociant en vins à Bordeaux Anaïs Momméja, veuve de pasteur, elle offre des les anglicans ouvrent une chapelle (1797-1880) ». soins gratuits et si besoin une hospitalisation aux malades et aux vieillards démunis. Mme Momméja multiplie les initiatives en offrant des soins d’infirmières à domicile en ville, et la création d’un cours gratuit de premiers soins pour femmes et jeunes filles. Ce cours est dirigé par Mme Gross-Droz, une ancienne élève. La M.S.P. abrite en 1870-1871 un service de vaccination et elle acquiert une maison à Arcachon pour soigner les enfants tuberculeux. Alfred de Luze patronne cette œuvre dès son ouverture N° 321 mai 2017 7 l’École Florence Nightingale, dans le parc de Bagatelle
Méditation Printemps de la vie ! Au cœur du mois d’avril, la fête de la Pâ- que. Les Juifs revivent la sortie d’Égypte, le passage de la Mer, la vie dans le désert. Nous sommes nourris de cette histoire. Elle est couronnée par l’enseignement de Jésus, sa passion à Jérusalem, sa « sortie » de la mort. Ce jour de Pâques termine les Évangiles, et devient pour le groupe des apôtres, et par la suite pour les églises issues de leur témoignage, l’entrée dans une nouvelle ère. L’ange ouvre aux femmes un nouveau chemin Deux femmes… L’ mort et son départ. Le « manque suscitée par l’extraordinaire de ce évangéliste Matthieu (ch. 28, 1 à 15) ne parle à voir », ici, ouvre le chemin d’une qu’elles viennent de voir et ne pas que de Marie de Magdala et de l’autre Marie course au témoignage. D’une part, voir, des paroles entendues et de (mère de Jacques et Joseph, ch. 27,56). l’ange invite les deux Marie à aller la mission reçue. Mélangée à une Il met l’accent sur le fait qu’elles viennent voir le voir ailleurs. Car elles verront. Sur grande joie, car elles viennent sépulcre, le lieu où Jésus a été enseveli. C’est un ren- le chemin d’un retour enfiévré par d’apprendre que leur ami est dez-vous avec le silence, les larmes, les souvenirs ; cette expérience, elles voient celui vivant, que la vie ne s’arrête pas comme dans n’importe quel cimetière ; c’est tout. qu’elles n’espéraient plus voir. au tombeau, qu’il est possible de Le rédacteur de l’évangile fait alors de ces deux Ma- D’autre part, l’ange donne une le voir à nouveau. Ce sera autre- rie des spectatrices d’événements qui transforment parole qu’elles doivent partager ment et partiellement, puisqu’el- complètement la situation. Il va bouleverser leur avec les disciples. « Jésus est les se prosterneront devant lui. désespoir et déstabiliser les habitudes ancestrales. réveillé des morts et il vous précède La terre tremble, elles voient un éclair qui déplace la Marc Labarthe, en Galilée » ; pour le voir à nouveau, pierre tombale puis s’immobilise dessus, elles voient pasteur à Bordeaux. il faut se rendre là-bas. Leur mise les gardes s’écrouler comme morts. Spectaculaire en route n’est pas sans la crainte entrée en matière. Une voix surgit de cette masse lumineuse – elle ne leur veut pas de mal, c’est déjà ça ! et ce messager leur annonce que Jésus le crucifié Demeure parmi nous, Jésus n’est pas ici. Il les invite à le constater par elles-mêmes en regardant l’endroit où Jésus gisait : « Notre chemin de terre ne saurait disparaître il est vide. Il n’y a plus trace du cadavre. Elles Ô mon Dieu ! venaient voir ; et ce qu’elles voient n’est pas ce Tu l’as marché, tu l’as peiné, qu’elles s’attendaient à voir, car elles voient derrière Tu l’as ouvert jusqu’aux cieux. la pierre, au-delà… qu’il n’y a plus rien à voir ! Marche avec nous, Jésus, nous voulons voir Dieu ! Notre vie qui passe ne saurait s’effacer, …et leur ami Ô mon Dieu ! Nos « tombeaux » enferment nos espérances mises Tu l’as prise, tu l’as portée jusqu’à la mort, à mal par la vie, par nos échecs ou nos espoirs Tu l’as rétablie à jamais, déçus. Ils contiennent aussi nos caricatures d’autrui Un matin de Pâques. et autres bêtes noires. Nos cimetières sont divers ! Demeure parmi nous, Jésus, Mais nous les fréquentons, parce que la douleur est Nous voulons vivre avec Dieu. vive, parce qu’il est difficile d’accepter de changer Notre solitude d’hommes ne saurait nous suffire de regard, d’accueillir autrui dans sa différence. Ô mon Dieu ! Mais l’ange en a vu d’autres ! Et il n’en reste pas Tu l’as connue, tu l’as percée, au constat visuel. Il explique le vide par le réveil du Tu l’as comblé quand tu viens. Prends notre main, Jésus, Nous voulons être de Dieu 8 Jacques Julien et Claude Peurron. N° 321 mai 2017
