Entre staff ethique et groupe de parole

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                        Entre staff ethique et groupe de parole

Descriptif : Cet article montre l intérêt pour les cadres de mettre en place des groupes
de parole ou des staff ethiques selon les besoins. Il y a une externalité positive à la
création de ces groupes puisque cela régule la dynamique d équipe.

                                       Karin Galland

Un patient, une histoire un peu plus particulière, un peu plus familière : chaque soignant garde
un souvenir impérissable de situations de soins qui ont perturbé son affect voire sa relation
aux soins. Parfois la verbalisation, la discussion entre collègues surviennent comme une façon
de se rassurer et de réduire ses peurs ; souvent, l introspection, l introversion, le
renfermement ou le détachement, annonciateurs de troubles L incontournable réflexion sur
la portée de nos actes relève du domaine de l éthique.

Les enjeux de la communication et de l éthique

L émergence de l éthique et des groupes de réflexion éthique au sein des unités de soins
répond à un ensemble de causes sociologiques interdépendantes qu il convient d identifier
afin de comprendre les enjeux du développement d une telle démarche. D une part,
l évolution du contexte de soins et le processus de progrès technique complexifient la prise en
charge des patients et placent les soignants face à des choix professionnels difficiles. Il leur
faut faire front à la fois à une nouvelle conception des soins prônant autonomisation et
responsabilisation mais aussi aux risques d instrumentalisation de l Etre Humain, eu égard
aux possibilités quasiment illimitées des progrès scientifiques. D autre part, la progression de
la spécificité des infirmiers vers la professionnalisation amène la réflexion dans le champ des
compétences infirmières et s oppose au mode traditionnel de division du travail
décision/exécution(médecin/infirmier). Les infirmiers souhaitent participer à la décision
médicale qu ils sont chargés de mettre en uvre, en particulier lorsque cette décision soulève
des problèmes éthiques. Les médecins conservent la responsabilité légale de la décision
thérapeutique mais ne semblent pas moins préservés des conflits de conscience que soulèvent
certaines situations de soins. Le manque de communication observé entre eux, les isole
d avantage dans la solitude et semble affecter la qualité et l objectivité des décisions. Les
actes de soins perdent parfois leur sens et l organisation des soins toute entière devient
totalement incohérente et se transforme en un imbroglio qui place le patient en situation
d insécurité. C est pour répondre à cette quête de sens et rétablir une communication et une
cohésion entre les soignants que les groupes de réflexion éthiques sont nés. Cependant, si les
causes de l émergence de ces groupes demeurent facile à concevoir, en revanche, la
réalisation concrète de cette communication et de ce partage de décision reste complexe. Faut-
il se focaliser sur le patient lui-même ou privilégier le vécu psychologique des soignants ? Ou
bien encore harmoniser les deux objectifs ? Toutes les solutions semblent a priori possibles :
mais, à chaque objectif son outil de réalisation spécifique et son organisation propre.

Le staff éthique

C est une réunion d équipe pluridisciplinaire au cours de laquelle le cas d un patient (ou de
plusieurs) est évoqué. L histoire de sa maladie est brièvement retracée par un membre de
l équipe et le problème évoqué clairement. Chacun prend ensuite la parole pour s exprimer
sur la situation et confier à l équipe sa perception professionnelle des événements. L analyse

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de la situation peut ensuite s effectuer selon des repères juridiques, déontologiques ou
moraux. Les principales questions étant :
  Les Lois sont-elles respectées ?
  Peut-on concilier les valeurs morales du patient avec les contraintes médicales et
paramédicales ?
  Peut-on apporter une meilleure prise en charge du patient ? Plus adaptée et personnalisée ?
  A-t-on utilisé toutes les ressources possibles ?

Au terme de ce questionnement, l ensemble de l équipe décide de la démarche à adopter et
construit une stratégie d action concrète et précise au sein de laquelle chacun apporte ses
diverses compétences. Les objectifs d une telle réunion visent à :
  Tenter d adopter la démarche de soins la plus adaptée à la personne soignée dans la
situation qu elle vit à ce moment précis
  Réajuster les éventuelles dérives déontologiques, juridiques ou morales
  Permettre aux membres de l équipe d aborder les problèmes délicats en consensus et d agir
de concert
  Favoriser la communication interne de l équipe et renforcer la cohésion de travail pour
obtenir une cohérence professionnelle à l égard des patients.

Une telle démarche n est pas sans risques et elle suppose de la part de l animateur de la
réunion de demeurer vigilant sur l éventualité de certains écueils. Il faudra écarter les
problèmes techniques qui relèvent plus d une résolution de problème quotidienne et
d utilisation des ressources techniques de l équipe. Le sujet et le problème doivent être
recentrés fréquemment afin d éviter les dispersions et les conflits de personnes. Il faut
proscrire les jugements de valeurs, les préjugés et les démarches stéréotypées ou
systématisées. La réussite d une telle démarche repose sur le respect du secret médical et de la
parole de l Autre. La base du volontariat est une règle incontournable, les réunions d éthique
représentent la propension d une équipe à s engager dans une démarche d amélioration
continue de la qualité des soins.