Ciné Miroir Spiritualité La dernière marche Séquence nostalgie ? Pas du La grâce tout, mais besoin de remet- La grâce fait son irruption, à partir tre en lumière un film qui d’une phrase risquée par la reli- pour ancien qu’il soit (1995) gieuse : « Matthews Poncelet, tu n’en demeure pas moins une es fils de Dieu ! » Et c’est le départ d’un processus de conversion, référence. Au moins en ce de retour sur soi, de rédemption. qui concerne l’essentiel des Jusqu’à ce discours dernier, sur choses : la grâce qui change la table d’injection létale (on est tout, même la mort ! Ce qui en Louisiane) où il va demander ne saurait nous laisser indif- pardon aux parents des victimes en disant : « … je voudrais que ma férents, nous protestants. mort vous apporte un peu de paix ». Certes, le propos est un peu cari- Q uelques mots sur l’histoire. catural, le film condensant vingt ans d’expérience d’aumônier de Matthews Poncelet est de- prison. Et il ne suffit pas d’une venu un salaud. Un salaud phrase-déclic pour que change la ordinaire, un de ces petits blancs vie. Et on discutera la perspective (aujourd’hui électeurs de Trump) qui catholique : « la rédemption, ça se a mal tourné : un bon p’tit gars aux les identifications usuelles : et si c’était moi, le mérite... » Mais c’est aussi l’intérêt fréquentations douteuses, un père coupable. Qui viendrait à mon secours ? Renver- du film de faire réfléchir sur des ouvrier qui partage son temps à éga- sement de la question : non plus qui est mon pro- questions centrales. lité entre bistrot et la ferme où il est chain, mais de qui suis-je le prochain ? Retourne- ouvrier agricole, une mère débor- Une promesse ment évangélique, s’il en est ! (Cf. la parabole du dée, toute dévouée à sa nombreuse Néanmoins, tant par l’intensité bon samaritain). Les silhouettes des victimes, vues progéniture... Un soir où il est saoul dramatique que par le jeu extra- d’avion, bras en croix, se superposent à celle du et drogué, il se laisse entraîner par ordinaire de Susan Sarandon et condamné, bras écarté sur la table d’injection... un comparse dans une histoire terri- Sean Penn, voici un film qu’il se- Se dessine une autre silhouette, un certain Christ, fiante et révoltante. Ils vont violer et rait bon de (re)voir ensemble, en en croix, visage de Dieu se laissant atteindre par tuer un couple de jeunes amoureux. Église (pour grands ados et adul- l’extrême malheur, prenant le mal sur lui... Pour Condamné à mort. Sœur Hélène va tes). Voici un film qui nous redit que même à l’instant de notre mort, résonne une accepter de l’accompagner dans ce que la grâce peut à tout instant, promesse d’un possible... encore possible. Ça s’ap- couloir qui mène à la salle d’exécu- même quand il n’y a plus rien à pelle Pâques, non ? tion. Quelques jours où plus rien de attendre, entrer dans une histoire Didier Fiévet. pasteur à TO7, Toulouse. neuf ne semble pouvoir arriver : mort et la transformer. Voici un film qui programmée, mort déjà-là. Et pour- peut faire réfléchir sur le minis- La Dernière Marche tant, l’impossible va survenir. tère d’aumônerie de prison. Voici Date de sortie : 27 mars 1996 (France) un film qui nous invite à inverser Réalisateur : Tim Robbins Scénario : Tim Robbins Distinctions et récompenses : Oscar de la meilleure actrice. Sélections : Oscar du meilleur acteur. Résumé : La Dernière Marche est un film américain réalisé par Tim Robbins, sorti en 1995, d’après le livre du même titre de Sœur Helen Préjean, religieuse amé- ricaine de l’Institut des sœurs de saint Joseph qui a exercé le ministère d’aumônier de prison pendant des années... L’histoire d’une rédemption. N° 321 mai 2017 9
Babel, le tour de la différence Un texte à lire (Genèse 11.1-9) « Toute la terre avait une seule langue et les mê- mes mots. » Méditation C’est comme ça que commence l’histoire de la Tour Qu’est-ce que ce serait simple si nous de Babel dans le livre de la Genèse. C’est une idée qui étions toujours tous d’accord : a l’air géniale comme ça, mais… pas de disputes avec les copains, pas de Un jour les hommes qui vivaient tous au même en- brouilles avec les parents ou les professeurs… droit décidèrent de bâtir une ville et une tour dont le Ce serait génial, non ? sommet toucherait le ciel ! Alors, ils commencèrent Mais en fait, personne ne penserait plus rien, à faire des briques. Ce texte a été écrit en hébreu. plus personne ne réfléchirait, on serait comme Le texte hébreu joue sur les mots, et on peut dans un moule… tous pareils ! imaginer que ce sont les hommes eux-mêmes qui Est-ce qu’il t’arrive de ne pas être d’accord deviennent des briques : tous bien carrés, tous avec tes copains ou tes parents ? bien alignés, tous semblables ! Est-ce qu’il t’arrive même de ne Alors Dieu décide de disperser les hommes sur pas comprendre ce qu’ils veulent dire ? toute la surface de la terre et de mélanger les Comment faites-vous pour langues… vous comprendre de nouveau et pour décider quand vous avez des avis différents ? Prière Merci Seigneur, Merci parce que tu nous aimes comme un père qui aime chacun de ses enfants tel qu’il est. Nous avons du prix à tes yeux. Et c’est une belle chose pour moi, Parce que je sais que je suis précieux pour toi, Avec ce que je suis, Avec ce que je pense, Avec ce que je dis. Merci, parce qu’à tes yeux, Je peux être tel que je suis. Amen 10 La tour de Babel de Marta Minujín N° 321 mai 2017
Enfants de la Bible Jeu La tour infernale Matériel : le plus grand nombre pos- sible de petits objets que vous pour- rez rassembler et qui ne risquent pas de casser. À tour de rôle, chacun de vous pose un objet en l’empilant sur les objets déjà posés. Tous en- semble, essayez de bâtir la tour la plus haute possible. Gérald Machabert, mensuel Réveil Bricolage Une tour de Babel pour ranger les petits trucs qui traînent Matériel : des feuilles de papier de différentes cou- leurs et de différents formats – 1) Découpe une feuille en carré. – 2) Plie la feuille selon les médianes en rapprochant chaque bord vers le bord en face. – 3) Ramène les quatre pointes vers le centre. – 4) Plie en rapprochant chacun des quatre bords sur les lignes médianes. Avec une feuille un tout petit peu plus petite tu pourras – 5) Déplie tout en ne gardant que deux pointes faire un autre couvercle qui pourra s’emboîter dans la rassemblées au centre. première et ainsi, tu auras une boîte pour ranger tous – 6) Ramène les deux bords le long de la médiane. les petits trucs qui traînent dans ta chambre ou sur ton – 7) Écarte les deux bords à la verticale (comme bureau (trombones, punaises, gomme…). les bords d’une boîte) et rabats les deux pointes Fais plusieurs boîtes et empile-les, tu auras ainsi une tour restantes jusqu’au fond de la boîte. de Babel pour ranger ton bazar ! 11 N° 321 mai 2017
Spiritualité Une nuée de réformateurs Menno Simons (1496-1561) Le 16e siècle ne donna pas naissance à un mouvement réformateur mais à des social. Il va bientôt s’interroger sur mouvements. Entre eux, il y a eu de le baptême des nombreuses disputes. Les anabaptis- enfants, chercher tes subirent même les moqueries et la en vain des sources persécution des luthériens. Or, scripturaires et se tous n’étaient pas violents et rapprocher de grou- pes qui baptisent les persécuteurs. Parmi eux, il y adultes – les rebap- avait des pacifistes comme tisent. De là vient Menno Simons. leur nom «d’ana- 2000 baptistes» (ana = 1900 1800 J ean Calvin n’aimait pas les anabaptistes. Il rédigea même en 1544 une «Brève Instruction pour armer tous bons fidèles contre les erreurs de la secte commune des à nouveau). Mais c’est à l’occasion du massacre en avril 1535 d’anabaptistes 1700 proches de ceux de anabaptistes». Zwingli