Le groupe de parole

C est une réunion de soignants au cours de laquelle, chacun évoque son vécu psychologique,
ses difficultés, ses peurs quant à la relation au soin ou à la personne soignée. L animation doit
être conduite par un professionnel compétent dans le domaine de la psychologie car le
potentiel émotionnel de tels échanges peut troubler l équilibre psychoaffectif de l ensemble
d une équipe et doit être canalisée et décryptée par une personne experte. Le groupe de parole
est un espace de libération où une équipe s octroie le temps et le droit d exprimer ses
malaises. Les sujets sont souvent centrés sur un patient mais ce n est pas un lieu de décision,
ni de réflexion collégiale quant à la prise en charge des patients. C est une pause dans le
tumulte du travail durant laquelle, on vient déposer un certain nombre d émotions, se
décharger de poids qui ralentissent l efficience et la clairvoyance du soignant. Les échanges
sont centrés sur l écoute et la compréhension. Si, d aventure, une situation devient dangereuse
pour un individu ou pour un groupe d individus, les compétences du psychologue lui
permettent de guider vers une prise en charge spécifique. C est ainsi qu il peut désamorcer
des processus larvés de troubles psychiques incompatibles avec l exercice de la fonction
soignante. La majorité du temps, ces groupes sont un outil de communication interne. Les
problèmes éthiques y sont naturellement abordés mais sous un versant différent de celui des
staffs. La réflexion éthique est individuelle, elle renvoie chacun sur ses propres conceptions
de la morale, sur son histoire personnelle et sur la manière dont il conçoit sa fonction de

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soignant. Cette réflexion n aboutit pas à une stratégie d action, mais sur l édification d une
conscience professionnelle individuelle. En d autres termes, le soignant se pose la question de
savoir quel soignant il est et si cette image correspond à ses aspirations eu égard aux
contraintes de la profession.

Choisir les objectifs à atteindre : un travail d équipe.

  A chaque objectif, son outil de travail On comprend aisément que la frontière de
l expression verbale est relativement artificielle et que l on demeure dans le domaine des
Sciences Humaines qui sont par définition illimitées. La parole et la communication doivent
être canalisées et disciplinées par le choix précis des objectifs de travail d un groupe quel
qu il soit. On ne peut censurer la parole de l autre que par la justification du respect des règles
d organisation collégiales et offrir la possibilité de l expression dans un autre espace de temps
et de parole plus adapté. Dans le domaine de l éthique, la parole et le ressenti, les émotions se
mêlent à la réflexion professionnelle et il est parfois bien difficile de faire la différence entre
staff éthique et groupe de parole. La détermination claire et précise des objectifs de travail et
des buts poursuivis par l équipe demeurent les seules lumières qui peuvent guider vers
l efficacité et le bien-fondé d une telle démarche. On ne peut envisager de coupler les deux
formules en une seule, il faut aménager un temps pour réfléchir en équipe et un temps pour
s exprimer et livrer ses ressentis. Les deux démarches quoique similaires ne sont pas les
mêmes : en les intriquant, l équipe s expose aux risques de dérives ou d échec et de
découragement. Les objectifs des deux types de réunions, même si elles aboutissent toutes les
deux à l amélioration de la qualité de la prise en charge, sont sensiblement différents dans la
manière d aborder les problèmes.

  A chaque équipe, ses choix de « vie » De plus, le choix de s engager dans un groupe de
parole ou un staff éthique (ou bien les deux) reste un choix propre à chaque équipe qui évalue
en fonction de ses besoins et des enjeux du moment. On peut parler de maturité d équipe :
chaque équipe possède son cheminement spécifique et reste maîtresse de ses choix de « vie ».
Les processus de réflexion d équipe sont évolutifs et doivent s adapter aux modifications de
l environnement et de l « écologie » interne des équipes. Ils s inscrivent dans une dynamique
de progrès réactive et proactive centrée sur le patient et sa satisfaction.

Conclusion

Le soin se décline en deux dimensions : l une technique et l autre relationnelle. La dimension
relationnelle implique la conscience du soignant et sa capacité à adapter ses actes aux besoins
du patient. Il lui faut sans cesse réfléchir à la portée de ses actes et cela le plonge dans un
questionnement permanent où l ensemble de ses valeurs individuelles et professionnelles se
côtoient. Seul ce questionnement lui garantit le respect des limites de son devoir et de
l altérité. Cependant, il n existe pas de réponse toute faite à ce questionnement : c est un
cheminement quotidien au cours duquel il faut réfléchir ses pratiques. Ainsi, il semble
important que cette démarche réflexive soit entreprise au sein de la collectivité soignante et
que des espaces de temps et de parole soient aménagés. Ces réunions doivent être organisées
et précises quant aux objectifs poursuivis. Ces objectifs sont négociés en consensus et doivent
apporter à l équipe la réflexion et les résultats escomptés. Quelque soit le choix de l équipe :
staff éthique ou groupe de parole, la démarche doit demeurer évolutive et personnalisée aux
besoins de l équipe et des patients qu elle prend en charge. La démarche peut également
revêtir bien des formes en matière d organisation ; cependant, il convient de souligner la
complexité de l animation et l importance de l encadrement de telles réunions. Bien des

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équipes ont une expérience en la matière et peuvent enrichir et éclairer les équipes débutantes.
Il faut aborder les problèmes éthiques en termes de communication, de réflexion et de
circulation de parole qui sont encore trop souvent défaillants. C est ainsi que les soignants
accéderont à une qualité de travail en harmonie avec leurs valeurs et en perpétuelle
amélioration.

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