l’avait déjà fait Münster, que Menno 1600 en 1527. Nos réformateurs officiels Simons s’oppose au n’aimaient pas trop les «anabaptis- projet d’établir le 1500 tes». Ils les bannissaient des villes Royaume de Dieu par qu’ils contrôlaient. Ils organisèrent l’épée et développe 1400 même des «chasses aux anabaptistes» une pensée résolu- (Berne) et en condamnèrent certains ment non-violente 1300 à mort. Calvin avait sans doute gardé et à distance des États. En 1536, sation propre, distincte de l’État, en mémoire la «guerre des paysans» il abandonne son ministère de avec des croyants volontaires, qui 1200 (1524-1524) et, plus proche, l’épisode de prêtre, se fait baptiser et devient pratiquent entre eux l’admones- Münster (1534-1535) au cours duquel un un des leaders et organisateurs tation fraternelle, et qui refusent 1100 groupe anabaptiste avait voulu impo- de la mouvance non-violente le serment aux autorités. Et enfin ser par la violence l’établissement du anabaptiste aux Pays-Bas. La re- l’opposition à l’intervention de 1000 Royaume de Dieu, et avait dérapé dans connaissance de son rôle fera que l’État, à l’utilisation de la force en le désordre et le meurtre. Mais d’autres les fidèles seront désignés comme matière de foi, dans un contexte anabaptistes étaient pacifiques, non-vio- «mennonites». Il vivra poursuivi où les Princes ou les Villes dé- lents, et cependant Calvin les a poursui- par les réformés, les luthériens et cidaient de la religion de leurs vis de sa vindicte. Menno Simons fait les catholiques et mourra en 1561 habitants. En France des commu- partie de ceux-là. dans le Schleswig-Holstein. nautés mennonites existent en Alsace, au pays de Montbéliard, Non-violence Baptême d’adulte mais aussi en région parisienne, Né en Frise (Pays-Bas), formé dans un « Si l’on est justifié par la foi, si où les groupes mennonites ont monastère, il était devenu prêtre, puis la foi est suscitée par l’annonce été à l’origine de nombreux éta- 500 s’était penché plus précisément sur les de l’Évangile, si la foi appelle à la blissements pour personnes en Écritures bibliques, avait commencé à conversion et au repentir, com- situation de handicap. Les Églises discuter les dogmes – notamment celui ment peut-on baptiser des enfants mennonites ne sont pas encore de la présence réelle – et se considérait qui n’ont pas encore la foi ? » La entrées dans la Fédération Protes- bientôt comme un «prêcheur évangé- grâce sauve mais elle transforme tante de France mais leurs œuvres lique» (1526-1531) tout en étant curé aussi. Elle appelle le croyant à font partie de la Fédération de de Witmarsum. Une évolution que collaborer et pas seulement à l’Entraide Protestante. connaissent d’autres ecclésiastiques attendre le décret de la prédesti- Olivier Brès, humanistes dans ces temps d’inquié- nation. L’amour à la suite de Jé- ÉPUdf, Bordeaux. tude spirituelle et de bouleversement sus-Christ, un amour des ennemis, 0 (J.C.) peut se pratiquer au risque de sa vie. L’Église se donne une organi- 12 N° 321 mai 2017
Dossier Un management centré sur l’humain Presse régionale protestante Plus que le salaire ! A lors que, tout en prenant mon café ma- n’est plus l’essentiel ! L’importance accordée tinal, j’écoutais une radio sur laquelle au management signifie qu’une attention gran- l’auditeur est « bien », selon le slogan de dissante est portée à la relation, à la création cette fréquence, l’animateur évoqua la grande de lien, au respect de la dignité de chaque per- enquête annuelle d’un des syndicats de l’éduca- sonne. À l’individu en tant que tel. En somme, tion, l’UNSA. Pas moins de 31000 personnes y c’est une manière d’affirmer le message de ont participé. Cette enquête fait apparaître un Luther en 1517 : l’homme ne dépend pas de son élément surprenant. Le trio des revendications travail, et du salaire qui le récompense mais des enseignantes est : la création de poste, médaille relations qui lui sont données de vivre. Et en de bronze, le changement des pratiques péda- premier, celle avec Dieu ! Cela confirme la per- gogiques, médaille d’argent et, loin devant ces tinence du message porté par la Réforme. Cela deux priorités, le souhait d’une modification confirme aussi l’importance qu’il y a à se pencher profonde du management de l’éducation natio- sur les méthodes de management actuelles. Cer- nale, médaille d’or. Un certain nombre de per- taines sont à dénoncer, d’autres à promouvoir. sonnes interrogées se disent prêtes à partir si Le dossier de ce mois est consacré à ce thème et rien ne bouge… essaye de mettre en avant des personnes qui, au sein de l’Église ou en-dehors (mais souvent Révélateur en rapport avec l’Évangile) imaginent un autre Cette enquête me semble révélatrice d’un chan- management possible, plus respectueux de l’hu- gement sociétal profond, à travers notamment main. Bonne lecture. tous les systèmes de partage et de collaboration Christophe Jacon. (la Share Economy comme on dit) : le salaire 13 N° 321 mai 2017
Dossier Mettre l’humain au cœur du management Aujourd’hui, dans la majorité des en- treprises, les managers se trouvent vendons un produit dont ils ont confrontés à un paradoxe difficile à vivre. besoin, ou bien seulement parce Il leur est demandé d’atteindre un double Aimer l’autre tel qu’il est qu’ils nous rapportent beaucoup d’argent ? Les deux ne sont pas objectif : augmenter la rentabilité avec Cette situation du temps présent interpelle le leadership sur la place incompatibles, mais la perfor- moins de moyens mis à leur disposition mance économique et la rentabi- de l’amour dans les relations avec et transmettre du sens aux équipes de lité sont une conséquence de la les parties prenantes de l’entre- terrain pour qu’elles soient motivées et prise : comment devenir une en- manière dont nous développons efficaces. Comment conjuguer ces deux treprise aimée par ses clients, ses des relations d’amour gagnan- objectifs dans un management soucieux collaborateurs, ses fournisseurs tes-gagnantes avec nos clients et de l’humain ? voire ses actionnaires ? L’amour collaborateurs. Les aimons-nous devient ainsi un nouveau champ pour le travail et la compétence émotionnel à explorer et à dé- qu’ils fournissent ou bien seu- L lement parce qu’ils remplissent es managers doivent aujourd’hui conju- velopper comme l’un des leviers essentiels du leadership. Mais il ne leurs objectifs pour que nous guer deux compétences particulières. s’agit pas de n’importe quel degré soyons rentables ? Celle de manager, en « gérant » les coûts, les projets, les productions et les ser- de l’amour. Nous parlons ici de ce Placer l’amour au cœur de vices ; et celle de leadership, en développant que les Grecs appelaient la philia l’entreprise leur influence (l’amitié) : ce pour « conduire » Les managers doivent être terme renvoie L’amour interpelle donc sur le cœur de la relation humaine et de les équipes afin de performants, efficaces et au respect des sa finalité. J’ai personnellement les faire adhérer rentables. Ce qui laisse peu de différences au respect de et vécu plusieurs situations concrè- aux objectifs à atteindre. Il place à la relation humaine. la dignité de tes où j’ai pu voir que cet amour la personne surgissait dans les relations en faut ajouter à humaine. Pour être aimé en entreprise. L’une des clés essen- ces éléments de contexte une considérable tielles consiste, tout d’abord, en la accélération du rythme de vie due à la rapidité retour, il faut d’abord pouvoir manière dont « le » ou « la » leader des moyens de communication utilisés et une aimer l’autre non pas tel que nous voudrions qu’il soit mais tel qu’il croit que cette forme d’amour énorme pression des marchés sur lesquelles est vraiment. Ainsi, aimons-nous est possible à exercer de manière la concurrence s’accroît de jour en jour. Les nos clients parce que nous leur pratique dans les relations entre managers doivent ainsi être performants, efficaces et rentables. Cette logique très rationnelle laisse donc naturellement peu de place à la relation humaine. La majeure partie des managers de de terrain sait cependant qu’il est impossible d’atteindre des objectifs chiffrés sans motiver leurs équipes et sans les faire adhérer à un projet qui fasse sens pour elles. De plus, les clients sont devenus volatiles et dénoncent publiquement, via les réseaux sociaux, les mauvaises pratiques ou les produits et services défi- cients des entreprises. Les écoles de management n’apprennent pas à mettre l’humain au centre 14 N° 321 mai 2017
Un management centré sur l’humain Dossier Presse régionale protestante …et aller bien au-delà ! Trouver Le christianisme, quant à lui, est l’équilibre… allé encore plus loin dans sa nomi- nation de l’amour. Il en a fait le de- Nous nous trouvons gré ultime en tant qu’agapé, c’est- aujourd’hui dans une à-dire l’amour qui n’attend rien situation où les clients et en retour de l’autre. Il s’agit d’une les collaborateurs sont élévation spirituelle qui s’enracine en attente de trans- dans la foi et la grâce reçues de parence et de vérité. Dieu. Il peut donc surgir et être Jusque-là les relations donné dans l’entreprise par un Portrait de Reinhard relevaient de l’utilité Wolf (Manager de nécessaire à l’échange Autre. Mais il ne dépend pas de Raiffasen Zentralbank) des biens et des services. nous. Il nous appelle cependant à développer des modèles de Nous n’en sommes plus leadership qui s’enracinent dans les parties prenantes. Cela tient, ensuite, dans la là. Le contexte actuel requiert une manière dont il, ou elle, a la capacité à faire adhérer la profondeur d’un humanisme forme de relation plus élevée : les fraternel qui reconnait en chacun son équipe à la démarche. Et il ne faut pas croire que clients veulent de la simplicité, de cent pour cent des membres d’un conseil d’adminis- la rapidité et du service. Ils deman- de nous et, en chacune des par- tration ou d’un comité de direction adhèrent naturel- dent à être respectés comme il se ties prenantes impactées par nos lement à cette dynamique. Mais, dans ce cas précis, décisions et nos actions, sa part doit. Car n’oublions pas qu’une d’humanité. C’est ce que j’appelle le leader doit fermement entreprise affirmer qu’il ne peut pas y L’amour de Dieu nous ap- sans clients le leadership de l’amour. avoir un modèle alternatif. pelle à développer des mo- ne fournit ni Emmanuel Toniutti Très souvent, l’identification dèles de leadership qui s’en- salaires, ni et la définition des valeurs de Président fondateur de Internatio- dividendes. l’entreprise aident à soutenir racinent dans la profondeur Le client doit nal Ethics Consulting Group cette démarche par l’amour. d’un humanisme fraternel. www.iecg.eu.com être le cœur Car les valeurs sont le reflet de de la préoccu- l’expression du respect que l’entreprise souhaite dé- pation de l’entreprise. Le monde velopper avec l’ensemble des partenaires qui contri- d’aujourd’hui nous demande buent à sa pérennité. Mais parler d’amour engendre donc de revisiter nos modèles de comme un choc émotionnel au sein des équipes car leadership pour rendre à l’être hu- ce n’est pas un vocabulaire habituel utilisé dans le main sa dignité. Derrière un client, contexte de l’entreprise. Cette forme d’amour n’est il y a un être humain. Derrière par ailleurs enseignée dans aucune école de com- un collaborateur, un fournisseur merce, de management ou d’ingénieur. Car l’amour et un actionnaire, il y a des êtres fait peur ; il convoque l’être humain devant l’essence humains. C’est une simple vérité même de ce qui fonde la relation à soi et à l’autre. que l’entreprise a eu tendance Pourtant, il ne fait aucun doute pour moi, de par mes à oublier ces trente dernières convictions et mon expérience de l’entraînement années pour rémunérer toujours des équipes dirigeantes et des managers à la mise en plus les actionnaires au détriment œuvre concrète de cette démarche, que l’amour est de cette notion de respect et de l’une des clés essentielles du leadership du vingt- service des autres parties prenan- et-unième siècle. Il répond au besoin fondamental tes. Or l’entreprise est pérenne de l’être humain à se sentir reconnu et contribue à parce qu’elle réussit à trouver un apaiser son angoisse de la vie, particulièrement dans juste équilibre entre le respect de un monde où les relations sont plus que jamais la clé l’être humain et sa performance Emmanuel Toniutti des réseaux et des affaires. économique dans le temps. 15 N° 321 mai 2017
Dossier Couper les ailes au zèle Une fois par an, les salariés se rendent à la médecine du travail. Elle est chargée collègues. Refusant d’accomplir cela, les lieux de délibération de discerner, de prévenir et de stopper les des actes contraires à leur idée collective, véritables lieux d’ap- maladies des travailleurs. Elle traite les du métier, les travailleurs font prentissage et de développement symptômes mais nullement les causes. la grève du zèle ou se perdent à de la confiance mutuelle, sont « corps perdu » dans le travail, nécessaires. Ils peuvent connaître Une des plus importantes est le manage- pour ne pas faire face à cette tra- deux formes : réunion de travail ment. Depuis presque 30 ans, Christophe hison d’eux-mêmes qu’ils accom- ou de convivialité ; ces dernières, Dejours réfléchit à de nouvelles appro- plissent. C’est véritablement à même improductives, ne sont pas ches. « corps perdu » puisque ce travail inutiles ! Elles sont essentielles à P our lui, tout travailleur fait face à provoque troubles musculo-sque- la coopération. Le manager est des injonctions. Elles représentent lettiques, dopage, dépression, appelé également à traduire les le prescrit. Mais elles sont insuffisan- burn-out, karôshi (mort par excès ordres de la direction. Il lui faut tes. Très souvent le salarié est confronté à de travail) et même suicides. dire ce que cela implique pour des imprévus, des incidents, des « bugs » ses subordonnés. Cela le conduit De nouvelles approches nécessairement à prendre une qui nécessitent son intelligence pratique. Les psychocliniciens du travail ont certaine distance vis-à-vis de la Sans elle, sans ce zèle que met l’ouvrier élaboré leurs théories à partir de direction. Il est la voix de ses pour accomplir sa tâche, aucune entreprise cas pratique. De leurs interven- subordonnés auprès de celle-ci. productive ne pourrait tourner. Ce zèle tions, ils ont tiré plusieurs prin- Il peut lui faire remonter ce qu’il est individuel et collectif puisque résultant cipes. Le manager doit changer. sait du travail réel et défendre les d’une transmission d’un savoir-faire ou de D’abord, il doit être compétent, décisions fondées sur la délibé- l’élaboration collective d’une équipe. Ce connaître le travail réel pour aider ration collective. Il montre ainsi zèle implique donc collaboration, coopéra- ses subordonnés et pour qu’ils aux salariés que leur parole a du tion et solidarité. lui reconnaissent une autorité sens et un impact positif pour La gestion légitime. Ensuite, il doit écouter l’entreprise. Enfin, le manager doit Or les politiques de management gestion- les membres de son équipe, indi- participer à l’écriture des principes naires ont mis à mal ce zèle du travailleur. viduellement et collectivement. de l’entreprise, pour les revisiter En introduisant à tous les niveaux la Écouter et en prendre compte ou les renforcer. Ce travail est es- performance et la rentabilité, l’analyse dans son arbitrage. Puis il doit sentiel car il « il n’y a pas de sépara- comptable a suscité la concurrence entre veiller aux conditions favorables tion entre la conduite dans et hors travailleurs. Les fractures ont entraîné l’iso- de la coopération qui constitue, travail. Une entreprise renouvelle le lement dans la tâche et la méfiance entre au niveau collectif, le réel de la vivre-ensemble ou bien elle contri- coordination « prescrite ». Pour bue à le détruire ». La question du management n’est donc pas une question économi- que mais socié- tale ! Il est urgent d’en prendre conscience indi- viduellement et ecclésialement. Christophe Jacon. 16 N° 321 mai 2017 sous l’influence du managering gestionnaire, les entreprises ont cédé aux sirènes des open-space
Un management centré sur l’humain Dossier 19 Presse régionale protestante Les Églises à la pointe du management Soucieuse de la personne et de son épanouissement, les Églises sont bien placées pour mettre en place, dans les structures qu’elles dirigent, comme la Fondation John Bost ou un Foyer de l’Arche, des Piloter en étant au service managements pas seulement soucieux du profit. Bien au-delà de la gestion d’une équipe, le management au sein d’un Foyer de l’Arche qui accueille personnes avec han- dicap, salariés, bénévoles et volontaires a à voir avec le partage de la vie, toute la vie. Interview de Anne Beau-Reder, ma- nager du Foyer de l’Arche à Lyon. Parleriez-vous de « management » pour décrire le poste que vous occupez ? - Je n’ai pas de problème à utiliser le terme de « ma- nagement » – surtout vu mon parcours ! – quand on y entend « gérer », « animer », « piloter » … Mais dans le cercle des 140 foyers de l’Arche à travers le monde, on préfère utiliser la notion de « leadership de service ». Anne Beau-Reder Ce qui est tout à fait clair pour moi dans ce que je fais, c’est que ma mission est soumise au sens, au projet salariés, volontaires, bénévoles… quels j’ai travaillé jusqu’à présent de la communauté. D’ailleurs, mon poste est défini Dans ce sens, il est difficile d’être et qui sont là pour accompagner par la com- « à côté de la plaque » dans les dé- plutôt que pour contrôler. Les nouvelles générations munauté elle- cisions prises. En revanche, il m’a Tout est-il donc idyllique à l’Ar- fallu apprendre à réguler mon im- che ? attendent du travail un même, en patience : le rythme d’une commu- Presque, mais pas tout à fait… Je fonction d’un épanouissement personnel. projet réécrit nauté est très particulier, très lent. me dis que nous ne prenons pas tous les cinq Mon temps n’est donc pas leur assez soin de nos bénévoles ! Nous ans. Je suis donc évaluée au terme de ces cinq an- temps ou celui du conseil d’admi- sommes privilégiés, voire même nées, ainsi qu’à mi-mandat, pour vérifier que je suis nistration. Il me faut donc adapter gâtés ! Actuellement, il y a près de toujours la bonne personne pour servir ce projet. En mon rythme à celui de la com- 120 bénévoles qui viennent régu- tant que responsable de communauté, je vois aussi munauté pour que les décisions lièrement dans notre Foyer, c’est ma mission comme porteuse d’espérance : contre les soient comprises et acceptées. Par énorme ! Leur rôle est prépondé- situations de désespérance, d’agacement, de fatigue, ailleurs, être au service de la com- rant : ils replacent le service au de handicap… c’est particulièrement vrai dans les munauté, c’est aussi parfois pren- cœur de la vie de la communauté, temps de prière matinaux que nous partageons tous dre des décisions qui génèrent de ils mettent l’Arche dans la vie et les jours, et dans les temps de fête, nombreux, qui l’insatisfaction et donc assumer c’est extrêmement gratifiant pour émaillent la vie de la communauté. qu’elles ne soient pas populaires. les personnes accueillies, que des Dans vos responsabilités, vous est-il arrivé de vous Est-ce un poste solitaire que vous gens viennent ainsi partager du trouver en porte-à-faux ? occupez ? temps avec elles, pour rien, juste Les décisions se prennent sur un mode très participa- Tout au contraire ! J’accompagne pour le temps passé avec elles. Et tif par le biais de l’assemblée des permanents qui ras- des projets qui sont définis par pourtant, il y a beaucoup de turn- semble toutes les semaines des représentants de tous l’assemblée des permanents d’une over parmi ces bénévoles, et de les acteurs de la communauté : personnes accueillies, part. D’autre part, je suis particu- notre côté, on ne s’en occupe pas lièrement entourée par le conseil suffisamment, on ne les accompa- d’administration qui se conçoit gne pas autant qu’on le devrait. comme étant là pour donner les Gérald Machabert, moyens à la communauté de réali- journal Réveil. ser ces impulsions de fond. Je suis admirative des présidents avec les- è 17 N° 321 mai 2017
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